Phalange nationale
La Phalange nationale (espagnol : Falange Nacional, FN) était un parti politique chilien entre 1935 et 1957 qui, malgré son nom qui se référait à la Phalange fascisante de Primo de Rivera, était au contraire d'obédience social-chrétienne, influencée par la pensée de Jacques Maritain. Elle fut cependant, à ses débuts, partisane de l'Estado Novo de Salazar ainsi que du régime catholique autoritaire de Dollfuss en Autriche, avant d'opérer un virage à gauche en soutenant le Front populaire.
Issu d'une scission du Parti conservateur organisée par la jeunesse du parti, à laquelle participa notamment le futur président de la République, Eduardo Frei Montalva, ce groupe soutint le Front populaire, victorieux aux élections de 1938. N'entrant cependant au gouvernement qu'en 1945, au moment où la coalition gouvernementale se disloquait, il participa à la création du Parti démocrate-chrétien en 1957.
Histoire
modifierLa sensibilité social-chrétienne émergea au Chili après la publication de l'encyclique Rerum Novarum (1891), en réaction à la fois à la misère de pans entiers de la population chilienne et à l'apparition de mouvements révolutionnaires. Après la crise de 1929, elle se cristallisa, sous la dictature de Carlos Ibáñez del Campo, dans l'organisation de jeunesse du Parti conservateur, militant en faveur de l'interventionnisme de l'État afin d'améliorer la situation des plus démunis et de favoriser la cohésion sociale.
À la fin du second gouvernement d'Arturo Alessandri, la jeunesse conservatrice s'opposa à la direction nationale du parti, appuyant pour l'élection présidentielle de 1938 la candidature de Pedro Aguirre Cerda, candidat du Front populaire, plutôt que le candidat officiel du parti conservateur, Gustavo Ross.
Ceci provoqua la scission, la Jeunesse conservatrice prenant le nom de Mouvement national de la Jeunesse conservatrice, lors d'un congrès au Théâtre principal de Santiago du Chili du 11 au . Plusieurs députés et des secteurs libéraux de l'Église vinrent les rejoindre. Outre Eduardo Frei, Bernardo Leighton (en) (ministre en 1937 d'Arturo Alessandri) et Radomiro Tomic font partie de ce courant[1]. En 1936, le mouvement prit le nom de Phalange nationale, utilisé pour la première fois dans son organe de presse, Lircay, le . Il prétend alors appliquer en politique la doctrine sociale de l'Église [1].
Cependant, selon l'historien Olivier Compagnon:
« Le contenu idéologique de ces engagements reste cependant hésitant et éclectique, puisque l’hebdomadaire Lircay, jusqu’en 1938 au moins, continue de mêler apologie du salazarisme, éloge du chancelier autrichien Dolfuss, corporatisme militant, nationalisme exacerbé et mystique hispaniste sans que la séparation des plans temporel et spirituel ne soit affirmée : la logique reste bien celle d’un parti catholique de défense religieuse[1]. »
Aux élections de 1941 (es), le FN rejoint d'ailleurs la coalition de droite (Alianza de Defensa de la Democracia), obtenant trois députés (dont Radomiro Tomic).
Elle opère cependant un virage à gauche, et appuie ainsi, de façon critique, le Front populaire, gagnant aux élections de 1938. Elle n'entra cependant au gouvernement de Juan Antonio Ríos qu'en 1945, Eduardo Frei Montalva devenant Ministre des Travaux publics, alors que la coalition au pouvoir se disloquait. La Phalange s'opposa alors à l'interdiction du Parti communiste, préconisée par le gouvernement de Gabriel Videla: ce soutien courageux lui valut les critiques des nombreuses forces politiques anti-communistes, mais aussi le soutien des classes moyennes et populaires.
Aux élections de 1949 (es), la Phalange s'allie avec le Parti socialiste, le Parti radical-démocrate (es) et le Parti agrarien travailliste (es) dans la coalition de la Falange Radical Agrario Socialista (es), obtenant à nouveau trois députés tandis qu'Eduardo Frei obtient son premier siège de sénateur.
