Shin Sawbu
Titre de noblesse
Reine régnante
Biographie
Naissance
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Canton de Dagon (en)Voir et modifier les données sur Wikidata
Père
Mère
Fratrie
Enfant

Shin Sawbu (birman ရှင်စောပု, /shɪ̀ɴ sɔ́ pṵ/; môn မိစဴဗု) (1394–1471), est une reine birmane qui régna sur le royaume d'Hanthawaddy, en Basse-Birmanie, de 1453 à 1472[1]. Elle est aussi connue sous le nom de Binnya Thau (birman ဗညားထောဝ် ; môn ဨကရာဇ်ဗြဲဗညာထဴ) ou Vieille Reine en môn. Avec Jamadevi de Lamphun (633-751), c'est la plus célèbre des rares souveraines à avoir exercé le pouvoir en Indochine[2]. Son règne ouvrit un demi-siècle de paix avec le royaume d'Ava en Haute-Birmanie.

Jeunesse modifier

Shin Sawbu était la seule fille du roi môn Razadarit, qui avait également plusieurs fils, et de la reine principale Thuddhamaya (သုဒ္ဓမာယာ)[3]. Elle est née à Pégou un mercredi en 1394[4]. Elle reçut le nom de naissance de Viharadevi (du sanskrit et du pali : vihara "monastère" + devi "déesse" ou "reine" ), ce qui signifie probablement "reine du monastère". À 20 ans, elle fut mariée à Binnya Bwe (Smin Chesao), neveu de Razadarit, qui lui donna un fils, Binnya Waru, et deux filles, Netaka Taw et Netaka Thin. Son mari mourut en 1419, alors qu'elle avait juste 25 ans.

Vie à Ava (1423-1430) modifier

En 1422, son père Razadarit mourut à son tour. Son fils aîné Binnya Dhammaraza monta sur le trône, mais ses frères cadets Binnya Ran et Binnya Kyan se révoltèrent. À l'invitation de Binnya Kyan, le roi d'Ava Thihathu intervint avec une armée. Binnya Dhammaraza apaisa ses frères en nommant Binnya Ran prince héritier et gouverneur du delta de l'Irrawaddy et Binnya Kyan gouverneur de Martaban. Dans un geste d'apaisement, le prince héritier Binnya Ran proposa sa sœur Shin Sawbu à Thihathu, qui en retour lui offrit une princesse d'Ava comme épouse.

Lorsqu'elle arriva à Ava, Shin Sawbu avait 29 ans et déjà trois enfants. Elle n'en eut pas d'autres à Ava[5]. Le roi Thihathu lui était très attaché, mais il mourut en 1426 lors d'une expédition dans le nord. Shin Sawbu resta encore quatre ans à Ava. Elle y devint la protectrice de deux moines môns, Dhammanyana et Pitakahara, qui vivaient à Sagaing au monastère d'Ariyadhaza. En 1430, après sept ans en Haute-Birmanie, à 36 ans, elle s'échappa grâce à leur aide et revint à Pégou avec eux[6].

Règne à Pégou (1453-1460) modifier

Tous les parents mâles de Shin Sawbu finirent par s'entre-assassiner ou mourir de mort naturelle, y compris ses frères Binnya Dhammaraza († 1426) et Binnya Ran I († 1446), son fils Binnya Waru († 1450) et ses neveux Binnya Kyan et Leik Munhtaw († 1453). Il n'y avait plus de descendant mâle de Razadarit et Shin Sawbu monta sur le trône en [7], à 59 ans.

Peu après, en 1457, le monde bouddhiste célébra le deuxième millénaire du parinirvana du Bouddha historique, daté en Asie du Sud-Est de -543.

Après avoir régné environ sept ans à Pégou, Shin Sawbu décida d'abdiquer en 1460 et s'installa à Dagon (nord de l'actuelle Rangoon), pour y mener une vie de dévotion près de la pagode Shwedagon[8].

Elle choisit un moine pour lui succéder : Pitakahara, qui l'avait aidée à fuir d'Ava, quitta le sangha, reçut les titres de Punnaraja et Dhammazedi et devint son gendre et un héritier possible en épousant sa plus jeune fille Mipakathin (Netaka Thin)[8].

Règne à Rangoon (1460-1472) modifier

 
Pagode Shwedagon : Stûpa central et petite pagode Shinsawpu, attribuée à Shin Swabu

Shin Sawbu vécut à Dagon près de la pagode Shwedagon jusqu'à sa mort en 1470 ou 1472[9]. Même après s'y être installée, elle aurait continué d'y porter une couronne[10].

Le transfert effectif du pouvoir à Dhammazedi, qui devint roi sous le nom de Ramadhipati en 1457, est commémoré par une inscription en môn[11].

