Parler lyonnais

variante régionale du français influencée par le francoprovençal lyonnais

Le parler lyonnais actuel est une variante régionale du français qui a fortement été influencée par le francoprovençal (ou arpitan) dont la langue lyonnaise est un dialecte, et qui était autrefois parlée dans la ville de Lyon.

Aire de répartition du parler lyonnais.[réf. nécessaire]

Phonologie modifier

L'accent lyonnais traditionnel, mais encore actuel, se remarque sur la prononciation des voyelles /o/~/ɔ/ « o » et /ø/~/œ/ « eu » de façon très fermée : ainsi, jeune (/ʒœn/ en français standard) se prononce pratiquement comme /ʒøn/ jeûne.

La différence /o/~/ɔ/ doit être clairement marquée, comme dans « gone du Rhône » ou dans « pomme » par rapport à « paume ». Également, le e caduc est très souvent omis.

Les phrases sont prononcées en trainant légèrement sur les finales. Diction traditionnelle que l'on peut entendre dans les spectacles de marionnettes pour les voix de Gnafron et de Guignol[1].

Dans les noms propres (personnes, lieux), les consonnes finales ne sont généralement pas prononcées :

Et certaines voyelles sont éludées:

Morphologie et syntaxe modifier

  • y équivaut à un pronom impersonnel inanimé : « j'y sais, j'vais y fair' ! » pour « Je [le] sais, je vais le faire ! ». Distinction entre : « Je vais y voir. ». en parlant d'un objet ou d'un indéfini, (« Je vais voir ça ») et « Je vais le voir. » en parlant d'une personne de sexe masculin (= « Je vais voir cet homme. »).
  • Noter un emploi fréquent du passé surcomposé : « Il me l'a eu dit. », « Je l'ai eu su. »
  • L'impératif négatif dans le langage courant.

En français, le pronom se met avant le verbe à l'impératif négatif. Dans le parler lyonnais, le pronom reste après le verbe (comme dans l'impératif positif), exemple : « Ne me donne pas ça. » ou plus couramment « Me donne pas ça. », devient à Lyon « Donne-moi pas ça » ou en version purement lyonnaise : « M'y donne pas » ou « Donnes-y-moi pas ». Cette particularité grammaticale est très répandue dans la région de Lyon et dans toute la zone linguistique historique du franco-provençal, jusqu'en Auvergne, indépendamment de l'âge ou de la classe sociale du locuteur. Le français québécois possède aussi ce trait caractéristique de laisser le pronom après le verbe à l'impératif négatif.

  • quand

La préposition « quand » est utilisée pour signifier « en même temps que ». Exemple : « En me dépêchant, j'arriverai quand vous. »

Quelques expressions courantes modifier

 
Le francoprovençal est la principale source d'influence du parler lyonnais. En voie de disparition, il est encore parlé dans trois pays.

On retrouve ces expressions à Lyon et dans le Lyonnais, mais aussi en pré-Dauphiné, en Bresse, dans le Bugey, dans la Savoie, à Saint-Étienne, à Saint-Chamond, dans le Haut-Jura et le Jura sud, et dans une partie de la Suisse romande.

Voici une liste de quelques mots et expressions :

Mot ou expression Sens
à quelque part Quelque part. « Il doit bien être quelque part » = « Il doit bien être à quelque part. »
une allée une entrée d'immeuble
les auto-tamponnantes les auto-tamponneuses (à la vogue)
agottiaux brasse[2]
les âniers les éboueurs
aboucher (verbe) mettre à l'envers la bouche en bas.

→ à bouchon (adj.) « Cette grande ébravagée mettait son petit gone à bouchon dans le bardanier. »

