Rue de la Comédie (Strasbourg)

voie de Strasbourg, en France

Rue de la Comédie
Image illustrative de l’article Rue de la Comédie (Strasbourg)
Entrée de la rue de la Comédie depuis la place Broglie, encadrée par le square du palais du Gouverneur militaire et celui de l'hôtel de Hanau où se trouve le monument de la Marseillaise.
Situation
Coordonnées 48° 35′ 07″ nord, 7° 45′ 04″ est
Pays Drapeau de la France France
Collectivité territoriale Collectivité européenne d'Alsace
Ville Strasbourg
Début place Broglie
Fin rue Brûlée

Carte

La rue de la Comédie (en alsacien : Luxhofgass) est une voie de Strasbourg, rattachée administrativement au quartier Centre, qui va de la place Broglie à la rue Brûlée[1]. À l'ouest elle longe les bâtiments de l'hôtel de ville de Strasbourg (hôtel de Hanau) et se prolonge vers le sud par la rue des Charpentiers.

Histoire modifier

S'appuyant sur les travaux de Specklin, Adolphe Seyboth montre que l'étroite ruelle débouchait autrefois sur la place Broglie par une poterne — Die Port im Rihtergaessele[2] —, démolie en 1757, et par un pont sur le fossé des Tanneurs, disparu vers 1840[3].

La voie est élargie à plusieurs reprises. Alors qu'on y accédait en passant sous le premier étage d'une maison adossée aux bâtiments municipaux, au XVIIIe siècle la Ville fait démolir la partie sur-bâtie et reculer également la façade du Luxhof[4]. La ruelle s'élargit ainsi de quatre mètres. En 1841, elle gagne deux mètres supplémentaires, pris sur l'autre façade[3].

 
Plaque bilingue, en français et en alsacien.

Son appellation change au fil du temps. Au XVIe siècle, on l'appelle Luxgaessel, la ruelle de Saint-Luc, du nom d'une chapelle[4]; en 1786, la rue des Frères-Unis ; en 1794, la rue des Domaines-Publics[3]. La dénomination « rue de la Comédie » apparaît à la fin du XVIIIe siècle, puis persiste en 1817, 1918 et depuis 1945, après avoir été remplacée par Luxhofgasse, au moment de l'occupation allemande en 1872 et 1940[1].

À partir de 1995, des plaques de rues bilingues, à la fois en français et en alsacien, sont mises en place par la municipalité lorsque les noms de rue traditionnels étaient encore en usage dans le parler strasbourgeois[5]. La rue est ainsi sous-titrée Luxhofgass.

Bâtiments remarquables modifier

La renommée du Luxhof modifier

 
La Luxhofgasse en 1898.
Le côté oriental de la rue est fortement associé à la mémoire du Luxhof, le bâtiment auquel la rue de la Comédie doit son nom pendant l'occupation allemande.
Historiens et voyageurs du XIXe siècle ne manquent pas de citer le Luxhof, au nom de son architecture, des visites impériales et, plus tard, de la réputation de sa brasserie.
En 1828, Philippe Jacques Fargès-Méricourt met en scène le palais et les processions de la saint Luc[6].
En 1842, J. Duplessy le signale dans son Guide indispensable des voyageurs sur les chemins de fer de l'Alsace[7].
Selon John Grand-Carteret (1886), c'est « la maison la plus élevée de Strasbourg », dont tous les murs de la brasserie sont ornés de peintures, ainsi que le Kaisersaal (« salle de l'empereur »[8]).
En 1888, un ouvrage anonyme décrit l'enseigne comme « la plus connue des anciennes brasseries strasbourgeoises » , « un des établissements allemands les plus en vogue », « surtout fréquentée par la jeunesse universitaire[9] ».
En 1890, René Schickele le décrit comme « l'un des principaux hôtels de la ville[10] ».
Cependant l'emplacement est occupé depuis le Moyen Âge par un imposant édifice à pignon reconnaissable sur certaines vues Strasbourg grâce sa taille, notamment sur des dessins de Hans Baldung réalisés vers 1510[11].
Au XIIIe siècle il appartenait probablement à des officiers épiscopaux[11]. Il comportait alors une chapelle dédiée à saint Luc, d'où le nom Luxhof. Sa réputation trouve son origine dans les tremblements de terre réitérés qui alarmèrent la population en 1356 et 1357. Le plus spectaculaire s'étant produit le jour de la saint Luc, l'évêque Jean de Lichtenberg et le Sénat forment le vœu de commémorer ce jour par une procession solennelle. Cette tradition se perpétue chaque année jusqu'à la Réforme[12].
En 1417, puis en 1433, l'empereur Sigismond loge dans la demeure lors de ses séjours à Strasbourg, comme en témoignait une pierre gravée de l'inscription suivante :