À Dagon, la reine consacra son attention à la pagode Shwedagon, dont elle élargit la plate-forme, qu'elle fit paver de pierre et entourer de piliers et de lampes. Elle étendit ses terres tributaires jusqu'à Danok[2]. Elle fit presque tout en quatre exemplaires :

« Il y avait quatre parasols blancs, quatre bols à aumônes d'or, quatre réservoirs de céramique et quatre offrandes étaient faites chaque jour. Il y avait vingt-sept hommes qui préparaient les lampes chaque jour. Il y avait vingt hommes pour garder le trésor de la pagode. Il y avait quatre boutiques d'orfèvres, quatre orchestres, quatre tambours, quatre réserves, huit portiers, quatre balayeurs et vingt allumeurs de lampes. Elle arrondit et renforça la septuple enceinte. Entre les enceintes sa Majesté Banya Thau fit planter des palmiers et des cocotiers. »[12]

Elle fit aussi battre son propre poids (25 viss) en feuilles d'or pour couvrir le stûpa central. Les habitants de Dagon firent don de 5000 viss de bronze à la pagode[13].

Inscriptions modifier

Une triple inscription du règne de Shin Sawbu a été découverte.

La première partie, Kyaikmaraw I, relate un don de terres. Le , la reine a consacré des terres à la pagode Kyaikmaraw qu'elle avait construite. L'inscription rapporte que des joyaux, des objets précieux et les revenus d'un lieu nommé « Tko' Mbon » ont été donnés à la pagode Moh Smin (promontoire royal) à Myatheindan près de Martaban. La seconde partie de l'inscription dispense des bénédictions sur ceux qui viendront rendre hommage à la pagode et fait de nombreuses références aux écritures bouddhiques. La troisième partie rappelle les tourments de l'enfer. Cette inscription est riche en données linguistiques, religieuses et historiques et présente des influences birmanes, ainsi que le mot « chao » (« seigneur » dans les langues tai), apparemment utilisé parce que ce titre avait été donné à la dynastie de Wareru par le roi de Sukhothaï[14].

Traditions populaires mônes modifier

À la fin du XIXe siècle, certains Môns auraient considéré la reine Victoria du Royaume-Uni comme la réincarnation de Shin Sawbu[2].

La façon dont Shin Sawbu choisit son successeur fait l'objet du conte suivant. Après avoir régné seulement sept ans, elle décida d'abdiquer[10]. Elle imagina une façon de choisir entre des deux moines qui l'avaient accompagnée depuis Ava :

« Un matin qu'ils venaient mendier le riz royal, elle glissa dans un de leurs bols à offrande un pahso (robe de laïc) avec de petits modèles des cinq insignes royaux ; puis après avoir prié que le sort désigne le plus digne, elle leur rendit les bols[15]. Dhammazedi, qui reçut le bol préparé, quitta les ordres, épousa sa fille et commença à gouverner. L'autre moine, déçu, suscita la méfiance et fut exécuté à Paunglin, au nord de Dagon. Les nobles furent d'abord mécontents du choix de la reine, mais ils se rallièrent en raison de la grandeur de caractère de Dhammazedi ; lorsque certains continuèrent à murmurer qu'il n'était pas de race royale, Shin Sawbu fit sculpter une statue de Bouddha dans une vieille poutre et la leur montra en disant : — Vous dites qu'il est de sang commun et ne peut être roi. Regardez ce bois commun : hier il était pressé dans la poussière de vos pieds, mais aujourd'hui n'est-il pas le Seigneur et ne nous inclinons-nous pas devant lui ? »[16]

Singer rapporte une autre histoire, où le gouverneur de Pathein Binnya Ein, époux de Mipakahtau, fille aînée de la reine, se révolte parce que Dhammazedi lui a été préféré. Cette révolte se termine par son empoisonnement[8].

Baña Thau signifie « Vieille reine » en môn. Harvey rapporte l'origine de ce nom d'après le Thatonhnwemun Yazawin (chronique de Thatonhnwemun) :

« Alors qu'elle faisait le tour de la ville dans son magnifique palanquin, épée à la main et couronne sur la tête, elle entendit un vieil homme qu'on poussait de côté s'écrier : — « Je dois m'écarter du chemin, n'est-ce pas ? Je suis un vieux fou, n'est-ce pas ? Je ne suis pas vieux au point de ne pas pouvoir avoir d'enfants, c'est plus que ne peut avoir votre vieille reine ! » D'abord interloquée par une telle irrévérence, elle l'accepta docilement comme un signe du ciel et se désigna par la suite elle-même comme « La Vieille reine ». »[17]

Un récit môn, le Nidana Ramadhipati Katha, fournit une version alternative du séjour de Shin Sawbu à Ava, affirmant qu'elle régnait déjà à Pégou lorsqu'elle fut enlevée et conduite à Ava pour y devenir reine principale[18].

Débats sur la durée de son règne modifier

Certains affirment que Shin Sawbu a régné sept ans[13], d'autres dix-sept[2]. Shorto a émis le premier l'hypothèse qu'elle pourrait avoir régné en même temps que Dhammazedi[19]. Guillon pense qu'ils ont régné ensemble, Dhammazedi sur Pégou et Shin Sawbu sur Dagon[20], ville qui avait longtemps été l’apanage traditionnel des reines mônes[21].

