Néodruidisme

religion
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Le néodruidisme (également appelé druidisme par certains adhérents) est une forme moderne de religion ou de spiritualité qui promeut l'harmonie avec la nature, souvent au travers d'une forme de culte de la nature. Ce mouvement d'inspiration maçonnique[1], essentiellement présent dans le monde anglo-saxon et en Europe dans les pays anciennement celtisés, compterait deux millions d'initiés[2].

Les 100 ans de la Gorsedd de Bretagne à Hanvec en 1999. Le Grand Druide entouré de l'Archidruide de Galles et de la Grande Bardesse de Cornouailles.

Le néodruidisme, dont les premiers mouvements apparaissent en Angleterre au XVIIIe siècle, relève en partie des premières manifestations de la mouvance « néopaïenne ». Les premiers mouvements néodruidiques, inspirés par la vision romantique des XVIIIe et XIXe siècles, étaient basés sur des descriptions historiques des druides de l'âge du fer largement erronées. Ces mouvements n'avaient pas, par ailleurs, de relation directe avec les anciens Celtes ou leur civilisation[3].

Pour Iolo Morganwg et la Gorsedd de Galles, qui étaient des défenseurs de la langue et de la nationalité galloises, il s'agissait toutefois de relier la langue et la culture galloises de son temps à la société brittonique antique et médiévale dont elles étaient issues. Iolo n'était pas franc-maçon (organisation représentative des milieux anglais dominants auxquels se heurtaient certains non-conformistes gallois pour des raisons sociales et nationales) et son entreprise fut d'empêcher le druidism anglais d'annexer le bardisme gallois[4], notamment en promouvant les Eisteddfodau ou manifestations culturelles en langue celtique. Son œuvre mettait avant tout l'accent sur le bardisme.

Plus récemment, certains groupes néodruidiques ont tenté de recréer des pratiques plus proches de la réalité historique du druidisme, bien qu'il y ait controverse sur la ressemblance effective que ces mouvements peuvent avoir avec le druidisme historique[5]. La Gorsedd de Bretagne n'adopte l'appellation de « druide » qu'en simple référence à l’inspiration philosophique des anciens druides.

Origines modifier

 
Assemblée à Stonehenge, pour le solstice d'été.
  • Le , The Druid Universal Bond plus connu sous le nom de Druid Order (DO), est créé sous l’impulsion de John Toland (1669-1722).
  • Le , Henry Hurle fonde à Londres un Ordre fraternel et initiatique (mais ayant aussi une importante fonction de société de secours mutuel pour ses membres), l'Ancient Order of Druids (AOD). Une scission de celui-ci en 1833, va donner naissance à une société fraternelle l'United Ancient Order of Druids (UAOD), qui, en 1858 connaît à son tour une scission et voit la création de l'Order of Druids (OD), également société fraternelle[6].
  • Le , Iolo Morganwg réunit à Londres (Primrose Hill) la première Gorsedd Beirdd Ynis Prydain (Collège des Bardes de l'Île de Bretagne).
  • En 1838, un groupe de jeunes bretons, parmi lesquels Auguste Brizeux, Auguste du Marhallac'h, Théodore Hersart de la Villemarqué, se rend à Abergavenny au Pays de Galles où se tient l'Eisteddfod et où ils sont accueillis et reconnus comme bardes par la Gorsedd galloise. Alphonse de Lamartine, bien qu'invité, ne put venir et envoya un poème[7]. De retour en Bretagne, La Villemarqué fonde une petite confrérie, la Kenvreuriez Breiz, comprenant un nombre limité d'écrivains bretons auquel il confère des titres « bardiques » en breton assez solennels, lui-même se baptisant Arc'hkelenner (Grand instructeur). Aucune activité publique n'a lieu et aucun texte philosophique ou spirituel n'est publié.
  • En 1899, une délégation bretonne, invitée dans le cadre de l'Eisteddfod de Cardiff, décide à son tour de fonder la Gorsedd de Bretagne en se plaçant sous le patronage de l'archidruide de Galles dont ils reçoivent l'agrément. Les futurs dirigeants (Jean Le Fustec, François Jaffrennou (Taldir), Léon Le Berre) seront reçus par la Gorsedd insulaire en 1902, lors d'un voyage en Galles.
  • En 1928, est créée à Boscawen Un en Cornouailles britannique, sous le patronage de l'archidruide de Galles, la Gorsedh Kernow avec Henry Jenner et Morton Nance.

Fondements modifier

 
Fête celtique à Saint-Brieuc vers 1930 (carte postale Émile Hamonic).

