Point chaud d'Arago

Point chaud de l'océan Pacifique Sud
Point chaud d'Arago
N° sur la carte
59Voir et modifier les données sur Wikidata
Type
Existence
Déplacement
Vélocité
120 mm/anVoir et modifier les données sur Wikidata
Direction
296 °Voir et modifier les données sur Wikidata
Localisation
Plaque
Coordonnées
Carte

Le point chaud d’Arago est un point chaud du sud de l’océan Pacifique, situé actuellement sous le mont Arago, près de l’île de Rurutu en Polynésie française.

Arago fait partie d'un groupe de points chauds du Pacifique Sud, comprenant notamment celui de la Société et celui de Macdonald.

Les points chauds sont des structures situées sous la croûte terrestre qui génèrent des volcans et qui sont en partie formées par des panaches provenant du manteau terrestre, bien qu'Arago puisse avoir une origine moins profonde. La plaque du Pacifique se déplaçant au-dessus des points chauds, de nouveaux volcans se forment et de vieux volcans disparaissent. Parfois, un volcan plus ancien est réactivé par le passage d'un nouveau point chaud, comme ce fut le cas avec Rurutu.

Arago est responsable de la formation du mont sous-marin Arago et de la surélévation de Rurutu. Cependant, les reconstitutions des positions passées des plaques tectoniques et la géochimie suggèrent que d'autres îles et monts sous-marins ont été produits par Arago au cours des 120 derniers millions d'années. Il s'agit potentiellement des Tuvalu, des îles Gilbert, de la chaîne de Ratak, des îles Marshall, ainsi que d'une partie des îles Australes et des îles Cook.

Toponymie modifier

Le point chaud porte le nom du mont sous-marin Arago, situé à 130 km au sud-est de Rurutu, et « culminant » à 26 mètres sous le niveau de la mer. Le mont sous-marin porte le nom du navire Arago (bateau), de la marine française, qui l'a découvert en 1993[1]. Le navire lui-même tire son nom de l'astronome François Arago[2]. Les Polynésiens connaissaient l’existence de ce mont peu profond (27 m sous le niveau de la mer) et l’avaient baptisée Tinomana[1]. Avant que le lien avec le mont Arago ne soit découvert, le point chaud était également appelé « Point chaud de Rurutu »[3],[4], un nom parfois encore utilisé[5], servant également à désigner une chaîne volcanique plus ancienne commençant à Raivavae[6] ou au banc du président Thiers[7]. D'autres noms possibles sont "Nouveau Rurutu"[5] et "Tendance Atiu"[4],[8].

Géographie et géologie modifier

Au sud de l’océan Pacifique se situe le superbombement du Pacifique Sud, une zone où l’océan est anormalement peu profond (environ 700 m[9] [10]) et qui couvre une superficie d’environ 3 000 × 3 000 km[11]. Sous ce gonflement, un grand panache mantellique pourrait donner lieu à des panaches secondaires qui forment à leur tour les points chauds de surface[12] : Macdonald, les Marquises, Pitcairn et la Société[9], dont le premier et le dernier semblent être profondément enracinés dans le manteau[13]. La nature du volcanisme dans la région n'est pas encore entièrement comprise[14].

Le mont sous-marin Arago fait partie de la chaîne volcanique qui forme les îles Australes et les îles Cook. Cette longue chaîne de 2 200 km est constituée de deux chaînons distincts qui forment deux atolls, onze îles, et des monts sous-marins. L'un d'eux, le mont Macdonald, est un volcan toujours actif[15]. L'âge de ces îles suit approximativement une progression typique d'un volcanisme de point chaud, mais la présence de roches d'âges plus jeunes à Aitutaki et à Rurutu et la chimie de ces roches indiquent qu'il doit y avoir plus d'un point chaud impliqué[1]. Des modèles récents prévoient la présence de plusieurs chaînes sous-marines dues à des points chauds, dans ce que l'on a appelé une "autoroute de points chauds"[16]. En outre, certains points chauds, tels que le point chaud d'Hawaï, montrent des signes de mouvement, mais le point chaud d'Arago semble être statique[17].

Arago et les autres points chauds proches ne sont probablement pas des panaches mantelliques profonds, mais plutôt des structures plus superficielles influencées également par la lithosphère[18]. Dans le cas d’Arago, l’absence d’un plateau océanique ayant pu être formé par le sommet du panache suggère une telle origine peu profonde[19]. Le manteau supérieur pourrait être la source d'Arago[20]. Les données sur la présence d’anomalies de vitesse sismique et sur le fait qu’elles soient positives (plus élevées) ou négatives (plus basses) sous Arago sont contradictoires[21]. L’imagerie sismique publiée en 2009 n’indique qu’une légère anomalie de vitesse sismique inférieure à 100 km[22], sans indication de racine profonde du manteau[23]. Toutefois, des recherches plus récentes ont confirmé l’origine du manteau profond pour Arago[24]. À l’heure actuelle, Arago et le point chaud de Macdonald sont les deux points chauds actifs des îles Australes[25], mais le point chaud de Rarotonga, responsable de la formation de l'île du même nom, peut également être toujours actif. L'île de Tubuai, les monts sous-marins Taukina et Ngatemato sont également à proximité[26].

