National-communisme

mouvement associant une vision nationaliste du monde et une vision socialiste de la société

Le terme national-communisme apparaît dans l'ouvrage de l'historienne française Catherine Durandin, Histoire des Roumains, pour désigner la forme idéologique du régime communiste roumain adoptée sous la gouvernance Ceaușescu à partir du XI-e congrès du Parti communiste roumain en 1974, associant à la vision marxiste-léniniste de l'évolution de la société, une vision nationaliste et isolationniste de l'histoire et des relations internationales, selon laquelle chaque peuple doit retrouver ses racines (y compris très anciennes) pour définir sa « propre voie vers le socialisme » en quasi-autarcie, et en réduisant les influences extérieures (y compris, après 1986, celle de la perestroïka)[1].

Affiche de propagande de 1986 du Parti communiste roumain (alors parti unique).

En Europe centrale et orientale, les représentants de la nomenklatura, après avoir abandonné le communisme, ont adopté des discours alliant nationalisme ethnique et idées socio-économiques de gauche pour se poser en boucliers contre la mondialisation. C'est entre autres le cas de la Serbie de Slobodan Milosevic, de la Hongrie de Viktor Orban, de la Pologne sous la gouvernance du PiS, de la Biélorussie d'Alexandre Loukachenko ou de la Russie de Vladimir Poutine, considérées par les partisans du national-communisme comme des exemples de leurs idéaux de lutte contre l'impérialisme américain et contre le capitalisme, au même titre que le Juche nord-coréen[2],[3].

Tercérisme modifier

Sorti de son contexte initialement analysé par Catherine Durandin, le sens du terme « national-communisme » a pu ultérieurement être élargi par métonymie au « tercérisme », ensemble disparate d'idéologies, parfois nommées « rouges-brunes », qui affirment refuser à la fois le capitalisme mondialisé et le côté internationaliste du communisme. Si ces mouvements affirment rejeter le racisme traditionnel suprémaciste, c'est pour promouvoir des conceptions différentialistes de la société, selon lesquelles la préservation des différentes identités culturelles et ethniques propres à chaque peuple seraient l'« antidote » contre le libéralisme mondialisé, le mélange des peuples et l'uniformisation des cultures.

L'expression « national-communisme » qui rappelle le national-socialisme, sert à désigner de manière péjorative des idées social-nationalistes ou des variantes « socialisantes » des idéologies nationalistes classiques, diffusées par Ernst Niekisch et Jean Thiriart[4]. Selon ces auteurs, l'analyse marxiste du capitalisme et du libéralisme pourrait légitimer une dictature du prolétariat « à l'intérieur d'une entité nationale », cadre géographique et culturel où chaque nation (actuelle ou bien à redéfinir sur des bases régionalistes) sortirait de la mondialisation de son côté, à son rythme et selon ses propres modalités, en contradiction avec le motto « prolétaires de tous les pays, unissez-vous ! » tiré du « Manifeste du Parti communiste ». C'est pourquoi, aux yeux des marxistes-léninistes, le national-communisme n'est qu'un « mythe fasciste » qui puise d'un côté aux sources de ce que Lénine appelait « le gauchisme, maladie infantile du communisme », et d'un autre côté aux racines du fascisme[4].

Europe modifier

Le Parti français national-communiste de Pierre Clémenti, fondé en 1934, est revendiqué par les « Rouges et Noirs » comme un précurseur du courant national-bolchévique représenté par le Parti communautaire national-européen[3]. Ainsi, Dominique Blanc prend des positions antisémites représentant un syncrétisme entre communisme de conseils, régionalisme breton et ethno-différencialisme.

Espace post-soviétique modifier

Les régimes autoritaires de huit des pays issus de la dislocation de l'URSS (Biélorussie, Russie, Azerbaïdjan et les cinq républiques d'Asie centrale) ainsi que la Mongolie ont officiellement abandonné le marxisme-léninisme pour le nationalisme et renommé leurs partis tout en conservant les méthodes autocratiques de gouvernement héritées de l'ère soviétique. Ils sont décrits par certains politologues occidentaux comme néo-staliniens[5],[6],[7],[8], essentiellement en raison du culte de la personnalité instauré par les dirigeants de ces pays[9].

Ailleurs dans le monde modifier

Le Front démocratique pour la réunification de la patrie depuis l'indépendance de la Corée du Nord en 1948, est considéré comme étant d'extrême gauche[10],[11], puisqu'il remplit la plupart des critères définissant politiquement l'extrême gauche (rejet de la démocratie parlementaire, abolition de la propriété privée et collectivisation de l'économie). Cependant, certains observateurs étrangers, tels que B. R. Myers, professeur d'Études internationales à l'Université Dongseo, ou encore le journaliste et écrivain britannico-américain Christopher Hitchens, estiment que l'idéologie marxiste originelle a été largement dévoyée et dénaturée au profit de l'idéologie nord-coréenne officielle du Juche qui insiste avant tout sur un nationalisme exacerbé ainsi qu'une politique militariste, et considèrent donc la Corée du Nord comme dirigée par un régime d'extrême droite, d'essence fasciste[12],[13],[14]. D'autres observateurs et politologues occidentaux et sud-coréens décrivent la Corée du Nord comme un État néo-staliniste[15],[16].