Le néodruidisme, appelé aussi par les lignées galloises, bretonnes et cornouaillaises, le bardisme, est issu des œuvres de John Toland pour la lignée du Druid Order, d'Henry Hurle pour la lignée fraternelle et mutualiste (Ancient Order of Druids, United Ancient Order of Druids et Druid Order) et Iolo Morganwg pour la lignée galloise. Ce dernier a élaboré la doctrine et créé les rites des Gorsedd(au). À ses écrits parus en 1848 sous le titre Iolo Manuscripts, il faut ajouter ceux de William Ab Ithel, Barddas, parus en 1862. La théologie qui y est développée s'inspire de sources diverses : folkloriques, bouddhistes[8], chrétiennes. L'ensemble des 'Triades de l'Ile de Bretagne', une de ces bases théologiques, est par exemple toujours controversé et suspecté de christianisation. Cependant, Robert Ambelain[9] les défend ainsi : « Il ne faut voir, dans les quelques points de similitude, que le traditionnel accès à des vérités communes à tous les cultes. Et on trouverait autant de traditions védiques dans le bardisme qu'on en pourrait estimer issues du christianisme »[10].

Selon certains partisans du néodruidisme, par exemple Gwenc'hlan Le Scouëzec[11], cinquième Grand druide de Bretagne, une continuité historique avec les anciens druides aurait existé[12]. D'autres, au contraire, tel Per Vari Kerloc'h (Grand druide Morgan), successeur de Gwenc'hlan le Scouëzec, se placent simplement sur le plan du symbolisme et non celui de l'Histoire antique.

La plupart des spécialistes du domaine celtique récusent ainsi une quelconque filiation entre le mouvement néodruidique et la civilisation celtique antique. Dans leur ouvrage La civilisation celtique, Christian-Joseph Guyonvarc'h, philologue spécialiste de l'irlandais ancien, et Françoise Le Roux, diplômée en théologie, écrivent : « Il n'existe pas, en tout cas, pas plus au Pays de Galles et en Bretagne armoricaine, ou, a fortiori en Gaule […] d'organisation ou de groupe, ouvert ou fermé, qui dispose d'une filiation traditionnelle remontant aux druides de l'Antiquité. » Le druidisme, fondement d'une société celtique indépendante, ne pouvait survivre à la conception étatique imposée par la romanisation[13] et il eut également à subir la condamnation de la nouvelle religion chrétienne. Cela n'empêche pas les nombreuses survivances des religions antéchrétiennes en Europe. Le mot druide n'a pas survécu sur le continent, où il a été réintroduit par des érudits, mais bard- est vivant en celtique insulaire et en breton[14],[15].

Rites et croyances modifier

 
Un groupe de néodruides en habits cérémoniels.

Le mouvement druidique est très varié et il n'y a pas de dogme ou de système de croyances auxquels tous les groupes souscrivent. Néanmoins, un certain nombre de traits sont communs à la majorité d'entre eux. La croyance principale est que la Terre et la Nature sont sacrées et sont dignes d'être vénérées en tant que telles. Pour cette raison la plupart des druides sont panthéistes. Le respect des ancêtres et en particulier des ancêtres païens est une autre croyance qui se retrouve souvent à la base de ces mouvements. Une autre encore, commune à la plupart d'entre eux, est la croyance en l'immortalité de l'âme et en l'évolution des êtres par la métempsycose (réincarnation). Si la croyance en Dieu figurait dans les règlements intérieurs de la Gorsedd de Bretagne avant la guerre de 1939-1945, celle-ci ainsi que d'autres conceptions philosophiques sont maintenant laissées à l'appréciation individuelle de chaque membre; les athées et les agnostiques sont admis. Les druides contemporains pratiquent leurs rituels en cercle, le plus souvent autour d'une fontaine, ou pour certains d'un autel. Ils se retrouvent parfois autour des cercles de pierres et mégalithes, ceux-ci étant associés aux anciens druides bien que l'origine de ces mégalithes soit antérieure aux Celtes de plusieurs millénaires[16]. C'est notamment le cas de Stonehenge en Angleterre (site sacré cependant pour les anciens Celtes, le "temple d'Apollon" de Diodore de Sicile, utilisé et remanié jusqu'à son abandon vers 500 après J.-C). Un rituel druidique s'y est déroulé au solstice d'été[17]. Certains portent des habits cérémoniels destinés à imiter ceux que les anciens druides portaient. De nombreux druides se servent également de bâtons rituels.

Royaume-Uni modifier

Le 2 octobre 2010 le druidisme a officiellement accédé au statut de religion au Royaume-Uni et compterait quelque 10 000 pratiquants en Grande-Bretagne[18],[19]. Ce statut est avant tout utile en matière fiscale pour recueillir des dons.

Mouvements sectaires modifier

La mouvance druidique contemporaine est citée dans le rapport d'enquête parlementaire de l'Assemblée nationale sur les sectes du 22 décembre 1995[20], et dans l'enquête parlementaire pour la Chambre des représentants de Belgique du 28 avril 1997[21], où l'on mentionne L'ordre vert druidique et la fraternité du soleil celtique[22].

