Ministère de l'Immigration, de l'Intégration, de l'Identité nationale et du Développement solidaire

Ministère français (2007-2010)

Ministère de l'Immigration, de l'Intégration, de l'Identité nationale et du Développement solidaire
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Situation
Création
Dissolution
Type Ministère français
Siège Hôtel de Rothelin-Charolais
101, rue de Grenelle
Drapeau de la France Paris 7e
Budget 538,3 millions d’euros (2009)
Organisation

Le ministère de l'Immigration, de l'Intégration, de l'Identité nationale et du Développement solidaire, initialement appelé ministère de l'Immigration, de l'Intégration, de l'Identité nationale et du Codéveloppement, est l'un des quinze ministères du gouvernement François Fillon, instauré sous la présidence de Nicolas Sarkozy.

Le ministère est créé par le décret du (gouvernement Fillon). Son siège est situé à l'hôtel de Rothelin-Charolais, au n° 101 de la rue de Grenelle dans le 7e arrondissement. Le ministère est dirigé du au par Brice Hortefeux puis par Éric Besson jusqu'au . Il est ensuite supprimé.

Compétences ministérielles modifier

Immigration modifier

La compétence dépendait avant 2007 des différents ministères chargés de l'Intérieur, du Travail, des Affaires étrangères.

D'après le décret du , il est compétent dans plusieurs domaines :

  • Les naturalisations et l'enregistrement des déclarations de nationalité à raison du mariage. Il est associé à l'exercice par le garde des sceaux, ministre de la justice, de ses attributions en matière de déclaration de nationalité et de délivrance des certificats de nationalité française.
  • Dans le respect des attributions du ministre de l'économie, des finances et de l'emploi en matière de statistique, il coordonne la collecte, l'analyse et la diffusion des données relatives à l'immigration et à l'intégration des populations immigrées. Il est associé à la collecte et à l'analyse des données relatives à la population.
  • Il prépare et met en œuvre les règles relatives aux conditions d'entrée, de séjour et d'exercice d'une activité professionnelle en France des ressortissants étrangers.

Les règles applicables aux étrangers (dispositions législatives et règlementaires) sont regroupées dans le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Le ministre Brice Hortefeux s'était fixé comme objectif d'éloigner du territoire français 25 000 étrangers qui y séjournent illégalement au cours de l'année 2007[1].

Une partie des agents et des missions de l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances (Acsé) ont été transférées vers l'Office français de l'immigration et de l'intégration, qui dépend du Ministère de l'Immigration, en [2].

Intégration modifier

Jusqu'à la création de ce ministère, le dispositif d'aide à l'intégration était réparti entre plusieurs structures : le ministère chargé des Affaires sociales, celui chargé de la politique de la Ville. Le Haut Conseil à l'intégration, créé en 1989, dépend budgétairement de ce ministère.

D'après le décret du , « il est responsable de l'accueil en France des ressortissants étrangers qui souhaitent s'y établir et est chargé de l'ensemble des questions concernant l'intégration des populations immigrées en France. Pour l'exercice de cette mission, il est associé à la définition et à la mise en œuvre des politiques d'éducation, de culture et de communication, de formation professionnelle, d'action sociale, de la ville, d'accès aux soins, à l'emploi et au logement et de lutte contre les discriminations. »

Le , Thierry Mariani rapporteur du projet propose un amendement au projet de loi Hortefeux sur l'immigration et l'asile, visant à instaurer un test ADN afin de vérifier la filiation des candidats au regroupement familial.

Identité nationale modifier

D'après le décret du , il « participe, en liaison avec les ministres intéressés, à la politique de la mémoire et à la promotion de la citoyenneté et des principes et valeurs de la République. »

Développement solidaire modifier

La politique d'aide au développement était avant le décret du pris en charge par le Ministère des Affaires étrangères (coopération).

D'après le décret du , « Il est chargé de la politique de codéveloppement et, en liaison avec le ministre des affaires étrangères et européennes et le ministre de l'économie, des finances et de l'emploi.

Il participe à la définition et à la mise en œuvre des autres politiques de coopération et d'aide au développement qui concourent au contrôle des migrations. »

Organisation modifier

Ministre et cabinet modifier

2007-2009 2009-2010
Ministre Brice Hortefeux Éric Besson
Directeur du cabinet Thierry Coudert Christian Decharrière
Directeur adjoint du cabinet Guillaume Larrivé Franck Supplisson
Chef de cabinet Pierre Castoldi Sandrine Arfi-Haustraete

[3],[4]

Secrétaire général à l'immigration et à l'intégration modifier

La direction de la Population et des Migrations est rattachée le au ministère de l'Immigration, avant d'être supprimée. Créée le , elle était jusque-là rattachée au ministère du Travail et des Affaires sociales. Entre 1966 et 2001, elle est située dans le bâtiment hébergeant les services des ministères chargés des Affaires sociales et de la Santé, place de Fontenoy (7e arrondissement de Paris), entre 2001 et 2006 10 rue Brancion (15e arrondissement) et entre 2006 et 2007 11 place des Cinq-Martyrs-du-Lycée-Buffon (15e arrondissement)[5].

