Réseau de mesure de la qualité des sols

Le Réseau de mesures de la qualité des sols (RMQS) est en France un programme du groupement d'intérêt scientifique Sol (Gis Sol), qui réunit les ministères chargés de l'agriculture, de l'écologie, l'INRA, l'ADEME et l'IRD. Il est le seul « cadre national pour l'observation de l'évolution de la qualité des sols »[1] (qualité physicochimque, et biologique[2]).

Mis en place en 2001[3], c’est un réseau scientifique et technique d’étude et de suivi de sites témoins consacré à l’évaluation et au suivi de la qualité des sols français[1].

Depuis 2007, le GIS Sol doit notamment réaliser (pour le compte du ministère de l’environnement) des « cartes de détection de valeurs anomaliques[4] des teneurs en ETM » (éléments traces métalliques des sols français) à partir des données du RMQS pour offrir des valeurs-guides aux gestionnaires institutionnels (DRIRE puis DREAL, collectivités), aux opérateurs privés (bureaux d’étude, professionnels de la dépollution des sols et de la réhabilitation des friches industrielles, établissement publics fonciers) et aux gestionnaires des espaces naturels et agricoles, écotoxicologues, etc.
Ces cartes sont disponibles sur le site du Gis Sol. Il s'agit aussi d'intégrer peu à peu une dimension biodiversité des sols dans les mesures[5].

Contexte et objectifs modifier

La France lance en 1985 un observatoire de la qualité des sols[6],[7]. « Fondé sur des bases scientifiques rigoureuses, il s'est cependant concentré sur des sites subissant de fortes dégradations de la qualité des sols. Dans ce sens, le plan d'échantillonnage apparaissait restreint et biaisé. Cet observatoire ne pouvait donc pas répondre à une demande de vision exhaustive du territoire. Sur ce constat, un nouveau dispositif a été constitué en 2001 », le RMQS[8].

Le RMQS doit permettre de différencier selon les types de sol et d’usages (agriculture principalement), les teneurs naturelles en certains contaminants et la part anthropique (c'est-à-dire induite par les activités humaines). Les données du RMQS doivent faciliter l’étude des origines des pollutions (« usages, aménagements fonciers, pratiques agricoles, épandages de boues, retombées atmosphériques, pollutions accidentelles, . »..). Selon le RMQS, dans la plupart des cas, les évolutions d'origine humaine sont négatives (« préjudiciables au maintien de la qualité des sols » et elles peuvent avoir des origines anciennes dans le cas de « processus longs et cumulatifs, difficilement détectables et dont certains sont parfois irréversibles à l'échelle de temps humaine. Il s'avère, par conséquent, nécessaire de détecter de façon précoce l'apparition et les tendances de ces évolutions, à l'aide de programmes d'observation et de suivi de la qualité des sols ».

En 2006, débute le programme ECOMIC-RMQS[9] qui a pour objectif « de caractériser les communautés microbiennes indigènes des sols échantillonnés dans le RMQS » en étudiant « la distribution spatiale des communautés de microorganismes[10],[11] et de fournir un référentiel d’interprétation à l’échelle du territoire »[12]. L’analyse de l’influence des paramètres de l’environnement (type de sols[13], mode d’usage et climat) sur la distribution des taxons microbiens est compilé dans un ouvrage intitulé Atlas français des bactéries du sol qui montre que ce monde invisible abrite 115 000 espèces de bactéries qui se répartissent en 35 grands groupes (vingt de ces 35 phyla sont cosmopolites et abondants, avec des distributions spatiales hétérogènes). L'abondance bactérienne est plus élevée dans les milieux faiblement perturbés (sols de forêts et de prairie) tandis que la diversité bactérienne dans les milieux fortement perturbés (sols agricoles ou viticoles qui favorisent le développement de micro-organismes dotés de capacités adaptatives élevées[14] mais aussi l’émergence de bactéries pathogènes qualifiées de stratèges opportunistes, qui sont promptes à coloniser ces environnements)[15],[16]. Selon le type de sol, il est possible d'élaborer un modèle prédictif (en) pour prédire la valeur de référence en fonction de deux paramètres (abondance et diversité microbienne) : le seuil critique est atteint si le patrimoine biologique du sol dépasse les 30 % de l'érosion de la biodiversité (seuil marqué par une baisse importante des fonctions du sol)[17]. Contrairement à une idée reçue, les sols agricoles français ne sont pas morts : le patrimoine biologique est en bon état pour 32 % des parcelles, non critique mais à surveiller pour 58 % et critique pour 10 %[18].

