Massacre du Pont de l'Industrie à Rome

Allégué execution de civils commis en Italie durant la Seconde guerre mondiale

Le Massacre du Pont de l'Industrie à Rome (appelé par les Romains « Pont de fer ») est survenu le dans le quartier Ostiense, dans le sud de Rome.

Stèle commemorative

Resté oublié pendant plus de cinquante ans ce massacre eut lieu en représailles à l'assaut du four à pain Tesei, qui approvisionnait les troupes d'occupation nazies et fascistes : dix femmes, surprises par les soldats nazis avec du pain et de la farine, furent alignées le long des barrières du pont et fusillées.

En 1997 sur le lieu du massacre la municipalité fit placer une plaque commémorative, à l'initiative de Carla Capponi (1918-2000) ancienne résistante des GAP (Gruppi d'Azione Patriottica) puis parlementaire[1] et à la suite de recherches menées par le journaliste et historien de la Résistance Cesare De Simone († 1999), qui a fait revivre le souvenir du massacre et a rendu leurs noms aux victimes[2] : Clorinda Falsetti, Italia Ferracci, Esperia Pellegrini, Elvira Ferrante, Eulalia Fiorentino, Elettra Maria Giardini, Concetta Piazza, Assunta Maria Izzi, Arialda Pistolesi, Silvia Loggreolo. Le cadavre d'une des femmes aurait été retrouvé nu sous le pont[3].

Les assauts aux fours et le massacre modifier

Le tragique épisode doit être replacé dans le contexte de cette période du printemps 1944 dans Rome occupée et doit être considéré comme une conséquence directe de l'ordonnance promulguée le par le général Kurt Maeltzer, commandant de la ville de Rome pendant l'occupation, qui avait réduit à 100 grammes la ration journalière de pain destinée aux civils.

Dans de nombreux quartiers de Rome, les femmes protestèrent devant les fours, en particulier à proximité de ceux qui étaient soupçonnés de panifier le pain blanc destiné aux troupes d'occupation.

Le 1er avril, au four Tosti (quartier Appio) la longue attente pour la distribution transforma le mécontentement populaire en rébellion.

Le 6 avril, à Borgo Pio, un camion qui journellement retirait le pain pour le livrer à la caserne des miliciens de la GNR (en italien, Guardia Nazionale Repubblicana) fut bloqué et pillé.

L'assaut des fours qui obligea les nazis fascistes à escorter les convois et à surveiller les dépôts et points de distribution, se répéta dans divers quartiers de la capitale[4], jusqu'à l'événement tragique du Pont de l'Industrie le vendredi de Pâques.

Le fait est rapporté par Carla Capponi :

« Les femmes des quartiers Ostiense, Portuense et Garbatella avaient découvert que le four panifiait du pain blanc et avait un gros stock de farine. Elles décidèrent d'attaquer le dépôt qui ne semblait pas être gardé par les troupes allemandes. Le directeur du four, qui était peut-être d'accord avec ces désespérées ou voulait éviter des dommages aux machines, les laissa entrer. Les femmes prirent possession de petites quantités de pain et farine mais malheureusement quelqu'un appela la police allemande et de nombreux soldats de la Wehrmacht arrivèrent alors que les femmes étaient encore sur place avec leur butin de pain et de farine.

À la vue des soldats nazis, les femmes cherchèrent à fuir, mais ceux-ci bloquèrent le pont tandis que d'autres se placèrent sur la route. Prises en étau entre les deux blocs, les femmes se virent perdues et quelques-unes cherchèrent le salut le long du fleuve en descendant vers la rive, tandis que d'autres laissèrent tomber à terre le butin et se rendirent en hurlant et implorant miséricorde. Ils en capturèrent dix, les placèrent contre la balustrade du pont, le visage tourné vers le fleuve qui coulait sous leurs pieds. Un lourd silence plana soudain sur le lieu, on entendait uniquement les ordres secs du caporal qui préparait le massacre. Certaines priaient mais n'osaient pas se retourner et regarder les assassins qui les maintenaient en respect jusqu'au moment où le reste des femmes puisse être éloigné des lieux et que les fenêtres d'une maisonnette construite à la lisière du pont puissent être fermées. Certains Allemands se placèrent derrière les femmes, puis les abattirent d'un geste soudain « comme on tue les bêtes à l'abattoir » : c'est le terme que m'a cité une amie de la Garbatella de nombreuses années plus tard, quand je voulus qu'une stèle rappelle le martyre.