Le préfet Patrick Stefanini met en place l'administration du ministère, avant d’en être nommé secrétaire général[6],[7]. Stéphane Fratacci lui succède en mai 2009[8]

Le décret du précise l'organisation de l'administration centrale du ministère : elle comprend, sous l'autorité du secrétaire général :

  • la direction de l'immigration ;
  • la direction de l'accueil, de l'intégration et de la citoyenneté ;
  • le service de l'asile ;
  • le service de la stratégie ;
  • le service de l'administration générale et des finances ;
  • le service des affaires européennes ;
  • le service des affaires internationales et du codéveloppement ;
  • la mission de la communication[9].

Le secrétariat général à l'immigration et à l'intégration est maintenu après novembre 2010, sous l’autorité du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration[10]. Il est supprimée en 2013, à sa place est créée la direction générale des étrangers en France du ministère de l'Intérieur[11].

Critiques modifier

Stratégie électorale et protestations modifier

Annoncé par Nicolas Sarkozy lors de la campagne présidentielle française de 2007, sur une initiative de Patrick Buisson qui en perçut les sondages favorables[12], il répond dans un premier temps à une stratégie électorale : entraver la montée dans les sondages de François Bayrou qui met en avant les notions de terroir et d'identité auxquelles une majorité de Français répond positivement. Le positionnement du candidat Sarkozy sur ces thèmes fera reculer dans les sondages le candidat du MoDem[13]. Buisson sera néanmoins très critique sur ce ministère, notamment sur Eric Besson : « Que pouvait-on attendre de cet ancien député socialiste, rallié à Sarkozy au lendemain du premier tour de la présidentielle, sinon qu'il reprît le flambeau de l'inaction obligeamment transmis par son prédécesseur ? ».

L'existence de ce ministère politique est controversée dès son origine, en particulier à cause de l'association des termes « identité nationale » et « immigration ». Dès sa création effective, le , huit universitaires de la Cité nationale de l'histoire de l'immigration ont annoncé leur démission en signe de protestation[14],[15]. Le Réseau scientifique TERRA lance, le , un appel à inverser la problématique du rapport entre identité nationale et immigration[16]. De nombreuses associations, comme le Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples (MRAP), le Comité catholique contre la faim et pour le développement, ou encore le Réseau éducation sans frontières, ont également protesté contre la création de ce ministère. Doudou Diène, rapporteur spécial de l'ONU contre le racisme, entendu en par le Conseil des droits de l'Homme de l'ONU, y a vu une « banalisation du racisme » et une « lecture ethnique et raciale des questions politiques, économiques et sociales et le traitement idéologique et politique de l'immigration comme un enjeu sécuritaire et comme une menace à l'identité nationale » [17].

De son côté, Brice Hortefeux, premier ministre de l'Immigration défend que la création de ce ministère rompt avec « l'habitude d'occulter l'immigration du débat politique ». Selon lui, « le problème n'était pas l'immigration mais plutôt l'absence d'une politique d'immigration ». Il défend que la conduite d'une politique « humaine et ferme » permettra de « développer les intérêts économiques de la France tout en préservant ses convictions humanitaires »[1].

Le , Libération relaie une pétition, avec plus de 200 signatures de personnalités et d'intellectuels, contre ce ministère[18]. Ils dénoncent la « confusion des rôles et des fonctions » créée par l'intitulé donné au « ministère de l'Immigration, de l'Identité nationale et du Codéveloppement ».

Le a lieu un colloque à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS) de Paris réunissant environ 200 chercheurs, première étape d'une mobilisation universitaire qui aboutira à la création en de l'Observatoire de l'institutionnalisation de la xénophobie[19]. Il vise à favoriser l’autonomie de la production intellectuelle en ce qui concerne l’érosion des perceptions humanistes de l’altérité et la stigmatisation de l’étranger comme problème, risque ou menace dans le fonctionnement ordinaire d’autorités instituées. Il étudie également le développement de la xénophobie dans l’ensemble de la population sous l’effet des discours et des actes de ces autorités. Il publiera en le numéro 4 de la revue Asylon(s) : "Institutionnalisation de la xénophobie en France" [20].

