Pierre Penet, né en 1749 en Alsace et mort en 1801, est connu comme fournisseur d'armes aux Insurgés américains lors des deux premières années du conflit.

Pierre Penet
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Il était le fils d'un garde d'artillerie de Huningue. À cette époque, on parle chez les artilleurs du conflit qui s'annonce aux Amériques. Recommandé par le patron de la ville forteresse, le lieutenant colonel d'Artus, qui connait Saint Domingue, il part à Nantes, se met en affaires avec la maison Gruel (un convoyeur habituel des troupes royales vers les Antilles et un trafiquant connu du commerce triangulaire). Il embarque à l'été 1775 sur un bateau armé par Gruel, passe à Haïti, au Cap Français (aujourd'hui Cap Haïtien) où il s'allie à un armurier local, Emmanuel de Pliarne, et poursuit sa route en sa compagnie sur un bateau sous pavillon non anglais vers les côtes tenues par les Insurgés. Ils touchent terre à Providence, au Rhode Island en décembre.

L'équipée des deux aventuriers peut être lue dans les sources diplomatiques françaises (Secrétariat d'État aux affaires étrangères) et dans les mémoires et correspondances de plusieurs hommes politiques américains de l'époque. Les erreurs sont nombreuses toutefois car les deux commerçants multiplient les informations invérifiables (ainsi ils se disent officier ce qui est faux, Penet se dit allemand, etc). Le Gouverneur du Rhode Island, Cooke, les envoie au général Washington, pour qu'il entende les propositions qu'ils ont à faire en faveur de la cause de l'indépendance. Le Congrès les reçoit en et accepte ces propositions ; toutefois la question du paiement de ce qui sera fourni reste dans le flou, les Américains feignant de croire qu'il s'agit d'un geste gracieux. Durant quatre ans, Penet tentera de se faire donner des garanties de paiement par les États (il traite avec chacun séparément car il n'y a pas encore de Fédération), mais sans succès. Pour les Américains, le troc serait le bienvenu (ils l'ont autorisé dès 1775) et ils offrent tabac de Virginie et huile de baleine à ceux qu'ils considèrent comme des commerçants ordinaires (Beaumarchais rencontrera les mêmes désillusions et sa faillite, dix fois celle de Penet, sera totale).

De retour en France, Penet tente de faire intervenir le gouvernement pour parrainer ses opérations, sans succès. L'observateur bienveillant, mais sans grand pouvoir, de cette affaire est le vieux botaniste Barbeu-Dubourg, ami de toujours de Benjamin Franklin, dont les lettres à ce dernier constituent l'essentiel des informations côté français. En France, le correspondant du 'Comité secret de correspondance', sorte de cabinet de guerre américain, est un trio d'intermédiaires dont le plus actif est Silas Deane (ses correspondances traitent de l'ensemble de l'affaire, y compris des soupçons de collusion des armateurs retenus avec les Britanniques : Gruel d'abord, puis les frères Daccosta avec qui Penet monte une compagnie).

La convention secrète signée avec le Comité secret sera exécutée en partie. La première livraison de 15 000 fusils part à l'été 1776, convoyée par Penet. Pliarne l'attend à Philadelphie. Penet se fait accompagner de Joseph Julien Coulaux (dit Coulaux Lavigne), un cousin des futurs Coulaux de Mutzig, qui va s'installer sur place pour être son correspondant. Le docteur Jacques Barbeu-Dubourg (lettre du à Franklin) donne le détail de l'opération, se faisant passer pour l'intermédiaire nécessaire entre les fournisseurs d'armes français et Penet ; il se donne le pseudonyme de La Tuilerie (c'est en fait le nom de l'entrepreneur de la manufacture royale de Saint Étienne : de la Thuilerie). De la même manière, on peut lire dans ces correspondance la venue de Franklin en France, sa rencontre avec Vergennes et d'autres ministres, les quiproquos entre les Américains d'Amérique et ceux de Paris...

