Tétrasyllabe

vers de quatre syllabes

Dans les métriques syllabiques, un tétrasyllabe ou vers tétrasyllabique est un vers de quatre syllabes.

Usage modifier

Le trétrasyllabe (en grec, tettares = « quatre »[1]) est le vers de quatre syllabes[1].

Le théâtre ancien découpe parfois un octosyllabe en deux tétrasyllabes, dont le deuxième rime avec l'octosyllabe de la ligne suivante. C'est qu'à l'origine l'octosyllabe était la réunion en un seul de deux vers tétrasyllabes chacun[2].

Le tétrasyllabe apparaît dans les strophes hétérométriques des trouvères, avant d'être utilisé par La Fontaine dans ses Contes puis, au XIXe siècle, par Hugo, Richepin ou Verlaine[3]. Par exemple[3] :

Dans l'herbe noire,
Les Kobolds vont.
Le vent profond
Pleure, on veut croire.

— Paul Verlaine

Au milieu du XIVe siècle, Guilhem Molinier cite un poème en vers tétrasyllabiques dans les Leys d'Amors, mais ce vers n'est pourtant guère employé que mêlé à des vers plus longs et souvent en clausule[4].

Le tétrasyllabe peut aussi servir dans une décomposition en plusieurs vers de l'alexandrin[5].

Le plus souvent, il est utilisé en hétérométrie[1]. Dans la complainte de Rutebeuf, il accompagne par exemple des octosyllabes[1] :

– Que sont mi ami devenu
que j'avoie si près tenu
et tant amé ?
Je cuit qu'il sont trop cler semé ;
il ne furent pas bien femé,
si sont failli.
[...]

— Rutebeuf

Chez Jean de La Fontaine[6] :

Quand la Perdrix
Voit ses petits
En danger, et n’ayant qu’une plume nouvelle,
[...]

— Jean de La Fontaine, Fables, IX, « Discours à Madame de La Sablière »

Dans Contrerimes de Paul-Jean Toulet, des tétrasyllabes alternent avec des hexasyllabes[1] :

Tout ainsi que ces pommes
De pourpre et d'or
Qui mûrissent aux bords
Où fut Sodome ;

Comme ces fruits encore
Que Tantalus,
Dans les sombres palus,
Crache, et dévore ;

Mon cœur, si doux à prendre
Entre tes mains,
Ouvre-le, ce n'est rien
Qu'un peu de cendre.

— Paul-Jean Toulet, Contrerimes

À l'instar de tous les vers courts, il est également employé en contrepoint dans le vers libre[1]. Par exemple chez Pierre Reverdy[1] :

Pourquoi s'étendre si longtemps dans les plumes de la lumière
Pourquoi s'éteindre lentement dans l'épaisseur froide de la carrière
Pourquoi courir
Pourquoi pleurer
Pourquoi tendre sa chair sensible et hésitante
À la torture de l'orage avorté

— Pierre Reverdy, Ferraille

Son usage en isométrie est plus beaucoup plus rare[1]. Il est cependant utilisé ainsi par Victor Hugo dans la troisième strophe de son poème Les Djinns, par exemple[7],[6] :

La voix plus haute
Semble un grelot.
D'un nain qui saute
C'est le galop.
Il fuit, s'élance,
Puis en cadence
Sur un pied danse
Au bout d'un flot.

— Victor Hugo, Les Djinns

Ainsi que dans l'antépénultième strophe du même poème[7] :

D'étranges syllabes
Nous viennent encor ;
Ainsi, des arabes
Quand sonne le cor,
Un chant sur la grève
Par instants s'élève,
Et l'enfant qui rêve
Fait des rêves d'or.

— Victor Hugo, Les Djinns

Rimbaud l'utilise également, par exemple dans la parodique « Fête galante » de l'Album zutique[8], qu'il dédie à Verlaine :

Rêveur, Scapin
Gratte un lapin
Sous sa capote.

Colombina,
– Que l'on pina ! –
– Do, mi, – tapote

L'œil du lapin
Qui tôt, tapin,
Est en ribote...

— Arthur Rimbaud, Album zutique, « Fête galante »

Autre exemple, chez Verlaine :

La lune blanche
Luit dans les bois ;
De chaque branche
Part une voix
Sous la ramée...

Ô bien-aimée.

L'étang reflète,
Profond miroir,
La silhouette
Du saule noir
Où le vent pleure...

Rêvons, c'est l'heure.

Un vaste et tendre
Apaisement
Semble descendre
Du firmament
Que l'astre irise...

C'est l'heure exquise.

— Paul Verlaine, La Bonne Chanson, La lune blanche

Bibliographie modifier

Notes et références modifier

  1. a b c d e f g et h Aquien 1993, p. 302.
  2. Raoul de la Grasserie, Des Principes scientifiques de la versification française, 1900.
  3. a et b Aquien 2018, p. 34.
  4. Frédéric Deloffre, Le vers français, Société d'édition d'enseignement supérieur, Paris, 1995, (ISBN 978-2718117362), p. 66.
  5. Site Académie de Reims, la versification française.
  6. a et b Buffard-Moret 2023, p. 57.
  7. a et b Aquien 1993, p. 302-303.
  8. Aquien 1993, p. 303.

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