baigner dans la benne ne pas être très clair, être fou
une bambane un traîne savate / un paresseux / un homme lent, indolent[3]
un baraban un pissenlit. Une salade de baraban[4]
bardanier (n. m.) (bardane = punaise) un lit
un bistanclaque ou bistanclaque-pan un métier à tisser (mot provenant d'une onomatopée) [5]
un bocon mauvaise odeur, poison[6]. Par extension, maladie (rhume), virus. « Il m'a refilé le bocon. »
un bouchon [lyonnais] un petit restaurant de spécialités lyonnaises, ou le nom du repas qu'on y prend (le soir, par opposition au mâchon du matin)
être dans les brouillards du Rhône n'être pas encore né
hypothéqué sur les brouillards du Rhône n'avoir pas de valeur, n'être pas certain (parlant d'une information)
une bugne beignet confectionné pour Mardi gras et découpé dans la pâte avec une roulette ou éperon[7]/ un idiot[8] / un coup de poing / vieux chapeau (si un bugne)
bugner, embugner, poquer heurter[9], cabosser, frapper
à cacaboson / cacasson /à crapotons accroupi[3]
un caillon ou cayon un cochon[3]
canant(e) agréable (adjectif). Peut désigner une femme charmante.
un canut, une canuse un tisseur de soie lyonnais et sa femme
une carotte rouge une betterave. Les carottes, à Lyon, sont parfois nommées les racines (jaunes).
un caton un grumeau, une saleté (moins courant)
à cha un, à cha peu un par un / petit à petit - il a mis de côté ses argents à cha peu[3]
colère (être) être en colère (« Je suis vraiment colère maintenant ! »)
coquelle Marmite[2]
coquetier Crémier[2]
La corgnole, le corgnolon Le gosier - Se ramoner le corgnolon[3]
cornet Tuyau[2]
un cuchon un tas[3]
dégraissage nettoyeur (magasin) - « Porter des habits au dégraissage. »
dérambouler glisser sur une rampe pour descendre des escaliers. Particulièrement utilisé pour les gones dans les pentes de la Croix-Rousse
débarouler dégringoler[4], faire une chute, par exemple dans un escalier : Elle a fait une galavanchée, et elle a débaroulé les escayers d'la Grand'Côte
doucette mâche[6]
une échiffre une écharde[6]
emboconner répandre une mauvaise odeur[6]
les équevilles les ordures ménagères, les restes (d'un repas…) [3]
une flûte Désigne le pain de 400g (environ le double d'une baguette).
s'en voir avoir du mal à faire quelque chose. Il s'en est vu
une fenotte une femme[6]
la ficelle funiculaire lyonnais, reliant la ville aux collines environnantes (Fourvière et Croix-Rousse)[6]. Il y eut cinq lignes de funiculaire à Lyon, il n'en reste que deux aujourd'hui, montant à Fourvière et à Saint-Just, tous depuis la station Saint-Jean. Le métro montant à la Croix-Rousse, quant à lui, emprunte sur une portion le tunnel de l'ancienne ficelle, mais utilise désormais une crémaillère sur cette pente. La ficelle désigne également le pain très fin de 125g.
frouiller tricher. Un frouilleur à la belote, un frouillon.
une gâche une place - Son travail, c'est une bonne gâche, se dit aussi pour une place de parking / stationnement.
un gadin une pierre, un caillou, une chute
un ganais un idiot
un gandousier un vidangeur[2]
gnaquer / avoir la gnaque mordre violemment (souvent en parlant d'un chien) / en vouloir (« y » arriver)
gnolu bête et méchant (rendu fou par la gnôle)
un gone[3] un enfant
un gognand ou gognant[3] un garçon un peu niais
gognandise[3] bêtise
une guenille un vêtement, souvent sale, mal porté ou déchiré.
Un cache-guenilles désigne un vêtement enfilé par-dessus.
Par extension, l'expression désigne également une personne qui traine les bars et autres endroits marginalisés[10].
grignet (grignette) se dit d'un enfant élancé, voire dégingandé
(se) lantibardaner se balader, flâner : lantibardane ou lantibardane pas, t'arriveras toujours quand toi au cimetière [11]
loquetière passe-partout [2]
un mâchon copieux repas traditionnel du matin (entre 10h et midi, ce qui correspondrait au brunch américain), encore servi le week-end dans certains bouchons.
un miron un chat[6]
une panosse, panosser une serpillère, passer la serpillère[10]
la panure la chapelure
une patte un chiffon, un morceau de linge[6]. Souvent dans l'expression coup de patte : passer un coup de patte sur la table, se donner un coup de patte (faire une toilette rapide).
petafiné abîmé, détérioré, gâché ... (voir Pétafine)
pot C'est une bouteille ou l'on met du vin, de 46cl avec un fond épais de 3 ou 4 cm pour que ça tienne bien debout et que les gens saouls ne les renversent pas en bougeant les tables dans les bouchons. Par analogie, il peut également désigner également les contenants carafes ou récipients de 50cl dans les restaurants ou bars.
plan (adverbe) lentement. Va plan, gone ! ; Aller plan plan ; Qui va plan va loin (proverbe).
se faire péter la miaille s'embrasser, se faire la bise
Pieds humides petits débits de boissons en plein air, installées sur les marchés, les places, au parc de la Tête d’Or et aux arrêts de bus[12].
pignocher Faire une chose avec lenteur et minutie[6]. Au figuré, manger lentement, sans appétit, voire avec dégoût. Souvent reproché aux enfants : Mange ton plat et arrête de pignocher !.
pique-feu Tisonnier[2]
poutrône poupée - femme de mauvaise réputation : Regarde-moi celle-ci, c'est ben une vraie poutrône ![13]
prendre du souci s'inquiéter de quelque chose ; « on va y aller » = « on va prendre du souci » (pour prendre congé, dire qu'on s'en va). « Il va falloir penser à y aller » = « Va falloir prendre du souci ».
quand vous, quand eux, quand nous, quand toi, quand moi La conjonction « quand » est utilisée pour signifier « en même temps que ». En me dépêchant, j'arriverai quand vous[11]. Je prendrai mon temps et j'arriverai quand moi.
être (tout) trempe être trempé
une traboule passage typiquement lyonnais à travers des cours d'immeuble qui permet de se rendre d'une rue à une autre rue parallèle. Je prends la traboule des Voraces. Le verbe trabouler est également utilisé pour désigner un déplacement. Vient du latin transambulare qui signifie littéralement « se déplacer à travers ». Les traboules sont signalées par une lanterne au-dessus de la porte.
une/la vogue une fête foraine (notamment la célèbre vogue des marrons chaque automne sur le boulevard de la Croix-Rousse).
(faut) y (faire) (ou avec tous autres verbes), Y vont y faire (Ils vont le faire) le « y » remplace un pronom « le » impersonnel. Peut également remplacer « il » ou « ils ».
C'est quelle heure ? Quelle heure est-il ?

