Serge Tchuruk

dirigeant d'entreprise français
Serge Tchuruk
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Fonction
Président-directeur général de TotalEnergies
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Biographie
Naissance
Nationalité
Formation
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Distinction

Serge Tchuruk, de son vrai nom Serge Tchurukdichian, né le à Marseille, est un ancien dirigeant d'entreprise français.

Biographie modifier

Origines modifier

Ses parents sont des réfugiés arméniens qui ont fui la Turquie au début des années 1920. Commerçants, ils s'installent en France en 1922.

Serge Tchuruk vit à Marseille, dans le quartier du lycée Thiers, où il fait toutes ses études secondaires[1]. Une de ses passions est le rugby et il occupe le poste de trois-quarts dans l'équipe de rugby à XIII du RC Marseille XIII.

Il apprend l'arménien (que l'on ne parlait pas chez lui).

Carrière modifier

Il est, en 1962, diplômé de l'École polytechnique (promotion X1958). À la sortie, il choisit le corps de l'armement, mais son mariage avec une Polonaise lui interdit l'accès au « secret défense ».

Il commence sa carrière aux États-Unis dans le groupe ExxonMobil, où il occupe plusieurs postes de 1964 à 1979[2]. Il devient président de Mobil Benelux en 1979[3].

De 1980 à 1986, il occupe différents postes dont celui de directeur général de la division Engrais, à Rhône-Poulenc, groupe chimique et pharmaceutique français, pour finir par être nommé directeur général de ce groupe en 1983. Il devient PDG d'Orkem (auparavant CDF-Chimie) de 1986 à 1990, puis PDG de la société pétrolière Total de 1990 à 1995.

En 1995, il est nommé PDG d'Alcatel-Alsthom en remplacement de Pierre Suard[4]. Il décompose le groupe en deux entités distinctes :

  • la société d'équipements de télécommunications terrestres et spatiales Alcatel ;
  • le groupe Alstom, ce dernier redevenant rapidement indépendant et coté lui-même en bourse.

Il orchestre ensuite le rachat de l'équipementier américain Lucent par Alcatel, les actionnaires de ce dernier représentant 60 % de l'entité nouvellement créée. Après de longs examens par les autorités, notamment américaines, qui aboutirent à la cession de l'activité satellites à Thales au sein de Thales Alenia Space, le nouveau groupe Alcatel-Lucent voit le jour au .

Serge Tchuruk quitte alors la direction générale pour devenir président du conseil d'administration[5] de la nouvelle entité.

Le , Serge Tchuruk démissionne de son poste devant les difficultés du groupe Alcatel-Lucent[6].

De à , Serge Tchuruk est président et CEO de Joule Unlimited[7], dont il est membre du conseil d'administration depuis .

Mandats sociaux modifier

  • Administrateur de Weather Investment SPA
  • Administrateur de Total SA depuis 1989

Stratégie modifier

Le , lors d'un colloque à Londres, Serge Tchuruk, P-DG d'Alcatel, déclare : « Nous souhaitons être très bientôt une entreprise sans usines. » Il donne ainsi le coup d'envoi à la cession ou à la fermeture de la majorité des 120 usines de son groupe. Et devient le chantre du « fabless », cette stratégie consistant pour les entreprises à se concentrer sur la conception des produits tout en déléguant leur fabrication à des sous-traitants[8].

Polémiques modifier

Polémique sur le « parachute doré » modifier

Au moment où il a quitté la direction générale d'Alcatel-Lucent pour devenir président du conseil d'administration, Serge Tchuruk, sans quitter le groupe mais en abandonnant juste la direction opérationnelle, perçoit un parachute doré de 5,7 millions d'euros. La question se posera alors de l'équité de pareil avantage à la fin d'un mandat globalement perçu comme un échec de gestion : sous l'ère Tchuruk (1995-2007), le cours de l'action Alcatel a diminué de moitié, et depuis qu'il est président de plus d'une autre moitié (la valorisation boursière ALU, c'est-à-dire « Alcatel plus Lucent » vaut moins en 2008 qu’Alcatel tout seul avant la fusion en 2006 et la moitié de la valeur actuelle d'Alstom).

Le , 17 organisations syndicales européennes et américaines du groupe Alcatel Lucent ont envoyé un courrier à Serge Tchuruk et à Patricia Russo (l’ex-directrice générale d’Alcatel Lucent, elle aussi bénéficiaire d'un parachute doré, et elle aussi démissionnaire depuis) leur demandant de renoncer à leurs parachutes dorés, jugés « indécents ». Cette demande trouva des partisans politiques, en particulier du ministre Xavier Bertrand, du secrétaire général de l'Elysée Claude Guéant, et de la présidente du Medef, Laurence Parisot. À la date du , ni Serge Tchuruk ni Patricia Russo n'avaient remboursé leurs indemnités[9].

