En logique mathématique, le théorème de Löb, démontré par Martin Hugo Löb (1921-2006), est une variante du second théorème d'incomplétude de Gödel[1]. Il dit que pour toute théorie T satisfaisant les conditions de ce dernier — l'arithmétique de Peano par exemple — pour toute formule P, s'il est démontrable dans T que « si P est démontrable dans T alors P », alors P est démontrable dans T. En d'autres termes :

si , alors

où DemT(⌈P⌉) est une formule qui exprime que la formule P, de numéro de GödelP⌉, est démontrable dans T.

En résumé, l'hypothèse qu'un énoncé est démontrable dans une théorie donnée n'aide en rien à la démonstration de cet énoncé dans cette même théorie.

Les théories auxquelles s'applique le théorème de Löb sont les mêmes que celles auxquelles s'applique le second théorème d'incomplétude : des théories arithmétiques (ou capables de représenter l'arithmétique) et qui peuvent représenter les démonstrations et leur combinatoire, comme l'arithmétique de Peano, et a fortiori les théories des ensembles usuelles, mais aussi une théorie arithmétique faible comme l'arithmétique primitive récursive (en).

Histoire modifier

Martin Löb publie le théorème et sa démonstration en 1955 dans un article en réponse à la question posée en 1952 par Leon Henkin (en) du statut dans une certaine théorie T d'une formule (close) exprimant sa propre prouvabilité dans la même théorie T : est-elle démontrable ou non dans T ? Une telle formule existe, par le lemme de diagonalisation dont se sert Gödel dans sa démonstration du premier théorème d'incomplétude : Gödel l'utilise pour construire une formule équivalente à sa propre non-prouvabilité.

On peut reformuler la question de Henkin comme celle de la prouvabilité dans une théorie arithmétique T des énoncés A tels que[2]:

DemT(⌈A⌉) ↔ A,

Löb démontre qu'un tel énoncé est forcément prouvable dans T. Il s'avère qu'au passage Löb démontre un énoncé bien plus général, qui est le théorème aujourd'hui appelé théorème de Löb, et qui apparaît dans l'article de 1955. Cependant Löb attribue cet énoncé, et la remarque qu'il a de fait démontré celui-ci, à un relecteur anonyme de la soumission. Il s'avère que ce relecteur était Henkin. L'histoire est racontée par Smoryński[3],[4].

Théorème de Löb et théorème de Gödel modifier

Le second théorème d'incomplétude de Gödel est simplement le cas particulier du théorème de Löb obtenu en considérant la formule 0 = 1 (ou toute autre formule absurde). En effet DemT(⌈0 = 1⌉)→ 0 = 1 exprime bien que 0 = 1 n'est pas démontrable, c'est-à-dire la cohérence de la théorie T, et le théorème de Löb énonce alors que si celle-ci est démontrable, alors 0 = 1 est démontrable, c'est-à-dire que la théorie est contradictoire : c'est exactement le second théorème d'incomplétude de Gödel.

Réciproquement on déduit assez directement le théorème de Löb du second théorème d'incomplétude de Gödel grâce à un raisonnement par l'absurde. Il suffit de remarquer que la démontrabilité de A dans la théorie T équivaut à la non cohérence de la théorie T + ¬A, et que cette équivalence se démontre dans la théorie T (sous les hypothèses déjà nécessaires pour le théorème), c'est là où intervient le raisonnement par l'absurde. Ainsi :

DemT(⌈A⌉) ≡T DemT+ ¬A(⌈0=1⌉) .

Si DemT(⌈A⌉) → A est démontrable dans T, alors dans la théorie T+ ¬A, on démontre ¬ DemT+ ¬A(⌈0=1⌉), c'est-à-dire la cohérence de cette théorie. La théorie T+ ¬A est donc contradictoire par le second théorème d'incomplétude, et donc A est démontrable dans T.

Löb démontre directement son théorème à partir des conditions de démontrabilité de Hilbert-Bernays[5].

Le théorème de Löb en logique de la démontrabilité modifier

La logique de la démontrabilité s'abstrait des détails de l'encodage utilisé dans le théorème d'incomplétude de Gödel, exprimant la notion de démontrabilité de   dans un système donné dans le langage de la logique modale, par le biais d'une modalité  . La construction    se lit « la formule   est démontrable ».

Dans ce cadre, on peut formaliser le théorème de Löb par l'axiome suivant[réf. nécessaire], connu sous le nom d'axiome GL, pour Gödel-Löb :

 ,

On peut aussi formaliser le théorème de Löb sous la forme d'une règle d'inférence[réf. nécessaire] :

 

La logique GL de la démontrabilité, résultant de l'ajout de l'axiome GL à une logique modale K4, est le système de logique de démontrabilité le plus étudié[réf. nécessaire].

Référence modifier

(en) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « Löb's theorem » (voir la liste des auteurs).
  1. M. H. Löb, « Solution of a problem of Leon Henkin1 », The Journal of Symbolic Logic, vol. 20, no 2,‎ , p. 115–118 (ISSN 0022-4812 et 1943-5886, DOI 10.2307/2266895, lire en ligne, consulté le )
  2. À propos de l'adéquation de cette reformulation du problème de Henkin, voir Smoryński 2008, p. 113-116.
  3. (en) C. Smoryński, The Development of Self-Reference : Löb’s Theorem, Birkhäuser Boston, (DOI 10.1007/978-0-8176-4769-8_9, lire en ligne), p. 110–133
  4. Panu Raatikainen, The Stanford Encyclopedia of Philosophy, Metaphysics Research Lab, Stanford University, (lire en ligne)
  5. M. H. Löb, « Solution of a problem of Leon Henkin1 », The Journal of Symbolic Logic, vol. 20, no 2,‎ , p. 115–118 (ISSN 0022-4812 et 1943-5886, DOI 10.2307/2266895ISTEXISTEX, lire en ligne, consulté le ).

Voir aussi modifier

Articles connexes modifier

Liens externes modifier

Bibliographie modifier

(en) Peter G. Hinman, Fundamentals of Mathematical Logic, Wellesley, A K Peters, , 878 p. (ISBN 978-1-56881-262-5, LCCN 2005050968)