Hémisphère continental

hémisphère sur la Terre qui comprend la plus grande surface totale émergée
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L'hémisphère continental est l'hémisphère de la Terre qui possède le plus de terres émergées. Il s'oppose à l'hémisphère maritime.

Carte du globe terrestre, centrée sur l'hémisphère continental (projection de Lambert).

Le centre de l'hémisphère continental, appelé « pôle continental », est situé en Europe de l'Ouest, bien que sa localisation exacte diffère selon les publications.

Description modifier

L'hémisphère continental comprend les six septièmes des terres émergées de la planète (environ 85 %), soit l'Europe, l'Afrique, l'Amérique du Nord, la majorité de l'Asie (approximativement 95 %) ainsi que de l'Amérique du Sud (environ 75 %).

La surface de la Terre, dans son ensemble, comporte 71 % d'eau pour 29 % de terres émergées. L'hémisphère continental comporte 53 % d'eau et 47 % de terres émergées : bien que correspondant à une configuration où le maximum de terres émergées est regroupé dans une même moitié de globe, cet hémisphère possède en superficie plus d'océans que de continents.

L'hémisphère continental est presque identique à l'hémisphère contenant la plus grande population humaine[1].

Historique modifier

 

Les coordonnées de cet article :

 
Différentes estimations d'emplacement du pôle continental sur une carte d'Europe occidentale.

Soulignant la disparité de la distribution des terres émergées à la surface du globe, le géographe français Philippe Buache introduit les notions d'hémisphères continental et océanique au XVIIIe siècle[2],[3].

Par la suite, les géographes cherchent à déterminer la place du « pôle continental », centre de l'hémisphère continental. Les premières estimations de son emplacement sont peu précises.

Ainsi, en 1753, Nicolas Antoine Boulanger publie une Nouvelle mappemonde dediée au progrès de nos connoissances[4], comportant un « hémisphère terrestre » et un « hémisphère maritime ». Il a choisi de centrer l'hémisphère terrestre sur le 45e parallèle nord car il est à mi-chemin entre le pôle Nord et l'équateur, et sur le méridien de Paris[5], soit environ 45° 00′ 00″ N, 2° 20′ 14″ E.

Plus tard, des géographes français[2],[3], comme Chrysologue de Gy[6] cité par Fleurieu[7], de même que le géographe allemand Siegmund Günther[8], placent le « pôle continental » à Paris, tandis que les scientifiques britanniques[2],[3] (tels que le cartographe anglais James Gardner (en)[9] cité par le géologue écossais Charles Lyell[10]), le géographe français Élisée Reclus[11] et le géographe autrichien Alexander Supan (en)[12], le localisent à Londres. Par la suite Lyell, suivant les travaux de Trelawny Saunders, le place plus à l'ouest, à 52° N, 6° O, dans le canal Saint-Georges, entre les deux principales îles Britanniques, sur une ligne reliant Pembroke (pays de Galles) à Wexford (Irlande)[10].

D'autres géographes allemands proposent Berlin, mais de nombreux atlas publiés en Allemagne au XIXe siècle (par exemple l'édition 1816 de l'Atlas pratique d'Adolf Stieler[3]) le situent à 50° N, 0° E, dans la Manche, sur le méridien de Greenwich, environ à mi-distance entre Le Havre et Portsmouth[2],[3].

En 1894, le géographe allemand Albrecht Penck le situe à 48° 00′ N, 1° 30′ E, dans les environs de Cloyes en Eure-et-Loir[13], à 130 km au sud-ouest de Paris. Cet emplacement est repris en 1896 par Albert de Lapparent[14] et Julius von Hann[15].

En 1898, le géographe allemand Otto Krümmel (de) propose une méthode pour déterminer ce « pôle continental »[16], ce qui permet à son élève Hermann Beythien[17] de le localiser au voisinage du Croisic sur la côte française de l'Océan Atlantique, proche de l'embouchure de la Loire, à 47° 15′ N, 2° 30′ O. Bien que ce résultat soit contesté par Albrecht Penck[18], il est repris en 1920 par Harry Fielding Reid (en)[19] et on trouve aussi ces coordonnées chez Albert Defant[20].

En 1912, le physicien français Alphonse Berget présente à l'institut océanographique de Paris le résultat de recherches tendant à prouver que le centre de l'hémisphère continental est situé sur l'île Dumet, dans la baie du Mor braz en Loire-Atlantique (vers 47° 24′ 42″ N, 2° 37′ 13″ O)[2],[3],[21]. Cependant, selon le géographe allemand Hermann Wagner, la méthode utilisée par Berget ne permet pas une telle précision[22].

