Musique électroacoustique

genre musical

La musique électroacoustique est le terme définissant les musiques non exclusivement instrumentales, dont des éléments sonores sont enregistrés et reproduits par ordinateurs ou bande magnétique. Elle puise ainsi son origine à la fois dans la musique concrète conceptualisée en France par Pierre Schaeffer en 1948 et dans la musique électronique développée au début des années 1950 à Cologne. Elle regroupe des courants aussi divers que la musique acousmatique, la musique mixte, ou le paysage sonore. Tout en étant souvent considérée comme un sous ensemble de la musique électronique, sa définition et ses caractéristiques restent sujettes à de nombreux débats puisqu'elle ne prend pas en compte l'aspect stylistique de la musique, mais plutôt les techniques de studio permettant de la créer.

Robert Piotrowicz, au Lausanne Underground Film and Music Festival, en 2010.

Terminologie

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La définition de la musique électroacoustique a toujours suscité de nombreux débats. Toutefois, quatre définitions sont souvent défendues :

  • le terme musique électroacoustique désigne tout type de musique dans laquelle l’électricité a un rôle autre que la simple utilisation du microphone ou de l’amplification pour la production de cette musique (Leigh Landy)[1] ;
  • tout ce qui utilise la conversion d'un signal acoustique en signal électrique et vice versa ;
  • musique utilisant la technologie pour enregistrer, produire, créer, manipuler et diffuser le son ;
  • toutes les activités utilisant l'électricité pour produire, manipuler, diffuser et étudier le son (ce que l'on nomme Electroacoustics dans les pays anglo-saxons).

Même si toute musique électroacoustique est créée à partir de la technologie électronique, les travaux ayant rencontré le plus de succès impliquent en général les aspects de la création sonore qui étaient jusqu'alors inaccessibles au jeu musical réalisé avec les instruments de musique traditionnels. La plupart des compositions électroacoustiques utilise des sons inaccessibles à, par exemple, l'orchestre traditionnel. Ces sons peuvent inclure des sons d'origine acoustique, des sons de synthèse ou produits par ordinateur[réf. nécessaire].

Les compositions électroacoustiques explorent aussi fréquemment les caractéristiques spatiales du son. La trajectoire et la distance d'un son peuvent être paramétrées par rapport à son champ d'écoute. La musique électroacoustique se préoccupe typiquement moins des notions « traditionnelles » liées à la partition et ses rythmes métriques, à l'harmonie et à la mélodie, mais bien plutôt de l'interaction entre la gestuelle et la texture du son et de ce que Denis Smalley appelle la « spectromorphologie », soit la sculpture du spectre sonore dans le temps. Il y a aussi plusieurs autres expressions qui sont soit synonymes à la musique électroacoustique, soit des sous-branches ou encore des courants chapeautant la musique électroacoustique incluant notamment musique expérimentale, électroacoustique improvisée (EAI), musique assistée par ordinateur, design sonore, art audio, art radiophonique, musique concrète, field recording, électronique expérimental, et art sonore.

Histoire

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Plusieurs placent les débuts de la musique électroacoustique de la fin des années 1940 au début des années 1950 et en particulier avec les travaux de deux groupes de compositeurs dont les orientations esthétiques étaient radicalement différentes.

À Paris, en France, le groupe de recherche en « musique concrète » a eu pour pionnier Pierre Schaeffer. Sa conception musicale était basée sur la juxtaposition, le mixage et la transformation de toutes sortes de sons enregistrés sur disque puis, à partir de 1951, sur bande[2]. En 1948, Pierre Schaeffer écrivait dans son journal : « Nous appliquons le qualificatif d'abstrait à la musique habituelle du fait qu'elle est d'abord conçue par l'esprit, puis notée théoriquement, enfin réalisée dans une exécution instrumentale. Nous avons en revanche appelé notre musique concrète, parce qu'elle est constituée à partir d'éléments préexistants empruntés à n'importe quel matériau sonore, qu'il soit bruit ou musique habituelle, puis composée expérimentalement par une construction directe »[3].

À Cologne, en Allemagne, le groupe Elektronische Musik mis en place vers 1949-1951 par le compositeur Herbert Eimert et le physicien Werner Meyer-Eppler travaille uniquement sur des sons générés par des moyens électroniques, en particulier les ondes sinusoïdales[réf. souhaitée]. Le contrôle précis réalisé en studio permettait ce qu'Herbert Eimert considérait comme l'extension électronique et même le perfectionnement du sérialisme. En studio, des opérations sérielles pouvaient être appliquées aux éléments sonores tels que le timbre et la dynamique.

