Philon de Carpasia

évêque de Carpasia

Philon fut évêque de la cité de Carpasia[1], sur l'île de Chypre, à la fin du IVe siècle. C'est un saint fêté par l'Église grecque le .

Chapelle Ayios Philon

Éléments biographiques modifier

On lit le récit de sa consécration épiscopale dans la Vie d'Épiphane de Salamine par ses disciples Jean le Sarrazin et Polybe évêque de Rhinocorura[2] (§ 84) : « Il y avait un certain clerc parmi les orateurs, du nom de Philon, un homme saint. Dans la cité de Carpasia, on avait besoin d'un évêque pour siéger sur le trône. Philon était diacre. À la suite d'une révélation de Dieu, Épiphane l'ordonna évêque sur le trône de la ville et de l'Église de Carpasia. Comme Épiphane devait aller résider à Rome, il envoya chercher l'évêque Philon et lui transmit l'autorité sur l'Église de Constantia, afin que, s'il était besoin de clercs, il puisse les ordonner »[3]. Épiphane lui-même parle d'un évêque chypriote Philon dans sa lettre à Jean de Jérusalem (conservée en traduction latine parmi celles de saint Jérôme, n° 51, datée de 394 environ) : « Et moi-même j'ai incité l'évêque Philon, de bienheureuse mémoire, et le saint homme Théoprepos, à ordonner des prêtres et à pourvoir aux besoins de l'Église du Christ dans les Églises de Chypre qui leur étaient voisines mais semblaient se rattacher à mon diocèse, parce qu'il est très vaste ».

Un moine chypriote nommé Acace (Akakios) a rassemblé en 1733 des textes liturgiques relatifs aux saints de Carpasia[4] ; Philon aurait déployé, pour la défense de l'orthodoxie et l'élimination des cultes païens, une intense activité pastorale accompagnée de nombreux miracles ; mort à Carpasia, il aurait été enseveli dans son église.

Le nom de Carpasia/Karpasia a été anciennement confondu avec celui de l'île de Karpathos : dans la Souda, il est question de « Φίλων Καρπάθιος » (au lieu de « Καρπάσιος »).

Œuvre modifier

On conserve de Philon de Carpasia un Commentaire du Cantique des cantiques, adressé à un prêtre Eustathe et à un diacre Eusèbe, et une lettre à un certain Eucarpios (d'authenticité contestée) consacrée à l'ascèse et à la vie érémitique.

Du Commentaire du Cantique des cantiques, on possède une traduction latine ancienne, remontant au VIe siècle, due à Épiphane le Scolastique, collaborateur de Cassiodore (qui lui-même attribue l'original à Épiphane de Salamine), et conservé dans un manuscrit contemporain, le Vaticanus latinus 5704, qui viendrait de la bibliothèque de Vivarium[5]. Cependant, le texte grec qui est parvenu jusqu'à nous est plus court : on suppose en général, non pas qu'Épiphane le Scolastique a ajouté des développements, mais que notre texte grec est en fait un résumé ou une compilation d'extraits. La traduction, d'autre part, est parfois assez libre. Les citations bibliques sont empruntées par Épiphane à la Vetus Latina.

Le commentaire de Philon de Carpasia a eu une large diffusion dans le monde byzantin. En témoignent notamment les nombreux extraits qu'on en trouve dans les chaînes exégétiques : quarante-huit dans celle de Procope de Gaza, trente-sept dans celle du pseudo-Eusèbe. Quatre passages sont cités dans la Topographie chrétienne de Cosmas Indicopleustès.

Une version latine du texte grec, due à un helléniste italien nommé Stefano Salutato de Pescia, est parue à Paris dès 1537 (reproduite ensuite dans la Bibliotheca Patrum)[6]. La version d'Épiphane le Scolastique, qui semble avoir été peu diffusée (on ne connaît du Vatic. lat. 5704 qu'une seule copie, le Paris. lat. 3092, du XVIIe siècle), ne fut imprimée qu'en 1750, à Rome, par Pier Francesco Foggini (sous le nom d'Épiphane de Salamine). C'est en 1772 que le savant prélat romain Michelangelo Giacomelli, archevêque titulaire de Chalcédoine, donna l'editio princeps du texte grec, avec une nouvelle traduction latine en regard.

