Pascal Chabot

philosophe belge
Pascal Chabot
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Pascal Chabot (né en 1973) est un philosophe belge.

Biographie modifier

Après avoir étudié la philosophie à l’Université Panthéon-Sorbonne-Paris I et à l’Université libre de Bruxelles, et après avoir obtenu un DEA à l'Université de Liège, avec un travail portant sur Husserl, il consacre, à l'Université libre de Bruxelles, sa thèse de doctorat à la pensée de Gilbert Simondon.

Aspirant puis Chargé de Recherche au Fonds national de la recherche scientifique (FNRS 1997-2004), il est l’auteur de livres et d'articles sur la philosophie contemporaine, l’éthique, l’esthétique et la littérature.

Il publie La philosophie de Simondon (Vrin, 2003), Après le progrès (PUF, 2008 - collection Travaux Pratiques), ainsi que Les sept stades de la philosophie (PUF, 2011 - Perspectives critiques) où il montre que la philosophie poursuit des fonctions qui traversent son histoire et nourrissent ses désirs : élucider, libérer, se connaître, transmettre, prospecter, transformer et réjouir.

En 2013, il publie au PUF l'essai Global burn-out (traduit dans plusieurs langues) et, en 2015, L'âge des transitions. En 2016 paraît la fiction ChatBot le robot, d'abord interprétée sur les planches par Robin Renucci. Puis, en 2017, Exister, résister. Ce qui dépend de nous. En 2018, il publie L'homme qui voulait acheter le langage, adapté pour la scène la même année et interprété par Hélène Couvert et Patrick Brüll. Puis, en 2019, le Traité des libres qualités et, en 2021, Avoir le temps. Essai de chronosophie.

Il réalise un film sur Gilbert Simondon avec le cinéaste François Lagarde : Simondon du désert (Hors-Œil éditions), ainsi qu'un film sur le burn-out (Burning out. Dans le ventre de l'hôpital) avec le réalisateur Jérôme le Maire.

Il est chargé de cours à l'Institut des hautes études des communications sociales (IHECS) (Bruxelles).

Il a aussi évolué dans le monde de la danse contemporaine, comme conseiller artistique de la chorégraphe Michèle Noiret, artiste associée au Théâtre national de Belgique, avec qui il a participé au processus de création des spectacles Chambre blanche (2006), Les Arpenteurs (2007), De deux points de vue (2007), Demain (2009), Minutes opportunes (2010). Il a réalisé en 2009 avec la photographe Sergine Laloux un livre de réflexion et d'hommage collectif sur le travail de la chorégraphe "Territoires intimes. Michèle Noiret et la danse-cinéma"[1].

Publications modifier

  • Avoir le temps. Essai de chronosophie (PUF, 2021)
  • Traité des libres qualités (PUF, 2019)
  • L'homme qui voulait acheter le langage (PUF, 2018)
  • Exister, résister. Ce qui dépend de nous (PUF, 2017)
  • ChatBot le robot. Drame philosophique en quatre questions et cinq actes (PUF, 2016)
  • L'âge des transitions (PUF, 2015) (voir recension dans Lectures)
  • Global burn-out (PUF, 2013) (voir recension dans Lectures)
  • Les sept stades de la philosophie (PUF, 2011)
  • Après le progrès (PUF, 2008 )
  • La philosophie de Simondon (Vrin, 2003)