Le lien commun entre les deux écoles était que la musique était enregistrée puis joué par des haut-parleurs, sans interprète. Même si le sérialisme est largement abandonné par les différents milieux électroacoustiques, il reste que la majorité des morceaux électroacoustiques utilisent une combinaison de sons pré-enregistrés et de sons de synthèse. Le schisme entre les approches de Schaeffer et d'Eimert est surmonté. Les premiers exemples de ceci sont les morceaux Musique sans titre (1950) et Haut voltage (1956) de Pierre Henry ainsi que Gesang der Jünglinge de Karlheinz Stockhausen créé à Cologne le .

Il existe quelques expérimentations isolées de musique électronique ayant précédé celles de Pierre Schaeffer en 1948. Ottorino Respighi utilise un enregistrement phonographique d'un chant de rossignol dans son œuvre orchestrale Les Pins de Rome en 1924, avant même l'introduction des phonographes électriques. Le cinéaste expérimental Walter Ruttmann créée Weekend, un collage sonore réalisé sur une bande son optique en 1930. John Cage utilise des enregistrements phonographiques de tonalités d'essai mixés à des instruments joués en direct dans Imaginary Landscape no. 1 en 1939. Dans la première moitié du XXe siècle, un nombre important de compositeurs revendiquaient aussi l'utilisation de son électronique dans leur composition, parmi lesquels notamment Ferruccio Busoni, Luigi Russolo et Edgard Varèse.

Pendant les années 1960 et 1970, de nombreux studios sont créés dans le monde et divers courants sont apparus dont : la musique acousmatique autour du GRM dirigé de 1966 à 1997 par François Bayle en France, Francis Dhomont au Québec, et Denis Smalley au Royaume-Uni. Ce courant défend une musique uniquement sur support, projetée sur un orchestre de haut-parleurs et construite à partir d'images-de-sons ; le paysage sonore (en anglais : soundscape composition) autour de Murray Schafer et Barry Truax (en) au Canada, mouvement très proche de l'écologie acoustique produit des œuvres à partir d'enregistrement de paysages sonores réels ; et la computer music aux États-Unis défend quant à elle l'utilisation de l'ordinateur pour réaliser toute ou une partie de l'œuvre. D'autres courants ont touché l'ensemble des studios et apparaissent comme des mouvements transversaux : l'EAI (improvisations libres électro-acoustiques), le live electronics (parfois proche du courant free jazz) ou la musique mixte mêlant des sons enregistrés et un ou plusieurs musiciens sur scène.

Caractéristiques

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Le champ de la musique électroacoustique est vaste. D'importants centres de recherche et de composition musicale existent à travers le monde et il y a de nombreux festivals et conférences présentant la musique électroacoustique, notamment la conférence internationale de la musique sur ordinateur (International Computer Music Conference (en), ICMC), la conférence internationale sur les nouvelles interfaces pour l'expression musicale (New Interfaces for Musical Expression (en), NIME), la conférence EMS (Electronic Music Studies Conference), le festival international de musiques électroacoustiques Synthèse de l'Institut international de musique électroacoustique de Bourges (Imeb), le festival international d'art acousmatique et des arts de support Futura, le Festival Présences et Présences électronique en France et le festival Ars Electronica à Linz en Autriche.

Un certain nombre de structures et institutions nationales promeuvent ce courant musical, tels que la Communauté électroacoustique canadienne (CEC), le Groupe de Recherches Musicales (GRM), l'Institut de recherche et coordination acoustique/musique (IRCAM), l'Institut International de Musique Électroacoustique de Bourges (IMEB) et Motus en France, le SEAMUS (en) aux États-Unis, l'ACMA en Australie et le réseau Sonic Arts Network (en) au Royaume-Uni.

Les revues consacrées à la recherche en musique électroacoustique Computer Music Journal (du Massachusetts Institute of Technology) et Organised Sound sont parmi les revues les plus reconnues internationalement. Beaucoup d'autres publications nationales existent sous forme imprimée ou électronique.

L'electronica, de par sa technique, est de plus en plus liée à la musique électroacoustique. Depuis quelques années, plusieurs musiciens d'électronica ont été très influencés par les compositeurs de musique électroacoustique, par exemple Amon Tobin, Autechre, Aphex Twin, Gescom et Squarepusher.

Compositeurs

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Notes et références

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  1. (en) Leigh Landy, « Reviewing the Musicology of Electroacoustic Music », Organised Sound, Cambridge, vol. 4, no 1,‎ , p. 61–70 (DOI /10.1017/S1355771899001077)
  2. « Le mot concret ne désignait pas une source. Il voulait dire qu'on prenait le son dans la totalité de ses caractères. Je reconnais que le terme concret a été vite associé à l'idée de sons de casserole, mais, dans mon esprit, ce terme voulait dire d'abord qu'on envisageait tous les sons, non pas en se référant aux notes de la partition, mais en rapport avec toutes les qualités qu'ils contenaient », Pierre Schaeffer, 1975.
  3. Pierre Schaeffer, À la recherche d'une musique concrète, Paris, Seuil, .

Voir aussi

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Bibliographie

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Articles connexes

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Liens externes

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