Roland Jaccard

psychanalyste, essayiste et éditeur suisse
Roland Jaccard
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Naissance
Décès
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Roland Georges JaccardVoir et modifier les données sur Wikidata
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Archives littéraires suisses (CH-000015-0: ALS-Jaccard)[1]Voir et modifier les données sur Wikidata

Roland Jaccard, né le à Lausanne et mort le à Paris, est un écrivain, journaliste, critique littéraire, essayiste et éditeur suisse.

Biographie modifier

Famille et vie privée modifier

Sa mère, Cécile Jaccard, née Mangelberger, est autrichienne[2] ; son père, Alfred Samuel Jaccard, enseignant et diplomate[3], avait eu Henri Roorda pour professeur de mathématiques à Lausanne[4]. Son grand-père et son père se sont suicidés, le second l'année de ses 80 ans, en 1985, la veille de l'anniversaire de Roland Jaccard[5],[6].

Assistant du professeur Pierre Jaccard, il soutient une thèse en sciences sociales et psychologiques à l'École des sciences sociales et politiques de l'Université de Lausanne, dont il tire un livre, La Pulsion de mort chez Mélanie Klein, paru en 1971[7],[8].

Revenu vivre les derniers mois de sa vie en Suisse[9],[10], il se suicide dans le 7e arrondissement de Paris le , deux jours avant ses 80 ans[11],[12],[13].

Édition et journalisme modifier

Formé à la psychanalyse[14],[15],[16], il exerce pendant quelque temps[17], puis devient journaliste responsable de la rubrique « psychanalyse » au journal Le Monde entre 1969 et la fin des années 1980[18]. Il continue ensuite de contribuer occasionnellement au quotidien comme pigiste[19].

Essayiste, il se fait connaître en 1975 par l'essai L'Exil intérieur : schizoïdie et civilisation, dans lequel il critique la société, faisant un diagnostic de « schizoïdie généralisée »[20].

Romancier, il écrit Sugar Babies, Flirt en hiver, Une fille pour l'été. Parmi ses autres ouvrages les plus connus se trouve une trilogie autobiographique : L'âme est un vaste pays, Des femmes disparaissent, L'Ombre d'une frange[16],[9].

Il est l'auteur de monographies dont celles consacrées à l'actrice Louise Brooks et aux psychanalystes Melanie Klein et Lou Andreas-Salomé[21]. Il a écrit plusieurs essais sur Freud[16]. Il a également écrit des recueils de textes critiques[16].

Installé à Paris, il est aussi éditeur[22] et contribue à lancer la carrière d'écrivains et d'intellectuels tels que Frédéric Pajak[23], André Comte-Sponville[22], Romain Slocombe, Frédéric Schiffter[24]. En 1993, il dirige la publication du collectif Histoire de la psychanalyse[16].

À partir de 1995, il est membre du jury du prix de l'écrit intime[25].

 
Roland Jaccard en .

Il crée et dirige pendant trente-cinq ans, jusqu'au début des années 2000 la collection « Perspectives critiques » aux PUF[16].

Il a tenu une chronique mensuelle dans Causeur, magazine fondé par Elisabeth Levy en 2007, intitulée « Les carnets de Roland Jaccard »[16].

Prises de position modifier

Partisan du suicide[26], il écrit en 1992 Manifeste pour une mort douce avec le directeur de la Collection de l'art brut à Lausanne, Michel Thévoz, et s'engage pour le suicide assisté[16]. Dans son dernier livre autobiographique On ne se remet jamais d’une enfance heureuse, sorti en 2021 quelques semaines avant sa mort, il annonce qu'il se suicidera « après l'été », déclarant que la vieillesse lui fait « horreur »[16],[13].

Il est décrit comme étant un « nihiliste »[26],[15],[27], un « hédoniste pessimiste » qui pratique le cynisme, l'autodérision, l'auto-dénigrement[27] (« Je suis un pauvre type »[22]), et cultive la « noirceur » et « une désillusion sardonique »[9]. Dans La Tentation nihiliste, il brosse le portrait de divers nihilistes comme Stefan Zweig et Giacomo Leopardi[28]. Il est un admirateur d'Emil Cioran[9].

Selon Marie-Violette Bernard et Alice Galopin, il a encensé un essai de Gabriel Matzneff, « vilain monsieur » et lui a passé « ces aveux aussi scabreux que courageux »[29]. Selon Jérôme Garcin, il a fréquenté avec Gabriel Matzneff la piscine Deligny, draguant des « nymphettes », avant qu'ils ne se brouillent[26].