Palais et emplacement de sa tombe modifier

Furnival affirmait que « les remparts de la résidence de Shin Sawbu à Dagon » correspondaient aux « bunkers du parcours de golf près de Prome Road », mais d'autres affirment que ces ruines sont en fait celles d'un mur construit en 1841[22].

Le stûpa contenant les restes de la reine est censé se trouver dans un monastère de la municipalité de Sanchaung (nord de Rangoon), près de la pagode Shwedagon, monastère jadis nommé « monastère de la tombe de Shin Sawbu » et situé à l'ouest de Pyay Road (ex-Prome Road) sur Shin Sawpu Road (ex-Windsor Road)[23].

Bibliographie en anglais modifier

  • Forchammer Notes on the Early History and Geography of British Burma – I. The Shwedagon Pagoda, II. The First Buddhist Mission to Suvannabhumi, publ. Superintendent Government Printing, Rangoon 1884.
  • Fraser (1920) "Old Rangoon" Journal of the Burma Research Society, volume X, Part I, pp. 49–60.
  • Furnivall, Syriam Gazetteer.
  • Guillon, Emmanuel (tr. ed. James V. Di Crocco) (1999) The Mons: A civilization of Southeast Asia, Bangkok: The Siam Society.
  • Halliday, Robert (2000) (Christian Bauer ed.) The Mons of Burma and Thailand, Volume 2. Selected Articles, Bangkok: White Lotus.
  • Harvey, G.E. (1925) History of Burma: From the earliest times to 10 March 1824 the beginning of the English conquest, New York: Longmans, Green, and Co.
  • Sayadaw Athwa [The Monk of Athwa], Burmese translation of his Talaing History of Pegu used by Phayre, now in the British Museum, being manuscripts OR 3462-4.
  • Saya Thein (1910) "Shin Sawbu," Journal of the Burma Research Society [Summarizing the "Thaton-hnwe-mun Yazawin" below, but also giving the slightly different chronology of the Burmese chronicle "Hmannan Yazawin"]
  • Saya Thein (1912) "Rangoon in 1852" Journal of the Burma Research Society.
  • Schmidt, P.W. (1906) Slapat ragawan datow smim ron. Buch des Ragawan, der Konigsgeschichte, publ. for Kais. Akademie der Wissenschaften by Holder, Vienna, pp. 133–135
  • Shorto, Harry Leonard (1958) "The Kyaikmaraw inscriptions," Bulletin of the School of Oriental and African Studies (BSOAS), 21(2): 361-367.
  • Shorto (1971) A dictionary of Mon inscriptions from the sixth to the sixteenth centuries. London: Oxford University Press.
  • Shorto (tr.) (no date) Unpublished typescript translation of pp. 34–44, 61-264 of Phra Candakanto (ed.) Nidana Ramadhipati-katha (or as on binding Rajawamsa Dhammaceti Mahapitakadhara), authorship attributed to Bannyadala (c. 1518-1572), Pak Lat, Siam, 1912.
  • Singer, Noel F. (1992) "The Golden Relics of Bana Thau," Arts of Asia, September-October, 1992. [Contains many interesting and original historical interpretations]
  • Thaton-hnwe-mun Yazawin, unpublished manuscript cited in Harvey, p. 117, the facts about Baña Thau in this chronicle are summarised in (Hmawbi Saya Thein, 1910)

Notes et références modifier

  1. (Guillon, 1999, p. 173)
  2. a b c et d (Guillon, 1999, p. 169)
  3. Saya Thein, 1910, 10
  4. Saya Thein (1910, 10) donne la date du 14e jour de la lune montante de Tabaung 757 (mars 1396) d'après la tradition mône, ou mercredi, 12e jour de la lune montante de Tabaung 755 (mars 1394) d'après la Chronique de Hmannan.
  5. (Harvey, 1925, p. 116)
  6. (Guillon, 1999, p. 166; Singer, 1992, p. 80, says 1429)
  7. (Harvey, 1925, 368)
  8. a b et c (Singer, 1992, p. 81)
  9. (Halliday, 2000, p. 101; Guillon, 1999, p. 173)
  10. a et b (Halliday, 2000, 101)
  11. (Shorto, Mon Inscriptions, II, p. 61)
  12. (Halliday, 2000, p. 102)
  13. a et b (Halliday, 2000, p. 101)
  14. (Guillon, pp. 171-172 pour l'essentiel ; voir aussi Shorto, 1958 ; Than Tun, 1985, Royal Orders of Burma, Part Two, p. x, décrit aussi cette inscription)
  15. (Sayadaw Athwa II. 131)
  16. (Harvey, 117-8)
  17. (Harvey, p. 117)
  18. (Shorto, no date, pp. 1-7)
  19. (Shorto, Dictionary of Mon Inscriptions, 317, Ramadhipati)
  20. (Guillon, 1999, 172)
  21. (Guillon, 1999, p. 170)
  22. (Harvey, 118 citing Furnivall, Syriam Gazetteer; Fraser "Old Rangoon" JBRS 1920)
  23. (JBRS 1912 Saya Thein "Rangoon in 1852"; Harvey, p. 118; also see Singer, 1992 for details)

Articles connexes modifier