Manuscrits de Sanaa

Les manuscrits de Sanaa, retrouvés en 1972 à Sanaa (Yémen)[1], sont un ensemble de manuscrits ou de fragments provenant de 926 Corans[2]. Parmi ceux-ci se trouvait un exemplaire exceptionnel pour l'histoire du Coran : un palimpseste. Les palimpsestes sont des manuscrits comportant deux couches. La couche supérieure est conforme au modèle standard du Coran, tandis que la couche inférieure effacée comporte de légères variantes.

Feuillet des Manuscrits de Sanaa. Le texte réécrit par-dessus est constitué des versets 2:265 à 271 du Coran.

Les deux textes présents sur ce palimpseste sont extraits du Coran et sont séparés de quelques dizaines d'années[3]. La scriptio inferior date du VIIe siècle et la scriptio superior du VIIIe siècle[4].

Découverte et historique récent des manuscrits modifier

En 1972, après de fortes pluies, un pan du mur de la Grande Mosquée de Sanaa au Yémen est tombé[5]. Des ouvriers qui rénovaient le mur dans les combles de la Grande Mosquée sont tombés par hasard sur environ un millier de volumes différents, dont les plus anciens remontent au Ier siècle de l'Hégire, constitués de fragments sur parchemins et sur papiers[6]. Il proviennent d'une cache située entre le toit et le plafond, aménagée lors de travaux récents comme le montre la présence d'imprimés[3]. N'ayant aucune idée de ce qu'ils avaient trouvé ils se sont contentés de ramasser les documents et de les stocker sous un escalier de la mosquée[7].

Qadhi Ismail al-Akwa', alors président de l'Autorité des Antiquités yéménites, s'est rendu compte de ce que pouvait représenter cette découverte et a sollicité des spécialistes pour en mener l'étude. En 1979 il a réussi à intéresser un chercheur ouest-allemand invité qui, à son tour, a demandé à son gouvernement d'organiser et de financer un projet de restauration[7]. La restauration du palimpseste a été organisée et supervisée par Gerd-Rüdiger Puin, spécialiste de calligraphie arabe et de paléographie coranique à l'université de la Sarre, qui a examiné de façon minutieuse les fragments de parchemin découverts dans cette collection. Elle révèle des ordonnancements de versets non conformes à la tradition, des variations mineures du texte et, assez rarement, des variations stylistiques touchant à l'orthographe et à l'embellissement artistique[7]. La quantité des objets trouvés est parfois vague dans les publications. Ainsi, en 1987, van Bothlmer évoque 22 manuscrits en écriture hijazi, tandis qu'en 1996, Puin évoque 90 manuscrits pré-coufiques[8].

Une quantité importante de matériel a été récupérée à partir du site à mesure que le travail se poursuivait. De 1983 à 1996, ce sont environ 15 000 des 40 000 pages qui ont été restaurées. Il s'agit de 12 000 fragments sur parchemin et de manuscrits qui remontent au VIIe – VIIIe siècle[9]. En 1997, le professeur Puin a fait des déclarations peu diplomatiques qui ont eu comme conséquence de le fâcher avec les autorités yéménites. Il est rentré en Allemagne avec les photographies microfilmées des parchemins restaurés. Il semble que ces photos aient par la suite été voilées et donc inutilisables.[pas clair][réf. nécessaire]. "Ces archives ne sont pas accessibles à l'heure actuelle" et peu de publications ont été publiées à leur sujet[8].

En 2015, à la suite de la Guerre civile yéménite de 2014-2015, l'universitaire américain Juan Cole exprime sa crainte que ces manuscrits soient détruits, par suite des bombardements saoudiens sur Sanaa[10].

Description matérielle du palimpseste modifier

Ce manuscrit est un livre de grande taille tel que cela se trouvait dans les mosquées. 80 feuillets sont actuellement identifiés, ce qui correspond approximativement à la moitié du manuscrit[3]. Les feuillets font 36.5x28.5cm, ce qui permet à Déroche de le comparer au codex Parisino-petropolitanus[11].

Gerd-Rüdiger Puin donne une datation au carbone 14 des feuillets des manuscrits, de 657 à 690[12]. Une datation récente de ce manuscrit montre une datation à 68% entre 614-658 et à 95% entre 578 et 669[13]. Pour Eléonore Cellard, la datation au Carbone 14 renvoie à la première moitié du VIIe siècle bien qu'elle souligne les incertitudes à interpréter de tels résultats puisque cette datation correspond à la date de mise à mort du mouton ayant servi à fabriquer les feuillets[3]. Afin d'illustrer les difficultés de ces datations, G. Dye souligne aussi que l'un des folios de ce manuscrits a été daté de 433-599, soit 10 ans avant le début de la prédication de Mahomet[13].

Ce palimpseste porte les noms de Codex Ṣanʿāʾ I ou S I(a) ou DAM 01-27.1[14], du nom du Dar al-Makhtutat où sont conservés trente-huit feuillets[8],[4]. 36 autres feuillets sont conservés in situ et d'autres sont passés sur le marché de l'art.[4]

Datation modifier

Certains spécialistes (par exemple John Wansbrough, Alois Sprenger ou Ignaz Goldziher) avaient soutenu avant la découverte des manuscrits de Sanaa que le Coran actuel serait le produit d'un travail de rédaction débutant au plus tôt au VIIIe siècle, soit environ un siècle après le décès de Mahomet[12]. Cet avis a été nuancé par la découverte de milliers de fragments plus anciens de Coran comme les manuscrits de Sanaa. Selon François Déroche, « au cours de la période qui va jusqu'à la réforme d'Ibn Mujâhid (IVe/Xe siècle), la rédaction à proprement parler est achevée, mais le texte reçoit le complément de ces différents signes qui le précisent progressivement et le fixent de mieux en mieux. L'introduction systématique de la vocalisation et des signes orthoépiques marque véritablement la fin de cette « rédaction ». La chronologie traditionnelle de cette rédaction a été remise en question récemment. John Wansbrough a défendu l'idée selon laquelle le texte, tel que nous le connaissons, a été transcrit tardivement, et a suggéré comme date la plus haute envisageable pour cette opération la fin du IIe/VIIIe siècle. »[Note 1],[15].