Le mont sous-marin Arago modifier

Le mont sous-marin éponyme Arago est un stratovolcan à trois zones de fractures, semblable à Rurutu[1]. Il s'est formé à partir de trois volcans, l'un chevauchant les deux autres. La datation par le potassium-argon a donné des âges de 230 000 ± 4 000 ans avant le présent, et un âge imprécis de 0 ans avant le présent[18]. Il existe des preuves d'un glissement de terrain sous-marin, un événement typique pour les volcans océaniques[25], avec une cicatrice de glissement de terrain sur les flancs nord, est et ouest[27]. Ce mont sous-marin est considéré comme l’emplacement actuel du point chaud, compte tenu de son âge récent[15]. Cependant, contrairement à Macdonald, aucune éruption historique n'a été enregistrée pour le mont sous-marin Arago[28].

D'autres points chauds peuvent avoir contribué à la croissance du mont sous-marin Arago. Un point chaud associé à Raivavae, et potentiellement au banc du président Thiers, a été associé par analyse isotopique à des échantillons datant de 8,2 millions d'années prélevés sur le mont Arago[29]. D'autres volcans de la région montrent également qu'ils ont été construits par plus d'un point chaud. Cela pourrait indiquer que leur formation est contrôlée par des caractéristiques lithosphériques[12].

Autres îles et monts sous-marins modifier

 
Groupes de points chauds de l'Océan Pacifique. Arago appartient au groupe Macdonald

Comme la plaque du Pacifique dérive au-dessus des points chauds, plusieurs volcans se sont formés là où les affaiblissements de la croûte ont permis la pénétration du magma, puis ont ensuite été transportés[18] [17] à une vitesse d'environ 120 millimètres par an[30]. Les ratios isotopiques du plomb dans les roches volcaniques indiquent un rapport entre les roches volcaniques les plus récentes de Rurutu et le point chaud d'Arago [18], ce ratio étant caractérisé par un composé isotopique du plomb hautement radiogénique (CIPR)[31]. Certains matériaux volcaniques du point chaud d'Arago pourraient avoir été recyclés dans le manteau et mélangés aux magmas apparus dans le nord-est du bassin de Lau[32]. Des roches provenant des monts sous-marins créés par le point chaud d’Arago pourraient avoir été subductées dans la fosse des Tonga, proche de la trajectoire reconstituée du point chaud d’Arago, puis être réapparues à la suite d'éruptions dans le bassin de Lau[33]. Des xénolithes CIPR ont également été trouvés à Tubuai, juste avant le mont Arago[34].

Rurutu a été formé par un épisode volcanique plus ancien, mais un nouvel épisode volcanique s’est déroulé lorsqu’il est passé au-dessus du point chaud d’Arago, produisant des coulées de lave formées de basanite et d’hawaïite. En outre, l'île et les récifs coralliens environnants ont été surélevés[35], et ces récifs, appelés makatea, ont attiré l'attention des premiers géologues, qui spéculaient déjà en 1840 sur la raison de leur élévation au-dessus du niveau de la mer[36]. D'autres atolls surélevés se trouvent au nord-ouest de Rurutu et pourraient s'être formés de la même manière lorsqu'ils sont passés sur le point chaud d'Arago[37].

Les édifices volcaniques suivants peuvent être attribués au point chaud d'Arago, du plus récent au plus ancien :


Les plus anciennes structures volcaniques potentiellement formées par le point chaud d'Arago datent de 120 Ma. Si leur attribution est correcte, Arago pourrait bien être le plus ancien point chaud encore actif de l’océan Pacifique, devant ceux de Hawaï et de Louisville[61]. Mais selon point de vue opposé, Arago serait un point chaud éphémère, comptant peu de volcans datés le long de son chemin prévu[57].

L’île de Tubuai est située sur le probable futur chemin du point chaud d'Arago, et se trouvera au-dessus dans quelques millions d’années. Comme avec Rurutu, cette interaction conduira à une surélévation de Tubuai et éventuellement à un nouvel épisode volcanique[35].


