Octogon est le nom d'une société écran (l’Octogon Trust, société créée par le marchand d'armes Rudolf Ruscheweyh (de), porteur de valise d'un système financier dont la base est la villa Octogon[1]) qui aurait permis le financement occulte de l'Union chrétienne-démocrate d'Allemagne à partir de l'or nazi[2]. Le chancelier Konrad Adenauer aurait été impliqué dans ce système de financement.

Système Octogon modifier

En étudiant des archives classées secrètes américaines, allemandes, françaises et suisses récemment déclassifiées, les journalistes d'investigation Fabrizio Calvi et Frank Garbely développent une thèse qui fait l'objet de controverses auprès des historiens comme Johannes Bähr ou Hervé Joly.

Le , une réunion secrète organisée par le RSHA s’effectue à l’hôtel Maison Rouge dans la ville de Strasbourg. Elle réunit des représentants de banques et industries allemandes (Krupp, Büssing AG, Rheinmetall, Messerschmitt) et plusieurs officiers militaires de l'Organisation Todt, le ministère de la marine et de l'armement allemands : anticipant la défaite, ils décident de préserver la puissance financière du Reich. Les industriels et banquiers allemands sont chargés de transférer des sommes d'argent issues en partie de l'or nazi (lingots d'or, devises, actions et obligations) dans des sociétés écran à l’étranger (plus de 200 en Suisse[3], une centaine en Espagne et en Argentine et quelques autres au Liechtenstein[4]), se préparant ainsi à financer un nouveau parti nazi qui se transformera en organisation clandestine et s'efforcera de reconquérir le pouvoir.

Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, les Américains recrutent d'anciens nazis pour lutter contre l’expansionnisme du régime communiste et retrouver l'or nazi. Échappant à la dénazification, l'ex-chef du service des renseignements à l'est Reinhard Gehlen est mis à profit pour créer l’Organisation Gehlen qui retrouve notamment dans les Alpes bavaroises et autrichiennes (principale filière d'évasion nazie) une partie de butin volé dans les musées et collections européennes abandonnée par les fuyards. L'organisation y retrouve également dans une usine une partie de l'or du Reich (en lingots et billets) mais elle sait qu'une grande partie est manquante.

Le marchand d'armes suisse Rudolf Ruscheweyh (de) fournit à la Wehrmacht des armes et munitions provenant de l'usine suisse de machine-outils Oerlikon-Bührle pendant la Seconde Guerre mondiale. À partir de sa résidence, la Villa Octogon de Schaan, il se déplace facilement entre l'Allemagne, la Suisse et le Liechtenstein dans une Cadillac avec radio intégrée grâce à un passeport diplomatique du Liechtenstein (qui lui délivre aussi un certificat de nationalité) au titre de chancelier commercial. Membre de l'Abwehr et pouvant facilement placer de fortes sommes d'argent, il est utilisé à ce titre par Pierre Laval et les services secrets de la SS. Informé par le vice-premier ministre du Liechtenstein que les comptes nazis seront bloqués après la guerre, il vide ses coffres et les transfère dans sa villa.

Dans le contexte de la guerre froide, la CIA d'Allen Dulles l'incite à réactiver ses réseaux dans l'intention de réarmer clandestinement l’Allemagne face à la menace russe : le est créée la société Octogon Trust, officiellement spécialisée dans la gérance de fortune et l'import-export mais qui servira à blanchir l'argent nazi. Présidée par Ruscheweyh, elle achète des armes (auprès notamment de Hispano-Suiza, premier contrat qui aboutit à la livraison de chars défectueux dès 1956, ce qui provoque un scandale public en 1962[5]) et signe des contrats secrets avec le ministre allemand Franz Josef Strauss, membre de l'Union chrétienne-sociale en Bavière (CSU). Ce système détourne au passage de fortes commissions d'argent (principalement sur des ventes d'armes fictives) vers les caisses noires de plusieurs partis, principalement la CDU, caisses développées par le banquier Robert Pferdmenges (de). Parallèlement à ces rétrocommissions, Octogon aurait transféré à ces partis les fonds cachés par les services secrets nazis après la réunion de Strasbourg. Ce système de corruption est dénoncé par un des leaders de la CDU Willi Plappert (de) qui tente d'alerter le chancelier Konrad Adenauer ou le BND (ce service secret étant noyauté par d'anciens nazis comme Reinhard Gehlen, Paul Dickopf (de) ou Hans Globke, membres du cercle le plus restreint entourant Adenauer), en vain. Le parti CDU du chancelier fédéral ouest-allemand Helmut Kohl bénéficie également de ce système financier, il y met fin au début des années 1980 à la suite de diverses affaires judiciaires impliquant industriels et politiciens allemands liés à ce réseau de corruption.

La villa Octogon, propriété publique, sert aujourd'hui pour des réunions et séminaires.

Débats autour d'un documentaire modifier

Une conférence a réuni[Quand ?] plusieurs auteurs et réalisateurs de documentaires, accueilli par la SCAM, et a donné lieu à une confrontation entre Jean-Michel Meurice, réalisateur du documentaire Le système Octogon (2011) et un représentant d'Arte France (le diffuseur du dit documentaire) accompagné d'un historien, qui affirment que les thèses défendues par Fabrizio Calvi et Frank Garbely, dont l'enquête a donné lieu au documentaires sont obsolètes et fantasmées. Lors de cette conférence, Fabrizio Calvi et Frank Garbely lui ont répondu[6].

Notes et références modifier

  1. Villa ayant à l'origine 8 angles comme un octogone.
  2. Emma Aurange, « « Le Système Octogon » : Arte, la censure et le trésor des nazis », Rue89,‎ (lire en ligne)
  3. Pietro Boschetti, Les Suisses et les nazis : le rapport Bergier pour tous, Éditions Zoé, , 189 p. (ISBN 2-88182-520-6)
  4. Le 25 mai 1946, la Suisse signe le Traité de Washington qui s'engage à céder la moitié des avoirs allemands aux puissances alliées (gelés depuis 1945, ces avoirs découverts essentiellement par les services secrets américains se montent à un milliard de francs suisses) mais cet accord ne sera que partiellement réalisé.
  5. (de) Die Unvollendete, Der Spiegel, 13 novembre 1967
  6. Cette conférence est visible en deux parties via https://www.dailymotion.com/video/xiic79 de 19 min 59 s et https://www.dailymotion.com/video/xiic9p de 11 min 25 s

Voir aussi modifier

Bibliographie modifier

  • Fabrizio Calvi et Marc Masurovsky, Le Festin du Reich. Le pillage de la France occupée 1940-1945, Fayard, 2006
  • Marie-Bénédicte Vincent, La dénazification, Perrin, 2008
  • Alfred Wahl, La seconde histoire du nazisme, dans l'Allemagne fédérale depuis 1945, Armand Colin, 2006

Source modifier

  • Le système Octogon, documentaire de Jean-Michel Meurice, 2011, d'après l'enquête de Fabrizio Calvi et Frank Garbely

Articles connexes modifier