En mathématiques , et plus précisément en analyse , le théorème de Fubini fournit des informations sur le calcul d'intégrales définies sur des ensembles produits et permet le calcul de telles intégrales. Ce résultat a été introduit par Guido Fubini en 1907[ 1] . Il indique que sous certaines conditions, pour intégrer une fonction à plusieurs variables , on peut intégrer les variables les unes à la suite des autres. On peut changer l'ordre d'intégration si l'intégrale double de la valeur absolue de la fonction est finie :
∬
X
×
Y
f
(
x
,
y
)
d
(
x
,
y
)
=
∫
X
(
∫
Y
f
(
x
,
y
)
d
y
)
d
x
=
∫
Y
(
∫
X
f
(
x
,
y
)
d
x
)
d
y
si
∬
X
×
Y
|
f
(
x
,
y
)
|
d
(
x
,
y
)
<
+
∞
.
{\displaystyle \,\iint \limits _{X\times Y}f(x,y)\,{\text{d}}(x,y)=\int _{X}\left(\int _{Y}f(x,y)\,{\text{d}}y\right){\text{d}}x=\int _{Y}\left(\int _{X}f(x,y)\,{\text{d}}x\right){\text{d}}y\qquad {\text{ si }}\qquad \iint \limits _{X\times Y}|f(x,y)|\,{\text{d}}(x,y)<+\infty .}
Théorème de Fubini -Tonelli [ 2] — Soient
(
X
,
A
,
μ
)
{\displaystyle (X,{\mathcal {A}},\mu )}
et
(
Y
,
B
,
ν
)
{\displaystyle (Y,{\mathcal {B}},\nu )}
deux espaces mesurés tels que les deux mesures soient σ-finies et soit
(
X
×
Y
,
A
×
B
,
μ
×
ν
)
{\displaystyle (X\times Y,{\mathcal {A}}\times {\mathcal {B}},\mu \times \nu )}
l'espace mesurable produit muni de la mesure produit . Si
f
:
X
×
Y
→
[
0
,
+
∞
]
{\displaystyle f:X\times Y\rightarrow [0,+\infty ]}
est une application
A
×
B
{\displaystyle {\mathcal {A}}\times {\mathcal {B}}}
-
mesurable , alors les applications
x
↦
∫
Y
f
(
x
,
y
)
d
ν
(
y
)
et
y
↦
∫
X
f
(
x
,
y
)
d
μ
(
x
)
{\displaystyle x\mapsto \int _{Y}f(x,y)~\mathrm {d} \nu (y)\quad {\text{et}}\quad y\mapsto \int _{X}f(x,y)~\mathrm {d} \mu (x)}
sont respectivement
A
{\displaystyle {\mathcal {A}}}
- et
B
{\displaystyle {\mathcal {B}}}
-mesurables et
∫
X
×
Y
f
(
x
,
y
)
d
(
μ
×
ν
)
(
x
,
y
)
=
∫
X
[
∫
Y
f
(
x
,
y
)
d
ν
(
y
)
]
d
μ
(
x
)
=
∫
Y
[
∫
X
f
(
x
,
y
)
d
μ
(
x
)
]
d
ν
(
y
)
.
{\displaystyle \int _{X\times Y}f(x,y)~\mathrm {d} (\mu \times \nu )(x,y)=\int _{X}\left[\int _{Y}f(x,y)~\mathrm {d} \nu (y)\right]~\mathrm {d} \mu (x)=\int _{Y}\left[\int _{X}f(x,y)~\mathrm {d} \mu (x)\right]~\mathrm {d} \nu (y).}
Théorème de Fubini-Lebesgue [ 3] — Soient
(
X
,
A
,
μ
)
{\displaystyle (X,{\mathcal {A}},\mu )}
et
(
Y
,
B
,
ν
)
{\displaystyle (Y,{\mathcal {B}},\nu )}
deux espaces mesurés complets (non nécessairement σ-finis) et
(
X
×
Y
,
A
×
B
,
ζ
)
{\displaystyle (X\times Y,{\mathcal {A}}\times {\mathcal {B}},\zeta )}
l'espace mesurable produit muni d'une mesure produit ζ. Si
f
:
X
×
Y
→
R
{\displaystyle f:X\times Y\rightarrow \mathbb {R} }
est ζ-intégrable , alors les fonctions
x
↦
∫
Y
f
(
x
,
y
)
d
ν
(
y
)
et
y
↦
∫
X
f
(
x
,
y
)
d
μ
(
x
)
{\displaystyle x\mapsto \int _{Y}f(x,y)~\mathrm {d} \nu (y)\quad {\text{et}}\quad y\mapsto \int _{X}f(x,y)~\mathrm {d} \mu (x)}
(définies presque partout ) sont respectivement μ- et ν-intégrables et
∫
X
×
Y
f
(
x
,
y
)
d
ζ
(
x
,
y
)
=
∫
X
[
∫
Y
f
(
x
,
y
)
d
ν
(
y
)
]
d
μ
(
x
)
=
∫
Y
[
∫
X
f
(
x
,
y
)
d
μ
(
x
)
]
d
ν
(
y
)
.