Au printemps 2008, la revue Cultures et Conflits publie un numéro 69 intitulé « Xénophobie de gouvernement, nationalisme d’État »[21] dans lequel le coordinateur du numéro soutient que cette création ministérielle plonge ses racines dans une histoire d'un demi-siècle durant laquelle se forme une « xénophobie de gouvernement »[22] exprimée par les actes et discours d’autorités publiques qui désignent l’étranger comme un problème, un risque ou une menace et activent ainsi d’autres formes de xénophobie. Le nationalisme d’État incarné par le nouveau ministère apparaît comme un résultat de cette histoire au long cours.

En le ministère de l'immigration organise un sommet de ministres européens à Vichy sur le thème de l'intégration. Le choix de la ville, en raison de son histoire en 1940 apparaît problématique pour des associations telles que la Ligue des Droits de l'Homme[23]. Le député de l'Allier, Michel Charasse s'en étonne à l'occasion d'une question posée au gouvernement devant l'Assemblée nationale[24].

Le , vingt chercheurs publient une tribune dans Libération dans laquelle ils appellent « les habitants, les associations, les partis et les candidats aux futures élections à exiger avec nous la suppression de ce "ministère de l’Identité nationale et de l’Immigration", car il met en danger la démocratie »[25]. Conjointement, le journal publie sur son site un entretien avec le sociologue Michel Wieviorka, qui qualifie ce ministère de « catastrophe intellectuelle et politique pour l'image générale de la France »[26].

Politique de lutte contre l'immigration illégale modifier

 
Éric Besson, ministre de janvier 2009 à novembre 2010.

Des quotas de reconduite à la frontière modifier

Le ministère s'est donné pour objectif de reconduire à la frontière 25 000 étrangers en situation irrégulière pour l'année 2007. Brice Hortefeux a ainsi convoqué « la vingtaine de préfets n'ayant pas atteint leurs objectifs d'expulsion de sans-papier », pour leur demander « d'améliorer leurs résultats en termes de reconduites à la frontière »[27].

Des associations de défense des étrangers en situation irrégulière ont critiqué cette mesure qualifiée de « politique du chiffre »[28]. Pour elles, cette politique est dangereuse, car elle est incompatible avec une gestion impartiale des demandes de régularisation ainsi que des recours formulés par des étrangers lorsqu'ils reçoivent une obligation de quitter le territoire français. En effet, un étranger ne peut en principe être éloigné dans certains cas, notamment s'il est mineur, s'il possède certains liens familiaux avec des personnes résidant en France, ou s'il risque d'être maltraité en cas de retour dans son pays. De plus, lors de toute expulsion il s'agit d'êtres humains, des « vies bousillées »[29] qui ne doivent pas être masquées derrière des chiffres.

Cette politique a aussi été critiquée par des policiers[30] qui acceptent d'arrêter des personnes en situation irrégulière sans qu'on les mette sous pression pour cela.

Coût financier modifier

Les défenseurs des personnes en situation irrégulière font remarquer les coûts très élevés de la politique du ministère, qui montrent selon eux son caractère absurde. Le budget de cette politique (centres de rétention, effectifs de la Police de l'Air et des Frontières, billets d'avion) est estimé dans Les Échos à 687 millions d'euros en 2007[31]. Cela représente plus de 27 000 € par personne reconduite si l'on considère 25 000 personnes. Les coûts indirects, comme les policiers mobilisés pour les contrôles d'identité, sont beaucoup plus difficiles à estimer[32].

Opérations de police modifier

Pour arrêter des étrangers en situation irrégulière, les policiers organisent des opérations de grande envergure en mobilisant des effectifs importants et en bouclant des quartiers le temps de contrôler l'identité de nombreuses personnes. Les associations de défense des étrangers en situation irrégulière dénoncent ces opérations qui, non seulement mobilisent des moyens disproportionnés, mais aussi contribuent à stigmatiser certains quartiers et certaines personnes. Les quartiers ciblés sont ceux qui ont une forte proportion d'étrangers et les contrôles sont faits « au faciès »[33] comme le confirment certains tribunaux[34]. La presse de gauche et de nombreuses associations défendant les étrangers en situation irrégulière qualifient ces opérations de « rafles » — terme qui avait été employé dans un communiqué de 2005 par la Cimade Île-de-France, le Gisti et le Syndicat de la magistrature[35].

