Panneaux cellulaires

type d'empennage ou de gouverne de vol utilisé sur les fusées et les missiles ou bombes

Les panneaux cellulaires, également appelés panneaux de stabilisation ou ailettes en grille (en russe : решетчатая крылья[1],[2] et parfois appelés également ailerons ou panneaux de Belotserkovskiy[3]) sont un type d'empennage ou de gouverne de vol utilisé sur les fusées et les missiles ou bombes à la place des gouvernes ou des empennages plus conventionnels, tels que les ailettes planes, afin d'assurer leur stabilité aérodynamique ou leur manœuvrabilité. Inventés en URSS dans les années 1950, ils sont de nos jours utilisés sur certains lanceurs spatiaux, tels que Soyouz, Falcon 9, START-1 ou la fusée chinoise Longue Marche 2F.

Les panneaux cellulaires du lanceur Soyouz, en version habitée.

Historique

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Vue rapproché des panneaux cellulaires d'un MOAB.

Les panneaux cellulaires ont été développées dans les années 1950 par une équipe dirigée par Sergey Belotserkovskiy (ru)[4] , [5] et sont utilisées depuis les années 1970 dans divers modèles de missiles balistiques soviétiques tels les Scaleboard SS-12, SS-20 Saber, SS-21 Scarab, SS-23 Spider, et SS-25 Sickle. La fusée lunaire soviétique N-1 en utilisait quatre en partie basse[6]. De nos jours, la tour de sauvetage des vaisseaux habités Soyouz en présente quatre, repliées contre le carénage de la capsule[2],[7]. En 2011, la NASA envisageait également d'équiper sa capsule Orion de tels panneaux cellulaires[7],[8].

Ils ont été utilisés sur des missiles et des bombes classiques telles que le missile air-air Vympel R-77, la famille de missiles de croisière Kalibr 3M-54 (SS-N-27 Sizzler) et la bombe classique de grande capacité Massive Ordnance Air Blast Bomb (MOAB).

En 2014, SpaceX a testé des panneaux cellulaires sur un véhicule de démonstration de première étage de sa fusée réutilisable Falcon 9 et, le , elles ont été utilisées pendant la phase de rentrée atmosphérique à grande vitesse pour stabiliser et aider à guider un premier étage commercial de Falcon 9 lors de l'atterrissage.

Le 1er étage de la fusée Hyperbola-1 de la société privée chinoise iSpace est apparue le comme étant équipée de panneaux cellulaires pour le contrôle d'attitude. Le , le vaisseau chinois Shenzhou, qui emportait les premiers taïkonautes, en était également équipé (sur le modèle de la capsule Soyouz russe).

Invention

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Les ailettes planaires conventionnelles de contrôle d'attitude et d'empennage stabilisateur ont la forme de petites ailes. Par contre, les panneaux cellulaires se présentent comme un empilement de petites cellules disposées à l'intérieur d'un cadre, l'ensemble de ces cellules étant ouvertes au flux d'air. La section de chaque cellule individuelle importe peu (leur section est en général carrée, mais elle peut également être hexagonale ou triangulaire équilatérale[9]. Ce type de cellules produit à peu près la même portance que les cellules de section carrée)[9].

 
  des corps en persiennes de Brooks et Burkhalter, la surface de référence est la section de passage.

Les panneaux cellulaires peuvent être considérés comme issus des biplans, multiplans ou des profils en cascade[10].

Le graphe ci-contre[11] dessine les valeurs expérimentales du coefficient adimensionnel de force normale  [12] de quatre corps en persienne ayant les mêmes dimensions extérieures (corde et dimensions de leur cadre)[13]. Ces quatre corps prennent de l’incidence autour de leur axe de symétrie horizontal (axe rouge du cadre seul, par exemple). On remarque que le cadre seul (courbe bleu clair) produit une portance normale moins forte que le cadre arborant un plan interne ou deux plans en x (ces deux corps produisant la même portance en dessous de 5°). Enfin, le corps comportant deux plans internes parallèles (courbe bleu dense) crée une portance normale un peu supérieure.