Avoir le temps. Essai de chronosophie (PUF, 2021) modifier

Avoir le temps propose une réflexion sur les aspects existentiels et personnels du temps, ainsi qu'une enquête plus vaste sur le temps des sociétés et des civilisations. Les deux dimensions, existentielles et civilisationnelles, se mêlent et se répondent. Tout commence par l’énigme d'être en vie, qui est l’énigme d'avoir le temps. Tous, nous avons du temps. Et pourtant, rien n’est plus courant que le sentiment d’en manquer. Qu’est-ce, alors, que cet avoir que l’on n’a pas vraiment? Pour le savoir, on montre comment le temps de l’individu est transformé par les quatre grandes valeurs du temps portées par la civilisation occidentale : le Destin (l'impératif biologique de la vie à la mort), le Progrès (l'ouverture d’avenir à construire), l’Hypertemps (la tyrannie du présent dans le technocapitalisme) et le Délai (le compte à rebours de la possible catastrophe écologique). Ces quatre formes temporelles, ouvrant chacune des horizons propres, se liguent parfois contre nous. Jamais aucune civilisation n’a vécu simultanément sous la coupe de quatre conceptions du temps différentes voire incompatibles, qu’il nous faut pourtant concilier. Avoir le temps se révèle donc comme le défi humain par excellence : celui de faire de cette quantité d’avoir une œuvre de qualité. C’est de cela qu’il s’agit dans cette sagesse du temps, cette chronosophie.

Traité des libres qualités (PUF, 2019) modifier

« La qualité est une de ces abstractions dont la philosophie a la charge. Comme la réalité, l'esprit ou le bien, elle est difficile à définir. On pourrait dire d'elle ce que saint Augustin disait du temps : si personne ne me demande ce qu'est la qualité, je le sais ; si je cherche à l'expliquer à quelqu'un, je ne le sais plus. Car la qualité, comme le temps, fait partie de ces notions fondamentales qui structurent notre rapport au monde. Elles sont les socles sur lesquels s'édifient nos univers mentaux. Elles sont des évidences que la vie ordinaire s'épargne d'interroger, mais sans lesquelles pourtant cette vie ne serait pas possible, ni n'aurait de sens. »

En 2 parties, 12 chapitres et 114 paragraphes, le philosophe montre comment une notion devenue centrale peut se faire l'instrument de notre asservissement au techno-capitalisme mondial tout autant que l'outil précieux de notre résistance au toxique et un mot d'ordre pour vivre mieux.

L'homme qui voulait acheter le langage (PUF, 2018) modifier

Confinés dans l’aéroport d’une île un soir d’ouragan, un homme et une femme se souviennent de leurs études de philosophie, qui les ont liés puis séparés. Fanatique de Wittgenstein, exclu de l’université, Cratyle s’est tourné vers les big data pour concrétiser son projet : breveter le langage. Car, il en est convaincu, l’époque où il faudra payer pour parler n’est pas loin. Un jour, les humains devront s’abonner à la logosphère pour voir leurs paroles prendre effet. Mais Diana a d’autres vues. Venue sur l’île pour tester des hologrammes capables d’épouser dans la nuit les courbes du vent, elle lui oppose ce que c’est, pour elle, que de parler et de penser librement.

Le débat est ainsi résumé par Mazarine Pingeot : "Dire, ce n'est pas toujours faire - on peut parler pour ne rien dire, et demeurer dans un champ symbolique où les hommes échangent, plutôt qu'ils n'obéissent. Le débat de Cratyle et de Diana n'a jamais été si actuel"[2].

L'homme qui voulait acheter le langage est aussi un spectacle[1], créé en 2018, adapté du texte de Pascal Chabot avec Hélène Couvert et Patrick Brüll.

Exister, résister (PUF, 2017) modifier

Cet essai cherche à caractériser la situation contemporaine de l'existence au sein du technocapitalisme. Il pose, pour le dire dans les termes d'Olivier Pascal-Mousselard dans Telerama, "un regard lucide sur ce réel fluide et bigarré, en se demandant ce qui importe vraiment pour nous, individuellement et collectivement"[3]. Pour ce faire, trois dimensions sont étudiées. La première est celle du "système". Plutôt que de relayer les débats trop vagues entre les pro- et les anti-système, l'auteur adopte une approche descriptive et matérialiste en réfléchissant sur trois réalités : la vitre, la chaise et l'écran. Être dans le système, c'est souvent être assis derrière un écran, à l'abri d'une fenêtre. Outre l'importance de révéler ces dimensions matérielles de l'existence trop souvent inaperçues, l'analyse conduit à interroger les valeurs portées par ce système. La vitre protège tout en filtrant le rapport au dehors, privilégiant la vue au détriment des autres sens. La chaise matérialise la recherche d'une place et d'un rôle social. L'écran organise la comparaison universelle entre les informations. Mais ces valeurs sont en crise, soumises à des stress systémiques repérables dans le fait que les vitres opèrent comme des clôtures, que les sièges manquent (ce que le chômage, aggravé par la robotisation, confirme) et que les écrans imposent leurs vitesses de défilement aux consciences.