Bibliographie modifier

  • Le lyonnais de poche, Assimil, octobre 2006, ISBN F015814114
  • Le Littré de la Grand'Côte / Nizier du Puitspelu - Lyon : Éditions lyonnaises d'art et d'histoire, 2000. - (ISBN 2-84147-094-6) : livre de référence, ce dictionnaire du parler lyonnais a été publié pour la première fois en 1895 par impr. Juré de l'Académie.
  • Il y a aussi des dictionnaires plus récents :
    • Anne-Marie Vurpas et Jean-Baptiste Martin, Le parler lyonnais, Paris, Éditions Payot & Rivages, , 288 p. (ISBN 2-86930-701-2)
    • Dictionnaire du français régional du Lyonnais, Gilbert Salmon, 1995.
    • Le Littré du Gourguillon, Chaon Grattepierre, 2003, Éditions Lyonnaises d'Art et d'Histoire.
    • Dictionnaire du français régional du Lyonnais, Gilbert Salmon, 2003, Christine Bonneton Éditeur. [1]
  • La plaisante sagesse lyonnaise / maximes et réflexions morales recueillies, Catherin Bugnard.
  • Dico illustré des Gones, Félix Benoît, Édition des Traboules, 1994, (ISBN 2-9505037-9-9)
  • [Gilbert Salmon 1995] Gilbert Salmon, « Trésor Général du français de Lyon aux XIXe et XXe siècles », Cahier des Annales de Normandie, no 26,‎ , p. 337-346 (ISSN 0003-4134, lire en ligne, consulté le )

Notes et références modifier

  1. « Jean Guy Mourguet présente Guignol », sur Institut national de l’audiovisuel (consulté le ).
  2. a b c d e f et g Henri Béraud :Vous ne connaissez pas mon pays
  3. a b c d e f g h i et j Jean-Baptiste Onofrio : Essai d'un glossaire des patois de Lyonnais, Forez et Beaujolais, Lyon 1864
  4. a et b Madeleine Miège : Le français dialectical de Lyon, Laffitte, 1981
  5. Annie Charvier : Lyon, 1900-1920, Éditions de Borée, 2007, (ISBN 2844945805)
  6. a b c d e f g h et i Nizier du Puitspelu : Littré de la Grand'Côte, 1894.
  7. Gilbert-Lucien Salmon : Dictionnaire du français régional du Lyonnais, 1995
  8. Nizier du Puitspelu : Les vieilleries lyonnaises, 1891
  9. André Thibault, Pierre Knecht : Dictionnaire suisse romandparticularités lexicales du français contemporain 2004
  10. a et b Clair Tisseur (Nizier du Puitspelu) : Dictionnaire étymologique du patois lyonnais
  11. a et b Anne-Marie Vurpas et Jean-Baptiste Martin : Le parler lyonnais
  12. Sébastien Graciotti, Muriel Izal et Michel Kneubühler, Le goût du patrimoine, Solidarite Et Territoire, (ISBN 2-908291-01-0)
  13. Gilbert-Lucien Salmon : Dictionnaire du français régional du Lyonnais

Articles connexes modifier

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