Notes et références modifier

  1. a et b Immigration : Brice Hortefeux s'explique ; Le Figaro ; 1er juin 2007 (article en ligne « Copie archivée » (version du sur Internet Archive))
  2. Arrêté du 29 avril 2009 fixant les opérations de restructuration de service ainsi que les modalités et les montants de la prime de restructuration de service, de l'allocation d'aide à la mobilité du conjoint et à l'indemnité de départ volontaire instituées par les décrets n° 2008-366 du 17 avril 2008 et n° 2008-368 du 17 avril 2008 aux agents de l'Office français de l'immigration et de l'intégration
  3. « lannuaire.service-public.fr/se… »(Archive.orgWikiwixArchive.isGoogleQue faire ?).
  4. http://sarkofrance.blogspot.com/2008/05/les-collaborateurs-de-lidentit.html
  5. « L'organisation des services centraux du ministère du travail 1945-2012 - Tome I - 1945-1989 », Les cahiers du comité d’histoire des administrations chargées du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle n°15-16, décembre 2012, page 12.
  6. « Assemblée nationale ~ Compte rendu de réunion de la mission d'évaluation et de… », sur assemblee-nationale.fr (consulté le ).
  7. Décret du 4 janvier 2008 portant nomination du secrétaire général du ministère de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement - M. Stefanini (Patrick)
  8. Décret du 14 mai 2009 portant nomination du secrétaire général du ministère de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire - M. FRATACCI (Stéphane)
  9. Décret n° 2007-1891 du 26 décembre 2007 portant organisation de l'administration centrale du ministère de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement
  10. Décret n° 2010-1444 du 25 novembre 2010 relatif aux attributions du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration
  11. Décret n° 2013-728 du 12 août 2013 portant organisation de l'administration centrale du ministère de l'intérieur et du ministère des outre-mer
  12. La scène est racontée par Philippe de Villiers dans Le Moment est venu de dire ce que j'ai vu qui conclut « Vives protestations à gauche. Trois jours après, la courbe de Sarko repart à la hausse : cinq points d'un coup. Merci docteur Patrick ».
  13. Patrick Buisson, La Cause du peuple, Perrin, 2016, p.50 et suiv.
  14. Identité nationale : 8 universitaires démissionnent ; Le Nouvel Observateur ; 18 mai 2007(article en ligne « Copie archivée » (version du sur Internet Archive))
  15. Ministère de l'immigration: première crise, premières démissions ; Libération ; 18 mai 2007 (article en ligne « Copie archivée » (version du sur Internet Archive))
  16. Appel du réseau TERRA : Identité nationale et immigration : inversons la problématique !
  17. Un expert de l'ONU fustige le ministère de l'Immigration, article du Nouvel Observateur du 11 juin 2007 « Copie archivée » (version du sur Internet Archive).
  18. « Nous protestons contre la dénomination et les pouvoirs dévolus à ce ministère », Libération, 22 juin 2007.
  19. « http://observix.lautre.net/ »(Archive.orgWikiwixArchive.isGoogleQue faire ?)
  20. Observ.i.x (coord.)"Institutionnalisation de la xénophobie en France", revue en ligne Asylon(s), n°4, mai 2008, Texte intégral en ligne
  21. "Xénophobie de gouvernement, nationalisme d'État" , Cultures & Conflits - Sociologie politique de l’international, n°69, printemps 2008 : Lire en ligne
  22. J. Valluy, Rejet des exilés - Le grand retournement du droit de l'asile, Éditions Du Croquant, 2009,
  23. « Un sommet des ministres européens de l’Immigration... à Vichy » sur le site de la LDH.
  24. Question n°768 du 06/11/2008 sur le site de l'Assemblée nationale.
  25. « "Nous exigeons la suppression du ministère de l’Identité nationale et de l’Immigration" », Libération, 4 décembre 2009.
  26. Lilian Alemagna, «Ce débat conforte des positions de fermeture et de xénophobie, plus que d’ouverture», sur Libération.fr, (consulté le )
  27. Journal LeMonde.fr du 11 septembre 2007
  28. Journal LeMonde.fr du 12 septembre 2007
  29. « Des actes terribles justifiés par des propos qui font froid dans le dos », Réseau éducation sans frontières, 9 septembre 2007.
  30. « Quota d'expulsions : malaise chez les flics », lci.fr, 12 septembre 2007.
  31. « Immigration irrégulière : forte hausse du budget des reconduites à la frontière en 2007 », Les Échos, 28 septembre 2006.
  32. « Sans-papiers : l’autre "chiffre" de la politique d’expulsion », Mouvements, mars 2007.
  33. [PDF] [1] Rapport 2006 de la Cimade sur les centres de rétention
  34. Lire aussi l'ordonnance n°248/2007 de la Cour d'appel de Rennes publiée par Rue89
  35. Renvoi forcé des étrangers : les rafles de la politique du chiffre

Annexes modifier

Textes modifier

Articles connexes modifier