Hématite

minéral
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Hématite
Catégorie IV : oxydes et hydroxydes[1]
Image illustrative de l’article Hématite
Hématite Rose de Fer - Ouro Preto, Brésil (6×3,6 cm)
Général
Nom IUPAC trioxyde de difer
Numéro CAS 1309-37-1
Classe de Strunz
Classe de Dana
Formule chimique Fe2O3   [Polymorphes]
Identification
Masse formulaire[2] 159,688 ± 0,005 uma
Fe 69,94 %, O 30,06 %,
Couleur gris acier, noir de fer, irisé, brunâtre, brun rouge, gris noir, bleuté, rouge.
Système cristallin Trigonal
Réseau de Bravais Rhomboédrique
Classe cristalline et groupe d'espace ditrigonale-scalénoédrique 32/m
R3c (no 167)
Macle possibles selon {1011} et {0001}, souvent lamellaires
Clivage néant
Cassure irrégulière à subconchoïdale
Habitus Tabulaire, rhomboédrique, pyramidal, prismatique, hexagonal, pseudocubique. Faces de {0001} avec stries formant des triangles.
Échelle de Mohs 5,5 - 6,5
Trait rouge, brun
Éclat métallique, mat
Propriétés optiques
Indice de réfraction nω = 3,150 - 3,220
nε = 2,870 - 2,940
Biréfringence δ = 0,28-0,21 ; uniaxe négatif
Pléochroïsme Dichroïsme
Fluorescence ultraviolet Aucune
Transparence Translucide à opaque
Propriétés chimiques
Masse volumique 5,24 g/cm3
Densité 4,9 - 5,3
Température de fusion 1565 °C
Solubilité lentement soluble dans l’HCl[3];

insoluble dans l'eau

Propriétés physiques
Magnétisme faible et paramagnétique
Radioactivité aucune
Précautions
Directive 67/548/EEC



Unités du SI & CNTP, sauf indication contraire.

L’hématite est une espèce minérale composée d’oxyde de fer(III) de formule Fe2O3 avec des traces de titane Ti, d'aluminium Al, de manganèse Mn et d'eau H2O. C'est le polymorphe α de Fe2O3, le polymorphe γ étant la maghémite.

C’est un minéral très courant, de couleur noire à gris argenté, brun à rouge, ou rouge, avec de nombreuses formes cristallines. Les cristaux peuvent atteindre 13 cm[4].

Historique de la description et appellations modifier

Inventeur et étymologie modifier

Son existence est rapportée par Pline l'Ancien dès 77. Le nom de l’hématite est emprunté au latin haematites, lui-même emprunté du grec αἱματίτης, dérivé de αἷμα qui signifie « sang »[5]. La poudre d’hématite était d’ailleurs utilisée comme pigment rouge.

Topotype modifier

Non défini pour cette espèce.

Synonymes modifier

  • anhydroferrite[6]
  • fer micacé (Brochant)[7]
  • fer oxydé rouge (Haüy 1801)[8]
  • fer spéculaire[9]
  • hématite brune [10]
  • hématite rouge[11],[12]
  • hematitogelite (Tućan 1913)[13], forme colloïdale présente souvent dans la bauxite
  • oligiste (fer) (Haüy 1801) : du grec oligos = peu nombreux, pour le faible nombre de faces du cristal

Caractéristiques physico-chimiques modifier

Critères de détermination modifier

Sa légère solubilité dans l'acide chlorhydrique permet de la distinguer de l'ilménite.

