Ambazonie

République auto-proclamée
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République fédérale d'Ambazonie

(en) Federal Republic of Ambazonia

Drapeau
Drapeau de l'Ambazonie
Blason
Emblème
Devise en anglais : One Nation, One Destiny, Under God (« Une nation, un destin, sous Dieu »)
Hymne en anglais : Hail Ambazonia, Land of Glory (« Vive l'Ambazonie, terre de gloire ! »)
Description de l'image Southern cameroons.png.
Administration
Forme de l'État République fédérale
Revendiqué par Drapeau du Cameroun Cameroun (régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest)
Président Chris Anu
Langue officielle
Langues nationales
Anglais
pidgin camerounais, langues des Grassfields, oroko, langues manenguba, kenyang et duala
Capitale Buéa

3° 52′ N, 11° 31′ E

Géographie
Plus grande ville Bamenda
Superficie totale 43 700 km2
Fuseau horaire UTC +1
Histoire
Entité précédente
Indépendance Drapeau du Cameroun Cameroun
Déclarée
Démographie
Gentilé Ambazonien
Ambazonienne
Population totale (2015) 3 521 989 hab.
Densité 81 hab./km2
Économie
Monnaie Franc CFA (CEMAC) (de facto), AmbaCoin (de jure)
Divers
Code ISO 3166-1 CMR, CM
Domaine Internet .cm (de facto), .ab (de jure)
Indicatif téléphonique +237

L'Ambazonie, en forme longue la république fédérale d'Ambazonie, également appelée Amba Land (en anglais : Ambazonia, Federal Republic of Ambazonia et Amba Land), est un État autoproclamé dans les deux régions anglophones du Cameroun, le Nord-Ouest et le Sud-Ouest.

Étymologie modifier

Selon le Dictionnaire de l'origine des noms et surnoms des pays africains[1] :

« Le nom Ambazonia a été préféré à British Southern Cameroons afin de ne pas confondre cette zone avec la région territoriale du sud du Cameroun britannique (Southern Cameroons). Les “terroristes ambazoniens” avaient à cœur de trouver un nom local afin de bannir “Cameroun” qu’ils considéraient comme le symbole du lourd fardeau de l’héritage colonial. Pour cela, ils ont fouillé dans les livres d’histoire et inventé le nom Ambazonia. Celui-ci dérive d’Ambas, nom donné à la région de l’embouchure du fleuve Wouri. Ce site, en forme de baie, avait alors reçu le nom anglais Ambas Bay[1]. »

Histoire modifier

De la colonisation allemande du Cameroun à l'avènement d'un État unitaire modifier

De 1884 à 1916, le Cameroun est un protectorat allemand sous le nom de Kamerun. La défaite de l'Empire allemand lors de la Première Guerre mondiale en 1918 entraîna son démantèlement et la répartition du territoire entre la France et le Royaume-Uni sous mandat de la Société des Nations.

Le Cameroun méridional était la partie sud de l'ancien Cameroun britannique qui a été uni à la « République du Cameroun » (ancien Cameroun français) en 1961 au sein d'une République fédérale du Cameroun à la suite d'un référendum, à l'issue duquel la partie nord du Cameroun britannique opta pour son rattachement au Nigeria.

En 1972, à la suite d'un référendum constitutionnel, le président Ahmadou Ahidjo supprime l'État fédéral et le remplace par un État unitaire.

Depuis 2017 modifier

2017-2018 : Déclaration d'indépendance, présidence d'Ayuk Tabe et arrestation modifier

Le , Sisiku Julius Ayuk Tabe déclare symboliquement l'indépendance des régions anglophones du Cameroun sous le nom de république fédérale d'Ambazonie, déclenchant une répression par les forces de l'ordre se soldant par des morts, des blessés, des émeutes, barricades, manifestations, couvre-feu, etc[2]. En janvier 2018, le Nigeria compte entre 7 000 et 30 000 réfugiés liés au conflit à la suite de cette déclaration d'indépendance[3].

Le gouvernement intérimaire est formé officiellement le [4]. Sisiku Julius Ayuk Tabe assume alors le rôle de président de l'Ambazonie et le Front uni du consortium Ambazonie-Cameroun méridional (FUCACM) forme le gouvernement intérimaire[5].

