Société concessionnaire d'autoroutes en France

En France, la plus grande partie du réseau autoroutier (environ 8 770 km) est concédée à une dizaine de sociétés à capitaux privés ou publics. Celles-ci entretiennent et exploitent les autoroutes moyennant la perception d'un péage auprès des usagers[1].

Barrière de péage de Hordain sur l'Autoroute A2.

Processus de privatisation modifier

L'État français, initialement propriétaire des sociétés concessionnaires d'autoroutes, s'en est progressivement désengagé à partir de 2002, au moment où la majorité des investissements autoroutiers commençaient à être amortis[2] :

En 2018, le bénéfice moyen réalisé par les exploitants d'autoroutes est de 350 000 euros par kilomètre[7].

Liste des sociétés concessionnaires modifier

Liste de sociétés d'autoroutes disposant d'un réseau supérieur à 1 000 kilomètres en 2015, Source Arafer[8]
Nom Longueurs Emplois Chiffres d'affaires Dette
APRR 1 868 km 2 557 1 662 M€ 8 680 M€
Autoroutes du sud de la France 2 703 km 4 085 2 796 M€ 11 332 M€
Cofiroute 1 111 km 1 525 1 306 M€ 3 208 M€
Sanef 1 388 km 1 816 1 158 M€ 2 533 M€
Total : 7 070 km 9 983 9 400 M€ 29 120 M€

Eiffage modifier

Eiffage : 2 082 km d'autoroute pour 2,2 milliards d'euros de chiffre d'affaires en 2013[9].

Vinci modifier

Vinci : 4 386 km d'autoroute pour 4,6 milliards d'euros de chiffre d'affaires en 2013[9]

Abertis modifier

Abertis : 1 175 km d'autoroute pour 1,6 milliard d'euros de chiffre d'affaires en 2013[9]

En 2017, Abertis prend le contrôle total de SANEF, en rachetant la participation de l'assureur CNP pour 238 millions d'euros. En total, Abertis a payé près de 2,1 milliards d'euros pour obtenir le contrôle de 100 % de SANEF[10].

En 2018, Abertis devient une filiale du groupe italien Mundys SpA de la multinationale Benetton.

Autres modifier

380 km d'autoroute pour 488 millions d'euros de chiffre d'affaires en 2013[9]

Durée des concessions autoroutières modifier

Durée des concessions autoroutières en France, Source Wikisara[12]
Nom Durée actuelle Fin actuelle
SMTPC (Tunnel Prado-Carénage) 39 ans 2033 (18/01)
CCI Seine Estuaire (Pont de Normandie) 80 ans 2031 (31/12)
Sanef 68 ans (31/12)
Escota 75 ans (29/02)
SAPN (A13) 70 ans (31/08)
Cofiroute (sauf Duplex A86) 64 ans (30/06)
Cofiroute (Duplex A86) 87 ans (31/12)
APRR 72 ans (30/11)
Leonord (Nord du périphérique lyonnais) 20 ans (20/01)
AREA 65 ans (30/09)
ASF (sauf Tunnel du Puymorens) 75 ans (30/04)
ASF (Tunnel de Puymorens) 43 ans (31/12)
ATMB (sauf Tunnel du Mont-Blanc) 79 ans (31/12)
ATMB (Tunnel du Mont-Blanc) 91 ans
SFTRF (sauf Tunnel du Fréjus) 57 ans (31/12)
SFTRF (Tunnel du Fréjus) 70 ans
Atlandes (A63) 40 ans (23/01)
Société Prado-Sud 47 ans
Adelac (A41) 55 ans (31/12)
Alicorne (A88) 55 ans (23/08)
A'Liénor (A65) 60 ans (19/12)
Alis (A28) 66 ans (31/12)
ARCOS (A355) 54 ans (29/01)
Arcour (A19) 54 ans (31/12)
CEVM (Viaduc de Millau) 78 ans (31/12)
ALBEA (A150) 55 ans (29/12)
ALIAÉ (A79) 48 ans 2068 (12/03)

Analyses et évolution des tarifs de péage modifier

Un rapport sénatorial de 2019 met en lumière l'explosion des tarifs de péage consécutivement à la privatisation des concessions[13] : « La hausse des tarifs des péages, c'est-à-dire des tarifs kilométriques moyens (TKM) prévue dans les contrats de concession et entérinée annuellement par arrêté, s'établit à plus de 20 % depuis 2006. Dans le même temps, l'inflation a évolué de 10,14 %. Dans un rapport de 2013, la Cour des comptes avait d'ailleurs déploré cette hausse des péages supérieure à l'inflation. »[14].

Rentabilité des concessions modifier

L'Autorité de régulation des transports (ART) publie en juillet 2023 un document sur la rentabilité des sociétés concessionnaire d'autoroutes, qui conclut que « le TRI projet de la concession est l'indicateur le plus pertinent pour évaluer la rentabilité des concessions » et que le TRI projet est en moyenne de 8 % sur la durée des concessions, légèrement supérieur au coût du capital (7 %). L'ART rappelle que les concessions sont soumises à des aléas[15].