Composition chimique modifier

Variétés modifier

  • alumohématite : variété riche en aluminium de formule idéale : (Fe,Al)2O3
  • crucilite ou crucite (Thomson 1835) : pseudomorphose d'arsénopyrite en hématite ou en goethite décrite d'après des échantillons de Clonmel, comté Waterford, Irlande ; l'aspect cruciforme des cristaux a inspiré le nom[14] ;
  • mine de fer spéculaire ou fer spéculaire ou spécularite : variété d'habitus tabulaires à faces lisses, utilisables comme miroirs ; dérivant d'un mot grec signifiant « je regarde attentivement », le latin specere « regarder » a donné speculum (miroir)[15]
  • martite (Breithaupt) : pseudomorphoses de magnétite en hématite[16]
  • rose de fer : variété d'habitus qui désigne l'assemblage de plusieurs cristaux tabulaires qui rappelle l'aspect d'une rose[17].

Cristallochimie modifier

L’hématite est le chef de file d’un groupe avec le corindon, le groupe du corindon-hématite, contenant des matériaux ayant tous la même structure cristalline et une formule générale du type A2O3 où A peut être un cation tel que le fer, le titane, l'aluminium, le chrome, le vanadium, la magnésium, l'antimoine, le sodium, le zinc et/ou le manganèse.

Groupe corindon-hématite modifier

Cristallographie modifier

L'hématite a une structure notée D51 en notation Strukturbericht. C'est une structure rhomboédrique, de groupe d'espace R3c (no 167). Un motif est composé de deux pentaèdres Fe2O3 inversés qui se répètent aux nœuds du rhomboèdre. Ses paramètres de maille sont :

  • a = 5,43 Å ;
  • α = 55,26° = 55°16’.

Les ions O2− forment un réseau hexagonal compact, avec donc une alternance de plans A-B ; les ions Fe3+ occupent les deux-tiers des sites interstitiels octaédriques, avec trois types de plans a, b et c en alternance. On a donc une alternance A-a-b-B-c-a-A-b-c-B-a-b-A-c-a-B-b-c-A-a… Les paramètres de maille dans cette description hexagonale sont :

  • a = 5,04 Å ;
  • c = 13,78 Å.

Par rapport à la description précédente, la distance entre les plans de O2− des pentaèdres est c/2.


Gîtes et gisements modifier

Gîtolologie et minéraux associés modifier

Minéral très commun dans des contextes géologiques très variés. D'origine primaire, formé à haute température. Produit de fumerolles, il peut donner des concentrations dans des gîtes de contact. Il peut être un élément des roches éruptives. Parfois en dépôt important avec limonite et sidérite dans les roches sédimentaires.

Les minéraux qui lui sont souvent associés sont :

Gisements producteurs de spécimens remarquables modifier

  • Brésil
Miguel Burnier (São Julião), Ouro Preto, Minas Gerais; Variété Rose de fer[18]
  • France
Mines de Batère (Corsavy, Arles-sur-Tech), Pyrénées-Orientales, Languedoc-Roussillon[19]
Faucogney-Saphoz, Haute-Saône, Franche-Comté[20],
Mines de Rancié (Ariège)
  • Italie
Bacino, Miniera di Rio (Miniera di Rio Marina), Rio Marina, île d'Elbe, Toscane, Italie[21]

Hématite sur Mars modifier

On a trouvé, sur la planète Mars, en 2004, des sphères qui pourraient être intégralement ou en partie composées d'hématite. L'hématite se forme habituellement par l'action érosive de l'eau, ce qui suppose la présence, à une époque, d'eau sur Mars.

Exploitation des gisements modifier

 
Hématite - intaille, travail du XIXe siècle.
Utilisations

L'hématite est le minerai de fer le plus abondant.

  • Elle fait partie des minéraux pouvant être utilisés pour fabriquer du Tamahagane.
  • Elle peut être utilisée comme granulats (taille comprise entre 0 et 25 mm) dans les bétons dits lourds, destinés à la fabrication de contrepoids et d'écrans de protection anti-radiations.
  • Broyée finement, elle peut servir de pigment et entre dans la composition d'émaux et d'engobes pour la céramique.
  • Certaines pierres peuvent être taillées comme pierres fines.
  • On la trouve notamment – sous forme de fines particules – dans le déchet métallurgique de l'industrie aluminière (boue rouge).

