Robert Lindet
Jean-Baptiste Robert Lindet, né le à Bernay[1] et mort le à Paris[2], est un homme politique de la Révolution française, maire de Bernay en 1789, député de l'Eure à l'Assemblée législative en 1791, puis à la Convention en 1792, membre du Comité de salut public de juillet 1793 à octobre 1794.
Proche de Robespierre, il échappe cependant à la répression thermidorienne et participe au gouvernement à l'époque du Directoire. Il se retire de la vie politique après le coup d'État de Bonaparte (9 novembre 1799/18 Brumaire an VI).
Biographie modifier
Origines familiales et formation modifier
Robert Lindet est issu de la bourgeoisie commerçante.
Il est le deuxième enfant de Thomas Lindet (mort en 1790), marchand de bois et négociant, et de son épouse (depuis 1741) Anne-Marie Jouvin, fille d'un marchand. De leur union naissent cinq enfants.
Son frère aîné est Thomas (1743-1823), devient un homme d'église et un homme politique.
Sa sœur Marie-Anne-Thérèse (1751-1819), épouse en 1772 Charles Depierre de Villeneuve, lui aussi issu lui aussi de la bourgeoisie marchande. Continuant d'habiter Bernay, elle correspond avec ses frères pendant la Révolution, au cours de laquelle leur frère François (1752-1826) est membre de la Société populaire de Bernay.
Mariage et descendance modifier
Réfugié à Caen en 1798, il y épouse le 7 mai Marie-Agathe Elisabeth Mesnil.
De leur union naît une fille, Élisabeth-Arsenne, qui épouse le 22 août 1829 Alexandre Bodin (1804-1893), originaire d'une famille de la bourgeoisie marchande de Lyon. Il sera député de l'Ain à l'Assemblée nationale législative sous la Deuxième République ainsi qu'au Corps Législatif sous le Second Empire.
Carrière sous l'Ancien Régime modifier
Le 11 septembre 1776[3], Robert Lindet obtient la charge de conseiller au procureur de l'élection de Bernay.
Débuts de la Révolution : la monarchie constitutionnelle (1789-1792) modifier
L'été 1789 est marqué par les premiers bouleversements révolutionnaires : mise en place de l'Assemblée constituante (9 juillet), création des Gardes nationales, abolition des privilèges (4 août), Délaration des droit de l'homme et du citoyen (26 août). Le roi Louis XVI est contraint de donner son accord, malgré ses fortes réticences.
C'est l'époque où Robert Lindet est élu maire de Bernay.
En septembre 1791, à la suite de la promulgation de la première constitution française, il est élu député de l'Eure, premier sur onze, à l'Assemblée nationale législative.
À Paris, il fréquente le club des Jacobins et évolue du monarchisme constitutionnel au républicanisme, à l'instar des leaders jacobins, comme Robespierre.
Débuts de la République : période de la Convention girondine (20 septembre 1792-2 juin 1793) modifier
Le 10 août 1792, Louis XVI est renversé, puis suspendu et incarcéré. L'Assemblée législative décide la réunion d'une nouvelle assemblée constituante, la Convention nationale. Les élections ont lieu au suffrage universel (mais avec un taux d'abstention de 90 %) au début de septembre. Thomas et Robert Lindet sont réélus (deuxième et troisième sur onze) députés de l'Eure.
La Convention se réunit le 20 septembre, jour de la victoire de Valmy, et le lendemain proclame la république. Robert Lindet siège parmi les montagnards, avec Robespierre, Danton, Philippe-Égalité, opposés aux girondins (Brissot, Condorcet, Vergniaud).
En novembre, l'assemblée décide de juger elle-même le roi déchu. Au nom de la Commission des Vingt-et-un formée le 6 décembre 1792[4], il présente son Rapport sur les crimes imputés à Louis Capet le 10 du même mois[5]. Son verdict, la mort immédiate du roi, emporte la majorité et Louis XVI est exécuté le 21 janvier 1793.
Le 9 mars 1793, il rédige un rapport sur le projet de loi concernant la création d'un Tribunal criminel extraordinaire[6], qui va être formé sous le nom de Tribunal révolutionnaire.
