Un orage magnétique, aussi appelé tempête magnétique ou encore tempête géomagnétique, est un phénomène lié aux interactions entre les variations de l'activité solaire et le champ magnétique terrestre, qui mènent à des fluctuations énergétiques brusques et intenses. Ces fluctuations peuvent influencer l'atmosphère terrestre, notamment l'ionosphère[1] en créant, notamment, des aurores polaires. Elles ont également un effet significatif sur l'électronique. Les effets des orages géomagnétiques varient en fonction, notamment, de l'altitude et de la latitude.

Vue d'artiste de l'interaction du vent solaire avec la magnétosphère terrestre.

La fréquence des orages géomagnétiques fluctue avec le cycle des taches solaires. Les orages géomagnétiques sont plus fréquents lors d'un maximum solaire[2],[3].

Description et caractéristiques physiques modifier

 
Schéma des différentes phases d'un orage magnétique.

Les orages géomagnétiques sont dans leurs plus simple forme, un changement de la magnétosphère terrestre brusque et rapide en raison de vents solaires intenses ou changeants[4],[5],[2]. Ces vents peuvent être causés par une éruption solaire, une éjection de masse coronale solaire (EMC) ou par l'effet d'un trou coronal.

La magnétosphère est d'abord comprimée lorsque la pression du vent solaire augmente. Le champ magnétique du vent solaire interagit alors avec le champ magnétique de la Terre, transférant plus d'énergie dans celle-ci. Les deux interactions engendrent la mobilité du plasma dans la magnétosphère, ce qui amène la création d'un courant électrique dans la magnétosphère et l'ionosphère[3]. Pendant la phase principale d'un orage géomagnétique, le courant électrique dans la magnétosphère génère une force magnétique qui pousse la barrière magnétosphère-vent solaire en sens opposé du Soleil[6]. Ces phénomènes sont responsables d'un certain nombre d'évènements météorologiques spatiaux[7].

Type et intensité modifier

 
Magnétosphère dans l'environnement spatial proche de la Terre.

On dénombre au moins deux types d'orages magnétiques :

Quant à elle, l'intensité des orages géomagnétiques est évaluée à l'aide d'échelles basées sur les indices Kp et A. Ces indices K vont de 0 à 9 et sont basés sur la plage maximale de variation du champ magnétique dans une échelle quasi logarithmique[9],[10].

On peut aussi rencontrer dans certains articles la classe G (G1, G2/modérée, G3/fort[11] à G5) définie par la NOAA, liée à l'indice Kp.

Histoire et observations modifier

En 1600, William Gilbert publie De Magnete (en), qui aborde le magnétisme planétaire et mène éventuellement à l'étude du géomagnétisme[9]. En 1699, Edmund Halley a fait des observations approfondies sur les conditions du magnétisme terrestre. Cent ans plus tard, au début du XIXe siècle, Alexander von Humboldt étudie également le phénomène[12]. Il constate notamment que lors de la disparition des aurores polaires à l'aube cosmique, les perturbations magnétiques disparaissent également[9].

L'éruption solaire du 1er septembre 1859 a mené à un orage magnétique majeur sur Terre environ 18 heures plus tard. Elle est la plus grande tempête magnétique enregistrée de l'histoire[13],[14]. L'orage engendre la destruction d'une partie du réseau télégraphique américain nouvellement établi, provoquant des incendies et effrayant certains opérateurs télégraphiques.

En novembre 1882, un puissant orage magnétique lié à un énorme groupe de taches solaires produisit des perturbations importantes des systèmes télégraphique et téléphonique, ainsi que des aurores spectaculaires (en)[15].

Au XXe siècle, l'orage magnétique de mai 1921 survient à la suite d'une série d'éjections de masse coronale[16].

Dix ans plus tard, en 1931, Sydney Chapman et Vincenzo C. A. Ferraro publient un article, A New Theory of Magnetic Storms, qui tente d'expliquer le phénomène des orages magnétiques[12],[17]. Ils y argumentent que lorsque le Soleil entre en éruption, il émet également un « nuage de plasma ». Ce plasma voyage à une vitesse d'environ 800 km/s et atteint la Terre en un peu plus de deux jours. Le nuage compresse alors le champ magnétique terrestre[18].

 
Enregistrement de l'orage magnétique de 1989.

En mars 1989, des magnétomètres au sol détectent un changement rapide du champ magnétique qui indiquent les effets de l'éruption solaire de 1989[17],[19].