Le docteur Hans-Caspar Graf von Bothmer, spécialiste des manuscrits arabes de la période médiévale, a travaillé sur le projet de restauration et de catalogage des manuscrits de Sanaa. En étudiant les caractéristiques paléographiques, la décoration et l’enluminure d'un des très nombreux manuscrits, le Codex Ṣanaa DAM 20-33.1 qui contient 25 feuillets, von Bothmer a daté le texte de la dernière décennie du Ier siècle de l'Hégire, vers 91-96 H, soit 710-715, sous le règne du calife omeyyade Al-Walid[16]. G. Dye considère que la scriptio inferior date probablement du dernier tiers du VIIe siècle[13]. E. Cellard date la scriptio inferior du VIIe siècle et la scriptio superior du VIIIe siècle[4].

Différences entre la couche inférieure du palimpseste de Sanaa et le Coran actuel modifier

Commentaires modifier

Plusieurs auteurs ont évoqué les différences entre la couche inférieure du palimpseste de Sanaa et le Coran actuel. Si de nombreux manuscrits anciens montrent des variations orthographiques, la particularité du palimpseste de Sanaa est, bien que restant proche du texte actuel, de montrer des variantes plus importantes. Cela concerne l'organisation des sourates, l'usage de synonymes, des ajouts ou des omissions[3]...

En 1999, Toby Lester, rédacteur en chef du magazine The Atlantic Monthly a rendu compte des découvertes Puin : « Certaines des pages de parchemin dans le trésor yéménite semblaient remonter au VIIe et VIIIe siècles de notre ère, ou aux deux premiers siècles de l'Islam ; en d'autres termes il s'agissait de fragments de Coran, et peut-être des plus anciens Corans à avoir existé. Qui plus est, certains de ces fragments ont révélé des écarts, légers mais fascinants, par rapport au texte standard coranique. De telles divergences ne surprennent pas, bien sûr, les historiens habitués à la critique textuelle, mais pour certains elles seraient en complète contradiction avec la croyance musulmane orthodoxe selon laquelle le Coran tel qu'il nous est parvenu aujourd'hui est tout simplement la parole de Dieu, parfaite, intemporelle et immuable. »[17].

Cependant, plusieurs années plus tard, en 2005, Manfred Kropp souligne que l'étude des manuscrits n'a révélé que des erreurs rares attribuables naturellement à des fautes de copistes et précisé : « Tout ce qu'on voit maintenant, tous ces fragments ont une cohérence, stabilité surprenante. Il y a très peu de différence matérielle dans le rasm, c'est-à-dire dans le consonnantisme du texte. Les divergences portent surtout sur la séparation de vers, sur la séparation de sourates, donc des différents chapitres. Et des détails des liens philologiques. Sinon c'est vraiment surprenant comment le texte dès le début de son attestation matérielle ait une stabilité énorme, extraordinaire. »[18][réf. à confirmer]. Et en 2007, François Déroche a souligné que le rasm des manuscrits de Sanaa reste fidèle au corpus disponible actuellement, mais qu'il existe des manuscrits dans lesquels les sourates sont organisées dans des ordres différents[19].

Quelques différences modifier

Pour Mohammad Ali Amir-Moezzi à propos des manuscrits de Sanaa : « En sus de quelques variantes orthographiques et lexicographiques mineures, 22 % des 926 groupes de fragments étudiés présentent un ordre de succession de sourates complètement différent de l'ordre connu »[20]. Les publications ont permis de mettre en lumière des variantes. Les lectures varient selon les chercheurs : « l’édition du f.2 [par Hilali] comporte onze variantes, alors que l’édition de Sadeghi en donne trente-quatre pour le même feuillet »[4]. Ces variations concernent des changements, des suppressions ou des additions de mots ou de phrases, l'usage de formes grammaticales différentes et même la suppression d'un verset, mais ce cas particulier "pourrait être une simple erreur de scribe". N. Sinai s'est étonné des différences entre la liste de variante d'Hilali et celle de Sadhergi/Goudarzi. Sans expliquer la propension à Hilali à déclarer un passage illisible, celui remarque qu'un test surplusieurs différences " a confirmé les lectures de Sadeghi / Goudarzi contre celles de Hilali."[21].

Le texte de la couche supérieure contient, lui-aussi, des variantes, parfois fautives, parfois intentionnelle, par rapport au Coran canonique de l'Edition du Caire. Ce type de variantes (orthographe, vocabulaire, pronoms personnels…) se retrouve dans d'autres manuscrits de type Hijazi[22].

Quelques différences[réf. nécessaire] entre le texte effacé du palimpseste de Sanaa et le Coran :

Stanford folio modifier

recto [23] Traces visibles Reconstruction Texte coranique standard
Coran 2 (al-Baqara), verset 191
Ligne 4
ﺣ/ / ٮٯٮـ(ـلو) کم حَتّی يُقـٰتِلوکُم حَتَّىٰ يُقَـٰتِلُوكُم فِيهِ
Coran 2:191
Ligne 5
د لک جز ا ا لکڡر ٮں ذَٰلِکَ جَزاءُ الکـٰفِرينَ كـ ذَٰلِكَ جَزَآءُ ٱلْكَـٰفِرِينَ
Coran 2:192
Ligne 5
ا نتـ(ﻬ)ـﻮ إنتَهَو انتَهَو ا
Coran 2:193
Ligne 6
حتا حَتّا حَتّی
Coran 2:193
Ligne 7
و ٮکو ں ا لد ٮں کله ﻟ[ﻠ]ﻪ و يَكُونَ الدِّينُ كُلُّهُ لِلَّـهِ وَيَكُونَ ٱلدِّينُ لِلَّـهِ
Coran 2:194
Ligne 10
و من اعتدی وَ مَنِ اعتَدَی فَـ ـمَنِ ٱعْتَدَى
Coran 2:194
Ligne 11
ڡا ﻋٮـ/ / و فاعتدو فَٱعْتَدُو ا
Coran 2:194
Ligne 11
ما اعتد ی علٮكم ٮه مَا اعتَدَی عَلَيكُم بِه مَا ٱعْتَدَىٰ عَلَيْكُمْ
Coran 2:196
Ligne 17
ڡـﻤ// تٮسر مں ا لهد ی فَما تَيَسَّر مِن الهَدی فما استَيسَرَ مِنَ ٱلْهَدْىِ
Coran 2:196
Ligne 17
و لا تحلٯو ا وَلَا تَحلِقُوا وَلَا تَحْلِقُوا رُءُوسَكُمْ
Coran 2:196
Ligne 18
ڡا ﮞ كا ﮞ ا حد ﻣٮكم فَإن كان أحَدٌ مِنكُم فَمَن كَانَ مِنكُم
Coran 2:196
Ligne 19
ڡد ٮه فِديَةٌ فَـ فِديَةٌ
Coran 2:196
Ligne 20
مں صٮم او نسک مِن صِيٰمٍ أَو نُسُكٍ مِن صِيَامٍ أَوْ صَدَقَةٍ أَوْ نُسُكٍ

