Marie-Andrée Lagroua Weill-Hallé

gynécologue française
Marie-Andrée Lagroua Weill-Hallé
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Biographie
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Benjamin Weill-Hallé (d)Voir et modifier les données sur Wikidata

Marie-Andrée Lagroua Weill-Hallé (1916-1994) est une gynécologue, fondatrice du mouvement « La maternité heureuse » en 1956, qui devient plus tard le Mouvement français pour le planning familial. Elle en est la présidente jusqu'en 1966. Par la suite, au moment où la loi sur l'accès à la contraception en France est sur le point d'être changée, Weill-Hallé quitte ce mouvement, en raison de son désaccord avec la ligne générale du mouvement sur les questions d'éducation à la contraception ou de légalisation de l'avortement.

Biographie modifier

Marie-Andrée Lagroua est née le au Bouscat, dans le département de la Gironde, dans une famille bourgeoise : ses parents sont Jeanne Denis et André Lagroua, fonctionnaire colonial[1]. Élevée dans la religion catholique, elle milite dans les Jeunesses étudiantes chrétiennes (JEC).

Après des études secondaires à Bordeaux, elle entreprend des études médicales à la faculté de médecine de Paris et opte pour la gynécologie médicale. Elle est externe des hôpitaux de Paris en 1938 et gynécologue médicale à Paris à partir de 1941[2].

En 1944, elle épouse le pédiatre Benjamin Weill-Hallé (1878-1958), instigateur du BCG en France, qui a dirigé sa thèse sur « La vaccination au B.C.G. par scarifications cutanées et l'allergie consécutive »[1].

Militantisme en faveur du contrôle des naissances modifier

L'avortement et la contraception sont interdits en France par plusieurs lois répressives, notamment la loi du qui proscrit également la possibilité d'une éducation au planning des naissances, du fait de l'interdiction de la « propagande anti-conceptionnelle ». Cette politique sera poursuivie tout au long de la Troisième République, puis sous le régime de Vichy. Ainsi, en 1946, le Code de la famille comprend-il encore une liste de contraceptifs interdits[3].

En 1946, la doctoresse Marie-Andrée Lagroua Weill-Hallé découvre la nouvelle méthode de régulation des naissances de la contraception orale, initiée par Margaret Higgins Sanger, qui exerce en tant qu'infirmière et sage-femme aux États-Unis. L'année suivante, elle rencontre avec son mari la militante américaine, qui lutte pour la contraception et la liberté d'expression et sa structure l'American Birth Control League (Ligue pour le contrôle des naissances), qui devient dans les années 1930 le Family Planning Association, le « planning familial » américain. Confrontées à des cas problématiques d'avortement à l'hôpital (curetages à vif, patientes décédées) et aux grossesses non désirées des femmes dans son cabinet, elle prend conscience de la nécessité de laisser aux couples la possibilité de choisir le moment d'avoir leurs enfants[1].

Dans les années 1950, Marie-Andrée Lagroua Weill-Hallé contribue à transformer les usages sociaux de la contraception. En 1953, elle publie un article sur Le contrôle des naissances à l'étranger et la loi française de 1920 dans La Semaine des hôpitaux[4], dans lequel elle propose de modifier la loi répressive sur la contraception afin de lutter contre les dangers de l'avortement clandestin. En 1955, elle se porte témoin à décharge dans un procès d'infanticide qui défraye la chronique[5]. Elle fait à la suite de cela un discours à l'Académie des sciences morales et politiques[6]. Ses propos sont repris par la presse, notamment dans Le Monde et ouvrent un débat dans la société française. Une grande enquête est notamment menée par le journaliste Jacques Derogy pour le journal Libération en , publiée ensuite sous forme de livre en 1956 aux éditions de Minuit sous le titre Des enfants malgré nous. Plusieurs articles paraissent également dans France-Observateur et L'Express, qui soutiennent la libéralisation du contrôle des naissances[7].

En 1956, Marie-Andrée Lagroua Weill-Hallé dépose, avec la sociologue Évelyne Sullerot, les statuts de l'association Maternité Heureuse, qui officiellement ne promeut pas le contrôle des naissances mais se consacre « aux problèmes de la maternité et ses répercussions sociales et psychologiques » pour ne pas tomber sous le coup de la loi de 1920. Cependant, rapidement, l'association devient une fédération d'associations départementales et promeut la libre maternité : la fédération adhère en 1959 à l'International Planned Parenthood Federation et devient en 1960 le Mouvement français pour le planning familial (MFPF).

Dans ce combat, Marie-Andrée Lagroua Weill-Hallé et les membres du planning familial s'opposent à l’Église catholique[8] et au Parti communiste qui, jusqu'en 1965, s'oppose à la liberté de contraception[9], considérée comme « le vice de la bourgeoisie » pour reprendre l'expression de Jeannette Vermeersch en [10]. De plus, la même année, le Conseil national de l'Ordre des médecins adresse un blâme à Marie-Andrée Lagroua Weill-Hallé pour avoir créé « La Maternité Heureuse ». Néanmoins, elle est rejointe par d'autres médecins, femmes et hommes, qui dispensent une formation aux méthodes contraceptives à travers le Collège des médecins de l'association dirigé par le gynécologue Pierre Simon. Ce dernier participe au groupe Littré, un groupe de médecins francs-maçons, qui rédige trois projets de loi visant à abroger la loi de 1920, sans aboutir.

