Suzanne Melk

aviatrice française

Suzanne Melk, née le à Vesoul (Haute-Saône) et morte le à Durham en Caroline du Nord, est une pianiste virtuose, championne du monde de vol à voile et l'une des pionnières de l'aviation en France. Elle participe à la Résistance, s'engage dans la France Libre en juillet 1943 puis entre dans le Réseau « Béarn ». Elle est décorée de la croix de guerre et de la médaille de la Résistance et devient pilote militaire après la guerre. Elle est détentrice de plusieurs records notamment en vol à voile.

Biographie modifier

Jeunesse modifier

Suzanne Marguerite Appoline Melk est née le 17 mars 1908, au 5 rue de Cita à Vesoul[1]. Elle est la troisième des quatre enfants de Jean Melk (1876-1945), un entrepreneur de travaux publics et Marthe Grospierre (1876-1945)[2],[3].

En 1914, la famille Melk déménage dans une propriété à Navenne, au sud de Vesoul où ils passeront leur enfance.

Elle épouse Paul Pargny (1898-1931), un quincailler. Après le décès prématuré de celui-ci, elle épouse, en secondes noces, Jean Dreyfus. (1903-1957) le 22 décembre 1932[2].

En 1935, le couple achète deux avions "Hanriot 32", et font retaper l'un des deux, avec lequel Suzanne effectuera ses premiers vols. Elle fait alors partie du comité à l'origine de la création de l'aéro-club et de l'école de pilotage de Vesoul. Deux ans plus tard, elle obtient le brevet de monitrice[4].

Elle s'oriente ensuite vers le vol à voile et devient en 1938 la quatrième française titulaire du brevet de pilote de vol à voile[4].

En juin 1940, à l'arrivée des Allemands son mari, de confession juive, divorce pour la protéger et s'exile en Angleterre puis en Amérique du Sud. Suzanne Melk n'aura plus de contact avec le reste de sa famille jusqu'à la fin de la guerre[4].

Pendant la guerre modifier

Suzanne Melk s'engage comme conductrice d'ambulance. Après la défaite, elle s'engage dans la France Libre (sous le nom de Lutschine) et devient résistante au sein du réseau Béarn (matricule RUA 206) du Bureau central de renseignement et d'action (BCRA) de Londres, de septembre 1943 à septembre 1945. Elle est cheffe du réseau départemental des Vosges.

L'Ordre général no I58 du 5 novembre 1944, la citant à l'Ordre du Corps d'armée mentionne qu'elle s'est portée volontaire pour servir comme agent de renseignement, réussit après deux tentatives à s'infiltrer dans Épinal et rapporter « des renseignements du plus haut intérêt ». Le 26 septembre 1944, elle repart pour une nouvelle mission de renseignement au-delà des lignes ennemies.

Elle est volontaire à la 1re Armée française du 15 septembre 1944 au 31 mars 1945, pendant la période de stabilisation du front. Durant cette période, elle franchit neuf fois les lignes ennemies[3],[5].

Dans une interview publiée en 1947 après son arrivée aux États-Unis, elle dit avoir échappé plusieurs fois aux Allemands, mais aussi avoir coordonné un groupe de pilotes FAFL devant transférer des avions militaires. Impressionné, le journaliste la définit comme une "Wasp" française[6]. Son frère Pierre, lui aussi résistant[7], est grièvement blessé par une balle allemande reçue en pleine poitrine le jour de la libération de Vesoul par les Américains.

Pour ses prises de risques et sa conduite héroïque, elle est l'objet de plusieurs citations de l'armée. Elle est en outre décorée de la croix de guerre, de la médaille de la Résistance, et nommée chevalier de le Légion d'honneur.

Après la guerre modifier

Le général de Gaulle accepte la proposition de Charles Tillon, Ministre de l'Air communiste, d'ouvrir une école de pilotage destinée aux femmes qui, à terme, doit compter 200 élèves, sans que la spécialité en soit clairement définie. Le premier stage est ouvert en novembre en 1944, avec treize élèves, toutes titulaires avant guerre d’un brevet civil, parmi elles, Suzanne Melk[8].

Le 13 avril 1945, elle est affectée à l'Ecole de Chateauroux puis, le 18 août 1945 à l'Ecole des moniteurs de Tours pour évoluer dans un premier temps sur l'avion Nord 1101 "Ramier" avant de s’entraîner à la chasse sur l'avion Dewoitine 520, ou au bombardement sur l'A-24. Elle est l'une des deux seules femmes avec Élisabeth Boselli, à piloter le Dewoitine D.520[8],[9].

Elle est nommée sous-lieutenant le 5 avril 1945 (décret du 23 juin 1945) et brevetée pilote de chasse le 12 février 1946 avec Élisabeth Boselli, Geneviève Lefèvre-Seillier et Anne-Marie Imbrecq[8],[9].

Cependant, la passion du vol à voile l'amène à quitter Châteauroux pour le centre national de vol à voile de La Montagne Noire.

