Origine des termes féministe et féminisme

L'origine des termes féministe et féminisme se trouve en France, au XIXe siècle, et permet de qualifier les actions et les personnes et de nommer les idées relatives à la condition de la femme.

Usage du mot féminisme avant 1870 modifier

Le terme « féminisme » est souvent attribué au philosophe français Charles Fourier (1772-1837). Cependant, s'il se montre bien par ses écrits un défenseur de la liberté des femmes et de l'égalitarisme, le terme n’apparaît pas sous sa plume[1].

Avant , le terme féminisme est très rare et sert à parler des caractéristiques propres aux femmes. Ainsi, dans le Salon de , il est dit « Une femme enfin, Mme Browne, a pénétré dans les harems, et nous en a rapporté de petits poèmes de grâce, d'afféterie, de féminisme qu'un homme n'eût jamais saisis[2]. ». On trouve aussi le mot avec ce sens dans un ouvrage de de Jean-Baptiste Fonssagrives qui indique « chaque sexe a, dès l'enfance son individualité bien tranchée (...) Voilà donc bien démontré, je l'espère, le féminisme physique de la petite fille ». En écrivant cela, Fonssagrives utilise le terme de féminisme physique pour montrer par des chiffres que la petite fille est sujette à des conditions physique différentes du petit garçon, avant de traiter les autres caractères attribués au genre féminin comme l'âme et l'esprit déjà présents chez la petite fille[3].

Le mot est aussi utilisé par quelques médecins pour désigner les sujets masculins dont le développement de la virilité s'est arrêté[4] ou pour parler de ceux chez qui des traits féminins s'expriment. Ferdinand-Valère Faneau de la Cour utilise en ce sens le mot féminisme lorsqu'il cherche à classer certains malades selon leur morphologie en trois sexes, masculin, féminin et neutre, dans sa thèse Du féminisme et de l'infantilisme chez les tuberculeux[5].

Redéfinition des termes féminisme et féministe modifier

Alexandre Dumas fils, revendique l'invention du terme féministe dans L'Homme-femme en 1872 : « Les féministes, passez-moi ce néologisme, disent : Tout le mal vient de ce qu'on ne veut pas reconnaître que la femme est l'égale de l'homme, qu'il faut lui donner la même éducation et les mêmes droits qu'à l'homme »[6]. Le , Émile de Girardin, dans sa réponse dans La Liberté au livre de 180 pages de Dumas pour trancher une affaire d'adultère et de meurtre accepte d'être qualifié de féministe avec des hommes et penseurs tels que Gladstone, Jacob Bright, Stuart Mill, Stewart, Alexis de Tocqueville, Hippolyte Taine, Édouard Laboulaye même si les idées sont antérieures. Émile de Girardin reconnait à Dumas l'invention de ce néologisme[7]. Ainsi en , Dumas est affublé du terme féministe dans les colonnes de La Renaissance littéraire et artistique[8]ou Le Rappel[9].

 
Tract américain de 1914.

En , on dit de la pièce de théâtre La Parisienne qu'elle est étincelante de féminisme[10], dans le sens qu'elle relève du féminin.

En 1882, sous la plume d'Hubertine Auclert, le terme féminisme est défini explicitement comme la lutte pour améliorer la condition féminine[11],[12]. Le terme est popularisé par la presse à l'occasion d'un congrès « féministe » organisé à Paris en par Eugénie Potonié-Pierre[13].

Le terme apparaît aux Pays-Bas dans une lettre ouverte de Mina Kruseman à Dumas fils[14], en Grande-Bretagne en [15] et aux États-Unis en [16],[4].

En 1898, Alphonse Aulard publie un article sur le féminisme pendant la Révolution. La même année, le critique littéraire français, René Doumic, rédige une revue littéraire intitulé Le féminisme au temps de la Renaissance au sein de la Revue des deux Mondes. Il retrace l'histoire de la femme succinctement en faisant référence à des figures tels que Marguerite de Navarre ou bien Veronica Franco, et il dépeint un féminisme aristocratique ne dépassant pas la sphère de la cour[17].