L’espacement de tous les plans de ce dernier corps équivaut à leur corde. On peut admettre que l’écoulement autour des deux plans internes est un écoulement 2D, de sorte que si l’on plaçait à l’intérieur du cadre cinq cloisons verticales, cet écoulement 2D ne serait que peu modifié. On obtiendrait alors un panneau cellulaire classique à 18 cellules cubiques[14] dont le   serait peu différent du corps de départ à deux plans internes.

L’enseignement important à tirer de ce graphe de Brooks et Burkhalter est que le   produit par des corps en persiennes dépend peu de son architecture interne, pourvu que celle-ci cloisonne suffisamment le cadre[15] ; à cet égard, le cadre seul apparaît comme ne canalisant pas assez l’écoulement interne (l’écoulement interne n’est pas assez guidé par le cadre seul, spécialement en son milieu où la vitesse de sortie ne doit pas être assez déviée).

 
L'aéronef d'Horatio Phillips, avec ses ailes en persiennes, 1904

Un autre dispositif précurseur des panneaux cellulaires fut les ailes en persienne d'Horatio Frederick Phillips (lattice fins, en anglais). Son modèle d'aéronef de 1904, cumulant 20 plans porteurs superposés (image ci-contre) ne fit qu'un bond de 15 mètres (son créateur le jugeant longitudinalement instable)[16]. Mais une machine encore plus complexe (cumulant 200 plans persiennes en quatre panneaux successifs[17]) vola sur 150 mètres (ce fut le premier vol d'un plus-lourd-que-l'air en Grande-Bretagne)[16].

 
Cerf-volant cellulaire de Joseph Lecornu, dit aussi cerf-volant étagère, 1902

Un autre précurseur des panneaux cellulaires fut Joseph Lecornu qui mit au point ses fameux cerfs-volants cellulaires (image ci-dessous). Ces cerfs-volants furent également appelés cerfs-volants étagères parce qu'ils ressemblaient beaucoup à ces dispositifs de rangement.

Puis vint Sergey Belotserkovskiy (ru)[4] , [5]. Il s'intéressa d'abord à des ensembles d'ailes superposées classiquement en persiennes. Le cosmonaute Youri Gagarine, après son vol triomphal (premier vol dans l'espace d'un humain), fut commis, en janvier-février 1954, auprès de Sergey Belotserkovskiy pour étudier l'application des recherches de celui-ci aux vaisseaux spatiaux et en particulier au vaisseau Soyouz[18].

Les panneaux cellulaires sont issus de ces recherches soviétiques. Elles combinent deux jeux de persiennes orientées dans deux directions perpendiculaires (si l'on revient au modèle de Phillips, ci-contre, il faut imaginer qu'on ajoute 20 persiennes verticales orientées parallèlement à la route de l'engin). De cette façon, les deux jeux de persiennes peuvent développer deux portances dans deux directions perpendiculaires lorsqu'elles sont mises en incidence (les directions biaises donnant lieu à une portance biaise, composition des deux portances normales).

Les panneaux cellulaires peuvent être repliés, inclinés vers l'avant ou vers l'arrière, contre le corps cylindrique d'un missile ou d'une fusée, ceci plus facilement et de façon plus compacte que les ailettes planes, ce qui permet un stockage moins encombrant du missile ou des panneaux cellulaires eux-mêmes le long des vaisseaux spatiaux (image du Soyouz ci-dessus). Lorsque les missiles sont lancés depuis un tube ou lorsqu'ils sont stockés dans des baies internes aux avions (comme les avions furtifs) ce mode de stockage replié est très utile. En général, les panneaux cellulaires s'inclinent vers l'avant ou l'arrière pour s'éloigner du corps et faire face à la route peu de temps après que le missile a été tiré. Pour les fusées et vaisseaux spatiaux, la position repliée des panneaux cellulaires rend ceux-ci inopérants et moins générateur de traînée aérodynamique[19]. Au vu des différentes utilisations qui sont faites des panneaux cellulaires, force est de constater que c'est cette propriété d'être facilement escamotées qui a compté dans le choix de cette solution.

