Théorie d'Artin-Schreier

En mathématiques, la théorie d'Artin-Schreier donne une description des extensions galoisiennes de degré p d'un corps de caractéristique p. Elle traite un cas inaccessible à la théorie de Kummer.

Extension d'Artin-Schreier modifier

Soit K un corps de caractéristique p, et a un élément de ce corps. Le corps de décomposition du polynôme X p – X + a au-dessus de K, est appelé extension d'Artin-Schreier. Si b est une racine de ce polynôme, alors les b + i pour i allant de 0 à p – 1 sont les p racines du polynôme (cf. morphisme de Frobenius), et elles sont distinctes. Deux cas sont alors possibles.

  • Si l'une de ses racines appartient à K, toutes appartiennent à K et le polynôme est donc scindé sur K.
  • Sinon, si l'une des racines n'appartient pas à K, alors aucune des racines n'est dans K, dit autrement a n'est pas de la forme x – x p, xK. Le polynôme X p – X + a est alors irréductible sur K. Son corps de décomposition (et corps de rupture) K[b] est une extension cyclique de degré p de K, un générateur du groupe de Galois de l'extension étant donné par le morphisme défini par bb + 1.

Dans le second cas, le corps de décomposition de X p – X + a est K-engendré par b, les p racines b + i du polynôme étant dans K[b] et distinctes. Cette extension de K est alors séparable, donc de Galois. Il suffit de montrer que le polynôme est irréductible, et donc que K[b] est son corps de rupture, pour en déduire que le groupe de Galois est constitué des p morphismes alors définis par bb + i, i allant de 0 à p – 1.

Si un polynôme de K[X] de degré 0 < d < p divise X p – X + a, il est, dans K[b] produit de monômes (X - b - i), le coefficient de X d - 1, élément de K, est donc de la forme -db - j, avec j dans K (entier), d non nul dans K, ce qui n'est pas possible puisque b n'appartient pas à K. Le polynôme est bien irréductible[1].

Par exemple, le corps fini à deux éléments admet comme extension d'Artin-Schreier le corps fini à 4 éléments, engendrée par le polynôme X2X + 1 = X2 + X + 1.

Théorie d'Artin-Schreier modifier

La théorie d'Artin-Schreier consiste en une réciproque au fait ci-dessus : toute extension cyclique de degré p d'un corps de caractéristique p est une extension d'Artin-Schreier. Ceci se démontre en utilisant le théorème 90 de Hilbert dans sa version additive[1].

Les extensions de degré p non galoisiennes ne peuvent pas être décrites à l'aide de cette théorie. Par exemple, l'extension obtenue en ajoutant une racine p-ème de l'indéterminée T (c'est-à-dire une racine du polynôme en l'indéterminée X, Xp – T, qui est inséparable) dans le corps Fp(T) des fonctions à une variable au-dessus du corps premier à p éléments.

Une théorie analogue en caractéristique p à celle de la résolution par radicaux, doit donc autoriser des extensions d'Artin-Schreier. Pour obtenir des extensions d'ordre des puissances de la caractéristique, il convient utiliser la théorie des vecteurs de Witt.

Une remarque historique modifier

On trouve déjà des polynômes de type Artin-Schreier dans le chapitre sur les corps finis de la troisième édition du Cours d'algèbre supérieure de Joseph-Alfred Serret parue en 1866[2]. Serret démontre que si l'entier g n'est pas divisible par le nombre premier p alors le polynôme Xp – X – g est irréductible modulo p[3]. En termes modernes, pour tout g dans Fp*, Xp – X – g est irréductible, soit le résultat démontré ci-dessus pour n'importe quel corps de caractéristique p, particularisé à Fp.

Références modifier

  1. a et b Serge Lang, Algèbre [détail des éditions], § VI.6 de l'édition Springer, § VIII.6 de l'édition Addison-Wesley.
  2. (en) Gary L. Mullen et Daniel Panario, Handbook of Finite Fields, Boca Raton, CRC Press, coll. « Discrete Mathematics and its Applications », , 1068 p. (ISBN 978-1-4398-7378-6) p 9.
  3. Joseph-Alfred Serret, Cours d'algèbre supérieure, vol. 2, , 3e éd. (lire en ligne), SECTION III, chapitre 3, § 360 p 162.