Le régime nord-coréen actuel est soutenu aussi bien par des mouvances d'extrême gauche européennes, telles que le Parti communiste de Grande-Bretagne (marxiste-léniniste)[17], que des personnalités françaises d'extrême droite comme Alain Soral[18],[19]. Aux yeux des nationaux-communistes, la Corée du Nord représenterait un modèle typique de régime national-communiste[3].

D'autres régimes communistes en Asie, notamment chinois et vietnamien, se caractérisent par un exercice autocratique du pouvoir associé à un fort nationalisme qualifié de « patriotisme », et ont largement délaissé les idéaux communistes originels, au profit d'une économie socialiste de marché (appelée Đổi mới au Vietnam) ; la Chine affiche en outre une politique belliqueuse, militariste, expansionniste et ultranationaliste contre les autres États riverains en mer de Chine méridionale[20],[21]. Ces régimes ont été considérés comme des exemples à suivre par des personnalités européennes d'extrême droite, à l'image du régime vietnamien soutenu par Hans Cany[22],[23] ou encore la Chine maoïste soutenue par le national-communiste belge Jean Thiriart[18].

Notes et références modifier

  1. Catherine Durandin, Histoire des Roumains, Fayard 1995, 573 pp., (ISBN 9782213594255)
  2. Dimitri Kitsikis, La Montée du national-bolchevisme dans les Balkans, ed. Avatar, Paris 2008.
  3. a b et c « National-communisme et national-bolchevisme. », sur Rouge & Noir, (consulté le ).
  4. a et b Front social du [1]
  5. Radio Free Europe, Czech Republic, 2005
  6. Freedom House, United States, 2006
  7. Juergensmeyer, Mark. The Oxford Handbook of Global Religions. Oxford University Press US, 2006. (ISBN 0-19-513798-1), (ISBN 978-0-19-513798-9). P. 460.
  8. Thornton, William H. New world empire: civil Islam, Terrorism, and the Making of Neoglobalism. Rowman & Littlefield, 2005. (ISBN 0-7425-2941-X), (ISBN 978-0-7425-2941-0). P. 134.
  9. The Independent, United Kingdom, 2006
  10. (es) Francisca Bastías, « 12 datos sobre Corea del Norte que te costará creer que son reales », sur AyAyAy TV, (consulté le ) : « Hay muchos países fascinantes en el mundo, pero probablemente el más curioso y raro de todos sea Corea del Norte. En un régimen totalitario y de extrema izquierda »
  11. Sébastien Falletti, Corée du Sud : Le goût du miracle : L'Âme des Peuples, Bruxelles, Nevicata, , 88 p. (ISBN 978-2-87523-086-7, lire en ligne)

    « Entre ce courant droitier à Séoul et l'extrême gauche au pouvoir à Pyongyang, la conciliation est devenue impossible. »

  12. (en) "China rejects U.N. criticism in North Korea report, no comment on veto", Reuters, 18 février 2014
  13. (en) "Lifting the cloak on North Korean secrecy", Asia Times, 10 avril 2010
  14. (en) "A Nation of Racist Dwarfs", Slate, 1er février 2010
  15. Working, Russel. "An Open Door to North Korea". Business Week, June 4, 2001.
  16. By Sŭng-hŭm Kil, Soong Hoom Kil, Chung-in Moon. Understanding Korean Politics: An Introduction. SUNY Press, 2001. (ISBN 0-7914-4889-4), (ISBN 978-0-7914-4889-2), p. 275.
  17. An exposure of the shameful, unconstitutional and anti-communist behaviour of Arthur Scargill and his flunkeys, Proletarian, août 2004
  18. a et b Nicolas Lebourg, « L'étrange fascination de penseurs d'extrême droite pour des régimes d'extrême gauche », sur Slate, (consulté le )
  19. « Dieudonné, Soral : pourquoi une telle lune de miel avec la Corée du Nord ? », sur Le Nouvel Obs, (consulté le )
  20. Stéphanie Kleine Ahlbrandt, « Guerre des nationalismes en mer de Chine », sur Le Monde Diplomatique, (consulté le )
  21. (en) Michael Richardson, « Troubling signs of the rise of Chinese ultra-nationalists », sur The Sydney Morning Herald, (consulté le )
  22. « A propos de quelques commentaires », sur La Terre d'abord, (consulté le )
  23. « Rébellion », sur REFLEXes, (consulté le )

Articles connexes modifier