Les panneaux cellulaires ont une corde (la distance entre le bord d'attaque et le bord de fuite de chaque cellule) beaucoup plus courte que les ailettes planes ; En conséquence, leur centre de portance, qui se trouve entre leur bord d'attaque et leur bord de fuite, est dans l'épaisseur du panneau cellulaire, ce qui réduit le moment exercé par cette portance sur le mécanisme de direction (s'il en est), ce qui permet l'utilisation d'actionneurs plus petits.

Les panneaux cellulaires fonctionnent très bien à des vitesses subsoniques et supersoniques, mais plus mal à des vitesses transsoniques. Le flux transsonique provoque en effet la formation d'une onde de choc à l'intérieur même de chaque cellule, l'ensemble de ces ondes de choc obligeant une grande partie du flux d'air à passer à l'écart de l'ensemble des cellules au lieu de la traverser et de générer une portance (nous y revenons plus bas). Lorsque le nombre de Mach est plus élevé, le flux passant dans les cellules devient complètement supersonique et les panneaux cellulaires fournissent à nouveau une bonne portance, avec une faible traînée et une plus grande manœuvrabilité que les ailettes planes.

Fonctionnement et quantification de la portance

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4 panneaux cellulaires en incidence

Contrairement à ce que l'expression Ailette en grille incite à penser[20], les panneaux cellulaires ne travaillent pas en traînée. Certes, on peut imaginer de stabiliser une fusée par un dispositif travaillant en traînée (en accrochant à sa queue un parachute, par exemple), mais cette stabilisation serait très coûteuse en énergie. Au contraire, les panneaux cellulaires produisent bien de la portance quand ils sont placés en incidence et assez peu de traînée (comme n'importe quelle aile). D'autre part, lorsque le vaisseau lui-même est placé en incidence (schéma ci-contre) , c'est la totalité des panneaux cellulaires qui se trouvent en incidence et donc producteurs de portance (alors que, s'agissant d'ailettes planes classiques, lorsque le vaisseau est placé en incidence dans un plan contenant l'axe du vaisseau et deux ailettes opposées (cas de quatre ailettes), ce sont les deux autres ailettes seules qui vont stabiliser le vaisseau).

L’orientation des cloisons de cellules carrées dans le cadre de chaque panneau peut être indifféremment en x (cloisons à 45° par rapport aux côtés du cadre lorsque celui-ci est rectangulaire) ou en + (cloisons parallèles aux côtés d’un cadre rectangulaire) ; en effet les deux orientations produisent la même portance. Pour s’en persuader, il faut penser que le flux d’air pénétrant dans une cellule est complètement canalisé par les cloisons de celle-ci et qu’il est donc obligé d’adopter la direction de l’axe de cette cellule[21]. L’orientation à 45° offrant l’avantage de trianguler les cadres, elle est, en conséquence, généralement choisie (comme sur le Soyouz)[2].

Portance interne

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Panneau cellulaire en incidence : le flux d'air passant dans les cellules est contraint d'adopter leur direction.

La partie interne de la portance (la portance qui est créée par la déflexion du flux d'air lorsqu'il passe dans les cellules du panneau) est beaucoup plus facile à calculer que la portance d'une aile[22]. Pour effectuer ce calcul, il suffit de constater le changement de quantité de mouvement du flux d'air entre l'entrée des cellules et leur sortie (à cette sortie, le flux d'air a pris la direction générale de l'axe des cellules). Hoerner, à la page 19-16 de son ouvrage Fluid Dynamic Lift[23] propose la valeur théorique pour le coefficient de portance interne des ailes annulaires :

«Considérant un cylindre [en incidence] ouvert à un écoulement sans obstacle sur toute sa longueur, la déflexion du volume d’air y produit théoriquement :

 

…où le coefficient   est basé sur l’aire frontale [du cylindre]»

Dans cette équation   est l'incidence du cylindre en radians et   la même incidence en degrés. Le coefficient adimensionnel de portance   étant défini classiquement comme suit :

 

  étant la composante de la résultante aérodynamique normale à l'axe de l'aile annulaire,   étant la pression dynamique de l'écoulement   et   la section interne de l'aile annulaire (la section où passe le flux interne).

