Mouvement Cần vương

Le mouvement Cần vương (en vietnamien "aider le roi") est un mouvement de résistance vietnamien à l'occupation française du Tonkin lancé après « l'embuscade de Hué » du . Il dura dix ans. Il fut lancé par le jeune empereur Hàm Nghi à l'initiative du régent Tôn Thất Thuyết[1]. Il réunit lettrés et gens du peuple contre les forces françaises du général de Courcy.

Texte de l'édit impérial Cần vương de 1885.

Actif au Tonkin et en Annam, ce mouvement donna lieu dans cette dernière région, en la quasi-absence de Français, civils comme militaires, à des violences contre les vietnamiens francophiles (en général catholiques) qui auraient fait 40 000 morts[1].

Historique modifier

Tôn Thất Thuyết prévoit de placer Hàm Nghi à la tête du mouvement Cần vương (mouvement « Aider le roi »), qui vise à se débarrasser du règne français par une rébellion royaliste. Phan soutient l'initiative, installant des bases de rebelles à Hà Tĩnh et mettant en place sa propre armée[2] alors que Thuyết prépare une organisation armée à Thành Tân Sở (vi) pendant plus d'un an[3][4]. Thuyết espère obtenir le soutien de la dynastie Qing en Chine[5], mais Phan estime que l'aide du Siam serait plus efficace. En effet, Gia Long, fondateur de la dynastie Nguyen et arrière-grand-père de Tự Đức, a arrangé un mariage entre sa sœur et le roi de Siam, s'exilant également au Siam dans les années 1780 quand il tente d'accéder au trône[6]. Les appels à l'aide auprès du gouvernement siamois ne leur apportent toutefois que quelques armes à feu et munitions[2].

La révolte commence le 5 juillet 1885, quand Thuyết lance une attaque surprise contre les forces coloniales après une tentative échouée de diplomatie avec les Français[7][8]. Thuyết emmène Hàm Nghi vers la base montagnarde de Tân Sở, près de la frontière avec le Laos, après l'échec de l'attaque. L'empereur publie alors l'édit de Cần Vương qui a été rédigé par le régent, marquant le début officiel de la campagne Cần Vương[3][9].

Phan rassemble des soutiens de son village natal et installe son quartier général sur le mont Vũ Quang, d'où on voit la forteresse française de Hà Tĩnh[10]. L'organisation mise en place par Phan devient un modèle pour les rebelles après lui. Pour plus de souplesse, il divise sa zone d'opérations en douze départements[11]. Ses forces suivent une discipline militaire et portent des uniformes. Il nomme les lettrés locaux comme commandants militaires[12]. La première attaque vise deux villages catholiques voisins qui ont collaboré avec les Français. Les troupes coloniales arrivent quelques heures plus tard, écrasant les rebelles et les forçant à reculer vers leur village d'origine, où les représailles sont lourdes. Phan parvient à s'échapper, mais son frère aîné est capturé par le vice-roi du Viêt Nam du Nord qui avait perdu son poste en raison du rapport négatif de Phan, désormais devenu collaborateur des Français et nommé gouverneur de la province de Nghệ An[2].

Les Français convainquent un ami d'enfance de Phan de lui écrire une lettre l'implorant de se rendre pour sauver son frère, la tombe de ses ancêtres et son village entier. Phan aurait répondu :

« Nay tôi chỉ có một ngôi mộ rất to nên giữ là nước Việt Nam.

Tôi chỉ có một ông anh rất to là mấy triệu đồng bào.
Nếu về mà sửa sang lại phần mộ tổ tiên riêng mình thì ngôi mộ cả nước ai giữ?

Về cứu sống ông anh của riêng mình thì còn bao nhiêu anh em trong nước ai cứu?[13] »

« Depuis que j'ai intégré avec toi le Cần Vương, j'ai fait le choix d'oublier la question de la famille et du village.

Je n'ai désormais qu'une seule tombe, une tombe immense qui doit être défendue : la terre vietnamienne.
J'ai un seul frère, très important, qui est en danger : plus de vingt millions de compatriotes.
Si je m'inquiète de mes propres tombes, qui s'occupera de défendre les tombes du reste du pays .
Si je sauve mon propre frère, qui sauvera tous les autres frères du pays ?

Je ne peux plus mourir que d'une seule façon. »

Plus tard, une autre version veut que Phan ait simplement répondu « Si quelqu'un découpe mon frère en morceaux, souviens-toi de m'envoyer un peu du ragoût. » Quelle que soit la réponse, elle est vue comme un grand acte de patriotisme et fait de lui une légende auprès de la population anti-coloniale[13]. Il ne se fait cependant pas d'espoirs sur la possibilité de repousser les Français, affirmant que leur destin est de mener un combat perdu d'avance et qu'ils l'acceptent[12].