« SIGISMONDVS D. G. IMPERAT. AVG.
HVNG. ET. BOH REX. DVX.
LVXENBVRG. HOC VTEBATVR
HOSPITIO A. MCCCCXXXIII[12] »

Ses armoiries, avec un seul casque fermé et un lambrequin blanc, figuraient sous l'inscription. Texte et armes auraient été enlevés en 1706 selon Jean-Frédéric Hermann[13], ou au moment de l'élargissement de la rue au XIXe siècle, d'après Frédéric Piton[12].
La chapelle est démolie en 1559. Les autres locaux sont réaffectés à la direction des constructions publiques[12].
En 1793 le bâtiment historique du Luxhof est converti en brasserie par Sébastien-Antoine Klotz[3], grand-père de Gustave Klotz, architecte de l'Œuvre Notre-Dame. Celui-ci naît dans cette maison le 29 novembre 1810. La biographie rédigée par son petit-fils Jacques apporte quelques précisions sur l'édifice (localisé par lui au no 2), en réalité un ensemble de deux bâtiments formant enclos[14].
Le 24 janvier 1900 un incendie se déclare au Luxhof. La toiture est entièrement détruite et les deux vieux pignons, très endommagés, doivent être abattus quelques jours plus tard[15].
Dans les années 1960, les bâtiments sont occupés par le foyer Charles-de-Foucauld et par la Direction diocésaine de l'Enseignement[14]. Après d'importants travaux de transformation au début des années 2000, ils abritent la Maison des élèves de l'ENA[16].

À l'angle de la rue Brûlée modifier

Sur l'emplacement de l'angle avec l'actuel no 11 de la rue Brûlée se trouvait au XVIe siècle une demeure appartenant aux nobles de Kippenheim, une vieille famille de l'Ortenau qui fournit plusieurs stettmeisters à la Ville. Au cours des XVIIe et XVIIIe siècle, elle est tour à tour propriété des nobles de Hüffel, des Lutzelbourg, des Dettlingen, des Landsperg. Pendant la Révolution, le rez-de-chaussée héberge un café[3]. Reconstruit en 1855 dans un style éclectique, inspiré de la Régence et du rococo[17], l'immeuble de trois niveaux est orné de têtes sculptées[18]. Il a abrité différentes instances militaires, dont les bureaux de l'État-Major de la Première-Armée[17].

Hôtel de Hanau modifier

Alors que la façade principale de l'hôtel de Hanau — siège actuel de l'hôtel de ville de Strasbourg — donne sur la rue Brûlée (no 9) et la façade arrière sur la place Broglie, la rue de la Comédie longe la façade latérale située à l'est. C'est celle du pavillon d'angle qui abritait d'abord les anciennes cuisines, mais qui fut amputée de deux mètres en 1841 pour élargir la rue. Le bâtiment, initialement destiné aux écuries, est construit vers la même époque[3],[11].
L'ensemble des façades fait l'objet d'un classement au titre des monuments historiques depuis 1921[19].

Square de la Marseillaise modifier

 
Les anciennes écuries et le square de la Marseillaise.
 
Le monument d'origine, en 1928.
Au nord, du côté de la place Broglie, la rue est bordée par deux petits espaces verts entourés de grilles, l'un appartient aux jardins du palais du Gouverneur militaire, l'autre entoure le monument de la Marseillaise. Œuvre du sculpteur Alfred Marzolff, il est inauguré en 1922, démoli à coups de masse en 1940[20], puis reconstitué à son emplacement initial par les sculpteurs de la fondation de l'Œuvre Notre-Dame en 1980[21].
Ce petit square remplace le pavillon bas qui aurait dû compléter à gauche la façade de l'hôtel de Hanau donnant sur la place Broglie et ne fut jamais construit (de même que son pendant à droite).

