Nicolas Perrot d'Ablancourt

homme de lettres, érudit et traducteur français (XVIIe siècle)
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Nicolas Perrot d'Ablancourt
Grisaille de la Mairie de Châlons.
Fonction
Fauteuil 20 de l'Académie française
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Nicolas Perrot d'Ablancourt, né à Châlons-en-Champagne le et mort à Paris le , inhumé à Ablancourt, est un homme de lettres, érudit et traducteur français.

Selon lui, une traduction ne devait pas tant viser à la littéralité et à l'exactitude qu'à rendre l'esprit de l'œuvre originale tout en l'adaptant au goût de l'époque. Et c'est d'une remarque malicieuse à propos de l'une de ses traductions qu'est née l'expression « les belles infidèles ».

Biographie modifier

La famille adhérait à l’Église réformée ; son père, Paul Perrot (de la Salle), se convertit durant ses études à Oxford ; sa mère, Anne des Forges, était la fille d'un protestant champenois[1].

Il fait ses études à Sedan, où professe le protestant Roussel, puis il est reçu avocat. Il plaide peu, mais il abjure sa religion, puis revient sur sa décision et quitte la France pour la Hollande. Il s'installe à Leyde en 1634-1635, puis en Angleterre.

Il décide de revenir en France et entretient des relations avec les lettrés de l’époque[2]. Cinq ans après son retour, en 1637, il est élu membre de l’Académie française et se consacre tout entier aux lettres. Entre 1637 et 1662, il publie de très nombreuses traductions du grec et du latin : Arrien[3], Jules César[4], Cicéron, Frontin, Homère, Lucien de Samosate[5], Minucius Félix, Plutarque, Polyen, Tacite, Thucydide et Xénophon[6],[7]. Il traduit aussi de l'espagnol L'Afrique de Luis del Marmol y Carvajal, traduction revue après son décès par César-Pierre Richelet[8].

L'art difficile de traduire modifier

Perrot d'Ablancourt a exposé ses principes de traduction dans les préfaces de ses ouvrages. Il fait partie de ceux qui, héritiers et disciples de Conrart, n'hésitent pas à modifier les formulations contenues dans un texte en langue étrangère et au besoin à les moderniser en vue de les acclimater aux règles d'élégance, d'harmonie et de bon goût selon lesquelles la langue française se construit désormais. .

Emmanuel Bury[9], parle même d'une « école française des "belles infidèles" », dont Conrart est le chef de file, et Perrot d'Ablancourt « le plus illustre représentant, lui qui fut présenté par Furetière comme le "Capitaine magnifique" des bataillons de la Traduction ». Et Bury d'ajouter[9] que « l’ambition de Conrart et de ses amis était de faire de la traduction un grand genre en prose. »

Vers 1654, Gilles Ménage observe que la traduction de Lucien de Samosate[10] par Perrot d'Ablancourt lui rappelle une femme qu'il aima autrefois « et qui était belle mais infidèle ». L'expression, reprise par Huygens dès 1666, fera fortune dans toute l'Europe[11]. Et une centaine d'années plus tard, Voltaire dira de Perrot d'Ablancourt qu'il est un « traducteur élégant, (...) dont on appela chaque traduction la belle infidèle[12]. »

Ces conceptions de la traduction seront contestées, mais Perrot d'Ablancourt conservera néanmoins des partisans. Ainsi, en 1911, Paul Claudel écrivait-il à André Gide à propos de la traduction d'une œuvre de Tacite par Perrot d'Ablancourt : « elle réalise aussi pour moi l'idée que je me fais d'une bonne traduction, qui, pour être exacte doit ne pas être servile, et au contraire tenir un compte infiniment subtil des valeurs, en un mot être une véritable transsubstantiation[13]. » Certaines de ses traductions sont encore éditées de nos jours, en même temps que se poursuit le débat sur la fidélité et l'infidélité dans l'art de traduire.

Éditions récentes modifier

Notes et références modifier

  1. Louis Moréri, Grand dictionnaire historique, Lyon, 1674.
  2. Jean-Paul Barbier, Des Châlonnais célèbres, illustres et mémorables, Châlons-en-Champagne, Éd. du Petit Catalaunien , 2000.
  3. Les guerres d'Alexandre par Arrian, Paris, Chez la Veuve Jean Camusat et Pierre Le Petit, (lire en ligne)
  4. Les commentaires de César, Paris, Chez la Veuve Jean Camusat et Pierre Le Petit, (lire en ligne)
  5. Lucien, de la traduction de N. Perrot, Sr d'Ablancourt, 2 vol. Paris, Augustin Courbé, 1654. T. I : [lire en ligne (page consultée le 13 mars 2022)], T. II : [lire en ligne (page consultée le 13 mars 2022)]
  6. Xénophon, L'Histoire de Thucydide de la guerre du Péloponèse, continuée par Xénophon; De la traduction de N. Perrot Sr d'Ablancourt, Paris, Augustin Courbé, (lire en ligne)
  7. Xénophon (0430?-0355? av J.-C.), La retraite des Dix-Mille, ou L'expédition de Cyrus contre Artaxerxès / Xénophon ; traduction de Perrot d'Ablancourt, Librairie de la Bibliothèque nationale, (lire en ligne)
  8. Luis del Marmol y Carvajal et Diego de Torres, L'Afrique de Marmol , de la traduction de Nicolas Perrot, sieur d'Ablancourt. Divisée en trois volumes (...), Paris, Chez Thomas Jolly, 1667. T. I : [lire en ligne (page consultée le 13 mars 2022)]; T. 2 : [lire en ligne]; T. 3 : [lire en ligne]
  9. a et b Emmanuel Bury, « Note sur Pierre Du Ryer traducteur », Littératures classiques, no 42 « Pierre Du Ryer, dramaturge et traducteur »,‎ , p. 59-65; v. p. 59
  10. Lucien de Samosate : Œuvres complètes (trad. du grec ancien par Émile Chambry, Émeline Marquis, Alain Billault, Dominique Goust), Paris, Éditions Robert Laffont, coll. « Bouquins », , 1248 p. (ISBN 978-2-221-10902-1), p. 25 (introduction de A. Billault)
  11. Roger Zuber, Les « Belles Infidèles » et la formation du goût classique. Perrot d'Ablancourt et Guez de Balzac, Paris, Armand Colin, 1968, pp. 202-3. Voir aussi : Lettres et préfaces critiques de Nicolas Perrot d'Ablancourt ; publiées avec une introduction, des notices, des notes et un lexique par Roger Zuber, Paris, Didier, 1972.
  12. « Perrot d’Ablancourt (Nicolas) » in Le siècle de Louis XIV, 1751, Paris, Garnier, Œuvres complètes, T. XIV, 1878 p. 115 [lire en ligne (page consultée le 13 mars 2022)]
  13. Paul Claudel, Œuvres complètes, XXIX, Paris, Gallimard, 1986, p. 58

Voir aussi modifier

Bibliographie

  • Nicolas Perrot d'Ablancourt (publiées avec une introduction, des notices, des notes et un lexique par Roger Zuber), Lettres et préfaces critiques, Paris, Libr. Marcel Didier, , 292 p. (présentation en ligne)
  • Roger Zuber (postface d'Emmanuel Bury), Les « Belles Infidèles » et la formation du goût classique. Perrot d'Ablancourt et Guez de Balzac, Paris, Albin Michel, coll. « Bibliothèque de l'Évolution de l'Humanité », 2014 (nouvelle éd. revue et augmentée (1re éd. 1968), 530 p. (ISBN 978-2-226-07776-9)

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