Lorsque le FUCACM se transforme en gouvernement intérimaire, un conflit armé fait rage depuis près de deux mois. Plusieurs milices séparatistes sont actives, la plus importante étant les Forces de défense de l'Ambazonie (FDA). Celle-ci dépend du Conseil de gouvernement de l'Ambazonie (AGovC), dirigé par Lucas Ayaba Cho.

Le gouvernement intérimaire rejette d'abord l'idée d'une lutte armée, préférant la désobéissance civile et une campagne diplomatique.

Début novembre 2017, le gouvernement intérimaire condamne une attaque des FDA visant des gendarmes[6].

Le , Sisiku Julius Ayuk Tabe et 46 de ses partisans sont arrêtés au Nigeria avant d'être extradés au Cameroun[7]. Un procès s'ouvre en décembre 2018.

2018-2019 : Présidence par intérim de Samuel Ikome Sako modifier

 
Samuel Ikome Sako en 2018.

À la suite de l'arrestation de la plupart des membres du gouvernement intérimaire de l'Ambazonie, Samuel Ikome Sako est élu président par intérim, via la mobilisation de la diaspora en février 2018, formant un collège électoral[8]. Dans une tentative d'unir plusieurs milices locales sous une seule bannière, le gouvernement intérimaire crée le Conseil d'autodéfense de l'Ambazonie (ASC) en mars 2018. Bien que l'ASC soit numériquement plus important que les FDA, il ne dispose pas d'une structure de commandement centralisé et constitue davantage un organe de coopération qu'une organisation unique[9].

En décembre 2018, le président Samuel Ikome Sako cherche à faire disparaître les divergences entre le gouvernement intérimaire et les Forces de défense de l'Ambazonie, qui elles, sont fidèles à l'AGovC[10].

Le , il annonce qu'une police d'escadron mobile sera mise en place et que les séparatistes abandonneront leur stratégie défensive et passeront à l'offensive. Il promet également de prendre des mesures contre toute personne impliquée dans l'enlèvement de civils, phénomène qui est devenu un problème croissant dans l'ex Cameroun méridional[11].

Le , le gouvernement intérimaire et plusieurs mouvements décident de créer le Conseil de libération du Cameroun méridional. Celui-ci vise à constituer un front uni et est composé à la fois de séparatistes et de fédéralistes[12]. Cependant, malgré ses tentatives d'unification des séparatistes, des critiques apparaissent s'agissant du cabinet Samuel Ikome Sako qui est accusé d'incompétence et de détournement de fonds[13].

Le , un document signé par Sisiku Julius Ayuk Tabe déclare que le cabinet intérimaire, dirigé par Samuel Ikome Sako, est dissous. Le précédent cabinet, dirigé par Sisiku Julius Ayuk Tabe est de nouveau rétabli. Le document met en avant la reconnaissance du travail accompli par le cabinet dirigé par Samuel Ikome Sako mais affirme que les querelles intestines l'ont rendu inefficace : « le cabinet intérimaire a perdu la capacité de réconcilier notre peuple et, ce faisant, a mis en péril l'identité et la mission du gouvernement intérimaire d'achever la décolonisation du Cameroun méridional en faisant progresser nos intérêts nationaux collectifs »[14].

Ce document déclenche une crise de leadership, au sein du gouvernement intérimaire car le cabinet dirigé par Samuel Ikome Sako refuse de démissionner. En juin, le Conseil de restauration de l'Ambazonie met en accusation Sisiku Julius Ayuk Tabe pour « faute de trahison » et déclare qu'un véritable changement dans le leadership sera initié dans les trois mois. L'AGovC apporte alors son soutien à Sisiku Julius Ayuk Tabe[15]. En août, l'AGovC s'allie officiellement à la faction du gouvernement intérimaire, dirigée par Sisiku Julius Ayuk Tabe[16].

Malgré l'emprisonnement et les luttes internes au sein du gouvernement intérimaire, Sisiku Julius Ayuk Tabe est toujours considéré plus influent que Samuel Ikome Sako.

Le 20 août 2019, Sisiku Julius Ayuk Tabe et dix autres de ses partisans sont condamnés à perpétuité par un tribunal militaire de Yaoundé[17].

Mars 2022 : Présidence de Marianta Njomia modifier

Le , Marianta Njomia est élue présidente, remplaçant ainsi Samuel Ikome Sako[18].

