Obligation de quitter le territoire français

Mesure d'éloignement

L'obligation de quitter le territoire français (OQTF) est une mesure administrative d'éloignement des étrangers prévue en droit français par le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

L'OQTF est créée par la loi no 2006-911 du 24 juillet 2006 relative à l'immigration et à l'intégration. Elle évolue en à l'occasion de la loi pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie. L'affaire Lola relance en les polémiques sur cette mesure administrative d'éloignement des étrangers.

OQTF, IRTF et ITF modifier

À la décision d'OQTF peut s'ajouter une interdiction de retour sur le territoire français (IRTF), car il s’agit de deux décisions administratives distinctes, et cumulatives. Ces deux décisions administratives ne doivent pas être confondues avec la peine d'interdiction de territoire français (ITF)[1].

Nature et effets de la mesure modifier

L'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que, lorsqu'un préfet refuse — pour un motif autre que la menace à l'ordre public, la délivrance d'un titre de séjour, d'un récépissé de demande de titre de séjour ou une autorisation provisoire de séjour — ou retire un tel document, il peut assortir sa décision d'une obligation de quitter le territoire français. Cette décision mentionne le pays à destination duquel la personne sera renvoyée d'office si elle ne quitte pas le territoire et ce, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'OQTF. Cette mesure n'a pas à faire l'objet d'une motivation particulière car elle découle de la décision du refus de séjour.

D'après le même article, le préfet peut également, par décision motivée, obliger un ressortissant d'un état — membre de l'Union européenne, d'un autre état partie à l'accord sur l'Espace économique européen[2] ou de la Suisse — à quitter le territoire français lorsqu'il constate que le ressortissant ne justifie plus d'aucun droit au séjour tel que prévu par l'article L. 121-1 du CESEDA[3].

La loi du 24 juillet 2006 visait à rendre plus efficace la procédure d'éloignement et à soulager des tribunaux déjà surchargés par le contentieux de dossiers d'étrangers. Mais l'effet est inverse : la loi supprime la possibilité d'un recours gracieux auprès de la préfecture ; et la décision préfectorale de refus de séjour assortie d'une OQTF ne peut plus être attaquée devant le tribunal administratif que dans le délai d'un mois. Ces recours contre les mesures d'expulsion d'illégaux engorgent donc davantage les tribunaux administratifs[4].

Recours modifier

En 2022, un étranger obligé de quitter le territoire dispose de deux recours contentieux cumulatifs au tribunal administratif, dont l’un seulement (le recours pour excès de pouvoir) est suspensif ; et d’un recours devant le juge judiciaire (le juge des libertés et de la détention) dans le cas où l'OQTF s'accompagne d'un placement en rétention administrative. Des recours administratifs, gracieux (demande à l’administration de reconsidérer sa position) ou hiérarchique (courrier au ministre pour lui demander de réformer la décision qui a été prise par son administration), sont possibles mais peu courants ; ils sont, de plus, non suspensifs et ont de faibles chances d’aboutir[5],[6],[7],[8].

Les articles R776-1 à R776-9-1 du code de justice administrative régissent la procédure de recours.

Statistiques modifier

En 2018, le ministère de l'Intérieur a prononcé 132 978 mesures d'obligation de quitter le territoire français. 30 276 départs ont été dénombrés cette année-là, dont 19 957 sous l’effet d’une mesure administrative. Emmanuel Macron avait, au début de son quinquennat, évoqué un objectif de 100% du taux d'exécution des reconduites à la frontière (censées être appliquées à la fin du délai de 30 jours pour les OQTF qui ne font pas l'objet d'un recours[9]) ; mais le taux d'exécution des mesures d'OQTF s'établissait à environ 15% en 2018, démontrant que les mesures d'éloignement prises n'étaient que très rarement exécutées[10]. Le taux d'exécution de ces mesures d'éloignement ne cesse de diminuer ces dernières années (13,5 % en 2017, 12 % en 2019, puis, avec la crise du Covid-19, seulement 6,9 % en 2020 et 5,6 % au premier semestre 2021)[11],[12].