David 86/2003 folio modifier

recto Traces visibles Reconstruction Texte coranique standard
Coran 2:209
Ligne 5, p. 46
مں [ٮـ]ﻌﺪ (ما ﺣ)ﺎ کم ا ﻟ(ﻬد) [ی]؛ مِّن بَعْدِ مَا جَآءَكُمُ ٱلْهُدَىٰ مِّن بَعْدِ مَا جَآءَتْكُمُ ٱلْبَيِّنَـٰتُ
Coran 2:210
Ligne 6, p. 46
هل ٮـ//ـﻄﺮ (و ﮞ) ا لا ا ﮞ (ٮـ)ﺎ ٮـ(ـٮـ)ﮑﻢ ا ﻟﻠﻪ هَلْ تَنظُرُونَ إِلَّا أَن يَأْتِيَكُمُ ٱللَّـهُ هَلْ يَنظُرُونَ إِلَّا أَن يَأْتِيَهُمُ ٱللَّـهُ
Coran 2:211
Ligne 9, p. 46
ا لعڡٮ ٱلْعِقٰبِ ٱلْعِقَابِ
Coran 2:213
Ligne 12, p. 46
ڡﺎ // (ﺳ)ـﻞ ا لـلـه فَـ ـأَرسَلَ اللهُ فَــ ـبَعَثَ ٱللَّـهُ
Coran 2:213
Ligne 13, p. 46
ﻟ(ـٮـحکمو ا ٮـ)ـٮں ا لٮا س لِـ ـيَحْكُمُوا بَيْنَ ٱلنَّاسِ لِـ ـيَحْكُمَ بَيْنَ ٱلنَّاسِ
Coran 2:213
Ligne 15, p. 46
ا ﻟٮـ(ـٮـٮـ)ـٮت ٱلْبَيِّنَٮٰتُ ٱلْبَيِّنَـٰتُ بَغْيًا بَيْنَهُمْ
Coran 2:214
Ligne 17, p. 46
ا (ﺣﺴ)ـٮٮم أَ حَسِبْتُمْ أَمْ حَسِبْتُمْ
Coran 2:214
Ligne 17, p. 46
ا ﻟ[ـﺪ ٮں] (ﻣ)ـﮟ [ٯٮـ]ـلکم ٱلَّذِينَ مِن قَبْلِكُم ٱلَّذِينَ خَلَوْا۟ مِن قَبْلِكُم
Coran 2:214
Ligne 18, p. 47
ا لٮسا ٱلْبَٔسَاءُ ٱلْبَأْسَاءُ
Coran 2:215
Ligne 20, p. 47
ٮـ(ـسا) لو ٮک يَسْأَلُونَكَ يَسْـَٔلُونَكَ
Coran 2:217
Ligne 25, p. 47
عں ا ﻟ(ﺴ)ﻬﺮ ا لحر (م) [و] ﻋ(ـں) ٯٮل ڡـ[ـٮـ]ﻪ عَنِ ٱلشَّهْرِ ٱلْحَرٰمِ وَعَنْ قِتٰلٍ فِيهِ عَنِ ٱلشَّهْرِ ٱلْحَرَامِ قِتَالٍ فِيهِ
Coran 2:217
Ligne 26, p. 47
؛/--/ [و] (ﺻ)[ﺪ] عں /------/؛ وَصَدٌّ عَن سَبِيلِهِ[24] وَصَدٌّ عَن سَبِيلِ ٱللَّـهِ وَكُفْرٌۢ بِهِ

Folio 4 modifier

recto / verso Traces visibles Reconstruction Texte coranique standard
Coran 11 (Hūd), verset 105
Folio 4, recto, l. 1, p. 51
ا (لا) مں ا {------}؛ إلّا مَن أَذِنَ لَه إِلَّا بِإِذْنِهِ
Coran 11:122
Folio 4, verso, l. 4, p. 52
ا / / (ﻣﻌ)[ﮑ]/ / {--------}؛ إِنَّا مَعَكُم مُنتَظِرُونَ إِنَّا مُنتَظِرُونَ
Coran 8 (al-Anfāl), verset 2
Folio 4, verso, l. 12, p. 52
ڡـ(ﺮ) ٯـٮ ْفَرِقَت ْوَجِلَت
Coran 8:.2
Folio 4, verso, l. 13, p. 52
ا ٮـ(ـٮٮـ)ﺎ ءَايَـٰتُنا ءَايَـٰتُهُ

