Onde de Rossby

type d'onde inertielle dans les atmosphères et les océans des planètes, dont les propriétés sont en grande partie dues à la rotation de la planète

Les ondes de Rossby ou ondes planétaires sont des mouvements ondulatoires de la circulation atmosphérique ou océanique de grande longueur d'onde dont l'initiation est due à la variation de la force de Coriolis selon la latitude[1]. Elles sont un sous-ensemble des ondes inertielles, identifiées en 1939 par Carl-Gustaf Rossby dans l'atmosphère. Ce dernier travailla à la théorie pour les expliquer.

Caractéristiques

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La caractéristique principale des ondes de Rossby est leur vitesse de phase zonale, le déplacement de leur crête le long d'une latitude donnée, qui est toujours rétrograde ; c'est-à-dire qu'elles se dirigent vers l'ouest alors que la circulation générale est dans l'autre direction[2]. De plus, le signe de leur vitesse de phase méridionale est indéterminé, et celle-ci peut donc être dirigée soit vers le nord soit vers le sud. Cependant, la vitesse de groupe de ces ondes, associée avec leur transport d'énergie, peut être dans une direction ou l'autre. Les ondes les plus courtes se déplacent vers l'est et les plus longues vers l'ouest.

On parle d'ondes de Rossby « barotropiques » et « barocliniques » selon la structure de l'atmosphère[2] :

  • les premières se meuvent dans une masse d'air où le déplacement de l'air est parallèle aux isothermes, ce qui fait que ces ondes ne varient pas selon la verticale et ont une propagation plus rapide ;
  • les secondes se déplacent à travers les isothermes et sont plus lentes avec des vitesses de l'ordre de quelques centimètres par seconde, ou moins.

Les ondes de Rossby conservent le tourbillon potentiel et doivent leur existence au gradient isentropique de ce tourbillon[2].

Atmosphère

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Développement d'une onde de Rossby le long du ruban thermique ou front

Dans l'atmosphère, la différence de réchauffement entre les pôles et l'équateur donne une variation de la température moyenne de l'air entre ces deux régions. Cette différence donne à son tour une répartition de la pression, des vents et des isothermes à l'origine de la circulation atmosphérique. Lorsque l'air est barotrope (ligne de pressions parallèles aux isothermes), l'onde de Rossby conserve le tourbillon. C'est-à-dire que la rotation due à la force de Coriolis selon la latitude ( ) et celle locale dans le flux d'air ( ), dite tourbillon relatif, forment une constante[2] :

 

Lorsque l'air passe au-dessus d'obstacles du relief, il doit s'écouler dans une couche atmosphérique plus mince ce qui accélère la rotation dans le flux ( ), d'une façon similaire à celle subie par un patineur qui ramène ses bras lors d'une rotation. Pour conserver le tourbillon total, il faut que l'air se déplace vers l'équateur pour diminuer  . Lorsque l'air redescend de l'autre côté de l'obstacle, il est forcé vers une latitude plus polaire pour la raison inverse ce qui induit une ondulation de la circulation atmosphérique. Ce champ de tourbillon de perturbation induit un champ de vitesse méridienne (nord-sud) qui provoque l'advection de la chaîne des particules de fluide vers l'équateur à l'ouest du tourbillon maximum et vers le pôle à l'ouest du tourbillon minimum. Ainsi, les particules oscillent d'avant en arrière autour de la latitude d'équilibre, et la configuration du tourbillon maximum et minimum se propage vers l'ouest.

L'observation des ondes de Rossby est facile à repérer en suivant la trajectoire du courant-jet. Ce dernier sépare les masses d'air. Quand ses ondulations deviennent très prononcées, on a un développement des systèmes météorologiques des latitudes moyennes (dépressions et anticyclones). La vitesse de ces ondes de Rossby est donnée par[2] :

 c est la vitesse de l'onde, u le vent moyen dans l'atmosphère,   la variation du paramètre de Coriolis avec la latitude et k le nombre d'onde total.

Le nombre de ces oscillations (plus nombreuses en été qu'en hiver) autour de la planète peut varier de 3 à 7 environ, et leur longueur d'onde (plus grande en hiver qu'en été) atteint couramment quelques milliers de kilomètres[3]. Comme le montre la formule, leur vitesse est toujours inférieure à la vitesse du vent et leur propagation s'effectue vers l'ouest. Dans certains cas d'ondes stationnaires, entre autres au-dessus de l'Atlantique, un anticyclone coupé peut se détacher dans une crête thermique de direction nord-sud et y rester pendant une durée de l'ordre d'une semaine. Une telle situation bloque la circulation et dévie les systèmes vers le nord. De même, un centre dépressionnaire peut se détacher du flux et former une circulation stationnaire (dépression coupée ou froide) qui dévie le temps vers le sud[3]. Ces ondes interfèrent aussi avec les ondes de marées atmosphériques.

Océans

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Les ondes océaniques de Rossby constituent la principale réponse de l'océan aux perturbations de grande échelle (supérieure à 400-500km). Ces perturbations sont créées par exemple par des variations de vent, par des ondes se propageant le long des frontières Est (ondes de Kelvin) [4],[5] ou encore par des tourbillons[6]. Les ondes barotropes et baroclines causent une variation de la hauteur de la surface de la mer de quelques centimètres sur plusieurs centaines de kilomètres, par conséquent difficilement détectable avant l'avènement des satellites. Les ondes baroclines donnent également un déplacement vertical significatif de la thermocline, souvent de l'ordre de plusieurs dizaines de mètres.

