Monachisme

mode de vie religieuse
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Le monachisme est l'état et le mode de vie de personnes qui ont prononcé des vœux religieux et font partie d’un ordre dont les membres vivent sous une règle commune, séparés du monde. Cela concerne les moines, au masculin, et les moniales, au féminin. Le mot vient du grec ancien monos qui signifie « solitaire » et plus particulièrement « célibataire ». La première institution connue du monachisme est celle du bouddhisme theravada, il y a vingt-cinq siècles. Dans le bouddhisme, le monachisme est l'un des trois refuges, particulièrement propice à la méditation qui constitue le cœur de la pratique.

Le monastère de Mar Saba dans la vallée du Cédrom, désert de Judée, Cisjordanie.

Dans le christianisme, selon la tradition, le monachisme apparaît autour de Pacôme le Grand, vers 329 en Égypte, à proximité de Nag Hammadi. Avec la persécution de Dioclétien en 306, nombreux avaient été les Alexandrins à se réfugier dans le désert. Même si elle diffère nettement de la vision chrétienne du monachisme, l'Égypte ancienne connut une tradition de reclus (« katochoi ») autour du temple de Sérapis. La naissance du monachisme chrétien en Égypte se situerait donc dans la continuité d'une tradition locale d'ascèse. Selon Philon d'Alexandrie, les Therapeutae seraient les précurseurs des premiers ordres monastiques chrétiens.

Entre Jérusalem et la mer Morte, Chariton le Confesseur introduit le tout premier monachisme du désert de Judée au début du IVe siècle, à l'origine de trois monastères (ou laures). À la fin du Ve siècle, Sabas le Sanctifié fonde la Grande Laure ou monastère de Mar Saba.

En islam, un hadith attribué à Mahomet précise qu'il n'y « pas de monachisme en islam » mais son authenticité depuis longtemps discutée a notamment ouvert à l'émergence de confréries soufies.

Le monachisme chrétien modifier

 
Moines de l'ordre des Augustins récollets.

Le monachisme chrétien en tant que tel apparaît en Orient dès le IIIe siècle, en particulier vers 270, avec la retraite d'Antoine le Grand dans le désert égyptien. Son rayonnement attire autour de lui, et malgré lui, de nombreux disciples qui mènent, comme lui une vie érémitique (anachorètes), donc solitaire, ou qui se regroupent en petites communautés (cénobites) que Pacôme le Grand, tout en s'inspirant d'Antoine le Grand, régule de manière méthodique en Haute-Égypte[1]. La règle de Pacôme, codifiée au IVe siècle par Basile de Césarée, influencera tout le monachisme futur. Dès le IVe siècle également, il se développe en Occident notamment sous l'impulsion d'Ambroise de Milan en Italie, de Martin de Tours en Gaule et de Colomban en Irlande, toujours sur le modèle égyptien de Pacôme et selon la spiritualité d'Antoine le Grand. Mais c'est la règle de saint Benoît, équilibrant vie spirituelle (prière, ascèse, chasteté, pauvreté), travail manuel et culture intellectuelle qui, dès le début du VIe siècle, sert de référence définitive à l'ensemble de la tradition monastique occidentale jusqu'à aujourd'hui.

Il existe des religieux des deux sexes, appelés moines et moniales, et les communautés étaient en général séparées. L'ordre monastique particulier qui les régit suit en général une règle, dont les plus anciennes sont la règle de saint Basile (aujourd’hui presque uniquement observée par les moines d'Orient) et la règle de saint Benoît, suivie par un peu plus de 20 000 moines et moniales, particulièrement en Occident[2].

La vie monastique, le plus souvent au sein d'un monastère ou d'un couvent, qui peut être une abbaye lorsqu'il est dirigé par un abbé, varie entre formes cénobitiques (en communauté) et érémitisme.

Le monachisme bouddhiste modifier

 
Bhikkhus birmans.

Le bouddhisme possède sa propre forme de monachisme. Ce dernier constitue un élément fondamental de cette religion, et le Bouddha l'a introduit très tôt. Le terme bhikkhu (littéralement « mendiant »[3], féminin bhikkhuni), désigne les membres de la communauté monastique bouddhique (« sangha »), pleinement ordonnés, vivant uniquement de ce qui est offert et observant les préceptes définissant une vie de renoncement et de simplicité. Ils ne sont pas autorisés à utiliser de l’argent et ne peuvent manger que ce qui est offert. Ce sont d'abord les hommes qui se sont réunis en communauté monastique, avant que les femmes puissent aussi s'organiser de cette manière[3].

Bhikkhu (littéralement « mendiant ») n'a pas de réel équivalent dans le vocabulaire religieux des langues occidentales (le mot « prêtre » n'est en principe pas utilisé[4] puisqu'il n'y a pas de sacerdoce bouddhiste); on le traduit communément par « moine »[5], bien que ce terme ne corresponde pas vraiment à bhikkhu. Quant au terme « bonze », issu du japonais bozu, il reste utilisé, bien que lui aussi inadéquat[réf. nécessaire].