Folio 22 modifier

recto / verso Traces visibles Reconstruction Texte coranique standard
Coran 9 (al-Tawbah), verset 122
Folio 22, recto, l. 3, p. 62
ما [كـ]ﺎ ﮞ مَا كَانَ وَ مَا كَانَ
Coran 9:122
Folio 22, recto, l. 4, p. 62
مں كل ا ﻣﻪ مِن كُلِّ أُمَّةٍ مِن كُلِّ فِرْقَةٍ
Coran 9:124
Folio 22, recto, l. 9, p. 62
و ا د ا ا ٮر لٮ وَإِذَا أُنزِلَتْ وَإِذَا مَا أُنزِلَتْ
Coran 9:125
Folio 22, recto, l. 12, p. 62
ڡی ٯلو ٮهم ر حس فِى قُلُوبِهِم رِجْسٌ فِى قُلُوبِهِم مَرَضٌ
Coran 9:125
Folio 22, recto, l. 13, p. 62
ر حر ا ا لی ر ﺣﺴ[ﻬ]ـﻢ رِجزاً إِلَىٰ رِجْسِهِمْ رِجساً إِلَىٰ رِجْسِهِمْ
Coran 9:125
Folio 22, recto, l. 13, p. 62
و ما ٮو ا و هم ڡـ(ـﺴٯـ)[ـﻮ] ﮞ وَمَاتُوا۟ وَهُمْ فَـٰسِقُونَ وَمَاتُوا۟ وَهُمْ كَـٰفِرُونَ
Coran 9:126
Folio 22, recto, l. 13, p. 62
ا [و] / / ٮر و أَوَلَا يَرَوْ أَوَلَا يَرَوْنَ
Coran 9:126
Folio 22, recto, l. 15, p. 62
و لا ٮـ(ـٮـ)ـﺪ كر و ﮞ وَلَا يَتَذَكَّرُونَ وَلَا هُمْ يَذَّكَّرُونَ
Coran 9:127
Folio 22, recto, l. 15, p. 62
و ا د ا ا [ٮـ]ـﺮ (ﻟ)ـٮ وَإِذَا أُنزِلَتْ وَإِذَا مَا أُنزِلَتْ
Coran 9:127
Folio 22, recto, l. 16, p. 62
هل ٮر ٮٮا هَلْ يَرَىٰنَا هَلْ يَرَىٰكُم
Coran 9:127
Folio 22, recto, l. 17, p. 62
ڡا ٮـ[ـﺼ](ـﺮ) ڡـ(ـﻮ) ا فَـ ﭑنصَرَفُوا ثُمَّ انصَرَفُوا
Coran 9:127
Folio 22, recto, l. 17, p. 62
ڡصر ڡ ا ﻟـﻠـﻪ فَـ ـصَرَفَ اللهُ صَرَفَ ٱللَّـهُ
Coran 9:127
Folio 22, recto, l. 17, p. 62
د لک ٮـ(ﺎ ٮـ)//[ـﻢ] (ٯـ)ـﻮ م لا ٮڡٯهو ﮞ ذَٰلِكَ بِأَنَّهُمْ قَوْمٌ لَّا يَفْقَهُونَ بِأَنَّهُمْ قَوْمٌ لَّا يَفْقَهُونَ
Coran 9:128
Folio 22, recto, l. 18, p. 62
و لٯد حا کم وَ لَقَدْ جَاءَكُمْ لَقَدْ جَاءَكُمْ
Coran 9:128
Folio 22, recto, l. 18, p. 62
ر سو ل ﻣٮـ(ﮑ)ـﻢ رَسولٌ مِنْكُمْ رَسُولٌ مِنْ أَنْفُسِکُمْ
Coran 9:128
Folio 22, recto, l. 19, p. 63
عر ٮر (ﻋ)ﻠ[ـٮـ](ﻪ) ما عٮٮکم عَزِيزٌ عَلَيْهِ مَا عَنَّتَكُمْ عَزِيزٌ عَلَيْهِ مَا عَنِتُّمْ
Coran 9:129
Folio 22, recto, l. 20, p. 63
ڡا / / (ٮـ)ـﻮ لو ا [ﻋ](ـٮـ)ـﮏ فَإن تَوَلَّوْا عَنْكَ فَإن تَوَلَّوْا
Coran 9:129
Folio 22, recto, l. 21, p. 63
ا لد ی لا ا ﻟ[ﻪ] ا لا ﻫﻮ الَّذي لَا إِلَـٰهَ إِلَّا هُوَ لَا إِلَـٰهَ إِلَّا هُوَ
Coran 19 (Maryam), verset 2
Folio 22, recto, l. 24, p. 63
ر ﺣ[ـﻤ]ﻪ رَحْمَةِ رَحْمَتِ
Coran 19:3
Folio 22, recto, l. 25, p. 63
ا د ٮا د ی ر ٮک ر ﻛ[ـر] ٮا إِذْ نَادَىٰ رَبَّـ ـكَ زَكَرِيَّا إِذْ نَادَىٰ رَبَّـ ـهُ
Coran 19:4
Folio 22, recto, l. 25, p. 63
و ٯل ر ٮی وَ قٰلَ رَبِّـ ـي قالَ رَبِّ
Coran 19:4
Folio 22, recto, l. 26, p. 63
و ٯل ر ٮی ا سٮعل ا لر ا س سٮٮا وَقٰلَ رَبِّي ٱشْتَعَلَ ٱلرَّأْسُ شَيْباً قَالَ رَبِّ إِنِّي وَهَنَ ٱلْعَظْمُ مِنِّي وَٱشْتَعَلَ ٱلرَّأْسُ شَيْبًا
Coran 19:4
Folio 22, recto, l. 26, p. 63
و لم ا کں ر ٮ ٮـ(ـد) عا ک وَلَمْ أَکُنْ رَبِّ بِدُعَاءِكَ وَلَمْ أَكُن بِدُعَائِكَ رَبِّ
Coran 19:5
Folio 22, recto, l. 27, p. 63
و ﺣ(ڡـ)ـٮ ا لمو ل مں و [ر] ا ی وَ خِفْتُ ٱلْمَوَٰل مِن وَرٰاءِى وَ إِنِّى خِفْتُ ٱلْمَوَٰلِىَ مِن وَرٰاءِى
