Papyrus de Cléopâtre

Le papyrus dit de Cléopâtre (ou papyrus P.Bingen 45) est un manuscrit de l'époque ptolémaïque, rédigé en grec et daté du 23 février 33 av. J.-C., dont la signature est attribuée à Cléopâtre VII Philopator. Il est conservé au Musée égyptien de Berlin, installé au Neues Museum depuis 2009, sous le numéro d'inventaire P. 25239. Ce texte administratif fournit un aperçu des relations égypto-romaines de l'époque et apporte une preuve possible de corruption en affaires. L'historien Bernard Legras le qualifie à ce titre de « document exceptionnel »[1].

Papyrus de Cléopâtre.

Contenu modifier

Le contenu du manuscrit est un prostagma (décret) accordant de généreuses exemptions fiscales à un Romain : le blé qu'il exporte d'Égypte, ainsi que le vin qu'il importe de Grèce, sont dispensés des droits normalement perçus sur ces marchandises. Ces privilèges touchent aussi les navires et les animaux de trait lui appartenant. Le nom du bénéficiaire est en partie illisible : Peter van Minnen, le premier à publier le papyrus, lit « Π̣ο̣π̣λ̣ίωι Κανιδ̣[ίω]ι » et l'identifie avec l'homme d'affaires, militaire et politicien romain Publius Canidius Crassus, un des lieutenants de Marc Antoine[2] ; Klaus Zimmermann lit « Κ̣ο̣ί̣ν̣τ̣ωι Κασκ[ελίω]ι » et propose Quintus Cascellius[3], qui peut être identifié avec un financier actif en Asie Mineure, patron de la cité de Caunos[4] et qui appartient à une famille de financiers romains, la gens Cascellia qui possède des terres en Égypte[5],[6].

Le texte est terminé par le mot grec γινέσθωι (ginesthō : « qu'il en soit ainsi »). Ce paraphe, d'une écriture différente du corps du texte, serait de main de Cléopâtre VII pour certains spécialistes[3],[2], d'autres l'attribuant plutôt à un haut fonctionnaire[6],[7].

S'il constitue une preuve de l'intégration des Romains dans l'économie égyptienne avant même l'annexion du pays à l'Empire, son interprétation comme un fait de corruption reste débattue[6],[5].

Découverte et publication modifier

Le papyrus faisait partie du cartonnage d'une momie égyptienne provenant du site archéologique d’Abousir el-Meleq, dans le nome Hérakléopolite[4], et conservée au Musée égyptien de Berlin : il avait été « recyclé » pour la fabrication de ce sarcophage bon marché, obtenu en agglomérant de vieux papyrus (la plupart étant d'ordre administratif) selon une méthode proche du papier mâché. Il a été découvert et publié en 2000[2].

Références modifier

  1. Legras 2013.
  2. a b et c van Minnen 2000.
  3. a et b Zimmermann 2002.
  4. a et b Lucia Rossi, « Entre gentes putéolitaines et élite alexandrine : étude des acteurs du commerce au long cours dans l’Égypte romaine », dans Cahiers « Mondes anciens », n° 7, 2015 Lire en ligne.
  5. a et b Paul Heilporn, « Présence romaine en Égypte ptolémaïque », dans Administrer les provinces de la République romaine, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2010 Lire en ligne.
  6. a b et c Bernard Legras, « Les Romains en Égypte, de Ptolémée XII à Vespasien », Pallas, no 96,‎ , p. 271–284 (ISSN 0031-0387, DOI 10.4000/pallas.1294, lire en ligne, consulté le ).
  7. Hélène Cuvigny, « Les poubelles de la contre-histoire. Ostraca et inscriptions du désert oriental égyptien (Ier- IIIème s. ap. J.-C.) », sur Institut de recherche et d'histoire des textes, (consulté le ).

Bibliographie modifier

  • (en) Peter van Minnen, « An official act of Cleopatra (with a subscription in her own hand) », Ancient Society, vol. 30,‎ , p. 29–34 (ISSN 0066-1619, lire en ligne, consulté le ).
  • (de) Klaus Zimmermann, « P.Bingen 45: Eine Steuerbefreiung für Q. Cascellius, adressiert an Kaisarion », Zeitschrift für Papyrologie und Epigraphik, vol. 138,‎ , p. 133–139 et pl. IV (ISSN 0084-5388, lire en ligne, consulté le ).
  • (en) Peter van Minnen, « Further Thoughts on the Cleopatra Papyrus », Archiv für Papyrusforschung und verwandte Gebiete, vol. 47, no 1,‎ , p. 74-80 (ISSN 0066-6459, lire en ligne, consulté le ).
  • Bernard Legras, « Autour du papyrus dit de Cléopâtre : les prostagmata lagides et les interactions romano-égyptiennes », dans Silvia Bussi (dir.), Egitto dai Faraoni agli Arabi, Pise, Fabrizio Serra, coll. « Studi ellenistici. Supplementi » (no 1), (978-88-6227-641-2), p. 159-172

Liens externes modifier