Plutôt que de faire le procès du système, l'auteur cherche à diagnostiquer les causes de ces stress systémiques. Il les trouve dans ce qu'il appelle les "ultraforces". Il manque en effet à l'approche systémique une vision dynamique, centrée sur les forces de devenir, de transformation et de métamorphose. La distinction entre le système et la force est cruciale (ce qu'il montre en relisant Kant et Deleuze). Mais les forces en présence ont aujourd'hui elle-même muté. Elles ne sont plus, comme naguère, soit techniques, soit politiques, soit psychiques, soit économiques. Une ultraforce comme Google, par exemple, est tout à la fois technique, psychique, économique, politique. La numérisation, la financiarisation, la poussée démographique, et d'autres ultraforces encore sont analysées comme des forces globales de clivage : dans tous les champs qu'elles traversent se crée une scission entre un plan nouveau (plan de futur) et un monde ancien, disqualifié rapidement et dont l'imposition ressemble à un destin. Les ultraforces posent ainsi la question politique : quel rapport avec elles? Comment créer un rapport de force? À cette question, l'auteur répond par le thème de l'antirapport, car il ne semble pas y avoir de possibilité de vrai rapport de force avec les banques systémiques ou avec les géants du numériques, ce qui accroit l'impression de destin. Ce rapport est à inventer, ce qui amène la question de la résistance.

Entre le système et les ultraforces, souvent confondus dans d'autres analyses, existe ce que l'auteur appelle une "dialectique de la surenchère". Le système, déjà intrinsèquement fragilisé, est traversé par des ultraforces clivantes, qui le stressent encore davantage, et le rend encore moins capable de se défendre et de réguler ces forces. C'est de cette dialectique de la surenchère et de cette fragilisation que profitent les populismes en actant, par la rhétorique "anti-système", qu'ils oublient complètement d'abord que les systèmes doivent être des lieux de protection, qui donnent un rôle et favorisent la liberté à travers le numérique, et ensuite que les ultraforces, qui sont une part du réel contemporain, ne disparaîtront pas d'un coup de baguette magique...

Comment sortir de cette dialectique de la surenchère et des réactions "magiques" qu'elle engendre? Pour l'auteur, la troisième dimension si souvent oubliée du débat est le soi. L'individu n'est plus traité que comme être-dans-le-système ou comme être-clivé-par-les forces, ce qui sont deux déterminations de lui-même, parfois imposantes, mais superficielles tout-de-même au regard de ce que les anciens appelaient son "aséité", c'est-à-dire son être pour lui. Essayer de caractériser le rapport à soi comme centre du mode d'existence contemporain revient à poser plusieurs questions. Qu'est-ce que l'équilibre, pour le soi? Non pas l'équilibre figé, mais l'équilibre mobile et fertile? Qu'est-ce que le non finito, c'est-à-dire la conscience que nous ne vivons pas sur la seule lamelle du présent, mais qu'en nos consciences coexiste tout notre passé (toutes les histoires et les relations qui nous constituent), de même que notre culture est stratifiée de manière vivant par des legs qui demeurent psychoactifs. Qu'est-ce que le désir de changement pour le soi, et surtout : comment le soi est-il d'abord un hors-de-soi, c'est-à-dire un collectif?