Cadre modifier

La dégradation des sols est une préoccupation mondiale, qui en Europe s’est traduite en 2006 par un projet de Directive cadre sur les sols (2006/0086 (COD)) imposant entre autres aux États-membres de la communauté européenne d’établir un inventaire des sites contaminés et un bilan régulièrement mis à jour de l’état des sols, en tenant compte de toutes les menaces pesant sur ces sols.

Pilotage modifier

Ce réseau est piloté par le « Groupement d'intérêt scientifique Sol » (Gis Sol, piloté par l'Unité Infosol d'Orléans, une unité de service associant l'INRA et l'IFEN, qui associe :

  • le Ministère de l'Agriculture et de la Pêche (MAP),
  • le Ministère de l'Écologie, de l’Énergie, du Développement Durable et de l’Aménagement du Territoire (MEEDDAT, représenté par l'Institut Français de l'Environnement ou IFEN),
  • l'Institut National de la Recherche Agronomique (INRA),
  • l'Agence de l'Environnement et de la Maîtrise de l'Énergie (ADEME)
  • l'Institut de Recherche pour le Développement (IRD).

Missions modifier

  1. le RMQS met à jour un « tableau de bord de la qualité des sols », assorti de bilans nationaux sur l’état des sols de France. Il devient une référence nationale (pour les propriétés mesurées) ;
  2. Suivi spatiotemporel des évolutions : Ceci passe par la mesure et cartographie des gradients (de valeurs de paramètres des sols de France), et par un suivi de l’évolution des propriétés du sol (qui a commencé lors de la seconde campagne de mesures du réseau) ;
  3. Support de validation : le RMQS doit permettre une validation a posteriori de modèles et prédictions géographiques ou temporelles ;
  4. Banque de données, mais aussi d’échantillons, car chaque échantillon analysé est ensuite archivés dans un Conservatoire d’échantillons de sols (CES) qui deviendra peu à peu une « mémoire » des sols français.

Le réseau RMQS modifier

Il est basé sur 2200 placettes réparties uniformément sur le territoire national selon un maillage de 16 km de côté, calé sur celui des sites du Réseau européen de suivi des dommages forestiers (ICP forest, placettes de niveau I). Les données d’une maille sont mises à jour tous les 10 à 15 ans, en son centre. La première série de prélèvement s'est terminé en 2009.