Élève du chef-pilote Gourbeyre, grand spécialiste de la formation des moniteurs, elle confirme rapidement ses compétences. Après avoir réussi les épreuves du brevet D, elle tente de battre des records. Le elle bat le record de France de durée sur monoplace, détenu jusqu'alors par Marcelle Choisnet. Le record atteint est de 13 heures 18 minutes. Les 5 et , elle bat son propre record en portant sa durée à 16 heures 44 minutes. L'année suivante, au centre de vol à voile de Saint-Auban-sur-Durance, elle atteint l'altitude de 4 200 mètres, battant ainsi le record mondial d'altitude. Mais faute de barographes performants (limités à 3 500 m), le record n'a pu être homologué. De retour à La Montagne Noire, sur un biplace Castel C-242, Suzanne améliore le record du Monde de durée en circuit fermé (vol au cours duquel on revient à son point de départ après avoir effectué un circuit en forme de boucle) avec 16 heures 3 minutes les 25 et [4].

Après ce record elle est invitée à Prague à participer à une rencontre internationale de voltige aérienne, où elle est la seule femme inscrite, et se classe seconde à quelques points du champion tchèque.

En septembre 1947, Suzanne part aux États-Unis avec l'objectif est de battre le record de distance détenu par une russe (peut-être Olga Klepikova[10]). Elle participe à de nouvelles compétitions, dont le "Florida Challenge Trophy of Sanford". Avec son nouvel appareil, un Arsenal Air 100, elle totalise 128 points, contre 25 attribués à la championne américaine Virginia Bennis. Avec ce score, elle passe devant tous les pilotes masculins, à l'exception de Brittain qui remporte le trophée[4],[11].

Elle est portée en triomphe. Le lendemain, la presse américaine fait paraître les articles les plus élogieux à la gloire du vol à voile français qu'elle représentait.

En 1949, Suzanne est gravement malade et doit ralentir ses activités. Elle séjourne à Washington, et en profite pour s'adonner à la voile dans la baie Chesapeake. Mais son mal s'aggrave, et elle doit se rendre à Durham en Caroline du Nord, pour se faire soigner par un grand spécialiste des maladies du sang[4].

Ses amis restent auprès d'elle jusqu'à sa mort, le .

Son corps est rapatrié en France selon ses souhaits et repose à Navenne dans le cimetière communal. Ses funérailles se sont déroulées à l'église du Sacré-Cœur de Vesoul, église que son père avait construite, trente années auparavant[4],[11].

Hommages et distinctions modifier

Notes et références modifier

  1. « Acte de naissance de Suzanne Melk », sur archives.haute-saone.fr (consulté le ).
  2. a et b « Généalogie de Suzanne Marguerite Appoline MELK », sur Geneanet (consulté le ).
  3. a b c et d « Suzanne Melk (1908-1951) | Service historique de la Défense », sur servicehistorique.sga.defense.gouv.fr (consulté le ).
  4. a b c d e f et g « Suzanne Melk 1908-1951. Championne du monde vol à voile », sur suzannemelk.fr (consulté le ).
  5. « Suzanne Melk alias Lutschine », sur memoiredeshommes.sga.defense.gouv.fr (consulté le ).
  6. "Dunkirk Evening Observer" 20 Oct 1947): http://search.ancestry.it/browse/view.aspx?dbid=7960&iid=NEWS-NY-DU_EV_OB.1947_10_20-0002&rc=1775,3121,1830,3154;3383,725,3517,758;2962,754,3050,787;3101,913,3168,946;3277,1525,3357,1558;3394,1808,3470,1841&pid=496848898&ssrc=&fn=Suzanne&ln=Melk&st=g.
  7. GR 16 P 409597 MELK, Pierre André Léonard Joseph 24.07.1911 Vesoul Haute-Saône FRANCE.
  8. a b et c Marie-Catherine Villatoux, « Femmes et pilotes militaires dans l’armée de l’Air. Une longue quête », Revue historique des armées, no 272,‎ , p. 12–23 (ISSN 0035-3299, lire en ligne, consulté le )
  9. a et b Jean-Paul Talimi, Chronique aérospatiale. 26 janvier 1955, Elisabeth Boselli établit un record du monde de vitesse (lire en ligne)
  10. http://records.fai.org/gliding/history.asp?id1=122&id2=2&id3=12.
  11. a et b « J2mcL Planeurs - Fiche biographique n° 426 », sur j2mcl-planeurs.net (consulté le ).

Voir aussi modifier

Bibliographie modifier

  • Raymond Caire, La Femme militaire, Lavauzelle, 1981.
  • Jean-Claude Larère, Suzanne Melk, l'indicible étoile, Belfort, Association À l'écoute des poètes, 2014, 75 p. (ISBN 9782919266418).
  • Christian Ravel, Pionnière du 20e siècle, Suzanne Melk, dans Le Magazine du Musée Régional de l'Air, no 120, hiver 2014.
  • Marie-Catherine Villatoux, Femmes et pilotes militaires dans l’armée de l’Air. Une longue quête, Revue historique des armées no 272, 2013 pp. 12-23 Lire en ligne

Articles connexes modifier

Liens externes modifier