Articles connexes modifier

Bibliographie modifier

Témoignage modifier

  • Régis Blanchet, Entretiens avec un druide nommé Gwenc'hlan, Éditions du Prieuré, 1993 ;

Roman initiatique modifier

Notes modifier

  1. Voir l’ouvrage de Gwenc'hlan Le Scouëzec, Les Druides, l'époque moderne et contemporaine, chapitre XIX « La Franc-maçonnerie », page 63 et suivantes, éditions Beltan, (ISBN 2-9516454-3-0)
  2. Michel Raoult, ''Les druides, les sociétés initiatiques celtiques contemporaines'', éditions du Rocher, 1983 . Selon l'auteur, on trouverait des néodruides à travers les cinq continents.
  3. article sur les druides du British museum
  4. (fr) Philippe Jouët, Triades, bardes et druides dans l'histoire et l'imaginaire, 2e édition revue, Ploudalmézeau, Label LN,
  5. Bonewits, Isaac (2006) Bonewits's Essential Guide to Druidism. New York, Kensington Publishing Group (ISBN 0-8065-2710-2). Chapter 9, "Solitary Druids and Celtic Reconstructionists" pp.128-140.
  6. (en) Victoria Solt Dennis, Friendly and Fraternal Societies: their badges and regalia, London, 2008, p. 107.
  7. Bernard Tanguy, Aux origines du nationalisme breton, Collection 10-18, 1977.
  8. Dans « Les Traditions Celtiques », Editions Dangles (1977), (ISBN 2703301812), (initialement publié en 1945 sous le titre « Au pied des Menhirs » aux Éditions Niclaus), Robert Ambelain donne, en page 148, une définition de Keugant, le « cercle vide ». Selon l'auteur, la définition de Sunyata donnée par A. Chaboseau dans « Essai sur la Philosophie Bouddhique » est « une définition qui peut s'appliquer, sans en changer un mot, au Cercle Vide, à Keugant ». R. Ambelain poursuit cette identification des définitions par un extrait de lemmes de maîtres tibétains extraits de l'ouvrage de A. Chaboseau. Cette définition donnée à Keugant par cet auteur met par ailleurs en lumière l'existence au sein du néodruidisme d'un courant ayant une conception de Dieu qui se démarque des obédiences d'inspiration chrétienne.
  9. « Les Traditions Celtiques », Robert Ambelain, éditions Dangles - 1977
  10. Voir aussi Michel Raoult, Les druides, les sociétés initiatiques celtiques contemporaines, éditions du Rocher, 1983. (p 85 et suivantes ) Le Dr Thomas Burgess, évêque anglican de Saint-David, fonda la "Cambrian Society", qui eut en charge l'organisation des Eisteddfodau à venir. De nombreux pasteurs protestants adhérèrent dans le même temps à l'association. Et p. 91 On remarquera que sur les 19 archidruides gallois des temps modernes, au moins 15 étaient des pasteurs protestants
  11. Le second volume de sa trilogie Les Druides, intitulé Le Moyen Âge (éditions Beltan (ISBN 2-9516454-1-4) (BNF 37713446)) tente de faire le lien entre la disparition du druidisme antique et la fondation du néodruidisme.
  12. Dans l'avant-propos de son ouvrage Le Néo-druidisme en Bretagne, (éditions Ouest-France, Rennes, 1998, (ISBN 2-7373-2281-2)) Philippe Le Stum écrit : « Pour la plupart des néodruides et bardes de la période que nous retraçons, tant en Galles qu'en Bretagne, la référence au druidisme antique fut très superficielle, limitée à quelques éléments de terminologie et au respect d'un apparat et d'un cérémonial dont les historiens ont depuis établi l'inauthenticité. »
  13. Et inversement, le pouvoir romain ne pouvait tolérer la fonction druidique, l'empereur Tibère décrète leur interdiction. En 60, Suetonius Paulinus est à l'origine du massacre de l'île de Mona Anglesey.
  14. Philippe Jouët, - Dictionnaire de la mythologie et de la religion celtiques, Fouesnant, Yoran, , s.v. Druides
  15. (fr) Yvan Guéhennec, Les Celtes et la parole sacrée. Etude historique et critique., Ploudalmézeau, Label LN,
  16. Anne Lehoërff, Préhistoires d'Europe : De Néandertal à Vercingétorix, Paris, éditions Belin, coll. « Mondes anciens », , 608 p. (ISBN 978-2-7011-5983-6), « Marquer les espaces (-45000 / -2000) »
  17. Chez les Celtes de l'antiquité, le solstice d'été n'était pas une fête religieuse. Voir Christian-J. Guyonvarc'h et Françoise Le Roux, Les Fêtes celtiques, Ouest-France Université, coll. « De mémoire d’homme : l’Histoire », Rennes, 1995, (ISBN 978-2-7373-1198-7).
  18. Le néodruidisme "constitue une religion" - Le Monde des Religions.
  19. (en) « Druid Network », sur GOV.UK (consulté le )
  20. Rapport d'enquête parlementaire de l'Assemblée nationale sur les sectes du 22 décembre 1995.
  21. Enquête Parlementaire visant à élaborer une politique en vue de lutter contre les pratiques illégales des sectes et le danger qu'elles représentent pour la société et pour les personnes, particulièrement les mineurs d'âge. Rapport fait au nom de la Commission d'enquête par MM. Duquesne et Willems. Partie II pour la Chambre des Représentants de Belgique du 28 avril 1997.Consultable en ligne (Fichier PDF de 28,31Mo).
  22. Op. cit. page 262, n°139.