Dans l'exemple donné par Hoerner, la section du cylindre déviateur   est circulaire, mais le même calcul (basé sur les Quantités de Mouvement) donne le même résultat si la section   du cylindre (ou prisme) déviateur est carrée ou d'une autre forme.

Le coefficient adimensionnel de portance interne   (tel que défini plus haut) vaut donc  , ceci quelle que soit la forme de la cellule ou de l'ensemble des cellules qui composent le panneaux cellulaire.


Hoerner ajoute même, à propos de la localisation de cette Portance Interne : «[on peut admettre] que la déflexion de l’air se produit dès l’entrée ou près de l’entrée du conduit axial [le cylindre] […] » De fait, le flux d'air entrant dans une cellule est contraint d'adopter très vite la direction générale de cette cellule, ceci parce qu'il est contingenté fortement par la présence, dans toutes les directions, des parois de la cellule. Ce qui fait que la portance interne d'une aile annulaire ayant une longueur de cinq fois son diamètre, par exemple, ne s'applique pas à 2,5 diamètres de l'entrée de l'aile annulaire, mais très près de cette entrée. Pour obtenir cette portance interne, donc, point n'est besoin de présenter de longues cellules déviatrices au flux : Ceci explique que les panneaux cellulaires ont toujours des cellules dont la longueur (mesurée dans le sens du flux) est à peu près leur largeur ou leur hauteur. En d'autres termes, lorsqu'un panneau cellulaire a des cellules de section carrée, chacune de ses cellules présente une forme à peu près cubique[24].

Le même calcul de la portance interne par les quantités de mouvement peut être effectué à propos de profils en cascade : il conduit au même résultat.

Portance externe

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Si le   interne des panneaux cellulaires peut être calculé facilement, il n’en est pas de même du   externe. Les valeurs de ce coefficient adimensionnel citées dans la littérature montre que le   total (interne + externe) des panneaux cellulaires isolés[25] atteignent fréquemment, en ordre de grandeur,  , ce   (par radians et en référence à la surface de passage des panneaux) dépendant fortement des caractéristiques géométriques des panneaux (densité des cellules, corde des cellules et allongement frontal des cadres)[26]

Kretzschmar et Burkhalter notent que les caractéristiques aérodynamiques de la plupart des panneaux testés restent linéaires jusqu’à un angle d’incidence d’approximativement 7 degrés[27],[28].

Portance des panneaux selon leur orientation et leur emplacement

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Fusée en incidence marquée avec 4 panneaux cellulaires. On a masquage du panneau "sous le vent".

Simpson et Sadler[26] écrivent, sur la base d’un vaisseau prenant une incidence en tangage (image ci-contre)): « Le panneau sous le vent [panneau no 4] est le moins efficace aux grandes incidences mais à petites incidences il génère autant de force que le panneau au vent [panneau no 2] ». En moyenne, aux petites incidence (< 4°) les panneaux situés dans le plan de l’incidence procurent 30 % de la stabilité en tangage et les deux autres panneaux (les panneaux horizontaux no 1 et 3 sur notre schéma) 70 %, soit plus de deux fois plus (et ceci de M. 0,7 à M. 4,5). Cette différence d’efficacité doit être imputée à la présentation desdits panneaux et à leur place dans l’écoulement autour du fuselage. Pour les incidences plus fortes, lorsque l’on observe le schéma ci-contre (où la fusée a pris une incidence dans le plan vertical), on constate que le panneau 4 se trouve sous le vent du fuselage, c.-à-d. dans la zone perturbée par le fuselage. Sa portance en est fortement réduite.