Taux d'exécution des OQTF
Année 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019 2020 2021 2022
OQTF prononcées 59 998 82 535 89 134 88 225 79 750 81 656 85 268 103 852 122 839 107 488 124 111 134 280
OQTF exécutées 10 016 18 441 15 213 14 765 13 518 11 653 11 535 12 884 14 777 7 284 7 426 9 078
Taux d'exécution (%) 16,7 % 22,3 % 17,1 % 16,7 % 17 % 14,3 % 13,5 % 12,4 % 12 % 6,8 % 6 % 6,8 %
Source : Commission des lois à partir des données actualisées transmises par le ministère de l'intérieur[11],[13]

Ce faible taux d'exécution s'explique par le fait que de très nombreuses mesures d'éloignement sont prononcées à l’encontre de gens inéloignables, soit parce que ces mesures sont abusives et déclarées illégales par les juridictions, soit parce que les pays d'origine ne coopèrent pas[14], l'éloignement échoue alors en raison de l'absence de laisser-passer consulaire, normalement délivré par le pays dont est issue la personne concernée[15],[16],[17].

Économie modifier

Certaines OQTF sont prononcées contre des jeunes formés sur des métiers en tension[18].

Notes et références modifier

  1. Elsa de La Roche Saint-André, « Pourquoi l’Ofii a-t-il supprimé un tweet sur les possibilités de revenir après une «obligation de quitter» la France ? », sur Libération (consulté le )
  2. Islande, Norvège et Liechtenstein.
  3. Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. - Article L121-1
  4. « Les recours contre les mesures d'expulsion d'illégaux engorgent les tribunaux administratifs », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )
  5. « Que faire après une obligation de quitter le territoire français ou une interdiction d’y revenir ? : 3e édition ⋅ GISTI », sur www.gisti.org (consulté le )
  6. GISTI, « Chapitre 4. Les recours contre les OQTF », dans : , Le guide des étrangers face à l'administration. Droits, démarches, recours, sous la direction de GISTI », Guides,‎ (lire en ligne)
  7. Elsa de La Roche Saint-André, « Meurtre de Lola : comment fonctionne une «obligation de quitter le territoire français» ? », sur Libération (consulté le )
  8. Joyce Zablit, « Selon Gérald Darmanin, un étranger en situation irrégulière peut former jusqu’à 12 recours contre une décision d’expulsion », sur defacto-observatoire.fr (consulté le )
  9. Emmanuel Macron demande à expulser davantage d'étrangers en situation irrégulière, francetvinfo.fr, 10 juin 2021
  10. Cour des Comptes, Synthèse du rapport public sur "L'entrée, le séjour et le premier accueil des personnes étrangères", (lire en ligne), p. 21
  11. a et b « Projet de loi de finances pour 2022 : Immigration, asile et intégration », Sénat, (consulté le )
  12. Gérald Roux, Est-il vrai de dire que "88% des expulsions ne sont pas appliquées en France", comme l’affirme le député LR Pierre Cordier ?, francetvinfo.fr, 19 octobre 2022
  13. « Immigration, asile et intégration » [PDF], Sénat, (consulté le )
  14. « Plusieurs ONG dénoncent des tentatives d’expulsions « scandaleuses et illégales » de la France vers la Syrie », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )
  15. « Faible taux d’éloignement des étrangers : pourquoi les OQTF sont difficiles à exécuter », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )
  16. Cédric Mathiot, « Pourquoi les étrangers en situation irrégulière ne sont pas tous expulsés », sur Libération (consulté le )
  17. Elsa de La Roche Saint-André, « Pourquoi la promesse d’Emmanuel Macron d’exécuter 100 % des obligations de quitter le territoire est intenable », sur Libération (consulté le )
  18. « Le « gâchis » des obligations de quitter le territoire prises contre des jeunes apprentis », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )

Voir aussi modifier

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Articles connexes modifier

Liens externes modifier