Roland Jaccard a fait partie du Mouvement démocratique des étudiants (dissous en 1964), qui regroupait différentes tendance de la gauche suisse. D'après l'historien Pierre Jeanneret, il y représentait le courant socialiste avec, notamment, Yvette Jaggi[30]. Ses positions politiques ont évolué dans les dernières années de sa vie « du FLN au FN » selon ses propres termes[14],[17]. Dans son dernier billet de blog juste avant sa mort, il déclare n'avoir « jamais caché [s]a sympathie pour Éric Zemmour »[9].

Ouvrages modifier

Journaux et récits modifier

  • Écrits irréguliers…, journal, 1969
  • Un jeune homme triste, journal, 1971
  • Les Chemins de la désillusion, journal/aphorisme, Grasset, 1979
  • L'âme est un vaste pays, journal, Grasset, 1983
  • Des femmes disparaissent, journal, Grasset, 1985
  • Sugar babies, Le Castor astral, 1986 (dessins de Christophe Krafft) ; réédité chez Zulma, 2002 (photographies de Romain Slocombe)
  • L'Ombre d'une frange, journal, Grasset, 1987
  • Flirt en hiver, journal, Plon, coll. « Carnets », 1991 ; Le Livre de poche, coll. « Biblio Essais », 1993
  • Le Rire du diable, journal, Zulma, 1994 ; Le Livre de poche, coll. « Biblio Essais », 1996
  • Journal d'un homme perdu, journal, Zulma, 1995
  • Une fille pour l'été, journal, Zulma, 2000
  • Vertiges, journal, 2000
  • L'Homme élégant, aphorismes, Zulma, 2002
  • Journal d'un oisif, journal, PUF, 2002
  • Portrait d’une flapper, récit, PUF, 2007
  • Retour à Vienne, récit illustré par Romain Slocombe, Melville-Léo Scheer, 2007
  • Sexe et sarcasmes, carnets, PUF, 2009
  • Ma vie et autres trahisons, Grasset, 2013
  • Une Japonaise à Paris, L'Éditeur, 2014
  • Une liaison dangereuse, cosigné avec Marie Céhère, L'Éditeur, 2015
  • De l'influence des intellectuels sur les talons aiguilles, Éditions Pierre-Guillaume de Roux, 2016
  • Station terminale, Serge Safran Éditeur, 2017
  • Confession d'un gentil garçon, Pierre-Guillaume de Roux, 2020
  • Au café Schopenhauer, 2020
  • La nuit où j'ai cru devenir fou, 2020
  • On ne se remet jamais d'une enfance heureuse, Éditions de l'Aire, 2021

Essais modifier

  • La Pulsion de mort chez Melanie Klein, 1971
  • L'Homme aux loups, 1973
  • Ce que Melanie Klein a vraiment dit, 1974
  • L'Exil intérieur : schizoïdie et civilisation, PUF, coll. « Perspectives critiques », 1975 ; réédité en 1979 et 2006[31]
  • Louise Brooks : portrait d'une anti-star (biographie), Phébus, 1977 ; Ramsay, 1985
  • Dictionnaire du parfait cynique, illustré par Roland Topor, Hachette, 1982 ; réédition 2007, Zulma
  • Lou, autobiographie fictive de Lou Andreas-Salomé, Grasset, 1982
  • La Folie, PUF, coll. « Que sais-je ? », nº 2121, 1983 ; 5e édition en 1993
  • Freud, PUF, coll. « Que sais-je ? », 1983
  • La Tentation nihiliste, PUF, coll. « Perspectives critiques », 1989 ; PUF, coll. « Quadrige », 1991
  • Les Séductions de l'existence, en collaboration avec F. Bott, D. Grisoni et Y. Simon, Le Livre de poche, coll. « Biblio Essais », 1990
  • De la volupté et du malheur d'aimer, en collaboration avec F. Bott, D. Grisoni et Y. Simon, Le Livre de poche, coll. « Biblio Essais », 1992
  • Manifeste pour une mort douce, en collaboration avec Michel Thévoz, Grasset, 1992
  • Freud, jugements et témoignages, 1993
  • Le Cimetière de la morale, PUF, coll. « Perspectives critiques », 1995 ; Le Livre de poche, coll. « Biblio Essais », 1998
  • Topologie du pessimisme, dessins de Georges Wolinski, Zulma, 1997
  • L'Enquête de Wittgenstein, PUF, coll. « Perspectives critiques », 1998 ; réédition Arléa, coll. « Arléa-Poche », n° 246, 2019
  • Un climatiseur en enfer, Zoé, 2001
  • Cioran et compagnie, PUF, 2004
  • Penseurs et Tueurs, Éditions Pierre-Guillaume de Roux, 2018
  • John Wayne n'est pas mort, Pierre-Guillaume de Roux, 2019
  • Dis-moi la vérité sur l'amour, 2020