À côté du système et des ultraforces, la dimension du soi est précieuse et centrale. Elle est le lieu de la résistance, qui mène l'auteur vers une méditation sur les conditions de convergence entre les trois dimensions du contemporain (convergence qui est un idéal de la raison, bien sûr, et pas une réalité, mais qui cherche à penser la coexistence de ces trois pôles dont aucun ne peut être magiquement gommé). Au-delà de cette méditation, ce sont les initiatives de transition (écologique, environnementale, organisationnelle dans les entreprises notamment sur la question du pouvoir, mobilitaire, et plus encore intérieure et philosophique), qui sont le lieu majeure d'une résistance créatrice et constructive. Dans toutes ces transitions, c'est toujours le soi qui est engagé, cherchant dans les systèmes et les ultraforces des relais, pour son objectif majeur : une coexistence pacifique et éduquée entre les humains entre eux, sur leur planète bleue[4].

ChatBot le robot. Drame philosophique en quatre questions et cinq actes (PUF, 2016) modifier

Cette fiction philosophique se déroule en 2025 dans un laboratoire où un chatbot, c'est-à-dire un agent conversationnel, est formé à la philosophie. Du moins lui apprend-on le vocabulaire philosophique, les courants, les styles et les thèmes. Un jury de cinq philosophes professionnels, humains ceux-là, décide d'auditionner l'intelligence artificielle dont les réponses sont troublantes de ressemblance. La question est de savoir si le chatbot peut ou non être qualifié de "philosophe", ce qui pose évidemment la question de savoir ce que l'on entend par là.

Ainsi que l'exprime Roger-Pol Droit dans un article du Monde : "Ce tout petit texte soulève en effet, avec élégance et simplicité, une série d’interrogations cruciales : faut-il être humain pour philosopher ? Si ce n’était plus le cas, que deviendraient, en retour, les humains ? Comment serait-il possible à une intelligence artificielle de philosopher authentiquement, alors qu’elle n’a d’expérience directe ni du doute ni de l’horizon de la mort ? Sur ces points, la machine, dans ses répliques, se montre très fine, en tout cas dans cette fiction, dont on ne peut quand même pas oublier que l’auteur reste un humain."[5]

Créé originairement pour la scène et interprété par le comédien Robin Renucci (dans le rôle du robot) au Festival les Inattendues (2014), cette fiction a été reprise quelques fois sur les planches. Elle est éditée par les PUF[6].

L’âge des transitions (PUF, 2015) modifier

Quel nom se donne notre époque ? S’agit-il encore d’une époque « postmoderne » ? La thèse défendue dans ce livre est que le terme de « transition » peut nommer le nouvel imaginaire du changement dont nous faisons l’expérience.

Pour le montrer, le livre analyse ce qui traverse des expériences diverses dans les domaines énergétique, politique ou démographique, dans lesquels s’inventent des modèles de transition (qui signifie étymologiquement« aller au-delà). Une méthode des transitions est proposée, qui philosophiquement passe par trois contraintes : ouvrir les boîtes noires, c’est-à-dire s’intéresser aux moyens et pas seulement aux finalités (dans la lignée de Gilbert Simondon) ; affirmer et déployer le progrès subtil, afin que le progrès utile ne jouisse plus du monopole exagéré que lui confère le technocapitalisme ; montrer l’importance du respect et de la reconnaissance dans l’évolution des mentalités.

Animé par la conviction que l’énergie est le grand refoulé de l’histoire de la philosophie occidentale, qui privilégie la matière et la forme, la partie de l’ouvrage consacrée à la transition énergétique interroge notre rapport au pétrole et aux énergies fossiles. L’analyse est centrée sur le lien entre les énergies humaines (notamment l’enthousiasme) et les énergies non-humaines, et renouvelle certains arguments en faveur des énergies renouvelables.

La transition démocratique est ensuite analysée, notamment sur base des travaux méconnus des « transitologues » américains des années 60 et 70, qui servirent de base de réflexion à Mandela notamment. La transition démocratique n’est seulement un impératif extra-européen. Elle concerne également nos imparfaites démocraties. En centrant la recherche sur les rapports entre pouvoir et violence (dans le droit fil d’Hannah Arendt), il s’agit ici de montrer quels types d’horizon ouvre le concept de transition, en le démarquant de l’imaginaire des révolutions, dont l’impératif de « table rase du passé » et les stratégies de terreur constituèrent, au vingtième siècle, l’idéal dominant du changement. Mais les temps ont changé et la révolution est devenue insoutenable. Philosophiquement, qu’implique ce changement de notre rapport au changement ?