Coran 19:7
Folio 22, verso, l. 2-3, p. 63
؛{-----------------} (ٯد) و هٮٮا لک علما ر کٮا ۝ و ٮسر ٮه {----------------}(ﻪ) مں ٯـٮـ(ـﻞ) ﺳ//ـﻤٮـﺎ ؛{يَـٰزَكَرِيَّا إِنَّا} قَد وَهَبْنَا لَكَ غُلٰماً زَكِيَّاً ۝ وَبَشَّرْنٰهُ {بِيَحْيیٰ لَمْ نَجْعَل ﻟَّ}ﻪُ مِن قَبْلُ سَمِيًّا[25] يَـٰزَكَرِيَّا إِنَّا نُبَشِّرُكَ بِغُلَـٰمٍ ٱسْمُهُ يَحْيَىٰ لَمْ نَجْعَل لَّهُ مِن قَبْلُ سَمِيًّا
Coran 19:8
Folio 22, verso, l. 3-4, p. 63
ا //ﻰ ٮـ(ﮑ)ـﻮ ﮞ لی (ﻋ)ـلم {---------------} ﻟ[ﮑ]ـٮر عٮٮا أَنَّىٰ يَكُونُ لِى غُلَـٰمٌ {وَقَدْ بَلَغْتُ مِنَ ٱ} لْكِبَرِ عِتِيًّا أَنَّىٰ يَكُونُ لِى غُلَـٰمٌ وَكَانَتِ ٱمْرَأَتِى عَاقِرًا وَقَدْ بَلَغْتُ مِنَ ٱلْكِبَرِ عِتِيًّا
Coran 19:9
Folio 22, verso, l. 5, p. 63
و لم ٮک سا ی وَلَمْ تَكُ شَاي وَلَمْ تَكُ شَيْئًا
Coran 19:11
Folio 22, verso, l. 7, p. 64
؛{-}ـم حرح ؛{ثُـ}ـمَّ خَرَجَ فَـ ـخَرَجَ
Coran 19:11
Folio 22, verso, l. 7, p. 64
ا (و) ﺣ(ﻰ) ا ﻟ(ـٮـ)ﻬﻢ أَوْحَىٰ إِلَيْهِمْ فَـ ـأَوْحَىٰ إِلَيْهِمْ
Coran 19:12
Folio 22, verso, l. 8, p. 64
و علمٮه ا ﻟ(ـﺤ)ﮑﻢ وَ عَلَّمْنٰهُ الْحُكْمَ وَ آتَيْنَاهُ الْحُكْمَ صَبِيًّا
Coran 19:13
Folio 22, verso, l. 9, p. 64
حننا حَنٰناً وَ حَنَاناً
Coran 19:14
Folio 22, verso, l. 10, p. 64
و لم ٮک وَلَمْ يَكُ وَلَمْ يَكُنْ
Coran 19:15
Folio 22, verso, l. 10, p. 64
و علٮه ا لسلم وَعَلَيْهِ السَّلٰمُ وَسَلَـٰمٌ عَلَيْهِ
Coran 19:19
Folio 22, verso, l. 15, p. 64
لنهب لِنَهَبَ لِأَهَبَ
Coran 19:21
Folio 22, verso, l. 17, p. 64
و هو ﻋﻠ//(ﻪ) ﻫ(ـٮـ)ـﮟ وَ هُوَ عَلَيْهِ هَيِّنٌ ۝ هُوَ عَلَىَّ هَيِّنٌ
Coran 19:21
Folio 22, verso, l. 18, p. 64
و [ا] مر ا مٯصٮا وَأَمْرًا مَّقْضِيًّا وَ كَانَ أَمْرًا مَّقْضِيًّا
Coran 19:22
Folio 22, verso, l. 18, p. 64
ڡحملٮ فَحَمَلَتْ فَحَمَلَتْـ ـهُ
Coran 19:23
Folio 22, verso, l. 19, p. 64
ڡـﻠﻤ// ا حا ها ا لمحص فَـ ـلَمَّا أَجَاءَهَا ٱلْمَخٰضُ فَأَجَاءَهَا ٱلْمَخَاضُ
Coran 19:23
Folio 22, verso, l. 20, p. 65
ٯٮل هد ا ا ﻟ(ـٮـ)[ـو] م قَبْلَ هَـٰذَا الْيَوْمِ قَبْلَ هَـٰذَا
Coran 19:24
Folio 22, verso, l. 20-21, p. 65
ڡٮـ[ـد] ٮها مں ٮـﺤٮـﻬ/----------/ ا لا ٮحر ٮی فَنٰدٮٰهَا مِن تَحْتِهَـ/ـا مَلَكٌ/ أَلَّا تَحْزَنِى [26] فَنَادَىٰهَا مِن تَحْتِهَا أَلَّا تَحْزَنِى
Coran 19:26
Folio 22, verso, l. 23, p. 65
و ٯـ// [ی] ﻋ(ـٮٮـ)ﺎ ۝ وَقَرِّى عَيْنًا ۝ وَقَرِّى عَيْنًا
Coran 19:26
Folio 22, verso, l. 24, p. 65
ﺻ[ـﻮ] (ما) [و ﺻﻤ]ـٮا صَوْماً وَصُمْتاً صَوْماً
Coran 19:26
Folio 22, verso, l. 24, p. 65
ﻟﮟ ا کلم لَنْ أُکَلِّمَ فَـ ـلَنْ أُكَلِّمَ
Coran 19:27
Folio 22, verso, l. 25, p. 65
؛//ﺎ [ٮـ](ـت ٯو) [ﻣﻬ] ﺎ فَأَتَتْ قَوْمَهَا فَأَتَتْ بِهِ قَوْمَهَا
Coran 19:27
Folio 22, verso, l. 25, p. 65
لٯد ا ﺗٮت لَقَدْ أَتَيْتِ لَقَدْ جِئْتِ
Coran 19:28
Folio 22, verso, l. 26, p. 65
ما کا (ﮞ) ا ٮو [ک] (ا ٮا) //[ﻮ] ا مَا كَانَ أَبُوكِ أَباً سُوءاً مَا كَانَ أَبُوكِ ٱمْرَأَ سَوْءٍ