Septembre 2022 : Présidence de Chris Anu modifier

En septembre 2022, le porte-parole du mouvement séparatiste Chris Anu affirme avoir été élu président[19].

Administration modifier

Gouvernement provisoire et groupes en exil modifier

Les séparatistes affirment que l'Ambazonie est gouvernée par le « Gouvernement intérimaire de l'Ambazonie », en tant que gouvernement provisoire en exil[20]. Au cours du conflit, cependant, ce gouvernement en exil s'est scindé à plusieurs reprises, entraînant des luttes intestines et plusieurs factions se réclamant de la direction légitime de l'Ambazonie[21].

Malgré les conflits internes du gouvernement intérimaire, ses membres et d'autres activistes en exil ont conservé une certaine influence sur les milices séparatistes opérant au Cameroun même. Par exemple, les exilés séparatistes ont organisé des campagnes de collecte de fonds qui comprenaient l'introduction de leur propre crypto-monnaie, l'AmbaCoin ; l'argent résultant est ensuite utilisé pour acheter des armes pour les milices sur le terrain. Les commandants de certaines milices opèrent également à partir de l'exil[21],[22].

Groupes armés modifier

Les rebelles séparatistes impliqués dans la crise anglophone au Cameroun se considèrent comme loyaux envers l'Ambazonie et utilisent les symboles nationaux de l'État autoproclamé, mais ils sont divisés en dizaines de milices, souvent concurrentes, et avec des allégeances politiques changeantes[23],[24]. Les commandants des milices ont été décrits comme des « seigneurs de guerre » par des chercheurs[25]. Les séparatistes armés sont appelés localement « Amba Boys »[26]. Les milices varient généralement en taille, allant de petits groupes à des alliances comptant des centaines de membres[27],[26],[28],[29]. Les milices rebelles sont principalement recrutées parmi les jeunes anglophones qui ont soit perdu des membres de leur famille aux mains des forces armées camerounaises, soit pensent qu'ils n'ont pas d'avenir sur le marché du travail d'un Cameroun francophone.

De nombreux groupes de guérilla rejoignent le Conseil d'autodéfense de l'Ambazonie (ASC), qui dépend du gouvernement intérimaire. Les principaux groupes non membres de l'ASC comprennent les Forces de défense de l'Ambazonie (FDA) et les Forces de défense du Cameroun méridional (SOCADEF), qui coopèrent tous deux avec l'ASC à un certain niveau[30]. Il existe également des dizaines de milices plus petites. Les groupes d'insurgés diffèrent considérablement dans leurs objectifs et leurs méthodes, bien qu'ils bénéficient généralement d'un certain niveau de soutien populaire au sein de la population rurale[25]. La plupart d'entre eux se livrent à un certain niveau à des activités criminelles telles que l'enlèvement contre rançon pour subvenir à leurs besoins[25].

Langues modifier

L'anglais est parlé dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest du Cameroun, mais le pidgin y est largement parlé, par 75 % de la population[31].

Religions modifier

Les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest sont majoritairement protestantes. L'islam est également présent dans la région du Nord-Ouest, en raison de la présence du groupe ethnique des Bamouns[32].

Géographie modifier

La république fédérale d'Ambazonie couvre les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest du Cameroun. Elle est située entre le Nigeria à l'ouest et au nord, le reste du Cameroun à l'est et l'océan Atlantique au sud. Elle couvre une superficie de 43 700 km2.

