Portraits de la famille Wertheimer

tableau de John Singer Sargent

Les Portraits de la famille Wertheimer sont une série de douze toiles réalisées par le peintre américain John Singer Sargent de 1898 à 1908, à Londres. Il s'agit d'une commande du marchand d'art Asher Wertheimer.

Portrait d'Asher Wertheimer, par John Singer Sargent (1898), Tate Britain. Tableau présenté à l'Exposition universelle de 1900 à Paris.

Présentation modifier

Asher Wertheimer (1844-1918), marchand d'art qui possède une galerie au 158, New Bond Street, à Londres[1], appartient à la famille Wertheimer[2]. Il compte Samson Wertheimer parmi ses ancêtres, ainsi que les familles Gompert et Oppenheimer[2]. Son père est un marchand d'art juif allemand qui a réussi dans les milieux artistiques londoniens[2]. Sa femme, née Flora Joseph, est également la fille d'un marchand d'art. Ils vivent au 8, Connaught Place[3], près de Hyde Park.

Initialement, les deux époux souhaitent que Sargent réalise leurs deux portraits, en pendants, pour fêter leurs noces d'argent[4]. Puis, séduits par le résultat, ils lui demandent de peindre leurs nombreux enfants[4]. Cette commande de douze tableaux est la plus importante qu'ait reçue Sargent de la part d'un même client[5]. Des liens d'amitié se nouent entre le peintre et ses modèles, au point qu'une place lui est réservée à la table familiale[4]. Huit des douze portraits trônent dans leur salle à manger, surnommée affectueusement Sargent's mess (le « mess du sergent »)[2]. De son côté, l'intéressé se dit atteint de « wertheimérisme chronique »[4].

L'une des filles d'Asher Wertheimer, « Ena » (Helena), fait partie du Bloomsbury Group[2]. Elle-même est peintre et tient une galerie d'art. Le portrait de 1905 est exécuté à l'occasion de son mariage avec Robert Mathias (1874-1961)[6]. Le sous-titre du tableau, A vele gonfie, signifie en italien « toutes voiles dehors »[6]. Sargent se sent particulièrement proche d'Ena et de sa sœur cadette Almina[6]. Le portrait d'Almina, peint en 1908, est le dernier de la série[7]. Représentée dans un style orientalisant, elle tient un sarod prêté par l'artiste[7].

Conservation modifier

Après la mort d'Asher Wertheimer en 1918 puis de sa femme en 1922, les tableaux sont remis à l'État britannique, conformément à la volonté des deux collectionneurs[8]. Ils sont brièvement conservés à la National Gallery, puis à la Tate Gallery. L'exposition de neuf des douze portraits à la Tate, en 1926, rencontre auprès du public un accueil défavorable où l'historienne d'art Kathleen Adler voit une forme d'antisémitisme, les Wertheimer étant des marchands juifs qui ne pouvaient se prévaloir des mêmes origines nobles que les personnages habituellement représentés dans ce type de portraits[6].

C'est à la Tate que Giuseppe Tomasi di Lampedusa peut voir les tableaux pendant l'été 1927. Son jugement est élogieux quant au rendu psychologique des personnages, qui lui paraissent antipathiques ; il estime entre autres qu'Asher Wertheimer a des allures de forban[9].

Les douze toiles se trouvent aujourd'hui dans différents musées. Elles ont été réunies pour une exposition au Musée juif de New York en 1999-2000.

Galerie modifier

Notes et références modifier

  1. « Sargent : Asher Wertheimer », sur tate.org.uk.
  2. a b c d et e « Wertheimer Family », site du Musée juif de New York.
  3. « Sargent : Essie, Ruby and Ferdinand, children of Asher Wertheimer », sur tate.org.uk.
  4. a b c et d « Wertheimer Paintings », sur jssgallery.org.
  5. Richard Ormond, « Sargent's Art », in John Singer Sargent, Tate Gallery, 1998, p. 169-171 (ISBN 9780691004341).
  6. a b c et d « Sargent : Portrait of Ena Wertheimer a vele gonfie », sur tate.org.uk.
  7. a et b « Sargent : Almina, daughter of Asher Wertheimer », sur tate.org.uk.
  8. « Asher Wertheimer Dead », The New York Times, 11 septembre 1918.
  9. Giuseppe Tomasi di Lampedusa, Voyage en Europe, éditions du Seuil, 2007.

Voir aussi modifier

Bibliographie modifier

  • Kathleen Adler, « John Singer Sargent's Portraits of the Wertheimer Family », in Tamar Garb and Linda Nochlin (ed.), The Jew in the Text : Modernity and the Construction of Identity, London, 1995, p. 83–96
  • Richard Ormond, « Sargent's Art », in John Singer Sargent, Tate Gallery, 1998 (ISBN 9780691004341)
  • Richard Ormond, Elaine Kilmurray, John Singer Sargent : The Early Portraits. The Complete Paintings, vol. 1, Yale University Press, 1998 (ISBN 978-0-300-07245-7)
  • Richard Ormond, Elaine Kilmurray, John Singer Sargent : Portraits of the 1890s. The Complete Paintings, vol. 2, Yale University Press, 2002 (ISBN 978-0-300-09067-3)
  • Carter Ratcliff, John Singer Sargent, New York City, Abbeville Publishing Group, 1982
  • Bruce Redford, John Singer Sargent and the Art of the Allusion, New Haven, Yale University Press, 2016
  • Giuseppe Tomasi di Lampedusa, Voyage en Europe, correspondance avec Casimiro et Lucio Piccolo sur ses voyages à Londres, Paris, Zurich et Berlin, éditions du Seuil, 2007

Articles connexes modifier

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