Notes et références modifier

  1. a et b Manuel du Réseau de Mesures de la Qualité des Sols
  2. Chaussod, R., Breuil, M. C., Echairi, A., Nouaïm, R., Nowak, V., & Ranjard, L. (1996). La qualité biologique des sols. Évaluation et implications, Étude et gestion des sols, 3, 261-278.
  3. Arrouays, D., Jolivet, C., Boulonne, L., Bodineau, G., Saby, N., & Grolleau, E. (2002). Une initiative nouvelle en France: la mise en place d’un Réseau multi-institutionnel de Mesures de la Qualité des Sols (RMQS). Cpte Rend Ac Agr Fr, 88, 93-105.
  4. Villanneau, E., Perry-Giraud, C., Saby, N., Jolivet, C., Marot, F., Maton, D., ... & Arrouays, D. (2008). Détection de valeurs anomaliques d’éléments traces métalliques dans les sols à l’aide du Réseau de Mesure de la Qualité des Sols. Étude et Gestion des sols, 15(3), 183-200.
  5. Cluzeau, D., Pérès, G., Guernion, M., Chaussod, R., Cortet, J., Fargette, M., ... & Ruiz-Camacho, N. (2009). Intégration de la biodiversité des sols dans les réseaux de surveillance de la qualité des sols: exemple du programme pilote à l'échelle régionale, le RMQS BioDiv. Étude et gestion des sols, 16(3-4), 187-201
  6. Bornand M., Lehman G, 1997. Connaissance et suivi de la qualité des sols en France. Rapport d'expertise, ministères de l'Agriculture et de l'Environnement. 176 p.
  7. Martin S., Baize D., Bonneau M., Chaussod R., Ciesielski H., Gaultier JP, Lavelle P., Legros JP, Leprêtre A., Sterckeman T., 1999. Le suivi de la qualité des sols en France: la contribution de l'observatoire de la qualité des sols. Étude et gestion des sols', 6 (3) : 215-230
  8. Marion Bardy, Dominique King, Laëtitia Citeau et Antonio Bispo, Gestion durable des sols, éditions Quæ, (lire en ligne), p. 240
  9. ECOMIC pour Écologie microbienne.
  10. Diversité et abondance microbienne des sols de France, tiré de Battle Karimi, Sébastien Terrat, « Voici la vie secrète qui se cache sous nos pieds », sur ouest-france.fr,
  11. « Une forte abondance indique généralement une bonne activité microbienne, c’est-à-dire que la matière organique est bien dégradée et les éléments nutritifs sont mis à disposition des plantes par les microorganismes. En parallèle, une plus forte diversité est assimilée à un plus fort potentiel, en termes de fonction, de résistance aux perturbations et de défense contre les pathogènes ». Cf Battle Karimi, Sébastien Terrat, « La vie secrète des sols français », sur The Conversation,
  12. S. Dequiedt, M. Lelièvre, C. Jolivet, N.P.A. Saby, M. Martin, et al., « ECOMIC-RMQS: biogéographie microbienne à l`échelle de la France », Etude et Gestion des Sols, Association française pour l'étude des sols, vol. 16, no 3,‎ , p. 221 (lire en ligne)
  13. type de sol : acidité, teneur en argiles, matière organique, etc.
  14. Capacités dues à leur petite taille, à leurs temps de génération très courts, leur plasticité phénotypique et leur grande résilience écologique.
  15. « La plus faible diversité observée en sol de forêts et de prairie peut s’expliquer par le concept écologique de la « perturbation intermédiaire » qui fait le postulat que la biodiversité au sein d’un écosystème est maximale lorsque ce dernier subit une perturbation intermédiaire (ni trop forte et ni trop faible) et minimale lorsqu’il subit une perturbation faible (phénomène d’exclusion compétitive des espèces et dominance des espèces opportunistes) ou forte (sélection des espèces). Ainsi, les sols sous forêts et prairies qui représentent des écosystèmes naturels ou semi-naturels subissant des perturbations faibles par la quasi absence de l’action de l’homme renferment donc une diversité faible de bactéries ». Cependant, « ce niveau de diversité ne renseigne pas sur la qualité de cette diversité et notamment sur la présence de populations bactériennes bénéfiques ou au contraire néfastes pour son fonctionnement. Il a ainsi été démontré que les sols agricoles, bien que plus diversifiés, possèdent aussi plus de populations néfastes pour les productions agricoles comme des bactéries pathogènes ou des bactéries impliquées dans une dégradation trop rapide de la matière organique du sol ». Les réseaux d'interactions entre les bactéries sont moins nombreux et stables dansles milieux plus perturbés. Cf Sébastien Terrat, Battle Karimi, Samuel Dequiedt, Nicolas Chemidlin Prévost-Bouré, Walid Horrigue, et al., « La caractérisation des communautés microbiennes du sol à l’échelle de la France pour évaluer l’effet de l’usage des sols », Innovations Agronomiques, vol. 69,‎ , p. 31 (lire en ligne).
  16. Battle Karimi, Nicolas Chemidlin-Prévost Bouré, Samuel Dequiedt, Sébastien Terrat, Lionel Ranjard, Atlas français des bactéries du sol, Biotope / Publications scientifiques du MNHN, , 192 p.
  17. (en) Walter Horrigue, « Predictive model of soil molecular microbial biomass », Ecological Indicators, vol. 64,‎ , p. 203-211 (DOI 10.1016/j.ecolind.2015.12.004).
  18. Lionel Ranjard, La qualité microbiologique des sols agricoles, 2018, p.17/22

Voir aussi modifier

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Articles connexes modifier

Lien externe modifier

https://www.gissol.fr

Bibliographie modifier