Notes et références modifier

  1. a et b Arol Ketchiemen. Dictionnaire de l’origine des noms et surnoms des pays africains, Favre, 2014. p. 78-81
  2. « Le Cameroun anglophone, en ébullition, compte ses morts », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )
  3. « Patrick, Camerounais anglophone réfugié au Nigeria : « Plus que jamais, je suis ambazonien ! » », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )
  4. C. Nna-Emeka Okereke, « Imperial Antecedent of the Anglophone Conflict in Cameroon », Georgetown Journal of International Affairs, vol. 23, no 1,‎ , p. 114–122 (ISSN 2471-8831, DOI 10.1353/gia.2022.0018, lire en ligne, consulté le )
  5. (en) « Several killed in Cameroon as anglophones declare 'independent Ambazonia' », sur euractiv, (consulté le )
  6. (en) « ‘Ambazonia’ Interim “President” Condemns Violence Amid Claims By ADF of Masterminding Gendarme Killing », sur Cameroon News Agency (consulté le )
  7. « Le Nigeria extrade au Cameroun des dirigeants séparatistes anglophones », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )
  8. (en) « Just In-Dr Samuel Ikome Sako Is New Acting Interim President of The ‘Federal Republic of Ambazonia’ », sur Cameroon News Agency (consulté le )
  9. (en) Jonathan Pedneault, « “These Killings Can Be Stopped” », Human Rights Watch,‎ (lire en ligne, consulté le )
  10. « 3 most touching tributes offered to “General Ivo” », sur web.archive, (consulté le )
  11. (en) « No Retreat, No Surrender, From Defensive To Offensive Strategy, The way Forward In 2019-Dr Samuel Sako », sur Cameroon News Agency (consulté le )
  12. (en) « Anglophone Struggle Takes Another Kink, Separatists, Federalists Bury Hatchet, Create Southern Cameroons Liberation Council », sur National Times (consulté le )
  13. « Cameroon’s Anglophone Crisis: How to Get to Talks? », sur crisisgroup, (consulté le )
  14. (en) « Detained Sisiku Auk Tabe Dissolves Interim Government As Infighting Bedevils ‘Ambazonia’ », sur National Times (consulté le )
  15. (en) « Cameroon: Sepratist hardliners react after impechment of detained Ambazonia leader », sur Journal du Cameroun, (consulté le )
  16. (en) « Ahead of peace talks, a who’s who of Cameroon’s separatist movements », sur The New Humanitarian, (consulté le )
  17. « Cameroun: prison à vie pour dix séparatistes anglophones », sur Franceinfo, (consulté le )
  18. Christian Happi, Crise anglophone : une nouvelle présidente à la tête de la république imaginaire d’Ambazonie, Actu Cameroun
  19. « Chris Anu, nouveau chef des séparatistes anglophones du Cameroun », sur Voice of America, (consulté le )
  20. (en-GB) « Several killed in Cameroon as anglophones declare 'independent Ambazonia' », sur www.euractiv.com, (consulté le )
  21. a et b (en-US) Gareth Browne, « Cameroon’s Separatist Movement Is Going International », sur Foreign Policy (consulté le )
  22. (en) « English-speaking villages are burning in Cameroon », The Economist,‎ nov 7th 2019 (ISSN 0013-0613, lire en ligne, consulté le )
  23. (en) Gareth Browne, « Cameroon’s Separatist Movement Is Going International », sur Foreign Policy (consulté le )
  24. (en) Mark Dike DeLancey, Mark W. Delancey et Rebecca Neh Mbuh, Historical Dictionary of the Republic of Cameroon, Rowman & Littlefield, (ISBN 978-1-5381-1968-6, lire en ligne)
  25. a b et c « Wayback Machine », sur web.archive.org (consulté le )
  26. a et b (en) Mark Dike DeLancey, Mark W. Delancey et Rebecca Neh Mbuh, Historical Dictionary of the Republic of Cameroon, Rowman & Littlefield, (ISBN 978-1-5381-1968-6, lire en ligne)
  27. (en-US) Gareth Browne, « Cameroon’s Separatist Movement Is Going International », sur Foreign Policy, (consulté le )
  28. (en) « Cameroon: I spent a week embedded with Anglophone armed separatists », sur RFI, (consulté le )
  29. (en) « Cameroon’s Anglophone Crisis: How to Get to Talks? », sur www.crisisgroup.org, (consulté le )
  30. (en) « Cameroon: I spent a week embedded with Anglophone armed separatists », sur RFI, (consulté le )
  31. « Cameroun », sur www.axl.cefan.ulaval.ca (consulté le )
  32. U. S. Embassy in Cameroon, « Rapport 2022 Sur La Liberté De Religion Dans Le Monde – Cameroun », sur Ambassade des États-Unis au Cameroun, (consulté le )

Annexes modifier

Bibliographie modifier

  • (en) Mark Dike DeLancey, Rebecca Mbuh, Mark W. Delancey, « Ambazonia (Ambazania)», in Historical Dictionary of the Republic of Cameroon, Scarecrow Press, 2010 (4e éd.), p. 36 (ISBN 9780810873995)

Articles connexes modifier

Liens externes modifier