Histoire, usages de l'hématite modifier

 
Altamira, Hématite ayant servi de pigment. Muséum de Toulouse

L'hématite a été utilisée comme pigment (rouge) dès le Paléolithique moyen, en Afrique et peut-être en Asie mais aussi en Europe (site du Belvédère à Maastricht, Pays-Bas) par nos ancêtres Homo sapiens. Au Paléolithique supérieur elle est pulvérisée puis mélangée à l'eau ou (plus rarement) aux huiles végétales et animales, et appliquée sur la roche des murs pour dessiner et peindre les grottes et cavités[22]. Elle était aussi appliquée sur les objets, dont probablement les vêtements mais aussi les outils et armes.

Dans l'Égypte ancienne, l'hématite était considérée comme ayant le pouvoir de guérir les maladies du sang : ce minéral composé principalement de fer a la particularité de teinter l'eau en rouge et les Égyptiens pensaient qu'il favorisait la production de sang.

Elle a été utilisée dans l'Antiquité - comme le plomb (sous forme de céruse, toxique) - dans certains cosmétiques (« fards, de « bâton à lèvres » (ancêtre du rouge à lèvres) enduits de peinture à base d’hématite »)[23], dont en Afrique du Nord[24] et dans l'Égypte antique prédynastique[25]

L'hématite était aussi utilisée chez les Mayas, par exemple dans le masque de Pakal[26].

L'hématite est devenue le plus important minerai de fer (pour la production de fontes, aciers, alliages).

Plus récemment, elle est utilisée dans les fluides de forage (boues lourdes, pour forer, colmater ou « tuer » les puits HP/HT (haute température, haute pression) notamment[27].

L'hématite est utilisée aussi pour le brunissage des dorures au mercure[28] et comme patine liquide à froid qui permet de vieillir l'acier : elle lui donne un aspect noir bleuté et donne de la profondeur à la surface[29].

Les solutions de brunissage à froid pour l'acier sont surnommées "hématite" quelquefois dans le jargon des ferronniers, antiquaires etc. mais ne sont pas constituées d'hématite. Elles créent par un jeu de réactions d'oxydo-réduction un ton métallique sombre à la surface rappelant celui de l'hématite, également qualifié de "canon de fusil" (en référence au brunissage à chaud des canons d'armes), et de nombreuses variantes chromatiques sont possibles selon la composition chimique de la solution de brunissage et le mode d'application ainsi que d'autres paramètres (température, acidité, temps de réaction, temps de séchage, nombre de couches, essuyage ou non, application d'un neutralisant spécial pour éviter la corrosion ultérieure ...).