Marie-Andrée Lagroua Weill-Hallé publie plusieurs ouvrages afin de promouvoir le contrôle des naissances, dont certains sont préfacés par Simone de Beauvoir : Le planning Familial en 1959 chez Maloine et La Grand'peur d'aimer : journal d'une femme médecin en 1960 chez Julliard, qui raconte les cas dramatiques de grossesses non désirées rencontrés dans son cabinet.

En , un premier centre de planning familial est ouvert à Grenoble[11] à l'initiative du docteur Fabre et contre l'avis de Marie-Andrée Lagroua Weill-Hallé, qui craint la répression qui pourrait toucher l'association. Finalement, un deuxième centre est ouvert à Paris quelques mois plus tard en . On trouve dans ces centres, qui se multiplient ensuite partout en France, des informations et la possibilité d'obtenir des ordonnances pour des contraceptifs[12].

Le vote de la loi Neuwirth, adoptée par l'Assemblée nationale le , qui vient abroger celle du et autorise l’usage des contraceptifs, mettent un terme relatif à la loi « réprimant la provocation à l'avortement et la propagande anti-conceptionnelle », grâce à cette lutte du docteur Marie-Andrée Lagroua Weill-Hallé[13].

Celle-ci se désolidarise des orientations du MFPF, particulièrement à propos de la revendication de la gratuité de la contraception, de l'aide apportée à cet égard dans les centres du planning familial et de ses actions en faveur d'une libéralisation de l'avortement, qui est finalement légalisé par la loi Veil en 1975. Elle poursuit néanmoins son combat pour la liberté de la contraception au sein d'autres associations et organismes publics[1].

Hommage modifier

 
Plaque de la rue Marie-Andrée Lagroua Weill-Hallé à Paris.

Une voie du quartier de la Gare, dans le 13e arrondissement, créée dans le cadre de l'opération d'aménagement Paris Rive Gauche, porte le nom de rue Marie-Andrée-Lagroua-Weill-Hallé depuis 2003.

Publications modifier

  • Le Planning familial, Maloine éditeur, 1959, 87 pages.
  • La Grand'peur d'aimer, journal d'une femme médecin, René Julliard éditeur, 1960, 160 pages.
  • L'enfant-accident, Société des éditions modernes, 1961, 186 p.
  • L'Avortement de papa (avec la collaboration de Jacques Derogy et des illustrations de Siné – Essai critique pour une vraie réforme), éditions Fayard, Paris, 1971, 128 p., [pas d'ISBN].
  • La Contraception, Maloine éditeur, 1975, (ISBN 2224002084), 9782224002084, 40 pages.

Notes et références modifier

<div class="references-small decimal" style="column-width:Sandrine Garcia, "Marie-Andrée Lagroua Weill-Hallé", dans Christine Bard avec Sylvie Chaperon, Dictionnaire des Féministes France XVIIIe – XXIe siècle, Paris, Presses universitaires de France, 2017;">

  1. a b c et d Bard, Christine (1965-....)., Chaperon, Sylvie (1961-....). et Sandrine Garcia, Dictionnaire des féministes : France, XVIIIe – XXIe siècle, Paris, PUF, 1700 p. (ISBN 978-2-13-078720-4, OCLC 972902161, lire en ligne), p. 839-842
  2. Who's Who in France, 1993
  3. Yannick Ripa, « Le fait divers qui accoucha du Planning familial », Libération,‎ (lire en ligne)
  4. Marie-Andrée Lagroua Weill-Hallé, « "Le contrôle des naissances et la loi française de 1920", », La semaine médicale, Supplément de la semaine des Hôpitaux,‎ 22-03-1953.
  5. Annette Wieviorka et Danièle Voldman,, Tristes grossesses : l'affaire des époux Bac (1953-1956),, Le Seuil, 2019.
  6. Marie-Andrée Lagroua Weill-Hallé, « "Considérations sur la "maternité volontaire" », Revue des travaux de l'Académie des sciences morales et politiques et comptes rendus de séances,‎ , p. 85-90
  7. Bard, Christine, (1965- ...).,, Mossuz-Lavau, Janine, et Association Archives du féminisme,, Le planning familial : histoire et mémoire, 1956-2006, Rennes, Presses universitaires de Rennes, dl 2006, 209 p. (ISBN 978-2-7535-0389-2, OCLC 494212026, lire en ligne)
  8. Martine Sevegrand, Les enfants du bon Dieu : les catholiques français et la procréation au XXe siècle, Paris, Albin Michel, , 475 p. (ISBN 2-226-07621-2, OCLC 382254204, lire en ligne)
  9. Janine Mossuz, La régulation des naissances : les aspects politiques du débat, Revue française de science politique, Année 1966, 16-5, pp. 913-939
  10. Wieviorka, Annette, (1948- ...)., Maurice et Jeannette : biographie du couple Thorez, Paris, Perrin, dl 2016, 870 p. (ISBN 978-2-262-04197-7, OCLC 946470483, lire en ligne)
  11. « Ouverture du premier centre de planning familial à Grenoble », sur ina.fr (consulté le )
  12. Bibia Pavard, Si je veux, quand je veux : contraception et avortement dans la société française, 1956-1979, Rennes, Presses universitaires de Rennes, dl 2012, 358 p. (ISBN 978-2-7535-2026-4, OCLC 812528596, lire en ligne)
  13. Dr Lagroua Weill-Hallé, La Contraception et les Français, Maloine, , 240 p..

Annexes modifier

Articles connexes modifier

Liens externes modifier