À partir du début des années 1990, les satellites ont permis d'observer la progression d'Est en Ouest d'anomalies de grande échelle à une vitesse légèrement plus faible que celle prédite par la théorie des ondes de Rossby baroclines (1,5 à 2 fois selon la méthode employée et la latitude)[7].

La vitesse de phase théorique généralement comparée aux observations est celle des ondes longues (c'est-à-dire celle obtenue en supposant que les échelles spatiales concernées sont beaucoup plus grandes que le rayon de déformation) soit:  , où[8] :

  •   est la variation locale du paramètre de Coriolis
  •   le rayon de déformation de Rossby qui peut être approximé par  
  •   est le numéro du mode barocline ( )
  •   est le paramètre de Coriolis à la latitude locale
  •   est la fréquence de Brünt Väisälä
  •   est la profondeur totale.

L'inclusion de l'effet du courant moyen et de la topographie dans le calcul augmente généralement la vitesse de phase et améliore sensiblement l'accord entre les observations et la théorie[9].

Ces ondes ayant une vitesse de propagation très faible, de l'ordre du centimètre par seconde, elles peuvent prendre des mois ou même des années à traverser le Pacifique par exemple. Les données de couleur d'océan (Ocean Colour and Temperature Scanner), reflétant la concentration en phytoplancton, suggèrent que ces ondes ont un effet sur la biologie marine[10]. Des résultats suggèrent de plus qu'elles seraient, dans certains cas, capables d'influencer le climat plusieurs années après et à de très longues distances de leur point d'origine[11].

  1. Organisation météorologique mondiale, « Grande onde », Eumetcal (consulté le )
  2. a b c d et e Organisation météorologique mondiale, « Les ondes de Rossby atmosphériques », Eumetcal (consulté le ).
  3. a et b « Onde de Rossby », Comprendre la météo, Météo-France (consulté le )
  4. (en) Warren B White et J. F. T. Saur, « Sources of interannual baroclinic waves in the eastern subtropical North Pacific », Journal of Physical Oceanography, vol. 13, no 3,‎ , p. 531-544 (DOI 10.1175/1520-0485(1983)013<0531:SOIBWI>2.0.CO;2).
  5. (en) Lee-Lueng Fu et Bo Qiu, « Low-frequency variability of the North Pacific Ocean: The roles of boundary-and wind-driven baroclinic Rossby waves », Journal of Geophysical Research: Oceans, vol. 107, no C12,‎ , p. 13-1-13-10 (DOI 10.1029/2001JC001131, lire en ligne)
  6. (en) Glenn R Flierl, « Rossby wave radiation from a strongly nonlinear warm eddy », Journal of Physical Oceanography, vol. 14, no 1,‎ , p. 47-58 (DOI 10.1175/1520-0485(1984)014<0047:RWRFAS>2.0.CO;2).
  7. (en) Chelton Dudley B. et Michael G. Schlax, « Global observations of oceanic Rossby waves », Science, vol. 272, no 2559,‎ , p. 234-238 (DOI 10.1126/science.272.5259.234).
  8. (en) Gill, Adrian E, Atmosphere-ocean dynamics, Academic press,
  9. (en) Peter D. Killworth, Dudley B. Chelton et Roland A. de Szoeke, « The speed of observed and theoretical long extratropical planetary waves », Journal of Physical Oceanography, vol. 27, no 9,‎ , p. 1946-1966 (DOI 10.1175/1520-0485(1997)027<1946:TSOOAT>2.0.CO;2, lire en ligne [PDF]).
  10. (en) Paolo Cipollini, David Cromwell, Peter G. Challenor et Stefano Raffaglio, « Rossby waves detected in global ocean colour data », Geophysical Research Letters, vol. 28, no 2,‎ , p. 323-326 (DOI 10.1029/1999GL011231, lire en ligne).
  11. (en) G. A. Jacobs et al., « Decade-scale trans-Pacific propagation and warming effects of an El-Nino anomaly », Nature, no 370,‎ , p. 360--363 (résumé)
  12. (en) Geoffrey K. Vallis, Atmospheric and oceanic fluid dynamics : fundamentals and large-scale circulation, Cambridge University Press, , 2e éd. (1re éd. 2006) (ISBN 9781107588417, DOI 10.1017/9781107588417).

Bibliographie

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  • (en) C.-G. Rossby, « Relation between variations in the intensity of the zonal circulation of the atmosphere and the displacements of the semi-permanent centers of action », Journal of Marine Research (en),‎ , p. 38 à 55 (lire en ligne)
  • (en) G. Platzman, « The Rossby wave », Quart. J. Roy. Meteorol. Soc., Royal Meteorological Society, vol. 94, no 401,‎ , p. 94 à 248 (DOI 10.1002/qj.49709440102)
  • (en) Michael E. Mann, Stefan Rahmstorf, Kai Kornhuber, Byron A. Steinman, Sonya K. Miller et Dim Coumou, « Influence of Anthropogenic Climate Change on Planetary Wave Resonance and Extreme Weather Events », Scientific Reports, Springer Nature, vol. 7, no 45242,‎ (DOI 10.1038/srep45242).

Voir aussi

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Liens externes

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