R v. Dudley and Stephens

Affaire criminelle britannique du XIXe siècle

Naufrage du yacht Mignonette

R v. Dudley and Stephens
Titre Her Majesty The Queen v. Tom Dudley and Edwin Stephens
Pays Drapeau du Royaume-Uni Royaume-Uni
Tribunal (en) High Court of Justice (Queen's Bench Division)
Date 1884
Personnalités
Composition de la cour The Lord Coleridge (Lord Chief Justice)

Mr Justice Grove
Mr Justice Denman
Baron Pollock
Baron Huddleston

Détails juridiques
Importance cause célèbre
Citation 14 QBD 273 DC
Voir aussi
Lire en ligne http://www.justis.com/titles/iclr_bqb14040.html

R v. Dudley and Stephens (Regina versus Dudley and Stephens - 1884) est une affaire criminelle majeure en droit anglais qui constitua un précédent au sein de la common law, établissant que la nécessité n'était pas une défense à une accusation de meurtre.

L'affaire concerne un cas de cannibalisme de survie à la suite du naufrage du yacht Mignonette en 1884 et sa justification sur la base de l'un des « usages de la mer (en)[1] ». Elle marque le point culminant d'une longue suite de tentatives législatives, malgré la sympathie de l'opinion publique pour les naufragés, de rendre caducs ces « usages » ; l'affaire est devenue une cause célèbre dans l'Angleterre victorienne. Cette affaire présente une similitude avec un récit de fiction, écrit par Edgar Allan Poe et publié en 1838, décrivant des faits analogues, dont la victime est homonyme.

Faits modifier

 
Croquis du yacht anglais Mignonette par Tom Dudley.
 
Le capitaine Dudley, commandant du navire La Mignonnette.

Le , un petit yacht d'environ 19 tonneaux dénommé Mignonette quitte le port de Southampton, en Angleterre pour se rendre à Sydney en Australie. À son bord, un équipage de quatre personnes seulement, composé du capitaine Tom Dudley, des matelots Edwin Stephens et Edmund Brooks, et du jeune mousse Richard Parker, âgé de 17 ans.

Le , le bateau coule à environ 1 600 milles au nord-ouest du cap de Bonne-Espérance, soit dans l’Atlantique Sud, probablement victime du phénomène de vague scélérate, considéré comme relativement rare[2]. L'équipage se retrouve alors en perdition dans un modeste canot, sans eau et sans vivres.

Les et , un tirage au sort est discuté afin de désigner qui sera sacrifié pour nourrir les autres, mais aucune décision n'est prise. Le ou le , Richard Parker est dans le coma à la suite du manque de nourriture. Dudley propose de l'achever, mais Brooks refuse. Après quelques jours d'âpres discussions, Dudley et Stephens décident que Parker sera sacrifié avant sa mort naturelle, afin de préserver son sang à boire, sans aucune opposition de Brooks. Le capitaine Dudley dit une prière, puis tandis que Stephens tient les jambes de Parker, il tue le jeune garçon en lui tranchant la veine jugulaire. Dudley, Stephens et Brooks sont finalement retrouvés par le trois-mâts allemand Montezuma qui les accueille à bord le [3].

Procès modifier

Dudley et Stephens sont initialement condamnés à mort par la cour britannique, mais la sentence prononcée à leur égard est réduite à six mois d'emprisonnement ferme, en grande partie en raison de l'opinion publique et à la demande de la reine Victoria elle-même. L'affaire fait l'objet d'une jurisprudence dans les pays anglo-saxons[4].

Similitude modifier

 
Edgar Allan Poe.

Dans le roman de l'auteur américain Edgar Allan Poe, Les Aventures d'Arthur Gordon Pym, publié en anglais en 1838 (donc quarante-six ans avant les faits), un passage évoque l'histoire de quatre rescapés ayant subi le naufrage d'un navire dénommé Grampus et qui, manquant de nourriture, décident de tirer à la courte paille lequel sera mangé par les trois autres. Un jeune garçon de cabine nommé Richard Parker, à l'origine de cette idée, perd au tirage au sort et finit mangé par les trois autres membres de l'équipage, non loin des côtes du cap de Bonne-Espérance[5],[6].

Notes et références modifier

  1. (en) Andrew Walker, Is Eating People Wrong?: Great Legal Cases and How they Shaped the World, New York, Cambridge University Press, (ISBN 978-1-107-00037-7), p. 22.
  2. Michel Olagnon et Janette Kerr, Anatomie curieuse des vagues scélérates, coll. « Carnets de sciences », (lire en ligne), p. 54
  3. « Le cas de La Mignonette », Le cannibalisme de survie, sur archeosousmarine.net (consulté le ).
  4. Robert Badinter et al., Les entretiens de Provence, le juge dans la société contemporaine, Paris, Fayard, coll. « Droit économique » (no 3) (lire en ligne).
  5. Les Aventures d'Arthur Gordon Pym, chapitre XI « La bouteille de Porto » et XII « La courte paille »
  6. Gilbert Sinoué, Le petit livre des grandes coïncidences, Télémaque, , 167 p. (lire en ligne).

Annexes modifier

Bibliographie modifier

  • R. F. Clarke, « "The Mignonette" case as a question of moral theology », The Month, vol. 53,‎ , p. 17
  • N. Hanson, The Custom of the Sea : The Story that Changed British Law, Doubleday, (ISBN 0-385-60083-6)
  • M. G. Mallin, « In warm blood: Some historical and procedural aspects of Regina v. Dudley and Stephens », University of Chicago Law Review, vol. 34, no 2,‎ , p. 387–407 (DOI 10.2307/1598938, JSTOR 1598938)
  • A. W. B. Simpson, Cannibalism and the Common Law : The Story of the Tragic nom1 Voyage of the Mignonette and the Strange Legal Proceedings to Which It Gave Rise, Chicago, University of Chicago Press, (ISBN 978-0-226-75942-5)
  • G. Williams, « A commentary on R v. Dudley and Stephens », Cambrian Law Review, vol. 8,‎ , p. 94

Articles connexes modifier

Liens externes modifier