Folio 31 modifier

recto / verso Traces visibles Reconstruction Texte coranique standard
Coran 12 (Yūsuf), verset 19
Folio 31, recto, l. 4-5, p. 71
ْو {------} (ﻋﻠٮـ)// ٮـﻌ[ﺺ] (ا) ﻟ[ﺴ]/ /؛ و {جَاءَت} عَلَيْهِ بَعْضُ السَّيَّارَةِ وَجَاءَتْ سَيَّارَةٌ
Coran 12:19
Folio 31, recto, l. 6, p. 71
و ٯل وَ قٰلَ قَالَ
Coran 12:19
Folio 31, recto, l. 7, p. 71
و (ا) ﻟ[ﻠﻪ] ﻋﻠ//ـﻢ ٮـﻤ(ﺎ) ٮڡعلو{}ﮞ وَٱللَّـهُ عَلِيمٌ بِمَا يَفْعَلُونَ وَٱللَّـهُ عَلِيمٌ بِمَا يَعْمَلُونَ
Coran 12:28
Folio 31, verso, l. 4, p. 72
ٯل ا //[ﻪ] (ﻛ)[ـٮد] ﻛﮟ قٰلَ إِنَّهُ كَيْدَكُنَّ قَالَ إِنَّهُ مِن كَيْدِكُنَّ
Coran 12:30
Folio 31, verso, l. 5, p. 72
ٮسو (ه) مں ا (هل) ا لمد [ٮـ]ـٮه نِسْوَةٌ مِن أَهْلِ ٱلْمَدِينَةِ نِسْوَةٌ فِي ٱلْمَدِينَةِ
Coran 12:30
Folio 31, verso, l. 5-6, p. 72
؛{---------------}/ / ٯـ(ـﺪ ﺳ)ﻌ(ڡـ)[ﻬﺎ] (ﺣ)[ـٮ] ڡٮـ//(ﻬ)ﺎ ؛{ٱمْرَأَتُ ٱلْعَزِيزِ} قَدْ شَغَفَهَا حُبُّ فَتَٮٰهَا [27] ٱمْرَأَتُ ٱلْعَزِيزِ تُرَٰوِدُ فَتَٮٰهَا عَن نَّفْسِهِ قَدْ شَغَفَهَا حُبًّا
Coran 12:31
Folio 31, verso, l. 7, p. 72
ڡلما ﺳﻤ[ﻌ]/ / مکر[ﻫ]ـﮟ فَلَمَّا سَمِعَتْ مَكْرَهُنَّ فَلَمَّا سَمِعَتْ بِـ ـمَكْرِهِنَّ
Coran 12:31
Folio 31, verso, l. 8, p. 72
و{ } ﺣ(ﻌ)ﻠ/ / ﻟ(ﻬ)/ / (ﻣٮـﮑ)//؛ وَ جَعَلَتْ لَهُنَّ مُتَّكَـًٔا وَ أَعْتَدَتْ لَهُنَّ مُتَّكَـًٔا
Coran 37 (al-Ṣāffāt), verset 15
Folio 28, recto, l. 1, p. 102
و ٯلو ا هد ا {------}//ٮٮں وَقٰلوا هذا سِحرٌ مُبينٌ وَقالوا إن هـٰذا إِلّا سِحرٌ مُبينٌ

Folio 28 modifier

recto / verso Traces visibles Reconstruction Texte coranique standard
Coran 37:19
Folio 28, recto, l. 4, p. 102
/ /ڡا د ا ﻫ[ـﻢ] ﻣﺤ(ـﺼ)ـﺮ فَإذا هُم مُحضَرون فَإِذا هُم يَنظُرونَ
Coran 37:22
Folio 28, recto, l. 6, p. 102
ا ٮـ(ﻌٮـ)ﻮ ا إبعَثوا احشُرُوا
Coran 37:22
Folio 28, recto, l. 6, p. 102
ﻃـ//[ـﻤ]ـﻮ ا { } الَّذينَ ظَلَموا الَّذينَ ظَلَموا وَأَزوٰجَهُم
Coran 37:23
Folio 28, recto, l. 8, p. 102
صر ٮط ا (ﻟﺤ)ﺤٮم صِر ٮطِ الجَحيم صِرٰطِ الجَحيمِ
Coran 37:25
Folio 28, recto, l. 9, p. 103
/ / لا ٮٮٮصرو لا تَنٮٰصَرون or لا تَتَنٰصَرون لا تَناصَرون
Coran 37:27
Folio 28, recto, l. 10, p. 103
ڡـ(ﺎ ٯـ)ـٮل فَـ ﺄ قبَلَ وَ أَقبَلَ
Coran 37:48
Folio 28, verso, l. 3, p. 103
ﻋ(ـٮـ)[ـد] هم عِندَهُم وَ عِندَهُم
Coran 37:50
Folio 28, verso, l. 4, p. 103
علا عَلا عَلی
Coran 37:54
Folio 28, verso, l. 7, p. 103
ٯهل فَـ ـﻬَﻞ هَل
Coran 37:56
Folio 28, verso, l. 8, p. 103
ﻟ(ـٮـﻌ)ـو ٮں لَتُغوِينِ ِلَتُرْدِين
Coran 37:58
Folio 28, verso, l. 9, p. 103
و ما ٮحں وَما نَحنُ أَفَما نَحْنُ

Interprétations des différences textuelles modifier

Pour Asma Hilali le texte inférieur du palimpseste (celui qui a été effacé) « est un manuel de lecture et d'apprentissage du Coran » ; elle remarqua une erreur du scribe dans le début de la sourate 9 du palimpseste qui débute par la basmala. Un correcteur nota un peu plus bas : « ne dis pas : « Au nom de Dieu » ». En effet sur les 114 sourates du Coran, cette sourate est la seule qui ne débute pas par cette formule[22],[Note 2]. Néanmoins, pour E. Cellard, "force est de reconnaître que le palimpseste adhère fortement [au concept du Livre Coran tel qu'il est attesté à la fin du VIIe siècle] et que le caractère irrégulier de son écriture ou de sa mise en page, fait en réalité partie de l’identité du muṣḥaf à la fin du VIIe siècle"[28]. L'hypothèse d'Hilali a été clairement réfutée par François Déroche[29]. Pour Plati, "Les arguments exposés par Déroche sont sans appel ; ils démontrent clairement l’absence totale de rigueur de Hilali"[14]. N. Sinai, comparant avec d'autres manuscrits, rejette les arguments d'Hilali et met en garde contre l'usage d'idées anachroniques (usages de normes, uniformité…) pour les Corans du Ier siècle[21].

Pour E. Cellard, ce manuscrit illustre le fait que la première transmission du Coran s'est peut-être faite davantage selon le sens que selon le texte. En cela, ce manuscrit unique montre son originalité. Ce manuscrit interroge quant à sa création, soit plus ancienne à la version canonique, soit provenant d'une transmission parallèle[3]. François Déroche souligne "la pluralité (qui a) caractérisé la genèse du Coran et sa transmission initiale, tant écrite qu’orale"[30]. La couche supérieure de ce manuscrit a permis de cacher la couche inférieure qui était constituée pour Elizabeth Puin, Behnam Sadeghi et Mohsen Goudarzi d'un "autre Coran"[11], à une époque où celui-ci était "un Coran multiple, polyphonique ".L'existence de ce manuscrit rappelle les pertes possibles liées aux destructions des Corans ne correspondant pas à la version canonique évoquées dans des récits[31]. Pour Sinai, "le palimpseste de Sanaa semble nous fournir un aperçu passionnant à un moment donné auquel l’hégémonie du rasm standard du Coran n’était pas encore pleinement établie"[21].