D'une façon générale, en incidence, les panneaux 1 et 3 sont soumis au surflux créé par la présence du fuselage (qui dévie vers ces panneaux le flux qui le contourne), ils génèrent donc plus de portance. Quant aux panneaux 2 et 4 (les panneaux au vent et sous le vent), ils ne bénéficient pas de ce surflux ; au contraire ils se trouvent dans des parties de l'écoulement qui ont tendance à adopter la direction générale du fuselage : l'incidence du flux qui les traverse en est réduite d'autant, donc leur portance. L'analyse des relevés expérimentaux incite en effet à considérer que l'angle d'incidence moyen des panneaux cellulaires situés dans le plan de l'incidence vaut la moitié de l'incidence de l'engin[29]

Portance des panneaux selon leur présentation en roulis

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  d'un missile à panneaux cellulaires selon roulis, d'après Timothy Wayne Ledlow II dans sa thèse.

De même qu’avec les ailettes d’empennage planes, une fusée à panneaux cellulaires peut être sujette à des embardées faisant travailler l’empennage en + ou en x (et, en général, à tous les angles de roulis intermédiaires). Les empennages constitués d'ailettes planes s’avèrent susciter à peu près la même portance dans la présentation en x ou en + (et donc à tous les angles de roulis). Il en est de même pour les panneaux cellulaires. La figure ci-contre montre l’évolution du   total d’un engin pour 4 angles de roulis (0°, c.-à-d. en +, 22,5°, 45°, c.-à-d. en x, et 67,5°). On note que ces quatre courbes sont peu différentes[30] , [31]

Les panneaux cellulaires et le décrochage

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Les panneaux cellulaires ne décrochent pas au sens traditionnel de ce mot en Mécanique des Fluides, mais continuent, aux très grands angles d’incidence, à produire de la portance[32].

Surcroît de maniabilité dû aux panneaux cellulaires

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Cn d'un engin ogivo-cylindrique à panneaux cellulaires selon l'incidence cumulée des panneaux principaux, d'après Burkhalter & Frank, ainsi que Ledlow II

La manœuvrabilité ou le retour au neutre des fusées ou missiles peuvent être notablement augmentés en mettant en incidence propre (par rapport au fuselage) les panneaux cellulaires. Comme on le voit sur le graphe ci-contre[33], l’incidence cumulée des panneaux cellulaires (l’incidence par rapport à  ) produit en effet un   de même ordre de grandeur que celui produit (passivement) par la simple mise en incidence du fuselage (courbe de gauche, où les panneaux cellulaires ne sont pas mis en incidence propre)[34].

On note également sur le graphe ci-contre la forte portance produite par les incidences cumulées allant de 40 à 50° : les panneaux cellulaires ne décrochent donc pas au sens aéronautique du terme.

Traînée comparée des panneaux cellulaires et des ailettes planes

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Si des panneaux cellulaires mal conçus peuvent générer une force axiale 3 ou 4 fois plus forte que celle d’ailettes planes[35], des panneaux cellulaires bien dessinés peuvent produire une traînée ‘‘‘subsonique’’’ comparable à celle d’ailettes planes pourvu que l’épaisseur des cadres et des cloisons de cellules soient calculées au plus juste : La structure croisillonnée des panneaux est en effet intrinsèquement résistante, ce qui autorise à opter pour des parois de cellules très fines, avec pour résultat de réduire la masse et le coût[36].

L'observation des données expérimentales indique que le coefficient de force axiale des panneaux cellulaires[37] change très peu avec l'incidence[32].

Portance comparée des panneaux cellulaires et des ailettes planes

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Les panneaux cellulaires s’avèrent présenter des caractéristiques de portances supérieures à celles des ailettes planes en supersonique (50 % de portance de plus que les ailettes planes à Mach 2,5) [35].