Notes et références modifier

  1. a et b Maurice Moszberger (dir.), « Comédie (rue de la) », in Dictionnaire historique des rues de Strasbourg, Le Verger, Barr, 2012 (nouvelle éd. révisée), p. 52-53 (ISBN 9782845741393)
  2. Rihter étant l'ancienne orthographe de Richter, c'est-à-dire « juge »
  3. a b c d e et f Adolphe Seyboth, Strasbourg historique et pittoresque depuis son origine jusqu'en 1870, L'Imprimerie alsacienne, 1894, p. 148-151
  4. a et b Voir « Bâtiments remarquables », no 1, ci-dessous.
  5. « L'alsacien a droit de rue à Strasbourg », Libération, 31 mars 1995, [lire en ligne]
  6. Description de la ville de Strasbourg, contenant des notices topographiques et historiques sur l'état ancien et actuel de cette ville, F.-G. Levrault, 1828, p. 47-48
  7. J. Duplessy, Le Guide indispensable des voyageurs sur les chemins de fer de l'Alsace, V. Levrault, 1842, p. 65
  8. John Grand-Carteret, Raphaël et Gambrinus, ou, L'art dans la brasserie, L. Westhausser, 1886, p. 289-291
  9. La Société de Strasbourg par Madame la baronne ***. Étude suivie du Carnet mondain strasbourgeois qui la complète, C. Decker, 1888, p. 30
  10. René Schickele, Le vieux Strasbourg : conférences faites au cercle catholique de Strasbourg, F.-X.Leroux, 1890, p. 95
  11. a b et c Georges Foessel, « Rue de la Comédie », Strasbourg : panorama monumental et architectural des origines à 1914, Contades, Strasbourg, 1984, p. 124
  12. a b c et d Frédéric Piton, « Rue de la Comédie », Strasbourg illustré ou Panorama pittoresque, historique et statistique de Strasbourg et de ses environs, 1855, p. 30-31
  13. Jean-Frédéric Hermann, Notices historiques, statistiques et littéraires sur la ville de Strasbourg, vol. 2, Levrault, 1819, p. 433
  14. a et b Jacques Klotz, Gustave Klotz, 1810-1880, d'après ses notes, ses lettres, ses rapports, Impr. Muh-Leroux, 1965, p. 9, à télécharger [1]
  15. Charles Spindler, « Le Luxhof », Revue alsacienne illustrée, (avant 1914), p. 69
  16. « Résidence Charles de Foucauld », JDS [2]
  17. a et b (fr) Roland Recht, Jean-Pierre Klein et Georges Foessel (dir.), « Rue Brûlée » in Connaître Strasbourg : cathédrales, musées, églises, monuments, palais et maisons, places et rues, Alsatia, Colmar ?, 1998 (nouvelle édition remaniée), p. 119 (ISBN 2-7032-0207-5)
  18. « 11, rue Brûlée (Strasbourg) », ArchiWiki [3]
  19. « Hôtel de Hanau », notice no PA00085061, sur la plateforme ouverte du patrimoine, base Mérimée, ministère français de la Culture
  20. Paul Ahnne, Strasbourg, 1850-1950. Métamorphoses et développement, Strasbourg, Éditions des Dernières Nouvelles, 1959, p. 53
  21. Chantal Georgel, Christian Amalvi, Une icône républicaine : Rouget de Lisle chantant “La Marseillaise” par Isidore Pils, 1849, Éditions de la Réunion des musées nationaux, 1989, p. 30 (ISBN 9782711822478)

Voir aussi modifier

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Bibliographie modifier

  • Georges Foessel, « Rue de la Comédie », Strasbourg : panorama monumental et architectural des origines à 1914, Contades, Strasbourg, 1984, p. 124
  • Maurice Moszberger (dir.), « Comédie (rue de la) », in Dictionnaire historique des rues de Strasbourg, Le Verger, Barr, 2012 (nouvelle éd. révisée), p. 52-53 (ISBN 9782845741393)
  • Frédéric Piton, « Rue de la Comédie », Strasbourg illustré ou Panorama pittoresque, historique et statistique de Strasbourg et de ses environs, 1855, p. 29-31
  • (de) Adolphe Seyboth, « Luxhofgasse. Rue de la Comédie », in Das alte Strassburg, vom 13. Jahrhundert bis zum Jahre 1870 ; geschichtliche Topographie nach den Urkunden und Chroniken, Strasbourg, 1890, p. 18
  • Adolphe Seyboth, Strasbourg historique et pittoresque depuis son origine jusqu'en 1870, L'Imprimerie alsacienne, 1894, p. 148-151

Articles connexes modifier

Liens externes modifier