Selon des recherches publiées en 1944 par le cartographe américain Erwin Raisz, ce centre se situerait dans les environs de Nantes, vers 47° 00′ N, 1° 30′ O, en précisant que le point qu'il a déterminé est très approximatif puisqu'on obtiendrait le même résultat avec un point situé à 15 ou 30 km[23]. En 1945, le géographe américain Samuel Whittemore Boggs situe également le centre de l'hémisphère continental dans les environs de Nantes, vers 47° 13′ N, 1° 32′ O[24],[25],[26].

En 1947, une carte de l'hémisphère continental, réalisée par l'U.S. Coast and Geodetic Survey (USGS) pour la Division of Map Intelligence and Cartography du département d'État, est centrée sur 48° N, 2° O[27],[28].

En 2002, un ingénieur de l'IGN trouve deux points qui satisfont la définition du pôle continental, l'un situé au nord-est de la pointe Beaulieu, sur la commune de Mesquer, à une dizaine de kilomètres de l'île Dumet ; l'autre situé dans la Méditerranée, à une cinquantaine de kilomètres au large de Tarragone en Espagne[29].

En 2016, des chercheurs de l'Alabama A&M University (en) font une synthèse des estimations de Bergeret et de Boggs et placent le centre de l'hémisphère continental vers 47° N, 2° O[30].