Les dix femmes furent laissées à terre parmi les pains (en italien, pagnotte) abandonnés et la farine trempée de sang. Le pont fut occupé toute la journée, empêchant que les cadavres puissent être récupérés. Ce ne fut que pendant la nuit qu'ils furent transportés à la morgue où eut lieu la triste cérémonie de la reconnaissance de la part de leurs parents. »

— Carla Capponi cit., p.  245-246.

Le 3 mai suivant vit tomber la dernière victime de la protestation. Il s'agit d'une mère de six enfants, Caterina Martinelli qui, tandis qu'elle rentrait à la maison avec son sac plein de pain après l'attaque d'un four situé borgata Tiburtino III, a été fauchée par une rafale de mitraillette de la part de militaires de la PAI (en italien, Polizia dell'Africa Italiana[5].)

Œuvres cinématographiques et théâtrales modifier

  • Le ragazze del ponte (2001), moyen métrage (52 minutes), réalisation Emanuela Giordano ; autre titre : 7 Aprile 1944 – Storie di donne senza storia.
  • I dieci angeli del ponte (2004), texte de Paolo Buglioni et Alessia Bellotto Gai, réalisation d'Alessia Gai, spectacle théâtral présenté au Teatro San Paolo à l'occasion du 60e anniversaire du massacre.

Notes et références modifier

  1. Carla Capponi, Con cuore di donna, Il Saggiatore, Milan 2000, (ISBN 88-515-2073-9), p. 246. De fait une plaque avait été posée tout de suite après la guerre mais aurait été enlevée par un acte de vandalisme. La plaque de 1997, en pierre et en bronze, est l'œuvre du sculpteur Giuseppe Michele Crocco.
  2. De Simone en fouillant dans les archives était tombé sur un compte-rendu sommaire de l'épisode ; ce qui l'amena à questionner des témoins et à entreprendre des investigations en cherchant dans le cimetière du Verano et en faisant paraître des annonces dans des quotidiens de Rome. L'ex-capitaine nazi de la SS, Erich Priebke, jugé en 1996 et 1998 par les tribunaux militaires de Rome pour avoir participé au massacre des Fosses adréatines, affirma au cours des interrogatoires ne pas avoir entendu parler du massacre : « Je n'ai jamais rien su de ce qu'a dit l'avocat, concernant l'exécution de femmes. Cela ne rentrait pas dans mes compétences. Jamais je n'en ai eu la moindre nouvelle. En tout cas on n'a jamais fusillé de femmes à Rome à l'époque de l'occupation allemande. Il n'y avait pas de femmes aux Fosses adréatines » - « Et même Kappler, votre supérieur direct, ne vous en a jamais parlé ? » - « Absolument pas ».
  3. Le témoignage, contenu dans l'ouvrage cité de De Simone, est dû à celui qui était alors le très jeune curé de San Benedetto all'Ostiense : « Oui, je les ai vues. J'ai vu ces dix femmes. Pour mieux dire, j'ai vu leurs corps. J'étais à l'église et avec des paroissiens je déblayais les décombres après un bombardement. Des femmes sont arrivées en courant et se sont mises à crier que je devais aller vite parce qu'au four à pain Tesei, les SS avaient pris dix femmes et ils étaient en train de les fusiller. C'était, je m'en souviens bien, le 7 avril. Je courus et j'arrivai sur le pont. Les SS m'arrêtèrent et ensuite il arriva même un membre de la Brigade Noire avec une « M » rouge sur le béret. Ils me dirent que tout était inutile parce que les femmes avaient déjà été fusillées. Ensuite, ils m'emmenèrent sous le pont et je pus donner ma bénédiction à cette femme toute nue qu'ils avaient assassinée sur place ».
  4. Divers attaques se produisent dans les quartiers Trionfale et Prati (via Vespasiano, via Ottaviano et via Candia), guidés par les sœurs De Angelis, par Maddalena Accorinti et autres. Sur la via Leone IV, en face du siège de la délégation rionale, éclate une protestation contre la suspension de la distribution de pommes de terre et farine de lait ; le four De Acutis est assailli, probablement avec le consentement du propriétaire qui après avoir distribué pain et farine s'est mis en clandestinité.
  5. Carla Capponi cit., pp. 246-247.

Source de la traduction modifier

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