Éditions modifier

  • Philonis episcopi Carpathii In Canticum canticorum interpretatio ad Eustathium presbyterum et Eusebium diaconum, Stephano Salutato Pisciense interprete, Parisiis, in officina Christiani Wecheli, sub scuto Basiliensi, in vico Jacobeo, 1537.
  • S. Epiphanii commentarium in Canticum canticorum prodit nunc primum ex antiqua versione Latina opera et studio P. F. Foggini, Romæ, 1750.
  • Philonis episcopi Carpasii Enarratio in Canticum canticorum. Græcum textum, adhuc ineditum, quamplurimis in locis depravatum emendavit, & nova interpretatione adjecta nunc primum in lucem profert Michael Angelus Giacomellus archiepiscopus Chalcedonensis, Romæ, 1772.
  • PG, vol. 40, col. 9-154 (reproduction de l'édition bilingue de M.-A. Giacomelli).
  • Aldo Ceresa-Gastaldo (éd., trad.), Philonis Carpasii. Commentarium in Canticum canticorum ex antiqua versione Latina Epiphanii Scholastici (texte latin et traduction italienne), coll. Corona Patrum 6, Turin, Società editrice internazionale, 1979.

Notes et références modifier

  1. Carpasia (ou Karpasia) était un port situé dans la péninsule de Karpas, à l'extrême nord-est de Chypre. Au cours du Haut Moyen Âge, le site fut abandonné au profit de celui de l'actuelle ville de Rizokarpaso (ou Dipkarpaz), à trois kilomètres de distance. On peut voir sur l'ancien site les ruines d'une chapelle Ayios Philon, du Xe siècle.
  2. Attribution fictive donnée par le récit lui-même, mais cette Vie pleine d'incohérences et de légendes est sûrement largement postérieure.
  3. Épiphane de Salamine se rendit à Rome pour le concile de 382. Selon la Vie, très fantaisiste, il s'y rend à l'appel des empereurs Arcadius et Honorius, qui apparemment vivent tous les deux à Rome, et dont la sœur est malade et le neveu mort. Épiphane guérit la sœur, ressuscite le neveu et baptise les deux empereurs.
  4. K. Spyridakis, G. Papacharalambous, N. Klerides, A. et J. Stylianou (éd.), « Οἱ ἅγιοι Καρπασίας Φίλων, Συνέσιος, Θύρσος, Φωτεινή, Σωζόμενος. Εἰσαγωγὴ καὶ κείμενον ἀκολουθιῶν καὶ συναξαρίων ἐπὶ τῇ βάσει τοῦ χειρογράφου Ἀκακίου μοναχοῦ τοῦ Κυπρίου (1733), μετὰ εἰκόνων » [« Les saints de Carpasia Philon, Synésios, Thyrsos, Phôteinè, Sôzoménos. Introduction et texte des offices et synaxaires sur la base du manuscrit du moine Acace de Chypre (1733), avec des icônes »], Κυπριακαὶ Σπουδαί, vol. 11, Nicosie, 1947.
  5. Pierre Courcelle, Les lettres grecques en Occident de Macrobe à Cassiodore, Paris, E. de Boccard, 1948 (2e éd.), p. 365. Cassiodore déclare (Inst. I, 5, 4) qu'il a voulu faire figurer dans le même codex les deux homélies d'Origène sur le Cantique des Cantiques traduites par saint Jérôme, le commentaire d'Origène en trois livres traduit par Rufin d'Aquilée, et la traduction du commentaire qu'il attribue à Épiphane de Salamine. Bien que le manuscrit soit apparemment démembré et que le dernier des trois textes apparaisse aujourd'hui seul, ce serait bien, selon Pierre Courcelle, le manuscrit même où Épiphane le Scolastique a rédigé sa traduction, à la suite des traductions d'Origène.
  6. En fait ce texte, malgré son titre, n'est pas vraiment une traduction, mais contient des passages abrégés de Grégoire le Grand.

Annexes modifier

Liens externes modifier

Bibliographie modifier

  • Kyriakos Hadjioannos, Ἡ ἀρχαία Κύπρος εἰς τὰς Ἑλληνικὰς πήγας, Nicosie, Éditions de l'Archevêché, 1971-77, 4 vol. (t. III, 1re partie : commentaire du Cantique des cantiques et lettre à Eucarpios).
  • Solange Sagot, « Une récente édition du Commentaire du Cantique des cantiques de Philon de Carpasia », Vigiliæ Christianæ, vol. 35, 1981, p. 358-376.
  • Maïté Lecat, « Christologie et ecclésiologie dans le Commentaire sur le Cantique des cantiques d'Épiphane le Scolastique », BABELAO 3, 2014, p. 45-108.