En 1900, Léopold Lacour publie un essai intitulé Les origines du féminisme contemporain. Olympe de Gouges, Théroigne de Méricourt, Rose Lacombe. Le terme féminisme est entendu comme défense des droits des femmes par les femmes elles-mêmes[18].

Dans un ouvrage en deux volumes intitulé Le Féminisme français ()[19],[20], Charles Turgeon distingue trois sortes de féminisme, le féminisme révolutionnaire ou de gauche, le féminisme catholique et le féminisme indépendant, dans lequel il inclut le féminisme protestant[21].

Dans les années 1910, aux États-Unis, le terme recouvre « deux idées dominantes », « l'émancipation de la femme tant comme être humain que comme être sexuel »[22].

Notes et références modifier

  1. Geneviève Fraisse, « Féminisme : appellation d’origine », Vacarme, nos 04 et 05,‎ , p. 52 (lire en ligne).
  2. « Revue du mois littéraire & artistique », sur Gallica, (consulté le ).
  3. « L'éducation physique des jeunes filles, ou Avis aux mères sur l'art de diriger leur santé et leur développement », sur Gallica, (consulté le ).
  4. a et b « Histoire du féminisme », sur Encyclopedia Universalis
  5. « Résultats de recherche - Medica », sur parisdescartes.fr (consulté le ).
  6. Alexandre Dumas fils, L'Homme-femme : réponse à Henri d'Ideville, Paris, Michel Levy frères, (présentation en ligne), p. 91.
  7. « La Liberté », sur Gallica, (consulté le ).
  8. « La Renaissance littéraire et artistique », sur Gallica, (consulté le ).
  9. « Le Rappel - directeur gérant Albert Barbieux », sur Gallica, (consulté le ).
  10. Théodore de Banville, Contes pour les femmes : scènes de la vie, (lire en ligne), p. 205
  11. Françoise Lautman, Ni Eve ni Marie : luttes et incertitudes des héritières de la Bible, Labor et Fides, , 350 p. (ISBN 978-2-8309-0882-4, lire en ligne), p. 212.
  12. Isabelle Ernot, « Sociétés industrielles : un siècle de mutations », dans Geneviève Dermenjian, Irène Jami, Annie Rouquier et al., La place des femmes dans l'histoire : une histoire mixte, Paris, Éditions Belin, (ISBN 978-2-7011-5391-9).
  13. Karen Offen, « Defining Feminism: A Comparative Historical Approach », Signs, vol. 14, no 1,‎ , p. 126 (JSTOR 3174664).
  14. (nl) Maria Grever, Strijd tegen de stilte : Johanna Naber (1859-1941) en de vrouwenstem in Geschiedenis, Hilversum, Verloren, , 427 p. (ISBN 90-6550-395-1, lire en ligne), p. 31.
  15. (en) Camilla Long, « What’s up sisters ? », The Sunday Times,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  16. (en) Paul Elmer More et Corra Harris, The Jessica Letters : An Editor's Romance, New York, G. P. Putnam’s Sons, (lire en ligne), p. 63.
  17. René Doumic, « REVUE LITTÉRAIRE: LE FÉMINISME AU TEMPS DE LA RENAISSANCE », Revue des Deux Mondes (1829-1971), vol. 149, no 4,‎ , p. 921–932 (ISSN 0035-1962, lire en ligne, consulté le )
  18. Florence Rochefort et Michelle Zancarini-Fournel, Ne nous libérez pas, on s'en charge : une histoire des féminismes de 1789 à nos jours, (ISBN 978-2-348-05561-4 et 2-348-05561-9, OCLC 1194945980, lire en ligne)
  19. Charles Turgeon, Le Féminisme français : L'Émancipation politique et familiale de la femme, Larose, (lire en ligne).
  20. Charles Turgeon, Le Féminisme français : L'Émancipation individuelle et sociale de la femme, Larose, (lire en ligne).
  21. (en) Claire Goldberg Moses, « Debating the present, writing the past, feminism in French history and historiography », Radical history review, no 52,‎ , p. 81 (DOI 10.1215/01636545-1992-52-79).
  22. (en) Nancy F. Cott, The Grounding of Modern Feminism, Yale University Press, (lire en ligne), p. 49.