Il vote contre la mise en accusation de Marat[7] et contre le rétablissement de la Commission des Douze[8], demandée par les girondins, qui l'emportent. Mais Marat est acquitté par le Tribunal révolutionnaire.
Le 8 mars 1793, il se rend auprès de la section parisienne du Panthéon[9] en compagnie de Jean-Baptiste Mailhe. Entre le 3[10]
Le 25 mars, Lindet est élu suppléant à la Commission de salut public[11], et le 7 avril, suppléant au Comité de salut public. Jean Antoine Debry s'étant désisté, Lindet devient membre titulaire[12]. Sous la présidence de Guyton-Morveau, il assure avec Barère la fonction de secrétaire.
Le 2 juin, à la suite de deux journées insurrectionnelles, la Convention décrète l'arrestation de 22 députés girondins (par la suite condamnés à mort). Le pouvoir passe alors aux montagnards soutenus par la Plaine.
Période de la Convention montagnarde (2 juin 1793-27 juillet 1794) : au Comité de salut public modifier
Le 17 juin, il quitte le Comité pour une mission à Lyon, où les girondins se soulèvent, puis y revient le 22 en remplacement de Mathieu, envoyé à son tour en mission[13].
Le 17 juin, en effet[14], il est envoyé à Lyon auprès de l'armée des Alpes.
Le 9 juillet 1793, il est envoyé dans l'Eure avec Jean-Michel Duroy afin d'éteindre les soulèvements girondins. Le 18 juillet, leurs pouvoirs sont étendus au département du Calvados et ils sont attachés à l'armée des côtes de Cherbourg. Il est rappelé par les décrets des 19 et 26 octobre 1793 (5 brumaire an II).
Malgré ces missions, il est renouvelé au sein du comité le 11 juillet et y siège ensuite sans discontinuer jusqu'au 6 octobre 1794[15]. Il détient avec Barère le record de longévité au sein du Comité. Il est principalement chargé de la correspondance, des questions financières et des subsistances.
Il préside ensuite la Convention nationale du 21 avril au 5 mai 1794. Ses secrétaires sont Pocholle, Hausmann et Dornier[16],[17].
Période de la Convention thermidorienne (27 juillet 1794-26 octobre 1795) modifier
Lindet ne prend pas part au renversement de Robespierre le 9 Thermidor an II (27 juillet 1794).
Le 20 septembre 1794, il prononce un discours prônant l'unité et il fait adopter des décrets assouplissant les lois de la Terreur. Mais il se solidarise de ses collègues Barère, Billaud-Varenne et Collot d'Herbois, dénoncés par les thermidoriens et par la Plaine.
Affilié aux « derniers montagnards », il est décrété d'arrestation le 27 mai 1795[18], mais est autorisé à regagner son domicile pour des raisons de santé.
Période du Directoire (26 octobre 1795-9 novembre 1799) modifier
Son élection au Conseil des Cinq-Cents en octobre 1795 par les départements du Nord et de la Seine, sont invalidées, car il a été déclaré inéligible. Il bénéficie de l'amnistie du 26 octobre 1795, mais refuse ensuite les postes qu'on lui propose.
Impliqué dans la conjuration des Égaux de Gracchus Babeuf, il se réfugie à Caen. Il est acquitté par la Haute-Cour de Vendôme[pas clair].
Il est élu député par l'Eure et par la Seine aux élections législatives de 1798, mais son élection est de nouveau invalidée par la loi du 22 floréal an VI.
Ministre des Finances du 23 juillet 1799 au coup d'État du 18 brumaire (9 novembre).
Du Consulat à la Restauration modifier
Il quitte la vie politique et reprend son activité d'avocat.
En 1815, au moment des Cent-Jours, il ne signe pas l'Acte additionnel.
Sous la Restauration, bien que régicide, il n'est pas contraint à l'exil.
Il meurt à Paris et est inhumé au cimetière du Père-Lachaise.