Phan mène sa rébellion avec Cao Văn Thắng, le dirigeant d'une bande de bandits protégé par les forces de l'empereur par le frère de Phan dix ans plus tôt[14]. Son armée, bien formée et très disciplinée, opère dans les provinces de Thanh Hóa au Nord, Hà Tĩnh et Nghệ An au centre et Quảng Bình dans le Sud, avec plus de succès dans le centre du pays[11]. En 1887, Phan décide n'avoir pas adopté la bone stratégie : il ordonne à ses subordonnés d'abandonner les batailles rangées et de se tourner vers les tactiques de guérilla. Ses hommes construisent un réseau de camps de base, de cachettes de nourriture, d'espions et de fournisseurs paysans. Phan voyage vers le Nord pour coordonner les plans stratégiques et tactiques avec d'autres dirigeants rebelles. Pendant ce temps, Cao Thắng mène un millier d'hommes armés de 500 fusils[12]. Il y ajoute 300 fusils en démontant et en faisant copier des armes françaises fabriquées en 1874[6] : ces copies sont effectuées par des artisans vietnamiens capturés. Des officiers français ayant capturé ces mêmes artisans plus tard estiment que les armes ont été parfaitement copiées, à l'exception des ressorts improvisés à partir de baleines de parapluies et l'absence d'un canon rayé permettant plus de distance et de précision[15].

Malgré la qualité des copies, les armes utilisées par les rebelles de Phan sont largement inférieures à celles de leurs adversaires, et ils sont suffisamment près des côtes pour que la marine nationale française puisse tirer sur leurs bases[6]. Les Vietnamiens ne reçoivent pas de soutien de la Chine, et les puissances européens comme le Portugal, les Pays-Bas et le Royaume-Uni refusent de leur vendre des armes pour diverses raisons. Phan doit donc mettre en place des routes terrestres pour recevoir des armes de Siam sans se faire intercepter par la marine française. Il ordonne à ses partisans de créer un chemin secret de Hà Tĩnh au nord du Siam en passant par le Laos, et une route passant par le mont Vũ Quang est certainement mise en place vers 1888. On ne sait pas si Phan a lui-même visité la Thaïlande. Une rebelle du nom de Co Tam lui sert d'acheteuse des armes dans le district de Tha Uthen (en) où vit une importante diaspora vietnamienne. En 1890, l'armée siamoise transporte environ 1000 fusils à répétition de Bangkok à Luang Prabang, mais on ne sait pas si elles arrivent aux rebelles ou servent à d'autres activités de Co Tam[6].

En 1888, le garde du corps Muong de Hàm Nghi, Trương Quang Ngọc (en), le trahit[16]. L'empereur est capturé et déporté vers l'Algérie[5][17].

Références modifier

  1. a et b Charles Fourniau, Trinh Van Thao, Le Contact franco-vietnamien : le premier demi-siècle (1858-1911), Presses universitaires de Provence, 2013, 289 p. (ISBN 978-2-8218-2751-6), p. 77-85 [lire en ligne].
  2. a b et c Marr 1970, p. 62.
  3. a et b Chapuis 2000, p. 20.
  4. Chapuis 2000, p. 17.
  5. a et b Chapuis 2000, p. 21.
  6. a b c et d (en) Christopher E. Goscha, Thailand and the Southeast Asian Networks of the Vietnamese Revolution, 1885–1954, Surrey, Curzon, (ISBN 0-7007-0622-4), p. 24-25
  7. Marr 1970, p. 47.
  8. Chapuis 2000, p. 19.
  9. Marr 1970, p. 43.
  10. (vi) « Vụ Quang hay Vũ Quang? », sur Báo Nhân Dân điện tử, (consulté le )
  11. a et b (en) Stanley Karnow, Vietnam: a history, Penguin Books, (ISBN 978-0-670-84218-6 et 978-0-14-026547-7), p. 119-121
  12. a b et c Chapuis 2000, p. 93.
  13. a et b « Back to Vũ Quang, recall Sir Phan », sur bienphong.com.vn, (consulté le )
  14. Marr 1970, p. 61.
  15. Marr 1970, p. 64.
  16. Chapuis 2000, p. 62.
  17. Marr 1970, p. 57.

Voir aussi modifier

Bibliographie modifier

  • David G. Marr, Vietnamese anticolonialism, 1885–1925, Berkeley, California, University of California, (ISBN 0-520-01813-3)
  • Oscar Chapuis, The last emperors of Vietnam: from Tu Duc to Bao Dai, Westport, Connecticut, Greenwood Press, (ISBN 0-313-31170-6)

Articles connexes modifier