Principe de Phragmén–Lindelöf

En mathématiques, et plus précisément en analyse complexe, le principe de Phragmén–Lindelöf formulé par Lars Edvard Phragmén (1863–1937) et Ernst Leonard Lindelöf (1870–1946) en 1908, est une technique pour contrôler le module d'une fonction analytique (i.e, ) sur un ouvert non-borné lorsqu'une contrainte sur la taille de sur est donnée. C'est une généralisation du principe du maximum, qui n'est applicable que sur les ouverts bornés.

Contexte modifier

En théorie des fonctions à la valeur complexe, il est connu que le module d'une fonction holomorphe (différentiable complexe) à l'intérieur d'un ouvert borné est limité par son module sur la frontière de la région[1]. Plus précisément, si une fonction   est holomorphe sur une région   et continue sur son adhérence  , alors   pour tout  . C'est le principe du maximum. (En fait, puisque   est compact et   est continue, on dispose de   tel que  .) Le principe du maximum est souvent utilisé pour montrer qu'une fonction holomorphe est bornée sur une région de   après avoir montré qu'elle l'était sur la frontière de cette partie.

Cependant, le principe du maximum ne peut pas être appliqué à une région non bornée du plan complexe. Examinons par exemple le comportement de la fonction holomorphe   dans la bande non bornée

 .

Bien que  , i.e.   est bornée sur la frontière  ,   croit rapidement lorsque   sur l'axe des réels positifs. Si la croissance de   n'est pas « trop » importante, condition précisée plus loin, le principe de Phragmén–Lindelöf peut être appliqué pour montrer que   bornée sur la frontière d'une région implique   bornée sur la région entière.

Aperçu de la technique modifier

Soit   une fonction holomorphe et une région non bornée   du plan complexe, et nous voulons montrer que   sur  . Selon un argument typique de Phragmén-Lidenlöf, nous introduisons un certain facteur multiplicatif   satisfaisant   pour « maîtriser » la croissance de  . Plus précisément,   est choisi tel que (i) :   est holomorphe pour tout   et   à la frontière   d'une sous-région délimitée appropriée   ; et (ii) : le comportement asymptotique de   nous permet d'établir que   pour   (c'est-à-dire la partie illimitée de   en dehors de l'adhérence de la sous-région délimitée). Cela nous permet d'appliquer le principe du maximum pour conclure d'abord que   sur   puis étendre la conclusion à tous  . Enfin, nous faisons   pour que   simplement sur   pour conclure que   sur  .

Dans la littérature, il existe de nombreux exemples du principe de Phragmén-Lidenlöf appliqué à des régions non bornées de types différents, et une version de ce principe peut également être appliquée de manière similaire aux fonctions sous-harmoniques et superharmoniques.

Exemple d'application modifier

Au vu de l'exemple ci-dessus, nous pourrions imposer une condition de croissance sur une fonction holomorphe   qui l'empêche d'"exploser" et permet d'appliquer le principe de Phragmén-Lindelöf. À cette fin, nous ajoutons

 

avec   un réel et  , pour tout  . On peut montrer que   pour tout   implique que   tient en fait pour tout  . Nous avons donc la :

Proposition. Soit

 .

Soit   holomorphique sur   et continue sur  , supposons qu'il existe des constantes réelles   telles que

 

pour tout   et   pour tout  . Alors   pour tout  .

Remarquons que cette proposition ne tient plus pour  , comme le montre l'exemple préliminaire. Passons à l'ébauche de la preuve[2] :

Démonstration : Soit   et définissons une fonction auxiliaire pour chaque  , par . On définit de plus pour chaque   :   le rectangle ouvert de sommets  . Soit maintenant   et considérons la fonction  . On peut montrer que   lorsque  . On dispose par conséquent de   tel que   dès que   et  . Or   est bornée, et   pour tout  , le principe du maximum implique que   pour tout . Or   pour   avec  ,   tient donc pour tout  . Finalement, on conclut avec   lorsque  , que  pour tout  .

Principe de Phragmén–Lindelöf pour un secteur angulaire modifier

Le principe de Phragmén-Lindelöf se révèle particulièrement utile sur les secteurs angulaires du plan complexe. Ce résultat peut être utilisée pour donner une preuve d'analyse complexe du principe d'incertitude de Hardy, qui stipule qu'une fonction et sa transformée de Fourier ne peuvent pas toutes les deux décroître plus rapidement qu'exponentiellement[3].

Proposition. Soit   une fonction holomorphe sur un secteur

 

d'angle central  , et continue sur sa frontière. Si

 

pour  , et

 

pour  , où   et  , alors   pour tout  .

Remarques modifier

  • La seconde condition peut être affaiblie en

 

avec le même résultat.

Cas particuliers modifier

En pratique le point 0 est souvent transformé en ∞ sur la sphère de Riemann. Cela fournit un principe pour les bandes, délimitées par exemple par deux droites de parties réelles constante. On donne parfois le nom de théorème de Lindelöf à ce cas particulier.

Le théorème de Carlson est une application de ce principe aux fonctions bornées sur l'axe imaginaire.

Références modifier

  1. La terminologie région n'est pas utilisée dans toute la littérature; ici, une région signifiera une partie ouverte non vide connexe du plan complexe.
  2. Walter Rudin, Real and Complex Analysis, New York, McGraw-Hill, , 257–259 p. (ISBN 0070542341, lire en ligne)
  3. Tao, « Hardy's Uncertainty Principle », Updates on my research and expository papers, discussion of open problems, and other maths-related topics. By Terence Tao,