Le problème de l’engorgement transsonique des panneaux cellulaires

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Engorgement transsonique du panneau cellulaire G1, par Washington & Miller

De nombreux auteurs ont relevé une brusque augmentation de la traînée axiale, accompagnée d’une brusque diminution de la portance, un peu au-dessus de Mach 0,7[26] (plus précisément aux alentours de Mach 0,77). À cette vitesse, la réduction de la section de passage due à l’épaisseur des cloisons des cellules, ainsi qu’à l’épaisseur de la couche limite qui s’est développée sur ces cloisons oblige le flux à une accélération (par effet Venturi), cette accélération élevant localement la vitesse jusqu’à celle du son. Il en résulte la création d’une onde de choc normale détachée à l’avant des panneaux qui détourne l’écoulement vers la périphérie de ce panneaux (ce qui augmente la traînée). Au-dessus de Mach 1, les bords d’attaque des cloisons de cellules forment chacun une onde de choc interne orientée vers l’arrière, ces ondes internes se réfléchissant sur les parois internes des cellules. Cette configuration résulte toujours en une obstruction des cellules. Puis, autour de Mach 1,5, l’angle des ondes de chocs se faisant plus aigu, il n’y a plus de réflexion sur les parois et la traînée reprend une valeur plus faible.

L’engorgement transsonique des cellules produit également une forte baisse de la pente de portance  , le tracée de cette baisse dessinant une cuvette marquée (image ci-contre)[38]. Certaines mesures en zone de tir aéro-balistique[39] placent cette cuvette transsonique au Mach 0,77 mais relèvent un retour à une portance correcte dès le Mach unitaire franchi (alors que la plupart des relevés en souffleries prolongent la cuvette transsonique jusqu’à M. 1,5).

 
Panneaux cellulaires SpaceX sur leur support, en atelier ; la face d'attaque est en haut

La cuvette transsonique de portance peut être fortement résorbée si l’on donnent aux cloisons des cellules des formes travaillées (cloisons en flèches comme sur l'image ci-contre et profil losangique de ces cloisons).

Application sur des lanceurs réutilisables

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Sur le Falcon 9 de SpaceX, les panneaux cellulaires sont utilisés pour stabiliser les lanceurs et faciliter le contrôle aérodynamique de leur atterrissage. L'effort de développement de ces panneaux cellulaires fait partie du Programme de développement de lanceurs réutilisables de SpaceX démarré en 2012. Le premier essai en vol hypersonique avec des panneaux cellulaires a eu lieu en , panneaux cellulaires qui ont ensuite été utilisées pour tous les atterrissages expérimentaux des Falcon 9. Finalement, après , un nombre croissant d'atterrissages de premiers étages a été obtenu grâce à ces surfaces portantes.

La conception des panneaux cellulaires sur les Falcon 9 s'est poursuivie en 2017. Elon Musk, PDG de SpaceX, a annoncé début 2017 qu'une nouvelle version de ces panneaux cellulaires améliorerait la ré-utilisabilité des premiers étages. La Falcon 9 Block 5 / Version 2.5 introduira de nouveaux panneaux cellulaires en titane taillés dans la masse. M. Musk a fait remarquer que les premières versions étaient en aluminium. Les panneaux cellulaires subissent des températures proches des limites du métal qui les constitue lors de la rentrée et de l'atterrissage, au point que certains ont pris feu pendant la séquence d'entrée ou de sortie, aussi ont-ils été recouverts d'un système de protection thermique ablatif. Les nouveaux panneaux en titane devraient permettre une meilleure maîtrise de la fusée et augmenter la capacité de la charge utile en orbite en permettant au Falcon 9 de voler à un angle d'attaque plus élevé. Les panneaux cellulaires en titane, plus grands et plus robustes, n'ont pas été peints et ont été testés pour la première fois en . Ils sont utilisés sur tous les premiers étages des Falcon 9 Block 5 depuis fin 2017.