Controverse modifier

En 2020, un rapport sénatorial pointe la faiblesse du résultat de négociations des concessions autoroutières pour l'État. Selon le sénateur UDI Vincent Delahaye, les privatisations d'autoroutes de 2006 auraient occasionné un manque à gagner de 7,8 milliards d’euros pour l'État français. Il déplore l'opacité des négociations de 2015 - dans lesquelles sont intervenus les cabinets de Ségolène Royal (alors ministre de l'Écologie) et d'Emmanuel Macron (ministre de l'Économie) - à l'issue desquelles a été signé un protocole d’accord « très favorable aux sociétés d’autoroutes ». Quinze ans après la privatisation des autoroutes organisée par le gouvernement Villepin, les chiffres montrent un « enrichissement disproportionné des groupes Vinci, Eiffage et Abertis » : Vincent Delahaye soutient que « dès 2022, les estimations montrent que Vinci Autoroutes et Eiffage auront atteint les objectifs de rentabilité qu’ils espéraient. Or, les contrats courent jusqu’en 2031 et 2036, il y a au moins dix années de trop »[16],[17],[18]

Selon des informations du Canard enchaîné, complétées par le magazine Marianne en mars 2023, l'État connaissait la génération de surprofits par les sociétés d’autoroutes sur la durée des concessions. Ce fait est établi par le rapport confidentiel rendu en février 2021 par l’Inspection générale des Finances (IGF) et le Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD)[19]. L'État envisage la réduction de la durée de concession, solution soumise au Conseil d'État, pour que le taux de rentabilité se rapproche de l'objectif cible prévu contractuellement de 7,67 % (les estimations pour Vinci et Eiffage, Abertis sont respectivement 11,77 %, 12,49 %, 7,7%)[20],[21]. Bruno Le Maire, directeur de cabinet en 2006 de Dominique de Villepin reconnaissait en 2020 une erreur commise lors des privatisations de la gestion des autoroutes qui ne remettait pas en cause leurs bien-fondées[22].

L'État devrait récupérer une partie des 55 milliards d'euros de « rente indue » selon le rapport de l'IGF[23].

L’association anticorruption Anticor dépose une plainte contre X, le 20 juin 2023, pour favoritisme envers les concessionnaires d’autoroutes sous le gouvernement Valls lors de la conclusion du Plan de relance autoroutier (PLA) en 2015. La plainte dénonce « un enrichissement exceptionnel des sociétés concessionnaires d’autoroutes pouvant exactement s’analyser comme un avantage injustifié »[24].

Notes et références modifier

  1. La Documentation française - Présentation du Rapport d'information déposé par la Commission des Finances, de l'Économie générale et du Plan sur la valorisation du patrimoine autoroutier (juin 2005).
  2. « Vente des autoroutes : Gilles de Robien raconte ses réunions à Bercy », sur Public Senat, (consulté le )
  3. « Vinci est toujours intéressé par les ASF - Entreprises de BTP », lemoniteur,‎ (lire en ligne, consulté le )
  4. « RFI - Transports - Privatisation sans bruit des autoroutes françaises », sur rfi.fr (consulté le )
  5. « La rente "exceptionnelle" des sociétés d'autoroutes en cinq chiffres », LExpansion.com,‎ (lire en ligne, consulté le )
  6. L'Usine Nouvelle, « Autoroutes : l'Etat choisit Vinci, Eiffage et Abertis - Economie », usinenouvelle.com/,‎ (lire en ligne, consulté le )
  7. Octave Odola, « Les super profits du viaduc de Millau », sur capital.fr, (consulté le )
  8. « L’Arafer publie son premier rapport sur les comptes des concessionnaires d’autoroutes – Arafer », sur arafer.fr (consulté le ).
  9. a b c et d Yves Crozet, Le Monde du 24 février 2015, cahier éco et entreprise, p. 6-7
  10. « Abertis prend le contrôle total de SANEF », sur LeFigaro.fr, (consulté le )
  11. « Société ALIAE (844440370) : Chiffre d'affaires, statuts, Kbis », sur pappers.fr (consulté le )
  12. « Sociétés concessionnaires d’autoroutes » (consulté le )
  13. « Proposition de loi relative à la nationalisation des sociétés concessionnaires d'autoroutes et à l'affectation des dividendes à l'Agence de financement des infrastructures de transport de France », sur senat.fr (consulté le )
  14. Maxime Fayolle, « Les surprofits des sociétés d'autoroutes », sur Radio France,France Inter, (consulté le )
  15. Autoroutes : le bras de fer s'engage entre les concessionnaires et le gouvernement, Les Échos, 24 août 2023.
  16. Isabelle Chaperon et Emeline Cazi, Les sénateurs butent de nouveau sur les contrats en béton des concessions d’autoroutes, lemonde.fr, 18 septembre 2020
  17. Un rapport du Sénat épingle les concessions d’autoroutes, midilibre.fr, 19 septembre 2020
  18. François Vignal, Autoroutes : un rapport du Sénat pointe la «rentabilité hors normes» de 40 milliards d’euros d’ici 2036, publicsenat.fr, 18 septembre 2020
  19. Emmanuel Lévy, Vanessa Ratignier, « Surprofits des autoroutes : le rapport de l'IGF qui accable l’administration, Borne et Macron », sur marianne.net, (consulté le )
  20. Julie Délépine, « La surrentabilité des autoroutes », Alternatives Économiques, no 434,‎ , p. 60
  21. « Autoroutes : Bruno Le Maire veut raccourcir "de quelques années" la durée des concessions », sur francetvinfo.fr avec AFP, (consulté le )
  22. Marion Vigreux, « Concessions autoroutières : « Oui, l’opération financière a été réussie », selon Bruno Le Maire », sur publicsenat.fr, (consulté le )
  23. Stéphanie Bascou, « Prix des péages : Bruno Le Maire aurait étouffé un rapport décoiffant sur les sociétés d'autoroute, selon “Le Canard enchaîné” », sur Capital.fr, (consulté le )
  24. « Anticor porte plainte contre X pour favoritisme envers des sociétés concessionnaires d’autoroutes », sur LeMonde.fr, (consulté le )

Voir aussi modifier

Articles connexes modifier

Émissions de Radio modifier

Liens externes modifier