{\displaystyle \int _{X\times Y}f(x,y)~\mathrm {d} \zeta (x,y)=\int _{X}\left[\int _{Y}f(x,y)~\mathrm {d} \nu (y)\right]~\mathrm {d} \mu (x)=\int _{Y}\left[\int _{X}f(x,y)~\mathrm {d} \mu (x)\right]~\mathrm {d} \nu (y).}
Le premier théorème est faux si l'on ne suppose pas les mesures σ-finies.
Dans le cas particulier où l'un des deux espaces est ℕ muni de la tribu discrète et de la mesure de comptage , on retrouve respectivement le théorème de convergence monotone et le corollaire du théorème de convergence dominée pour les séries de fonctions .
Lorsque les deux mesures sont σ-finies, l'utilisation du théorème de Fubini-Tonelli permet souvent de démontrer qu'une fonction mesurable est intégrable. En effet, pour
f
:
X
×
Y
→
R
{\displaystyle f:X\times Y\rightarrow \mathbb {R} }
A
×
B
{\displaystyle {\mathcal {A}}\times {\mathcal {B}}}
-mesurable, on peut appliquer le théorème de Fubini-Tonelli à
|
f
|
{\displaystyle |f|}
, ce qui donne
∫
X
×
Y
|
f
(
x
,
y
)
|
d
(
μ
×
ν
)
(
x
,
y
)
=
∫
X
[
∫
Y
|
f
(
x
,
y
)
|
d
ν
(
y
)
]
d
μ
(
x
)
=
∫
Y
[
∫
X
|
f
(
x
,
y
)
|
d
μ
(
x
)
]
d
ν
(
y
)
.
{\displaystyle \int _{X\times Y}|f(x,y)|~\mathrm {d} (\mu \times \nu )(x,y)=\int _{X}\left[\int _{Y}|f(x,y)|~\mathrm {d} \nu (y)\right]~\mathrm {d} \mu (x)=\int _{Y}\left[\int _{X}|f(x,y)|~\mathrm {d} \mu (x)\right]~\mathrm {d} \nu (y).}
donc si l'une des intégrales est finie, alors toutes trois le sont et
f
{\displaystyle f}
est intégrable.
On a alors d'après le théorème de Fubini-Lebesgue
∫
X
×
Y
f
(
x
,
y
)
d
(
μ
×
ν
)
(
x
,
y
)
=
∫
X
[
∫
Y
f
(
x
,
y
)
d
ν
(
y
)
]
d
μ
(
x
)
=
∫
Y
[
∫
X
f
(
x
,
y
)
d
μ
(
x
)
]
d
ν
(
y
)
,
{\displaystyle \int _{X\times Y}f(x,y)~\mathrm {d} (\mu \times \nu )(x,y)=\int _{X}\left[\int _{Y}f(x,y)~\mathrm {d} \nu (y)\right]~\mathrm {d} \mu (x)=\int _{Y}\left[\int _{X}f(x,y)~\mathrm {d} \mu (x)\right]~\mathrm {d} \nu (y),}
ce qui facilite le calcul de l'intégrale.
Le produit de convolution de deux fonctions intégrables est lui-même intégrable.
Calcul de l'intégrale de Gauss ,
∫
−
∞
+
∞
exp
(
−
x
2
)
d
x
{\displaystyle \int _{-\infty }^{+\infty }\exp(-x^{2})~\mathrm {d} x}
.
Considérons
∫
[
0
,
1
]
2
x
2
−
y
2
(
x
2
+
y
2
)
2
d
(
x
,
y
)
{\displaystyle \int _{[0,1]^{2}}{\frac {x^{2}-y^{2}}{(x^{2}+y^{2})^{2}}}~\mathrm {d} (x,y)}
.
On a
∫
0
1
(
∫
0
1
x
2
−
y
2
(
x
2
+
y
2
)
2
d
y
)
d
x
=
π
4
{\displaystyle \int _{0}^{1}\left(\int _{0}^{1}{\frac {x^{2}-y^{2}}{(x^{2}+y^{2})^{2}}}~\mathrm {d} y\right)\mathrm {d} x={\frac {\pi }{4}}}
.
Détails de calcul
En intégrant tout d'abord par rapport à
y
{\displaystyle y}
:
∫
0
1
x
2
−
y
2
(
x
2
+
y
2
)
2
d
y
=
[
y
x
2
+
y
2
]
y
=
0
1
=
1
1
+
x
2
{\displaystyle \int _{0}^{1}{\frac {x^{2}-y^{2}}{(x^{2}+y^{2})^{2}}}~\mathrm {d} y=\left[{\frac {y}{x^{2}+y^{2}}}\right]_{y=0}^{1}={\frac {1}{1+x^{2}}}}
,
puis
∫
0
1
1
1
+
x
2
d
x
=
[
arctan
x
]
0
1
=
π
4
{\displaystyle \int _{0}^{1}{\frac {1}{1+x^{2}}}~\mathrm {d} x=\left[\arctan x\right]_{0}^{1}={\frac {\pi }{4}}}
.