Notes et références modifier

  1. a b c et d Bonneville,Le Suavé,Audin,Clouard,2002, p. 1024.
  2. « L’Arago plonge à la rencontre de son histoire », sur www.defense.gouv.fr, (consulté le )
  3. Bonneville, Dosso et Hildenbrand 2006, p. 252.
  4. a et b Konrad,Koppers,Steinberger,Finlayson,2018, p. 2.
  5. a b et c Finlayson et al. 2018, p. 171.
  6. Neall et Trewick 2008, p. 3299.
  7. Morgan et Morgan,2007.
  8. Price et al. 2016, p. 1696.
  9. a et b Isse et al. 2016, p. 1.
  10. Bonneville, Dosso et Hildenbrand 2006, p. 251.
  11. Suetsugu et al. 2009, p. 2.
  12. a b et c Bonneville, Dosso et Hildenbrand 2006, p. 266.
  13. Isse et al. 2016, p. 2.
  14. Binard et al. 2004, p. 158.
  15. a et b Bonneville,Le Suavé,Audin,Clouard,2002, p. 1023.
  16. Finlayson et al. 2018, p. 170.
  17. a b c et d Jackson et al. 2018, p. 3.
  18. a b c d et e Bonneville,Le Suavé,Audin,Clouard,2002, p. 1025.
  19. Clouard et Bonneville 2001, p. 695.
  20. Neall et Trewick 2008, p. 3298.
  21. Isse et al. 2016, p. 8-9.
  22. Suetsugu et al. 2009, p. 7.
  23. Suetsugu et al. 2009, p. 9.
  24. Jackson et al. 2018, p. 5.
  25. a et b Clouard, V.; Bonneville, A. (2003). Submarine Mass Movements and Their Consequences. Advances in Natural and Technological Hazards Research. Springer, Dordrecht. p. 337. DOI 10.1007/978-94-010-0093-2_37. (ISBN 9789401039734).
  26. Bonneville, Dosso et Hildenbrand 2006, p. 253.
  27. Clouard, V.; Bonneville, A. (2004). Oceanic Hotspots. Springer, Berlin, Heidelberg. pp. 227–228. DOI 10.1007/978-3-642-18782-7_7. (ISBN 9783642622908).
  28. Binard et al. 2004, p. 175.
  29. a b et c Bonneville, Dosso et Hildenbrand 2006, p. 265.
  30. Morgan et Morgan,2007, p. 64.
  31. a b c et d Jackson et al. 2015, p. 3212.
  32. Price, A. A.; Jackson, M. G.; Blichert-Toft, J.; Arculus, R. J.; Conatser, C. S.; Konter, J. G.; Koppers, A. A. P.; Blusztajn, J. (2014-12-01). "A Geochemical Transect Across the Lau and North Fiji Basins: New Evidence for the Distribution of Multiple Mantle Plume Components". AGU Fall Meeting Abstracts. 23: V23G–07. Bibcode:2014AGUFM.V23G..07P.
  33. a b et c Price et al. 2016, p. 1712.
  34. Koppers et al. 1995, p. 535.
  35. a et b Etienne 2014, p. 253.
  36. Etienne 2014, p. 255.
  37. Bergersen 1995, p. 607.
  38. Adam et Bonneville 2008, p. 6.
  39. Adam et Bonneville 2008, p. 8.
  40. a b c d et e Morgan et Morgan,2007, p. 63.
  41. a b et c Morgan et Morgan,2007, p. 68.
  42. Jackson et al. 2015, p. 3213.
  43. Bonneville, Dosso et Hildenbrand 2006, p. 265,266.
  44. Jackson et al. 2018, p. 2.
  45. a et b Finlayson et al. 2018, p. 175.
  46. Finlayson et al. 2018, p. 177.
  47. Konrad,Koppers,Steinberger,Finlayson,2018, p. 3.
  48. a et b Konter et al. 2008, p. 290.
  49. Konter et al. 2008, p. 293.
  50. a b et c Koppers et al. 1995, p. 538.
  51. Haggerty et Silva 1995, p. 940.
  52. Bergersen 1995, p. 606.
  53. a et b Haggerty et Silva 1995, p. 939.
  54. Koppers et al. 1995, p. 541.
  55. Bergersen 1995, p. 606,610.
  56. Koppers et al. 1995, p. 543.
  57. a et b Clouard et Bonneville 2001, p. 697.
  58. Pringle 1992, p. 393.
  59. Pringle 1992, p. 389.
  60. a et b Pringle 1992, p. 394.
  61. (en) A. A. Koppers, J. G. Konter et M. G. Jackson, « Insights Into the Origin of the Longest-lived Hotspot in the Pacific: Clues from the Tuvalus », AGU Fall Meeting Abstracts, vol. 13,‎ , V13F–2668 (Bibcode 2013AGUFM.V13F2668K)

Bibliographie modifier