Références modifier

  1. « https://www.helveticarchives.ch/detail.aspx?ID=561845 » (consulté le )
  2. « Jaccard, Roland : Fonds Roland Jaccard », sur Archives littéraires suisses.
  3. « Jaccard, Roland : Fonds Roland Jaccard », sur Archives littéraires suisses.
  4. Roland Jaccard, Cioran et compagnie, Presses universitaires de France, , 134 p. (lire en ligne), p. 113-115.
  5. « Roland Jaccard : “Après tout personne ne vous oblige à être vieux…” », sur souffleinedit.com, .
  6. Florence Millioud-Henriques, « Roland Jaccard, “un homme qui a vécu debout” », Tdg.ch,‎ (lire en ligne).
  7. « Œuvres de Roland Jaccard en français », sur ead.nb.admin.ch.
  8. « Biographie », sur ead.nb.admin.ch.
  9. a b c d et e Eléonore Sulser, « Roland Jaccard disparaît », Le Temps,‎ (lire en ligne).
  10. « Carnet noir – Roland Jaccard, «un homme qui a vécu debout» », sur 24 heures (consulté le )
  11. Dahlia Girgis, « Décès de Roland Jaccard, penseur de la mort », sur Livres Hebdo,
  12. État civil sur le fichier des personnes décédées en France depuis 1970
  13. a et b « Roland Jaccard est décédé » sur 24heures.ch.
  14. a et b « Mort de l’essayiste et chroniqueur Roland Jaccard », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )
  15. a et b Patrick Besson, « Histoire d’un amour », sur Le Point, (consulté le ).
  16. a b c d e f g h et i « L'écrivain, journaliste et éditeur Roland Jaccard est décédé », sur rts.ch, (consulté le ).
  17. a et b Tahar Ben Jelloun, « Tahar Ben Jelloun – Roland Jaccard est mort », sur Le Point, (consulté le )
  18. Frédérique Roussel, « Roland Jaccard, vertige de l’ancien «Monde» », sur Libération, (consulté le )
  19. Marc Alpozzo, « Le Monde d’avant, Journal de 1983-1988 de Roland Jaccard », sur Boojum, (consulté le ).
  20. Yves Florenne, « L'Exil intérieur, de Roland Jaccard », sur Le Monde diplomatique, (consulté le ).
  21. « La confession d'une crapule », sur La Libre.fr, .
  22. a b et c « «Je suis un pauvre type» », Le Temps,‎ (ISSN 1423-3967, lire en ligne, consulté le ).
  23. « Frédéric Pajak se fait passeur », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  24. « La littérature est morte ! », sur Les Plus Belles Plumes, (consulté le ).
  25. Anne Coudreuse et Françoise Simonet-Tenant (dir.), Pour une histoire de l'intime et de ses variations, Paris, Éditions L'Harmattan, 2009, p. 7.
  26. a b et c « Matzneff, Jaccard : nihilisme distingué » par Jérôme Garcin, dans L'Obs du 9 avril 2013.
  27. a et b « Chère Louise Brooks », sur Bibliobs, (consulté le )
  28. « "La Tentation nihiliste", de Roland Jaccard », sur Valeurs actuelles, (consulté le )
  29. « Affaire Matzneff : quand une poignée d'intellectuels défendait la pédophilie "au nom de la liberté absolue" dans les années 70 », par Marie-Violette Bernard, pour France Télévisions le 5 janvier 2020.
  30. Pierre Jeanneret, Contestations et mouvements 1960-1980, Éditions d'en bas, (ISBN 978-2-8290-0325-7, lire en ligne)
  31. Yves Florenne, « L'Exil intérieur, de Roland Jaccard », Le Monde diplomatique,‎ (lire en ligne, consulté le ).

Voir aussi modifier

Sources modifier

Liens externes modifier