Le monachisme dans l'islam modifier

Le Coran évoque les moines et le monachisme :

« Tu trouveras certainement que les Juifs et les associateurs sont les ennemis les plus acharnés des croyants. Et tu trouveras certes que les plus disposés à aimer les croyants sont ceux qui disent: “Nous sommes chrétiens”. C'est qu'il y a parmi eux des prêtres et des moines, et qu'ils ne s'enflent pas d'orgueil. »

— Coran, V, 82

« Ils ont pris leurs rabbins et leurs moines, ainsi que le Christ fils de Marie, comme Seigneurs en dehors d'Allah, alors qu'on ne leur a commandé que d'adorer un Dieu unique. Pas de divinité à part Lui ! Gloire à Lui ! Il est au-dessus de ce qu'ils [Lui] associent. »

— Coran, IX, 31

« Ô vous qui croyez ! Beaucoup de rabbins et de moines dévorent, les biens des gens illégalement et [leur] obstruent le sentier d'Allah. […] »

— Coran, IX, 34

« Ensuite, sur leurs traces [Noé et Abraham], Nous avons fait suivre Nos [autres] messagers, et Nous les avons fait suivre de Jésus fils de Marie et lui avons apporté l’Évangile, et mis dans les cœurs de ceux qui le suivirent douceur et mansuétude. Le monachisme qu'ils inventèrent, Nous ne le leur avons nullement prescrit. [Ils devaient] seulement rechercher l'agrément d'Allah. Mais ils ne l'observèrent pas (ce monachisme) comme il se devait. Nous avons donné leur récompense à ceux d'entre eux qui crurent. Mais beaucoup d'entre eux furent des pervers. »

— Coran, LVII, 26-27

 
Derviches turcs de l'ordre Mevlevi s'inclinant à l'unisson à la fin de leur tourbillon.

Pour l'islam, Mahomet, dans un hadith dont l'authenticité est restée discutée, aurait précisé qu'il n'y « pas de monachisme en islam »[6] (lā rahbāniyya fī l-islām). Néanmoins, dès les débuts de cette religion, la rahbāniyya (continence et solitude) des croyants est prescrite. Des vœux de chasteté et d'un total abandon de soi à Dieu (islām), dans l'imitation du Jésus coranique, marquèrent les débuts du soufisme avec l'apparition de confréries (ṭuruq), dans le désir d'une perfection intérieure collective plus que dans la fondation de communautés monastiques au sens strict[7].

Le Coran, au verset 27 de la sourate 57, commente le monachisme chrétien, et affirme que Dieu n'a jamais prescrit aux chrétiens le monachisme, qu'il est une invention humaine. Ce passage (« Le monachisme […] se devait ») est un ajout au texte original du verset : selon Édouard-Marie Gallez, cet ajout apparaît au Xe siècle, en plein débat sur la tolérance envers le monachisme ; d'autre part, Emran El-Badawi suggère que les vv. 26-27 seraient une référence aux Actes des apôtres, avec une critique du rejet de la Loi juive par les premiers chrétiens Gentils, notamment par l’Église d'Antioche fondée par Paul de Tarse[8].

Notes et références modifier

  1. Antoine Guillaumont, « La conception du désert chez les moines d'Égypte », Revue de l'histoire des religions, vol. 88,‎ , p. 3-21
  2. Une famille mondiale composée de 7500 moines et de 13000 moniales en 2018
  3. a et b Philippe Cornu, Dictionnaire encyclopédique du bouddhisme, Paris, Seuil, 2006 (ISBN 978-2-020-82273-2) p. 82; 385-387.
  4. On le trouve cependant en tout cas en anglais. V. par ex., Buswell & Lopez, The Princeton Dictionary of Buddhism, Princeton, 2014, p. 140 (s.v. « bonze »).
  5. (en) Robert E. Buswell Jr. et Donald S. Lopez Jr., The Princeton Dictionary of Buddhism, Princeton, Princeton University Press, , xxxii, 1265 (ISBN 978-0-691-15786-3), p. 115-116
  6. Notamment cité par Tabarsi, dans son tafsir Majma' al-Bayan pour la sourate 57, versets 26-27.
  7. André Bareau, Guy Bugault, Jacques Dubois, Henry Duméry, Louis Gardet, Jean Gouillard, « Monachime », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 22 septembre 2020. URL : https://www.universalis.fr/encyclopedie/monachisme/
  8. Mohammad Ali Amir-Moezzi et Guillaume Dye (dir.), Le Coran des Historiens, vol. 2b, Le Cerf, , 2386 p. (ISBN 978-2-204-13551-1), p. 1675-1676.

Voir aussi modifier

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Bibliographie modifier

Christianisme
  • Cédric Andriot, « Du nécrologe à l'oraison funèbre, la mort du bon religieux », dans C. Barralis, C. Marchal et A. Wagner, Le testament spirituel, du Moyen Âge à l'époque moderne. Legs, salut de l'âme, miroir des vertus chrétiennes, Metz, CRULH, 2013, p. 105-119
  • Jacques Dalarun, Modèle monastique. Un laboratoire de la modernité, CNRS Éditions, 2019, 320 p.
  • Ghislain Lafont, Des moines et des hommes, Stock, 1975
  • Marcel Pacaut, Les Ordres monastiques et religieux au Moyen Âge, Nathan, 1993
  • Dom Maurus Wolter, La vie monastique : ses principes essentiels, Paris, Parthénon, 2018.
Bouddhisme
  • Wijayaratna (Môhan), Le Moine bouddhiste selon les textes du Theravâda, Cerf, Paris, 1983
Islam
  • Yves Lacoste, Ibn Khaldoun, Naissance de l'histoire, passé du tiers monde, La Découverte/Syros, Paris, 1998

Articles connexes modifier

 
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