Effets sur l'activité humaine modifier

Les orages magnétiques peuvent affecter le matériel électronique, surtout les infrastructures à grande échelle tels les réseaux de communication, ainsi que les satellites. Ainsi, les systèmes électriques peuvent être endommagés par les courants induits[20],[21],[22],[23] Un orage comparable à l'orage de 1921 va laisser plus de 130 millions d'Américains sans électricité[16],[24],[25]. Par exemple, la tempête géomagnétique en 1989 a suralimenté les courants induits par le sol, perturbant la distribution d'électricité dans la majeure partie du Québec[26] et provoquant des aurores au sud jusqu'au Texas[27].

Notes et références modifier

  1. (en) M.C. Kelley, « Encyclopedia of Atmospheric Sciences », sciencedirect.com, Academic Press,‎ , p. 1022-1030 (ISBN 9780122270901, DOI https://doi.org/10.1016/B0-12-227090-8/00184-6, lire en ligne)
  2. a et b (en) E. N. Parker, « Interaction of the Solar Wind with the Geomagnetic Field », aip.scitation.org, The Physics of Fluids,‎ , p. 171-187 (DOI https://doi.org/10.1063/1.1724339, lire en ligne)
  3. a et b (en) L. R. Cander, S. J. Mihajlovic, « Forecasting ionospheric structure during the great geomagnetic storms », Journal of Geophysical Research: Space Physics, vol. 103, no A1,‎ , p. 391–398 (ISSN 2156-2202, DOI 10.1029/97JA02418  , Bibcode 1998JGR...103..391C)
  4. (en) E. N. Parker, « Dynamical theory of the solar wind », link.springer.com, Space Sci Rev,‎ , p. 666–708 (DOI https://doi.org/10.1007/BF00216273, lire en ligne)
  5. (en) W. C. Feldman,J. R. Asbridge,S. J. Bame,M. D. Montgomery,S. P. Gary, « Heat flux instabilities in the solar wind », agupubs.onlinelibrary.wiley.com, Journal of Geophysical Research, vol. 80, no 31,‎ , p. 4181–4196 (ISSN 0148-0227, DOI https://doi.org/10.1029/JA080i031p04181, lire en ligne)
  6. (en) Bozhidar Srebrov, Ognyan Kounchev, Georgi Simeonov, « Chapter 19 - Big Data for the Magnetic Field Variations in Solar-Terrestrial Physics and Their Wavelet Analysis », sciencedirect.com, Petr Škoda, Fathalrahman Adam,‎ , p. 347-370 (ISBN 9780128191545, DOI https://doi.org/10.1016/B978-0-12-819154-5.00031-X, lire en ligne)
  7. (en) David T.O. Oyedokun, Pierre J. Cilliers,, « Classical and Recent Aspects of Power System Optimization », sciencedirect.com, Academic Press, vol. 01,‎ , p. 421-462 (ISBN 9780128124413, DOI https://doi.org/10.1016/B978-0-12-812441-3.00016-1, lire en ligne)
  8. (en) Pierrard, V., Lazar, M. & Štverák, S., « Solar Wind Plasma Particles Organized by the Flow Speed », link.springer.com, Journal of Geophysical Research, no 151,‎ (DOI https://doi.org/10.1007/s11207-020-01730-z, lire en ligne)
  9. a b et c (en) Gurbax S. Lakhina, Bruce T. Tsurutani, « Geomagnetic storms: historical perspective to modern view », Springerlink, (DOI https://doi.org/10.1186/s40562-016-0037-4)
  10. (en) Judith Palacios,Antonio Guerrero,Consuelo Cid,Elena Saiz, Yolanda Cerrato, « Defining scale thresholds for geomagnetic storms through statistics », nhess.copernicus.org,‎ (DOI https://doi.org/10.5194/nhess-2018-92, lire en ligne)
  11. (en) « G3 (Strong) Geomagnetic Storms Now Likely on 01 Dec with a Full Halo CME », (consulté le )
  12. a et b (en) S. Chapman, V. C. A. Ferraro, « A New Theory of Magnetic Storms », Nature, vol. 129, no 3169,‎ , p. 129–130 (DOI 10.1038/126129a0, Bibcode 1930Natur.126..129C)