Michel Orcel explique que bien qu'il n'existe pas à ce jour d'études exhaustives sur les conséquences que l'on devrait tirer de la découverte des manuscrits de Sanaa, on peut d'ores et déjà dire que l'on retrouve des versions qui correspondent à ce que nous savons des Corans concurrents (celles qui ont été éliminées au moment de la sélection comme le Coran d'Ali, de Mas'ud ou encore d'Ubay). Ces différences d'ordonnancements rappellent ce que nous savons des Corans qui ont disparu. Et finalement ce sont des variations très mineures par rapport au Coran d'Othman[32]. Si des versions différentes du Coran sont connues par des textes, le manuscrit de Sanaa est le seul exemple conservé d'un manuscrit provenant d'une tradition différente de celle d'Uthman[33]. Ainsi, pour M. Amir-Moezzi, les variations dans l'ordre des sourates ou la découpe des versets rapproche davantage ce manuscrit des recensions alides (futurs chiites) que de la vulgate uthmanienne[34]. Sadeghi et Goudarzi considèrent que ce manuscrit est plus proche des versions d'Ibn Mas'ud et d'Ubayy que de la version d'Uthman[35] bien qu'il n'en soit pas un exemple[33]. La tradition de transmission de ce texte n'a laissé aucun autre témoin[11] et il n'est pas possible de le rattacher complètement à un des traditions attribuées à un des compagnons de Mahomet[36]. François Déroche rappelle néanmoins que " les informations transmises par les savants musulmans médiévaux à propos des versions non ‘uthmāniennes avaient été filtrées pour des raisons d’orthodoxie et réduites à quelques variantes anodines"[31].

Les commentaires et les conclusions de Puin modifier

Dans un article d'Atlantic Monthly en 1999[17], on donne cette citation de Gerd-Rüdiger Puin :

« Mon idée est que le Coran est une sorte de cocktail de textes qui n'étaient déjà pas entièrement compris même à l'époque de Mahomet. Beaucoup d'entre eux peuvent même être plus vieux que l'Islam lui-même d'une centaine d'années. Même dans les traditions islamiques, il existe une énorme quantité d'informations contradictoires, y compris un important substrat chrétien ; on peut, si l'on veut, en tirer toute une histoire alternative de l'Islam. Le Coran lui-même proclame qu'il est “mubeen”, c'est-à-dire clair, mais si vous le regardez de près, vous remarquerez qu'une phrase sur cinq ou à peu près n'a tout simplement pas de sens. Beaucoup de musulmans vous diront le contraire, bien sûr, mais c'est un fait qu'un cinquième du texte coranique est absolument incompréhensible. C'est ce qui est à l'origine de la gêne traditionnelle concernant la traduction. Si le Coran n'est pas compréhensible, si même en arabe on ne peut pas le comprendre, alors il n'est traduisible dans aucune langue. Voilà pourquoi les musulmans ont peur. Puisque le Coran répète à plusieurs reprises qu'il est clair alors qu'il ne l'est pas, il y a là une contradiction évidente et très grave. Il faut passer à autre chose. »

Réactions modifier

Attitude yéménite modifier

Plus de 15 000 feuilles des Corans yéménites ont été dépliées, nettoyées, traitées, triées et rassemblées. Elles attendent un examen plus approfondi dans la Chambre des manuscrits du Yémen. Pourtant, c'est quelque chose que les autorités islamiques semblent peu disposées à autoriser. Puin suggère qu'« ils veulent rester discrets sur cette affaire, nous aussi mais pour des raisons différentes »[réf. nécessaire]. Ayant pressenti les conséquences des découvertes liées aux études menées sur ces manuscrits, les autorités yéménites ont eu des réticences à les laisser être diffusées auprès du grand public[7].

Puin et son collègue Hans-Caspar Graf von Bothmer ont publié de courts essais sur ce qu'ils ont découvert[37]. Ils se disaient que, si les autorités yéménites se rendaient compte des implications de cette découverte, ils refuseraient désormais l'accès – prémonition qui devait se réaliser bientôt. En 1997, cependant, Von Bothmer a réussi à réaliser 35 000 images microfilmées des fragments, et à les apporter en Allemagne. Les textes seront bientôt étudiés et les résultats publiés en toute liberté. Puin a écrit : « Nombre de musulmans sont persuadés que du début à la fin du Coran tout est la parole inaltérée d'Allah. Ils se réfèrent volontiers au travail sur le texte de la Bible qui montre qu'elle a une histoire et n'est pas tombée directement sortie du ciel, mais jusqu'à présent, le Coran a échappé à ce genre de discussion. La seule façon de briser un tel mur est de prouver que le Coran lui aussi a une histoire. Les fragments de Sanaa nous aideront à y parvenir. »

Autres réactions modifier

En 2000, The Guardian a interrogé un certain nombre d'érudits sur leur opinion au sujet des affirmations de Puin, parmi eux le Dr Tarif Khalidi (en), maître de conférences en études islamiques à l'université de Cambridge, et le professeur Allen Jones, maître de conférences en études coraniques à l'université d'Oxford[38]. En ce qui concerne l'affirmation de Puin selon laquelle certains mots et certaines prononciations dans le Coran n'ont pas été normalisés jusqu'au IXe siècle, l'article note : « Jones reconnaît que des changements « insignifiants » ont été apportées à la recension othmanienne. Khalidi affirme que la compréhension musulmane traditionnelle du développement du Coran est toujours vraie en gros et il affirme : « Je n'ai encore rien vu qui fût susceptible de changer radicalement mon point de vue ». »[38],[Note 3].

Cet article souligne que, ces recherches montrant que le Coran a une histoire textuelle et remettant en cause le dogme de l’immutabilité du Coran, Puin craignait une réaction violentes des musulmans orthodoxes bien qu'il ne pense pas que cela sera similaire avec celles liées aux travaux de Dr Nasr Abu Zaid ou de l'ouvrage de Salman Rushdie. Ces craintes ont été soulignées par le Dr Tarif Khalidi, qui pense que cela sera vu comme une attaque contre le texte coranique[38].