Galerie

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Articles connexes

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Notes et références

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  1. решетчатая крылья signifie en russe aile en treillis ou aile grillagée
  2. a b et c « Par Nicolas Pillet », sur kosmonavtika.com (consulté le ).
  3. Steve Zaloga, The Scud and Other Russian Ballistic Missile Vehicles, New Territories, Hong Kong, Concord Publications Co, (ISBN 962-361-675-9).
  4. a et b (ru) Редакция журнала Наука и жизнь, « Трудный взлет решетчатых крыльев », sur www.nkj.ru (consulté le ).
  5. a et b NEW DEFENCE ORDER STRATEGY, no 4, août 2011, no 5, octobre 2011
  6. La fonction de ces quatre panneaux cellulaires de la N-1 était la même que celle des quatre ailerons présents au bas de la fusée américaine Saturn V : c'était, en cas de panne simultanée de tous les moteurs, de ralentir suffisamment l'embardée de la fusée pour que soit prise la décision d'évacuer l'équipage.
  7. a et b GRID FIN STABILIZATION OF THE ORION LAUNCH ABORT VEHICLE, Pruzan, Mendenhall, Rose and Schuster https://ntrs.nasa.gov/archive/nasa/casi.ntrs.nasa.gov/20110013520.pdf
  8. Le LAV est stabilisé activement durant toute sa montée (y compris lors de son retournement bouclier thermique en avant), soit 20 secondes (alors que le moteur principal de la tour ne tire l’ensemble que pendant moins de 4 secondes, produisant un accélération maximale de 15 g). Cette stabilisation active est obtenue par un dispositif de huit tuyères à soupapes placé en tête de la tour (système nommé ACM, pour Moteur de Contrôle d’Attitude). Cependant, les ingénieurs de la NASA ont persisté légitimement dans leurs recherches d’un dispositif de stabilisation ‘‘‘passive’’’ du genre panneaux cellulaires.
  9. a et b GRID PATTERN EFFECTS ON AERODYNAMIC CHARACTERISTICS OF GRID FIN, Fumiya Hiroshima et Kaoru Tatsumi, Mitsubishi Electric Corporation, Kamakura Works, Kanagawa, Japan http://www.icas.org/ICAS_ARCHIVE/ICAS2004/PAPERS/092.PDF
  10. p. 1-28, AGARD REPORT 801, Special Course on Missile Aerodynamics (L' Aérodynamique des Missiles) [1]
  11. Experimental and Analytical Analysis of Grid Fin Configurations, 1988, AIAA-88-0280, R. A. Brooks and J. E. Burkhalter [2]
  12. Le coefficient adimensionnel de force normale   est défini par :
     