L'humanisme chrétien et la création de l'Editorial del Pacífico
modifierLes prises de position de la Phalange se cristallisèrent dans l'humanisme chrétien et le slogan « révolution dans la liberté » (revolución en libertad). En , elle obtint ainsi l'autorisation gouvernementale pour fonder l'Editorial del Pacífico, une maison d'édition dont l'axe central consiste en l'adhésion aux positions humanistes de Jacques Maritain[2]. Quatre phalangistes sont à l'initiative de ce projet: Manuel Fernández Díaz, Julio Serrano Lamas, Andrés Santa Cruz Serrano et Mario Aguirre Mac Kay[2], Eduardo Frei devenant vice-président du comité directeur de l'entreprise [2].
L'editorial del Pacífico se donne ainsi comme objectif explicite la diffusion des idées de Maritain et celle de la doctrine sociale de l'Église, s'opposant aux courants conservateurs voire intégristes bénéficiant d'une audience non négligeable en Amérique latine, et même à Rome (les écrits de l'abbé argentin Julio Meinvielle y étant ainsi diffusés par l'intermédiaire du cardinal Caggiano). Le futur ministre Jaime Castillo Velasco y publie ainsi En defensa de Maritain en 1949.
Création du Parti démocrate-chrétien
modifierEduardo Frei participe en 1947 à la création de l'Organisation démocrate-chrétienne d'Amérique (ODCA) à Montevideo, qui cherche une « troisième voie » entre capitalisme et communisme.
La Phalange fusionna en 1957 avec d'autres groupes sociaux-chrétiens pour former le Parti démocrate-chrétien (PDC), lequel adopta sa bannière, la flèche représentant la « destinée de la patrie », le rouge celui des « héros et martyrs » et les traits verticaux les obstacles à franchir.
Résultats électoraux et noms des parlementaires de la FN
modifierNotes et références
modifier- Olivier Compagnon, « Avril 1947 : la « Déclaration de Montevideo ». Le projet démocrate-chrétien en Amérique latine », Nuevo Mundo Mundos Nuevos, BAC - Biblioteca de Autores del Centro, 2005, mis en ligne le 14 février 2005.
- Olivier Compagnon, Jean-Marie Mayeur (2003), Jacques Maritain et l'Amérique du Sud: le modèle malgré lui, Presses universitaires du Septentrion, 2003, p. 235 sq.
Annexes
modifierArticles connexes
modifierLiens externes
modifier- Los 24 puntos de la Falange Nacional
- Memoria Chilena
- Documentos de la Falange Nacional en Memoria Chilena
- La Falange Nacional de Chile: entre el corporativismo católico y la democracia cristiana Abril
Bibliographie
modifier- Boizard, Ricardo. 1963. La Democracia Cristiana en Chile: (un mundo que nace entre dos guerras). Orbe Santiago
- Castillo Infante, Fernando. 1997. La flecha roja: relato histórico sobre la Falange Nacional con prólogo de Alejandro Magnet. Francisco de Aguirre. Santiago.
- Cruz-Coke, Ricardo. 1984. Historia electoral de Chile. 1925-1973. Editorial Jurídica de Chile. Santiago
- Díaz Nieva, José. 2001. Chile: de la Falange Nacional a la Democracia Cristiana. Universidad Nacional de Educación a Distancia. Madrid.
- Frei Montalva, Eduardo. 1940. La política y el espíritu. Ercilla. Santiago.
- Grayson, George W. 1968. El Partido Demócrata Cristiano chileno. Editorial Francisco de Aguirre. Buenos Aires.
- Guarello Fitz-Henry, Jorge. 1969. Nuestros paisanos demócratas cristianos. Imprenta Victoria. Valparaíso.
- Nuez, Iván de la. 1989. La democracia cristiana en la historia de Chile. Editora de Ciencias Sociales. La Habana.
- Sepúlveda Almarza, Alberto. 1996. Los años de la patria joven: la política chilena entre 1938-1970. CESOC. Santiago.
- Silva Bascuñán, Alejandro. 1949. Una experiencia social cristiana. Editorial Del Pacífico. Santiago.
Source originale
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