Concernant cette transition démocratique, Thibault De Meyer a montré que "le concept de transition tel que le construit Chabot permettrait de décrire les nouveaux mouvements sociaux qui sont dispersés, souvent de petite ou moyenne taille et qui ne visent pas tant à renverser un pouvoir qu’à construire de meilleurs liens avec les différents êtres de la Terre, humains ou non humains"[7].

Quant à la transition démographique, souvent à l’origine des peurs du grand nombre, il est montré tout à la fois son intérêt et ses limites. En déconstruisant le concept, l’analyse en revient, pour permettre la coexistence, à affirmer que les véritables leviers d’action se situent au niveau de la puissance (transition énergétique) et du pouvoir (transition démocratique), et non au niveau du concept de « population », déconstruit par les démographes eux-mêmes[8].

Global burn-out (PUF, 2013) modifier

La thèse défendue est que le burn-out est une pathologie de civilisation. Il n’est pas seulement un trouble individuel qui affecte certaines personnes mal adaptées au système, ou trop dévouées, ou ne sachant pas (ou ne pouvant pas) mettre des limites à leur investissement professionnel. Il est aussi un trouble miroir où se reflètent certaines valeurs excessives de notre société : son culte du plus, du trop, de la performance, de la maximisation, tout cela démultiplié par des technologies qui imposent souvent leur temporalité à l’homme.

La première partie de l’ouvrage analyse trois moments historiques de naissance de la notion : sa description par le psychiatre Herbert Freudenberger ; sa création par le romancier Graham Greene, dont il est prouvé qu’il est le premier à l’utiliser ; son antécédent historique, l’acédie monastique. Ensuite, en réfléchissant sur le perfectionnisme, sur la place des métiers d’aide dans notre société (enseignants, médecins, infirmières), au rapport des femmes avec le sphère professionnelle, à la question de la reconnaissance, la question centrale est abordée: ce trouble peut-il être l’occasion d’une métamorphose grâce à laquelle une personne peut se rapprocher de ses paysages intérieurs ? L’expérience du non-sens peut-elle motiver une réorientation vers un rapport au monde plus sensé? Jeanne-Claire Fumet, dans un entretien du Café pédagogique, formule ainsi la conviction vers laquelle pointent ces questions : "Entre le modèle infaillible de la machine et la fragilité constitutive de l'humain, le burn-out pourrait être le révélateur de la faillite d'un modèle hérité du pacte social de la modernité, à renouveler par un nouveau « pacte technologique » annoncé par l'auteur"[9].

Comme l'écrit Jean-Hugues Barthélémy, "S’y confirme que par ce nouvel essai, Chabot entend appliquer l’idée, tôt annoncée, qu’ « à chaque époque, l’humanisme doit modifier ses combats » (p. 18). Ce qui n’est rien d’autre que prolonger le propos de Simondon, qui définissait l’humanisme par le combat toujours renouvelé contre les aliénations toujours nouvelles".

Selon Jérémie Rollot : "L’intérêt de l’ouvrage de P. Chabot est d’apporter un regard philosophique sur le burn-out, donc de le problématiser sous un angle nouveau : non simplement comme conséquence d’une fragilité individuelle, non uniquement comme résultant de pratiques managériales ou gestionnaires ; mais comme miroir d’une civilisation, d’une société."[10]

Ce livre a inspiré le film du cinéaste Jérôme le Maire Burning out. Dans le ventre de l'hôpital, tourné à l'Hôpital Saint-Louis à Paris. [11] ?

Les sept stades de la philosophie (PUF, 2011) modifier

Une tradition répandue en philosophie voudrait que cette discipline soit inutile, car ce serait pour elle déchoir que d’avoir une utilité. Le livre prend le contre-pied de cette thèse, et explore les liens tendus et complexes entre la vie et la théorie. Si la philosophie peut nous aider à mieux vivre, c’est d’abord parce qu’elle interroge ce que serait une bonne vie.

