Théorème d'Erdős-Ko-Rado
Le théorème d'Erdős-Ko-Rado est un théorème de combinatoire dû à Paul Erdős, Chao Ko et Richard Rado, qui précise le cardinal maximum d'une famille intersectante de parties à r éléments dans un ensemble à n éléments.
Énoncé
modifierSi n ≥ 2r[1] et si A est un ensemble de parties de {1, 2, … , n}, toutes de cardinal r et deux à deux non disjointes, alors le cardinal de A est au plus égal au coefficient binomial
(Un ensemble A de parties peut être considéré comme un hypergraphe, et la condition que toutes ces parties soient de cardinal r s'exprime alors en disant que l'hypergraphe est uniforme de rang r.)
Ce théorème, démontré en 1938[2], n'a été publié qu'en 1961[3], sous une forme légèrement différente : dans l'énoncé de 1961, on demande seulement que les parties soient de cardinal au plus r, mais on ajoute l'hypothèse qu'aucune n'est incluse dans une autre. Cet énoncé est équivalent au précédent : il s'y ramène en grossissant les parties pour leur faire atteindre la taille r.
Démonstrations
modifierHistoire et méthodes
modifierLa preuve de 1961 utilisait un raisonnement par récurrence sur n. En 1972, Gyula O. H. Katona[4] a donné la courte preuve suivante, grâce à un « argument particulièrement élégant »[5] de double dénombrement. On peut aussi présenter la preuve comme une application de la méthode probabiliste[6].
Preuve par double dénombrement
modifierPour chaque ordre circulaire (en) C sur {1, 2, … , n}, parmi les n parties de {1, 2, … , n} qui forment des intervalles de longueur r pour cet ordre, il y en a au plus r qui appartiennent à A. En effet, si S = (a1, a2, … , ar) est un intervalle pour C formant un élément de A alors, tout autre intervalle pour ce même C et formant aussi un élément de A doit intersecter S donc doit séparer ai et ai + 1 pour un certain i < r (c'est-à-dire qu'il doit contenir l'un de ces deux éléments et pas l'autre). Or les deux intervalles de longueur r qui séparent ces deux éléments sont disjoints, donc au plus l'un des deux peut appartenir à A. Ainsi, pour C fixé, au plus 1 + (r – 1) = r éléments de A sont des intervalles.
On compte alors de deux façons le nombre de couples (S, C), où C est un ordre circulaire sur {1, 2, … , n} et S est un élément de A formant un intervalle pour cet ordre. D'une part, pour chaque élément S de A, C est déterminé par le choix de l'une des r! permutations de S et de l'une des (n – r)! permutations des éléments restants, ce qui prouve que le nombre de couples est égal à |A|r!(n – r)!. D'autre part, pour chacun des (n – 1)! ordres circulaires C, il n'y a, comme expliqué plus haut, qu'au plus r éléments S de A formant des intervalles, ce qui prouve que le nombre de couples est inférieur ou égal à (n – 1)!r. En combinant ces deux façons de compter les couples, on obtient l'inégalité
et l'on conclut :
Taille maximum et familles maximales
modifierLe majorant indiqué par le théorème est atteint en fixant un élément dans {1, 2, … , n} et en prenant pour A l'ensemble de toutes les parties à r éléments qui contiennent cet élément fixé.
Si n > 2r, ces n familles intersectantes de parties à r éléments sont les seules de cardinal maximum[5], mais un A peut être maximal pour l'inclusion sans être de cardinal maximum : pour n = 7 et r = 3, l'ensemble des droites du plan de Fano est maximal mais ces droites ne sont pas concourantes. Il n'y a que 7 droites, alors que le cardinal maximum vaut 15.
Pour n = 2r, les familles maximales sont de cardinal maximum et s'obtiennent en choisissant une partie dans chaque paire de parties complémentaires à r éléments[5].
Notes et références
modifier- Le cas n < 2r est trivial car deux parties de {1, 2, … , n} à r éléments sont alors automatiquement non disjointes, et l'on obtient
- (en) P. Erdős, « My joint work with Richard Rado », dans C. Whitehead, Surveys in combinatorics, 1987: Invited Papers for the Eleventh British Combinatorial Conference, CUP, coll. « London Mathematical Society Lecture Note Series » (no 123), (ISBN 978-0-521-34805-8, lire en ligne), p. 53-80
- (en) P. Erdős, Chao Ko et R. Rado, « Intersection theorems for systems of finite sets », Quarterly J. Math., 2e série, vol. 12, , p. 313-320 (lire en ligne)
- (en) G. O. H. Katona, « A simple proof of the Erdős-Chao Ko-Rado theorem », JCTB, vol. 13, no 2, , p. 183-184 (lire en ligne)
- Martin Aigner et Günter M. Ziegler, Raisonnements divins, p. 164-166, ou p. 152-153 de la version en anglais
- Yvan Velenik, « Probabilités et statistiques : La méthode probabiliste (p. 227) », sur Université de Genève, .