    où :
      est la projection de la portance sur un plan normal à l’axe de l’engin à stabiliser (ou ici la projection de la portance sur le plan contenant les mi-cordes du cadre),
      est la masse volumique du fluide,
      est la vitesse de l'objet relativement au fluide,
      est la surface de référence.
  13. Ces courbes de   sont établies en référence à la section de passage des corps, c.-à-d. la section frontale du cadre à 0° d'incidence.
  14. Ces cellules ont une corde égale à leur hauteur et à leur largeur ; elle apparaissent donc comme cubiques.
  15. "Il apparaît, quand la complexité de l'entrecroisement des plans internes s'accroît, que les particules de fluide tendent à être "capturées" et que le corps agit comme un tube qui canalise le flux passant à l'intérieur." Experimental and Analytical Analysis of Grid Fin Configurations, AIAA-88-0280, R. A. Brooks and J. E. Burkhalter [3]
  16. a et b « Ask Us - Horatio Phillips & Multiplanes », sur aerospaceweb.org (consulté le ).
  17. Voir cette image.
  18. Tiré de “Gagarine’s Diploma”, Vitaliy Lebedev, New Defence Order Strategy N°5 October 11
  19. Leur présence, déployés à l'avant de la fusée, diminuerait drastiquement la stabilité (la marge statique) de celle-ci.
  20. Cette expression Ailette en grille est une traduction littérale de l'expression anglaise Grid fin qui est également trompeuse.
  21. "Il apparaît, quand la complexité de l'entrecroisement des plans internes s'accroît, que les particules de fluide tendent à être "capturées" et que le corps agit comme un tube qui canalise le flux passant à l'intérieur. À cause de cette [canalisation], le décrochage de ce corps est reporté à des angles d'incidence relativement grand, ce qui en fait un dispositif porteur très efficient." Experimental and Analytical Analysis of Grid Fin Configurations, AIAA-88-0280, R. A. Brooks and J. E. Burkhalter [4]
  22. En effet, si l'on ne connaît pas a priori la quantité d'air qui est déviée par une aile, on connaît la quantité d'air qui passe au travers d'un panneaux cellulaire et qui en ressort déviée parallèlement à l'axe de ses cellules.
  23. FLUID-DYNAMIC LIFT, BY SIGHARD. F. HOERNER AND HENRY V. BORST, Edition Liselotte A. Hoerner, 1985 ou Bricktown New Jersey, 1975, http://acversailles.free.fr/documentation/08~Documentation_Generale_M_Suire/Aerodynamique/Portance/Bouquins/Fluid-Dynamic-Lift-F-%20Hoerner.pdf
  24. Ces cellules cubiques ont donc quatre faces fermée et deux ouvertes (l'entrée et la sortie)
  25. Le   des panneaux cellulaires montés sur un vaisseau est plus fort du fait des interférences entre le corps de ce vaisseau et ses panneaux et vice-versa. Bien que ces interférences soient prises en compte par une formule assez simple dans les usages fuséistes (voir(en) James S. BARROWMAN and Judith A. BARROWMAN, THE THEORITICAL PREDICTION OF THE CENTER OF PRESSURE, (lire en ligne) ), il semble plus difficile de les calculer pour les panneaux cellulaires.
  26. a b et c Lattice controls : a comparison with conventional, planar fins, by G. M. Simpson and A. J. Sadler, ftp://ftp.rta.nato.int/PubFullText/RTO/MP/RTO-MP-005/$MP-005-11.pdf
  27. Cette plage linéaire peut suffire au calcul des fusées dans la mesure où celles-ci ne subisent pas d’embardées supérieure à 5°.
  28. AERODYNAMIC PREDICTION METHODOLOGY FOR GRID FINS, by Richard W. Kretzschmar and John E. Burkhalter| ftp://ftp.rta.nato.int/PubFullText/RTO/MP/RTO-MP-005/$MP-005-11.pdf
  29. Burkhalter et Frank, cités par Timothy Wayne Ledlow II dans sa thèse Integration of Grid Fins for the Optimal Design of Missile Systems [5]
  30. Par symétrie, les courbes pour 22,5 et 67,5° devraient être les mêmes.
  31. Integration of Grid Fins for the Optimal Design of Missile Systems [6].
  32. a et b (Aero prediction methodology for grid fins, Kretzschmar Burkhalter MP-005-11|
  33. Non-linear aerodynamic analysis of grid fin configuration, Burkhalter and Frank, AIAA-13th-applied-aerodynamics.pdf [7]
  34. La mise en incidence propre d’un panneau cellulaire ne fait pas bénéficier celui-ci du surflux que crée la mise en incidence du fuselage.
  35. a et b Washington, W. D., Miller, M. S.. “Grid fins - a new concept for missile stability and control”, AIAA 93-0035, January 1993.
  36. Analysis of Grid Fins for Launch Abort Vehicle Using a cartesian Euler Solver| https://www.nas.nasa.gov/assets/pdf/papers/aiaa11_3666_final_1.pdf
  37. La force axiale est la projection de la traînée sur l’axe du véhicule
  38. En anglais cette cuvette est nommée ‘‘transonic bucket” ou ‘‘baquet transsonique’’.
  39. Ces mesures consistent à projeter avec des canons spéciaux, sous les objectifs de multiples caméras, les corps à étudier.

Bibliographie

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  • S. F. Hoerner, Résistance à l'avancement dans les fluides, Paris, Gauthier-Villars, (OCLC 727875556, ASIN B07B4HR4HP).
  • (en) S. F. Hoerner, Fluid-dynamic drag : theoretical, experimental and statistical information, (OCLC 228216619).

Liens externes

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