Mais la philosophie n’en reste pas à l’interrogation : elle opère. Elle a des fonctions qui sont les suivantes : élucider, libérer, se connaître, transmettre, prospecter, transformer et réjouir. Être philosophe, c’est penser que ces opérations intellectuelles permettent de mieux vivre. En privilégiant l’opération sur le concept, le livre entend montrer que ce qu’il y a de transhistorique dans la philosophie est une volonté d’opérer, et d’avoir des effets utiles[12].

Après le progrès  (PUF, 2008) modifier

Le livre interroge notre relation ambiguë au progrès, car si le terme n’est plus un étendard de la pensée, ni une « fierté » comme il le fut naguère, jamais cependant une époque n’a autant fait l’expérience de progresser, surtout dans les sphères techniques et scientifiques.

Après avoir cherché à privilégier un rapport pragmatique, plutôt qu’idéologique, au progrès, le livre fait la différence entre deux conceptions du progrès : le progrès utile, qui fonctionne par capitalisation, et de manière multi-linéaire : il est au fondement de l’avancée des sciences et des techniques ; c’est le progrès technocapitaliste. Mais contre l’opinion dominante qui semble penser qu’il n’existe qu’un progrès utile, il faut créer le concept de progrès subtil, lequel est cyclique et initiatique : il est le progrès humain par excellence. Cyclique et initiatique car il faut toujours réapprendre à vivre, réinterpréter les valeurs, réinterroger le sens. Aucun capital, ici, ne peut se substituer à l’expérience de vivre.

En cherchant un difficile équilibre entre progrès utile et progrès subtil (et en interrogeant des figures célèbres de la mentalité progressiste, notamment Robinson Crusoé), le livre affirme qu’un nouvel imaginaire du changement est nécessaire. Ce dernier sera, plusieurs années plus tard, formalisé comme « transition »[13].

La philosophie de Simondon (Vrin, 2003) modifier

L’ouvrage est une réécriture de la thèse de doctorat de l’auteur « Processus technique et processus d’individuation dans la philosophie de Gilbert Simondon », qui fut la première thèse universitaire consacrée à ce penseur majeur, sous la direction du Pr. Gilbert Hottois  (Jury : Isabelle Stengers, Jean-Noël Missa, Anne Fagot-Largeault, Maurice Weyenberg).

L’ouvrage propose une initiation à la philosophie de Simondon, en explicitant les concepts d’individuation, de devenir, de concrétisation et de transduction. Il explore le rapport de la philosophie simondonienne à Bergson, Marx et Jung, et montre son intérêt irremplaçable pour la compréhension de notre époque[14].

Films modifier

Simondon du désert (Hors-Œil éditions, 2012) modifier

Réalisé par le cinéaste François Lagarde, le film Simondon du désert, au format singulier (125 minutes), explore visuellement les conditions d’émergence de la pensée de Simondon, en révélant la beauté et la force de certains paysages, machines et outils qui ont pu le nourrir.

Comme personne, Simondon apparaît seul, fragile, toujours au bord de la rupture, mais aussi attachant et intègre. De lui, nous avons peu d’images, mais de sa pensée, existent des « lieux-moments » qui sont la pointe visible de sa philosophie. De Lecce à Brest, du CERN de Genève aux Grottes préhistoriques du Maz d’Azil, du Collège de France aux moulins des Flandres, des penseurs racontent comment leur parcours a été transformé par leur rencontre de Simondon. Vies et théories se nouent pour dire la singularité d’une démarche.

Les entretiens menés par Pascal Chabot font intervenir des spécialistes de l’œuvre de Simondon, qui montrent l’intérêt de sa pensée, parmi lesquels Anne Fagot-Largeault, Giovanni Carrozzini, Jean-Hugues Barthémély, Jean Clottes, Gilbert Hottois, Arne De Boever et Dominique Lecourt.