Notes et références modifier

  1. La classification des minéraux choisie est celle de Strunz, à l'exception des polymorphes de la silice, qui sont classés parmi les silicates.
  2. Masse molaire calculée d’après « Atomic weights of the elements 2007 », sur www.chem.qmul.ac.uk.
  3. (en) Thomas R. Dulski, A manual for the chemical analysis of metals, vol. 25, West Conshohocken, ASTM International, , 251 p. (ISBN 978-0-8031-2066-2 et 0803120664, lire en ligne), p. 71
  4. The Handbook of Mineralogy. John W. Anthony, Richard A. Bideaux, Kenneth W. Bladh, et Monte C. Nichols, published by Mineral Data Publishing Volume III, 1997.
  5. « HÉMATITE : Etymologie de HÉMATITE », sur www.cnrtl.fr (consulté le )
  6. Cours de minéralogie. Par Albert Auguste Cochon de Lapparent, 1908
  7. Jean André Henri Lucas, René Just Haüy, Tableau méthodique des espèces minérales, volume 2, 1813, p. 376
  8. Traité de minéralogie, volume 4 par René Just Haüy, France. Conseil général des mines 1801
  9. Description méthodique du Cabinet de l'École royale des Mines par M. Sage 1784 Balthasar-Georges Sage p.280
  10. Annales des mines, ou Recueil de mémoires sur l'exploitation des mines, et sur les sciences qui s'y rapportent; Chez Treuttel et Wurtz, 1828; P324
  11. Albert Auguste Cochon de Lapparent, Cours de minéralogie, Masson, (lire en ligne), p. 710
  12. Albert de Lapparent et Achille Delesse, Revue de Géologie, pour les années 1867 et 1868, vol. VII, Paris, Dunod, (lire en ligne), p. 15
  13. Tućan (1913), Centralblatt für Mineralogie, 65.
  14. Robert Dundas Thomson, "Chemical analysis of Crucilite, a new form of peroxide of iron", in Robert Dundas Thomson et Thomas Thomson, Records of General Science, volume 1, John Taylor, Londres, 1835, p. 142-144
  15. Histoire naturelle, générale et particulière. Par Georges Louis Leclerc Buffon, p. 132, 1799
  16. Nouveau cours de minéralogie, volume 3. Par Gabriel Delafosse, p. 34, 1862
  17. Précis de minéralogie. Par Guy Aubert, Claude Guillemin, Roland Pierrot, 1978
  18. (en) Charles Palache, Harry Berman et Clifford Frondel, The System of Mineralogy of James Dwight Dana and Edward Salisbury Dana, Yale University 1837–1892, vol. I : Elements, Sulfides, Sulfosalts, Oxides, New York (NY), John Wiley & Sons, , 7e éd., 834 p. (ISBN 978-0471192398), p. 531
  19. Berbain, C., Favreau, G. & Aymar, J. (2005) : Mines et Minéraux des Pyrénées-Orientales et des Corbières. Association française de microminéralogie éd., 39-44.
  20. Cario, P. et Perinet, F. (1976). « Les gisements métalliques de Saphoz (Hte Saône) », Minéraux et fossiles, 23, 29-37.
  21. Orlandi, P., & Pezzotta, A., 1997. I minerali dell'Isola d'Elba. I minerali dei Giacimenti metalliferi dell'Elba orientale e delle Pegmatiti del Monte Capanne, éd. Novecento Grafico, Bergame, 245 p.
  22. Marcel Otte, La Préhistoire 3e édition, p. 195-198
  23. Académie de Nice, L’Hématite, la goethite, ingrédients utilisés dans la réalisation de cosmétiques sous l’Antiquité, FICHE no 13
  24. Alatrache, A., Mahjoub, H., Ayed, N. et Ben Younes, H. (2001), Les fards rouges cosmétiques et rituels a base de cinabre et d'ocre de l'époque punique en Tunisie : analyse, identification et caractérisation. International Journal of Cosmetic Science, 23: 281–297. doi:0.1046/j.1467-2494.2001.00095.x (Résumé)
  25. BADUEL Nathalie (doctorante à la Maison de l'Orient, université Louis-Lumières Lyon-II, ), La collection des palettes prédynastiques égyptiennes du muséum (Lyon) = The Collection of Egyptian Predynastic Palettes of the Museum (Lyon) ; Cahiers scientifiques - Muséum d'histoire naturelle de Lyon ; (ISSN 1627-3516) ; 2005, n°9, p. 5-12 [8 page(s) Fiche Inist/CNRS
  26. Le Figaro, Paulin Césari, Les prisons de jade des Mayas, 27 janvier 2012
  27. Henry C. H. Darley, George Robert Gray, Composition and Properties of Drilling and Completion Fluids ; 5e édition, (fundamental principles of geology, chemistry, and physics that provide the scientific basis for drilling fluids technology) ; (ISBN 0-87201-147-X), voir chap I, Introduction to Drilling fluids, 1 Composition of drilling fluids
  28. « Site Maintenance », sur search-antiques.com via Wikiwix (consulté le ).
  29. « Produits d'Antan : les spécialistes de l'entretien et de la rénovation du sol au… », sur produits-dantan.com (consulté le ).

Voir aussi modifier

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Articles connexes modifier