  13. (en) B. T. Tsurutani,W. D. Gonzalez,G. S. Lakhina,S. Alex, « The extreme magnetic storm of 1–2 September 1859 », https://agupubs.onlinelibrary.wiley.com, SSolar and Heliospheric Physics, vol. 108, no A7,‎ (ISSN 0148-0227, DOI https://doi.org/10.1029/2002JA009504, lire en ligne)
  14. (en) Tibor Török, Cooper Downs, Jon A. Linker, R. Lionello, Viacheslav S. Titov, Zoran Mikić, Pete Riley, Ronald M. Caplan,Janvier Wijaya, « Sun-to-Earth MHD Simulation of the 2000 July 14 "Bastille Day" Eruption », https://iopscience.iop.org, The Astrophysical Journal, vol. 856, no 1,‎ (DOI 10.3847/1538-4357/aab36d, lire en ligne)
  15. (en) Jeffrey J. Love, « The Electric Storm of November 1882 », https://agupubs.onlinelibrary.wiley.com, Space Weather, vol. 16, no 1,‎ , p. 37-46 (ISSN 1542-7390, DOI https://doi.org/10.1002/2017SW001795, lire en ligne)
  16. a et b (en) Mike Hapgood, « The Great Storm of May 1921: An Exemplar of a Dangerous Space Weather Event », https://agupubs.onlinelibrary.wiley.com, Scientific Challenges of Space Weather Forecasting Including Extremes, vol. 17, no 7,‎ , p. 950-975 (ISSN 1542-7390, DOI https://doi.org/10.1029/2019SW002195, lire en ligne)
  17. a et b Vincenzo C.A Ferraro, « Théorie des orages magnétiques et des aurores », Ciel et Terre, vol. 70,‎ , p. 345 (Bibcode 1954C&T....70..345F, lire en ligne)
  18. (en) V. C. A. Ferraro, « A New Theory of Magnetic Storms: A Critical Survey », The Observatory, vol. 56,‎ , p. 253–259 (Bibcode 1933Obs....56..253F, lire en ligne)
  19. (en) Boteler, D. H., « A 21st Century View of the March 1989 Magnetic Storm », https://agupubs.onlinelibrary.wiley.com, Space Weather, vol. 17, no 10,‎ 10 octebre 2019, p. 1427-1441 (ISSN 1542-7390, DOI https://doi.org/10.1029/2019SW002278, lire en ligne)
  20. (en) Wen-Hao Xu, Zan-Yang Xing, Nanan Balan, Li-Kai Liang, Yan-Ling Wang, Qing-He Zhang, Zi-Dan Sun, Wen-Bin Li, « Spectral analysis of geomagnetically induced current and local magnetic field during the 17 March 2013 geomagnetic storm », https://www.sciencedirect.com, Advances in Space Research, vol. 69, no 9,‎ , p. 3417-3425 (ISSN 0273-1177, DOI https://doi.org/10.1016/j.asr.2022.02.025., lire en ligne)
  21. (en) LE.O. Falayi, P.O. Amaechi, A.T. Adewole, T.O. Roy-Layinde, F.O. Ogunsanwo, A.J. Alomaja, « Nonlinear time series analysis of ionospheric electric current disturbance associated with geomagnetic storm », Advances in Space Research,‎ (ISSN 0273-1177, DOI https://doi.org/10.1016/j.asr.2022.03.024.)
  22. (en) D.H. Boteler, R.J. Pirjola, H. Nevanlinna, « The effects of geomagnetic disturbances on electrical systems at the Earth's surface, », https://www.sciencedirect.com, Advances in Space Research, vol. 22, no 1,‎ , p. 17-27 (ISSN 0273-1177, DOI https://doi.org/10.1016/S0273-1177(97)01096-X, lire en ligne)
  23. (en) J. Laštovička, « Effects of geomagnetic storms in the lower ionosphere, middle atmosphere and troposphere », sciencedirect.com, Journal of Atmospheric and Terrestrial Physics, vol. 58, no 7,‎ , p. 831-843 (ISSN 0021-9169, DOI https://doi.org/10.1016/0021-9169(95)00106-9., lire en ligne)
  24. (en) « Effects of Geomagnetic Disturbances on the Bulk Power System. » [archive],
  25. (en) « British Government: Space Weather and radiation guidance, Public Health England » (consulté le )
  26. (en) « Scientists probe northern lights from all angles », CBC (Radio-Canada anglophone), .
  27. (en) « Earth dodges magnetic storm », sur New Scientist, .

Articles connexes modifier

Sur les autres projets Wikimedia :