En échangeant les rôles de
x
{\displaystyle x}
et
y
{\displaystyle y}
, on a donc
∫
0
1
[
∫
0
1
x
2
−
y
2
(
x
2
+
y
2
)
2
d
x
]
d
y
=
−
π
4
{\displaystyle \int _{0}^{1}\left[\int _{0}^{1}{\frac {x^{2}-y^{2}}{(x^{2}+y^{2})^{2}}}~\mathrm {d} x\right]\mathrm {d} y=-{\frac {\pi }{4}}}
,
ce qui — puisque le théorème de Fubini-Lebesgue ne s'applique pas ici — prouve que
∫
[
0
,
1
]
2
|
x
2
−
y
2
(
x
2
+
y
2
)
2
|
d
(
x
,
y
)
=
+
∞
{\displaystyle \int _{[0,1]^{2}}\left|{\frac {x^{2}-y^{2}}{(x^{2}+y^{2})^{2}}}\right|~\mathrm {d} (x,y)=+\infty }
.
Cas d'une mesure non sigma-finie
modifier
Considérons l'ensemble
I
=
[
0
,
1
]
{\displaystyle I=[0,1]}
. Munissons-le d'une part de la tribu borélienne
B
(
I
)
{\displaystyle {\mathcal {B}}(I)}
et de la mesure de Lebesgue
λ
{\displaystyle \lambda }
et d'autre part de la tribu discrète
P
(
I
)
{\displaystyle {\mathcal {P}}(I)}
et de la mesure de comptage
m
{\displaystyle m}
.
La diagonale
Δ
=
{
(
x
,
x
)
∣
x
∈
[
0
,
1
]
}
{\displaystyle \Delta =\{(x,x)\mid x\in [0,1]\}}
est un fermé de
I
2
{\displaystyle I^{2}}
, donc
Δ
∈
B
(
I
2
)
=
B
(
I
)
×
B
(
I
)
⊂
B
(
I
)
×
P
(
I
)
.
{\displaystyle \Delta \in {\mathcal {B}}(I^{2})={\mathcal {B}}(I)\times {\mathcal {B}}(I)\subset {\mathcal {B}}(I)\times {\mathcal {P}}(I).}
La fonction indicatrice 1 Δ est donc mesurable sur l'espace produit considéré.
Mais on a d'une part :
∫
I
[
∫
I
1
Δ
(
x
,
y
)
d
m
(
y
)
]
d
λ
(
x
)
=
∫
I
[
∫
I
1
{
x
}
(
y
)
d
m
(
y
)
]
d
λ
(
x
)
=
∫
I
m
(
{
x
}
)
d
λ
(
x
)
=
λ
(
I
)
=
1
{\displaystyle \int _{I}\left[\int _{I}{\mathbf {1} }_{\Delta }(x,y)~\mathrm {d} m(y)\right]~\mathrm {d} \lambda (x)=\int _{I}\left[\int _{I}{\mathbf {1} }_{\{x\}}(y)~\mathrm {d} m(y)\right]~\mathrm {d} \lambda (x)=\int _{I}m(\{x\})~\mathrm {d} \lambda (x)=\lambda (I)=1}
et d'autre part :
∫
I
[
∫
I
1
Δ
(
x
,
y
)
d
λ
(
x
)
]
d
m
(
y
)
=
∫
I
[
∫
I
1
{
y
}
(
x
)
d
λ
(
x
)
]
d
m
(
y
)
=
∫
I
λ
(
{
y
}
)
d
m
(
y
)
=
∫
I
0
d
m
(
y
)
=
0.
{\displaystyle \int _{I}\left[\int _{I}{\mathbf {1} }_{\Delta }(x,y)~\mathrm {d} \lambda (x)\right]~\mathrm {d} m(y)=\int _{I}\left[\int _{I}{\mathbf {1} }_{\{y\}}(x)~\mathrm {d} \lambda (x)\right]~\mathrm {d} m(y)=\int _{I}\lambda (\{y\})~\mathrm {d} m(y)=\int _{I}0~\mathrm {d} m(y)=0.}
Ces deux intégrales sont distinctes, donc :
le théorème de Fubini-Tonelli ne s'applique pas ici. Ceci s'explique car la mesure de comptage
m
{\displaystyle m}
sur
I
=
[
0
,
1
]
{\displaystyle I=[0,1]}
n'est pas σ-finie, car toute réunion dénombrable d'ensembles de mesures
m
{\displaystyle m}
-finies, c'est-à-dire d'ensembles finis, est au plus dénombrable donc différente de
[
0
,
1
]
{\displaystyle [0,1]}
.
le théorème de Fubini-Lebesgue ne s'applique pas non plus, ce qui prouve que Δ est de mesure infinie pour toute mesure produit de
λ
{\displaystyle \lambda }
par
m
{\displaystyle m}
.
↑ Fubini, Guido (1907), "Sugli integrali multipli", Rom. Acc. L. Rend. (5), 16 (1): 608–614, JFM 38.0343.02
↑ Walter Rudin , Analyse réelle et complexe [détail des éditions ] .
↑ (en) Emmanuele DiBenedetto, Real Analysis , Springer, 2002, p. 147 .