Références modifier

  1. (en) « How Much of Humanity is on Your Side of World? », sur Brilliant Maps, .
  2. a b c d et e Alphonse Berget, « La répartition géographique des océans et la détermination du pôle continental », Annales de l'Institut océanographique, vol. V, no 10,‎ , p. 1–12 (lire en ligne).
  3. a b c d e et f Alphonse Berget, « La répartition des terres et des mers et la position du pôle continental de la Terre », Revue de géographie, vol. VII, no 5,‎ , p. 1–36 (lire en ligne).
  4. Nicolas Antoine Boulanger, Nouvelle mappemonde dediée au progrès de nos connoissances, R.J. Julien et Héritiers d'Homann, (lire en ligne).
  5. (en) Matthew H. Edney (en) (dir.) et Mary Sponberg Pedley (dir.), The History of Cartography, vol. 4 : Cartography in the European Enlightenment, Chicago, University of Chicago Press, , 1920 p. (ISBN 978-0-226-18475-3), xxiii-xxv.
  6. Chrysologue de Gy, Hémisphère supérieur (-inférieur) de la mappemonde projetée sur l'horizon de Paris, (lire en ligne) et Chrysologue de Gy, Description et usages de la mappemonde projetée sur l'horizon de Paris, Paris, Mérigot l'aîné, (lire en ligne).
  7. Charles Pierre Claret de Fleurieu, Observations sur la division hydrographique du globe et changements proposés dans la nomenclature générale et particulière de l'hydrographie, Paris, Imprimerie de la République, , p. 16–17 [lire en ligne].
  8. (de) Siegmund Günther, Handbuch der Geophysik, vol. 2, Stuttgart, Ferdinand Enke, , p. 381 [lire en ligne].
  9. (en) James Gardner (en), « On the Relative position of Land and Water with Respect to the Antipodes » (actes de la séance du faisant état d'une lettre de Gardner à Roderick Murchison), Proceedings of the Geological Society of London, Londres, Geological Society of London, vol. 1, no 32,‎ , p. 488 (lire en ligne).
  10. a b et c (en) Charles Lyell, Principles of Geology or, The Modern Changes of the Earth and its Inhabitants Considered as Illustrative of Geology, vol. 1. En 1840, dans la 6e éd. de cet ouvrage paru pour la 1re fois en 1830, Lyell ajoute une note de bas de page et une planche intitulée « Map showing the present unequal distribution of land and water on the surface of the globe » qui placent le pôle continental à Londres. Cette note et cette planche sont reprises sans modification dans les éd. suivantes jusqu'en 1867, dans la 10e éd., où la note est intégrée dans le texte et modifiée, ainsi que la planche, pour placer le pôle continental dans le canal Saint-Georges, localisation qui reste inchangée jusqu'à la 12e et dernière éd. en 1875.
    • 6e éd. (1840) : p. 190 et pl. 1 (fig. 1–2) en regard [lire en ligne] ;
    • 7e éd. (1847) : p. 110 et pl. 1 (fig. 1–2) en regard [lire en ligne] ;
    • 8e éd. (1850) : p. 110 et pl. 1 (fig. 1–2) en regard [lire en ligne] ;
    • 9e éd. (1853) : p. 109 et fig. 3–4, p. 110 [lire en ligne] ;
    • 10e éd. (1867) : p. 257–259, dont fig. 11–12 [lire en ligne] ;
    • 11e éd. (1872) : p. 261–263, dont fig. 11–12 [lire en ligne] ;
    • 12e éd. (1875) : p. 261–263, dont fig. 11–12 [lire en ligne].
  11. Élisée Reclus, La Terre, vol. 1, Paris, Hachette, , p. 60 [lire en ligne].
  12. (de) Alexander Supan (en), Grundzüge der physischen Erdkunde, Leipzig, Veit & Comp., , p. 25 [lire en ligne].
  13. (de) Albrecht Penck, Morphologie der Erdoberfläche, Stuttgart, J. Engelhorn, , p. 105 [lire en ligne].
  14. Albert de Lapparent, Leçons de géographie physique, Paris, Masson, , 590 p., p. 26 [lire en ligne]. La longitude donnée par Lapparent est 0° 50′ O par rapport au méridien de Paris, ce qui correspond bien à 1° 30′ E par rapport au méridien de Greenwich.
  15. (de) Julius von Hann, Allgemeine Erdkunde, vol. 1 : Die Erde als Ganzes, ihre Atmosphäre und Hydrosphäre, Tempsky et Freytag, , p. 229 [lire en ligne].
  16. (de) Otto Krümmel (de), « Die Bestimmung des Pols der Landhalbkugel », Petermanns Geographische Mitteilungen (de), vol. 44,‎ , p. 106–107 (lire en ligne).
  17. (de) Hermann Beythien, Eine neue Bestimmung des Pols der Landhalbkugel (thèse de doctorat), Kiel et Leipzig, Lipsius & Tischer, (lire en ligne).
  18. (de) Albrecht Penck, « Die Pole der Landoberfläche », Geographische Zeitschrift (en), vol. 5, no 3,‎ , p. 121–126 (JSTOR 27803599, lire en ligne).
  19. (en) Harry Fielding Reid (en), « The Distribution of Land and Water on the Earth », Proceedings of the American Philosophical Society (en), vol. 59, no 4,‎ , p. 313–324 (JSTOR 984427, lire en ligne).
  20. (en) Albert Defant, Physical Oceanography, vol. 1, Pergamon Press, , p. 3.
  21. Stéphane Pajot, « Les mystères de l'île Dumet », Presse-Océan, .
  22. (de) Hermann Wagner, Lehrbuch der Geographie, vol. 1, t. 2, Hanovre, Hahnsche Buchhandlung, , p. 268 [lire en ligne].
  23. (en) Erwin Raisz, « Our Lopsided Earth », Journal of Geography, vol. 43, no 3,‎ , p. 81–91 (DOI 10.1080/00221344408986955).
  24. (en) Samuel Whittemore Boggs, « This Hemisphere », Journal of Geography, vol. 44, no 9,‎ , p. 345–355 (DOI 10.1080/00221344508986498).
  25. (en) Judy M. Olson, « Projecting the Hemisphere », dans Arthur H. Robinson (dir.), John P. Snyder (dir.) et Committee on Map Projections, Matching the Map Projection to the Need, Bethesda, American Congress on Surveying and Mapping, coll. « Special Publication of the American Cartographic Association » (no 3), , 30 p. (ISBN 0-9613459-5-0), chap. 4, p. 8–9 (spécialement Figure 4.3).
  26. J.-D. Fresneau, « Le centre du monde est à Malakoff », Presse-Océan, .
  27. a et b (en) « World 1947: Land hemisphere », American Geographical Society Library Digital Map Collection, Université du Wisconsin à Milwaukee.
  28. (en) Daniel T. Goggin et H. Stephen Helton, General Records of the Department of State, Washington, National Archives, coll. « Preliminary Inventory » (no 157), , p. 140 [lire en ligne].
  29. Jean-Georges Affholder, « Une nouvelle détermination du pôle des terres émergées », Le Monde des cartes, nos 173-174,‎ , p. 43–58 (lire en ligne).
  30. (en) Arjun Tan, Almuatasim Alomari et Marius Schamschula, « The Earth Hemispheres and their Geoid Elevations », International Journal of Oceans and Oceanography, vol. 10, no 2,‎ , p. 161–171 (lire en ligne).

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