À sa demande, Penet réussit à se faire nommer aide-de-camp de George Washington (1776), un titre purement honorifique. Revenu en France, il tente de poursuivre les envois, parfois avec succès, parfois sans. Le problème du crédit devient crucial : les États contractants ne reconnaissent pas formellement les dettes et laissent Penet se débrouiller pour obtenir du crédit auprès des fournisseurs et des armateurs. La situation financière de Penet se dégrade. Le coup de grâce vient lorsque la France et les États-Unis signent leur traité d'amitié : alors on n'a plus besoin de ce commerce sous le manteau, et l'État français devient le fournisseur unique, sans jamais parler de paiement ce qui satisfait le jeune État américain. Entre temps, de Pliarne s'est noyé dans le Potomac et Coulaux devient le seul représentant de Penet sur place.

Penet se met en affaires avec l'état de Virginie. Il tente d'y monter une usine de fabrication de fusils, sans que l'affaire démarre. Il se dit capable de lever des capitaux en France pour l'État à condition d'être nommé son représentant financier auprès du Royaume ; nouvel échec. La faillite arrive. Franklin parle de Penet dans des termes sévère, en le qualifiant d'homme de peu de foi et insaisissable. Penet a hypothéqué ses biens personnels et il est saisi et interdit de voyager. Cette interdiction n'est levée qu'en 1784

Penet repart aux États-Unis pour commercer cette fois dans les fourrures pour le compte de sociétés européennes. Il s'installe à Shenectady, sur la Mohawk River, et de là visite les Nations indiennes anciennement alliées des Français, dont les Oneidas, sur la rive sud du lac Ontario. Il nourrit le rêve d'amener des colons sur ces terres peu peuplées, en faisant miroiter à la tribu le paiement de loyers importants, la fourniture d'instruments aratoires et de bœufs, et des cadeaux du roi de France. On l'accueille avec joie. Il épouse une jeune fille, renommée France dont il aura au moins deux enfants (un fils, Peter, installé à Town of Andes, État de New York, aura plusieurs enfants : on l'y repère au recensement de 1850, sa mère France vit avec lui). Les Oneidas en font leur porte parole pour les assister dans les négociations avec les États américains, et pour le remercier de ses interventions obtiennent qu'il lui soit réservé un terrain de 10 miles de côté sur la rive sud du Saint Laurent, le Penet Square dont on parle pendant des décennies. Mais certains guerriers et la majorité des femmes manifestent leur défiance. Il quitte les lieux, en promettant de revenir avec les cadeaux de Louis XVI. Les Oneidas ne le reverront pas. On perd sa trace. Le Penet Square a été vendu pour un dollar à un affairiste.

Revenu en France, Penet se cache des créanciers et de la police et, la Révolution aidant, retrouve une vie paisible en Alsace. Il meurt à Huninge le 22 Nivôse An 9 (). Il n'a que 52 ans.

(notons que Coulaux est également revenu en France, avec une femme américaine et une fille au moins : on le retrouve dans l'atelier d'armes de Jacques et Julien Coulaux durant la Révolution et le Directoire, puis à Mutzig à la manufacture d'armes ; sa fille épousera un garde d'artillerie de Huningue).

Sources modifier

Il s'agit d'un travail inédit. Il existe des travaux ponctuels sur l'époque du trafic d'armes (correspondances enregistrées au Congrès américain), sur l'affaire du 'Carré Penet' obtenu par cession d'un territoire Oneida (chercheurs américains des années 1880-1900 se fondant sur la transcription des négociations entre l'État de New York et les Indiens Oneida). Mais il n'existe rien sur ses origines, ni son retour en France, ni son décès. Tout ceci est contenu dans le texte de Jean-Pierre Diehl, cité en référence et non-encore publié. Cette absence de document d'appui vient de ce que personne n'a cherché à ce jour à écrire un texte biographique sur le personnage.

Précisons que les quelques sources qui existent sont toutes fragmentaires et toutes sont entachées d'incertitudes, voire d'erreurs flagrantes, tant Penet s'est employé à brouiller les pistes pour éviter d'être rattrapé par ses créanciers. Voir le texte (non publié à ce jour) : "Les années de jeunesse des armuriers Coulaux ou 'de Huningue à Mutzig'", par Jean-Pierre Diehl, . Joseph Coulaux fut le représentant de Penet aux États-Unis. Ce texte, dont tous les éléments ont été vérifiés sur les documents d'origine, français comme américains, sera communiqué sur demande par son auteur : s'il n'a pas été publié, ce n'est pas du fait de l'auteur qui serait heureux qu'il le soit. Il contient toutes les sources repérées et pertinentes.