Polémique sur la vision stratégique modifier

Lorsque Serge Tchuruk prend la direction d'Alcatel en 1995, il base sa stratégie sur le recentrage vers les Telecom en en faisant un groupe spécialisé.

En 2001, à la suite de l'explosion de la bulle Internet, le groupe est encore un géant qui compte 150 000 salariés et 120 sites industriels. Le patron d’Alcatel rêvait d’une entreprise « sans usines »,

Alcatel occupe une place centrale dans le monde des équipementiers télécoms.

Deux ans après en 2003, le groupe ne compte plus que 30 sites industriels et 58 000 salariés[10].

Au désastre industriel et humain s'ajoute un désastre financier puisque l'action est passée de 100 euros à 30 euros. C'est d'ailleurs là le principal échec de Tchuruk, car sa stratégie était censée augmenter le cours de l'action en délestant l'entreprise des usines à faible valeur ajoutée.

Sa deuxième erreur sera la fusion avec l'équipementier américain Lucent, en , qui s'avérera désastreuse pour les deux groupes.

À son départ d'Alcatel-Lucent, en 2008, Serge Tchuruk laisse une entreprise totalement exsangue. Sa vision stratégique a vidé Alcatel de sa substance et détruira un groupe autrefois prospère et puissant.

Cette dégringolade se poursuivra, En 2012, Alcatel-Lucent sort du CAC40 où il figurait depuis 1987. Le cours de l'action est inférieur à 1 euro.

Son portefeuille de brevets a du être gagé pour l'obtention d'un prêt et le centre de gravité du groupe s'est déplacé vers les États-Unis[11].

Polémiques sur la fusion avec Lucent modifier

En 2005, Alcatel est inquiété par la justice américaine pour une affaire de corruption au Costa Rica, puis d’autres affaires en Amérique latine. Toutefois l'entreprise, devenue Alcatel Lucent, ne paiera que 137 millions de dollars d’amendes et Serge Tchuruk ne sera jamais inquiété. Pour des faits similaires, l'allemand Siemens eut à s'acquitter d'une amende de 800 millions de dollars. Cette différence de traitement pourrait s'inscrire dans la stratégie mise en place par les États-Unis depuis la fin de la guerre froide afin d'assurer leur suprématie économique, stratégie fondée principalement sur les pressions politiques et les contraintes juridiques qu’ils imposent à leurs rivaux. Alcatel pourrait avoir été incité à fusionner avec Lucent en 2006 pour éviter une sanction plus sévère[12].

Notes et références modifier

  1. « Serge Tchuruk, 60 ans, patron d'Alcatel, ombrageux et solitaire, incarne l'intégrité industrielle des temps jospiniens. La pile Alcatel. », sur Libération.fr, (consulté le )
  2. « Les parcours de Patricia Russo et de Serge Tchuruk », sur Challenges (consulté le )
  3. « Les parcours de Patricia Russo et de Serge Tchuruk », sur Challenges (consulté le )
  4. « Serge Tchuruk, futur patron d'Alcatel Alsthom », sur lesechos.fr (consulté le )
  5. Voir Le Monde du 1er décembre 2006.
  6. « Pat Russo et Serge Tchuruk quittent Alcatel-Lucent », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )
  7. « [titre manquant] », sur www.bloomberg.com (consulté le )
  8. Voir La Tribune du 24 décembre 2009.
  9. « Tchuruk et Russo n'ont pas rendu leur parachute » dans le blog Les cordons de la Bourse sur liberation.fr, 29/10/2008 (consulté le 30-11-2012)
  10. « Voir Pierre Haski, Quand le patron d’Alcatel rêvait d’une entreprise « sans usines », sur L'OBS avec Rue89, 26 février 2016 (consulté le 07-10-2018)
  11. Voir Dominique Albertini, Alcatel-Lucent : histoire d'un désastre industriel, Libération du 8 octobre 2013 (consulté le 7 octobre 2018).
  12. Voir Centre Français de Recherche sur le Renseignement, Racket américain et démission d'Etat, le dessous des cartes du rachat d'Alstom par General Electric, Rapport de recherche n°13, décembre 2014 (consulté le 7 octobre 2018).

Voir aussi modifier

Liens externes modifier

Bibliographie modifier

  • Kerdellant, C. (2016). Ils se croyaient les meilleurs. Histoire des grandes erreurs de management. Éditions Denoël.
  • Chorafas, D. N. (2004). « Management and Mismanagement in the Telecommunications Industry ». In Rating Management’s Effectiveness (pp. 100-123). Palgrave Macmillan, London.
  • Chevallier, M. (2010). « De l'importance des usines ». Alternatives économiques, (2), 53-53.