Écrits modifier
- Correspondance politique de brumaire an IV à 1823, recueillie et annotée par François Pascal, Paris, éditions SPM, 2011.
Hommages modifier
Une rue de Bernay porte son nom (elle est surnommée rue des révolutionnaires) ainsi que deux voies parisiennes situées dans le 15ème arrondissement, la rue Robert-Lindet et la villa Robert-Lindet.
Robert Lindet dans les arts et la littérature modifier
- 1964 : La Terreur et la Vertu : Danton - Robespierre de Stellio Lorenzi, rôle interprété par Maurice Bourbon
Notes et références modifier
- Archives départementales de l'Eure, registre paroissial de Sainte-Croix de Bernay, baptêmes mariages et sépultures 1746-1755, 8 MI 412.
- Archives de Paris, registre d'état-civil reconstitué, décès, V3E / D954.
- Archives nationales, site de Paris, Grande chancellerie, V/1/483 pièce 17.
- Archives parlementaires de 1787 à 1860, Première série, tome 54, séance du 6 décembre 1792, p. 400.
- Archives parlementaires de 1787 à 1860, Première série, tome 54, séance du 10 décembre 1792, p. 740-746.
- Archives parlementaires de 1787 à 1860, Première série, tome 60, séance du 9 mars 1793, p. 60.
- Archives parlementaires de 1787 à 1860, Première série, tome 62, séance du 13 avril 1793, p. 54-55 et p. 71.
- Archives parlementaires de 1787 à 1860, Première série, tome 65, séance du 28 mai 1793, p. 538.
- Recueil des Actes du Comité de Salut public tome 2, Représentants en mission, séance du 8 mars 1793, p. 286.
- Recueil des Actes du Comité de Salut public, tome 4, Comité de Salut public, séance du 3 juin 1793, p. 430.
- Archives parlementaires de 1787 à 1860, Première série, tome 60, séances du 26 mars 1793, p. 581.
- Archives parlementaires de 1787 à 1860, Première série, tome 61, séance du 7 avril 1793, p. 396-397.
- Archives parlementaires de 1787 à 1860, Première série, tome 67, séance du 22 juin 1793, p. 69.
- Recueil des Actes du Comité de Salut public, tome 4, Comité de Salut public, séance du 17 juin 1793, p. 590.
- Archives parlementaires de 1787 à 1860, Première série, tome 98, séance du 15 vendémiaire an III (6 octobre 1794), p. 357.
- Archives parlementaires de 1787 à 1860, Première série, tome 89, séance du soir du 1er floréal an II (20 avril 1794), p. 105.
- Archives parlementaires de 1787 à 1860, Première série, tome 90, séance du 16 floréal an II (5 mai 1794), p. 86.
- Françoise Brunel, « Les derniers Montagnards et l'unité révolutionnaire », Annales historiques de la Révolution française n°229, 1977, p. 392.
Voir aussi modifier
Bibliographie modifier
- « Robert Lindet », dans Adolphe Robert et Gaston Cougny, Dictionnaire des parlementaires français, Edgar Bourloton, 1889-1891 [détail de l’édition]
- François Pascal, L'Économie dans la Terreur : Robert Lindet, 1746-1825, Paris, Éditions SPM, , 462 p. (ISBN 2-901952-30-5, présentation en ligne).
- « Lindet, Jean Baptiste Robert », Bernard Bodinier et André Goudeau, p. 758-760 in Michel Biard, Philippe Bourdin et Hervé Leuwers, Dictionnaire des Conventionnels 1792-1795, Ferney-Voltaire, Centre d'étude du XVIIIème siècle, 2022, 1307 p.
- Amand Montier, Robert Lindet, notice biographique, avec une préface d'Etienne Charavay, Paris, Alcan, 1899, 444 p.
Liens externes modifier
- Ressource relative à la vie publique :
- Notices dans des dictionnaires ou encyclopédies généralistes :
- Notice biographique de Robert Lindet, extrait de l'ouvrage Les Ministres des Finances de la Révolution française au Second Empire, Comité pour l'histoire économique et financière de la France, 2007, 376 p., (ISBN 978-2-11-094805-2).