François Lagarde a décidé, peu avant son décès en , de mettre ce film en libre accès sur Vimeo. Voir le film!.

Burning Out. Dans le ventre de l'hôpital (AT Doc, Zagig, Louise Production - Coproduction Arte, RTBF, RTS - 2016) modifier

Librement inspiré de Global burn-out, ce film du réalisateur belge Jérôme le Maire, co-écrit avec Pascal Chabot, s’immisce dans le ventre de l'hôpital pour montrer le travail, sa grandeur, sa difficulté, les fragiles (dés-)équilibres entre dispositifs techniques, contraintes économiques et enthousiasmes personnels. Film sur le sens du travail, il interroge aussi la médecine contemporaine et ses devenirs.

Pendant 2 ans, le réalisateur belge Jérôme le Maire a suivi les membres de l’unité chirurgicale de l'hôpital Saint-Louis, à Paris, où il avait accompagné Pascal Chabot invité en 2015 à y donner une conférence sur le burn-out et la question du "progrès subtil", propre à penser le progrès dans la sphère médicale, ce que le progrès "utile" ne permet pas. Ce bloc opératoire ultraperformant fonctionne à la chaine : 14 salles en ligne ayant pour objectif de pratiquer chacune quotidiennement huit à dix interventions.

L’organisation du travail, bien qu’extrêmement sophistiquée, est devenue pathogène. Le personnel médical et paramédical courbe l’échine. Stress chronique, burn-out, et risques psychosociaux gangrènent l’hôpital. Chirurgiens, anesthésistes, infirmiers et aides soignants, mais aussi cadres, gestionnaires, et directeurs sont pris dans une course effrénée qui semble sans fin.

Consciente de ce problème, l’administration a commandé un audit sur l’organisation du travail afin de tenter de désamorcer le début d’incendie.

Burning Out est une plongée au cœur du travail et de ses excès, quand il y a surchauffe et que l’embrasement menace. Il veut comprendre l’incendie contemporain qui affecte l’hôpital, ce miroir trouble de notre société.

Notes et références modifier

  1. Pascal Chabot et Sergine Laloux, Territoires intimes. Michèle Noiret, la danse-cinéma, Bruxelles, Alternatives théâtrales, , 260 p.
  2. Mazarine Pingeot, L'express, 12 septembre 2018
  3. Olivier Pascal-Mousselard, Telerama, 21 mars 2018
  4. Pascal Chabot, Exister, résister. Ce qui dépend de nous, Paris, PUF,
  5. Roger-Pol Droit, Le Monde, 14 janvier 2016
  6. Pascal Chabot, ChatBot le robot. Drame philosophique en quatre questions et cinq actes, Paris, PUF, , 75 p. (ISBN 978-2-13-073505-2)
  7. Thibault De Meyer, « Pascal Chabot, L’âge des transitions », Lectures [En ligne], Les comptes rendus, 2015, mis en ligne le 23 octobre 2015, consulté le 28 octobre 2015. URL : http://lectures.revues.org/19253
  8. Pascal Chabot, L'âge des transitions, Paris, PUF, , 191 p. (ISBN 978-2-13-063073-9)
  9. « Les archives du café », sur Le Café pédagogique (consulté le ).
  10. Jérémie Rollot, « Pascal Chabot, Global Burn-out », Lectures [En ligne], Les comptes rendus, mis en ligne le 17 mai 2013, consulté le 19 janvier 2021. URL : http://journals.openedition.org/lectures/11524 ; DOI : https://doi.org/10.4000/lectures.11524
  11. Pascal Chabot, Global burn-out, Paris, PUF, , 147 p.
  12. Pascal Chabot, Les sept stades de la philosophie, Paris, PUF, , 143 p. (ISBN 978-2-13-058127-7)
  13. Pascal Chabot, Après le progrès, Paris, PUF, , 125 p. (ISBN 978-2-13-057041-7)
  14. Pascal Chabot, La philosophie de Simondon, Paris, Vrin, 2002 (2ème édition 2013), 157 p.

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