Toutefois, l'article note une réaction musulmane positive vis-à-vis de la recherche de Puin. Salim Abdullah, directeur des Archives islamiques allemandes, affilié à la Ligue islamique mondiale, a déclaré quand on l'a prévenu de la controverse que les travaux de Puin pourraient déclencher : « J'ai grande envie qu'une discussion de cette sorte ait lieu sur ce sujet »[38].

Notes et références modifier

Notes modifier

  1. Déroche les considère comme fidèles au corpus d'Othman actuellement utilisé (si l'on s'en tient à la chronologie il est plus exact de dire que c'est le manuscrit d'Othman qui est fidèle aux extraits de Sana'a). Toujours selon lui, « Les vestiges matériels d'une transmission écrite conforme à la version 'uthmânienne datant au plus tard de la fin du Ier/VIIe siècle ont toutefois définitivement écarté une telle possibilité. » Il ajoute aussi ceci : « À l'opposé, on l'a vu, la participation de Mahomet au processus de rédaction a été envisagée par certains savants ; John Burton a même tenté de montrer qu'une recension complète de la Révélation avait été réalisée sous la direction de Mahomet, une thèse qui se heurte bien sûr aux données de la tradition. D'une manière générale, l'idée actuellement retenue est que des rédactions des révélations, au moins partielles, existaient du temps de Mahomet... L'hypothèse de Christoph Luxenberg implique enfin un processus de rédaction plus complexe puisqu'un premier texte en écriture syriaque et dans une langue faisant de larges emprunts au syriaque aurait précédé la version que nous connaissons ».
  2. Pour la chercheuse, ces « différences consistent en des annotations didactiques qui montrent que celui qui était en train d'écrire apprenait dans le même temps le Coran et cherchait des repères mnémotechniques pour le mémoriser. Le texte inférieur est donc plus un manuel de lecture et d'apprentissage du Coran qu'une tentative de le fixer. Il témoigne de l'histoire de la transmission du texte, plus que d'une tentative de canonisation ». - Hanane Harrath, « Ce que disent les manuscrits de Sana », Le Courrier de l'Atlas, no 52,‎ (lire en ligne).
  3. "Il [Jones] croit le Coran de Sana'a pourrait n'être qu'une mauvaise copie qu'utilisaient des personnes auxquelles le texte othmanien n'était pas encore parvenu. « Il n'est pas exclu qu'après la promulgation du texte othmanien, il lui ait fallu beaucoup de temps pour se propager."

Références modifier

  1. Robin Verner, « Le «palimpseste de Sana'a» ou la folle histoire d'un autre Coran », sur Slate.fr, (consulté le )
  2. « François Déroche, fasciné par le Coran », sur lhistoire.fr (consulté le )
  3. a b c d e et f E. Cellard, "Enquête sur le palimpseste de Sanaa", L'histoire, 472, 2020, p. 42.
  4. a b c d et e Eleonore Cellard, « Hilali, Asma The Sanaa Palimpsest. The transmission of the Qur’an in the first centuries AH. », Bulletin critique des Annales islamologiques, 2018
  5. S. Blair, "Glorifying God’s Word: Manuscripts of the Qur’an", The Oxford Handbook of Qur'anic Studies, 2020, p. 219.
  6. Abdelaziz Abid, « Mémoire du Monde : Préserver notre patrimoine documentaire », 64th IFLA General Conference, IFLA,‎ 16-21 août 1998.
  7. a b c et d Hanane Harrath, « L'inavouable vérité des manuscrits de Sanaa », Le Courrier de l'Atlas, no 24,‎ (lire en ligne).
  8. a b et c E. Cellard, "Les manuscrits coraniques anciens", Le Coran des Historiens, 2019, p. 663 et suiv.
  9. « Manuscrits de Sana'a : Le trésor des mots retrouvés », Le Courrier de l'Unesco, no 5 « Mémoire du monde »,‎ , p. 9 (lire en ligne).
  10. Philippe Mischkowsky, « Yémen. Le plus vieux Coran n’est pas à Birmingham, mais sous les bombes saoudiennes », Courrier international,‎ (lire en ligne).
  11. a b et c François Déroche, "The Manuscript and Archaeological Traditions: Physical Evidence", 2020, p. 173.
  12. a et b Qais Assef, « Atelier d'initiation à l'islamologie : Histoire du Coran », IFPO, .
  13. a b et c G. Dye, "Le Corpus coranique : questions autour de sa canonisation", Le Coran des Historiens, 2019, Paris, p. 847 et suiv.
  14. a et b Emilio G. Platti, « Déroche, François, Le Coran, une histoire plurielle. Essai sur la formation du texte coranique », MIDÉO. Mélanges de l'Institut dominicain d'études orientales, no 35,‎ , p. 392–396 (ISSN 0575-1330, lire en ligne, consulté le )
  15. Mohammad Ali Amir-Moezzi (dir.), Dictionnaire du Coran, Paris, Robert Laffont, coll. « Bouquins », 2007, 981 p. (ISBN 978-2-221-09956-8), p. 735-739.
  16. (de) Hans-Caspar Graf von Bothmer, « Architekturbilder im Koran : Eine Prachthandschrift der Umayyadenzeit aus dem Yemen », Pantheon, vol. 45,‎ , p. 4-20.
  17. a et b (en) Toby Lester, « What is the Koran? », The Atlantic Monthly,‎ (lire en ligne).
  18. Les origines du Coran, par Manfred Kropp, univ. Mayence (Allemagne) (Le 6 octobre 2005 au Collège de France), conférence du 6 octobre.
  19. Mohammad Ali Amir-Moezzi (dir.), Dictionnaire du Coran, Paris, Éditions Robert Laffont, coll. « Bouquins », , 981 p. (ISBN 978-2-221-09956-8), p. 735-739.
  20. Michel Cuypers, Geneviève Gobillot, Idées reçues, le Coran, Éditions Le Cavalier Bleu, Paris, août 2007, p. 22
  21. a b et c N. Sinai, "Beyond the Cairo edition", Journal of the American Oriental Society, 140.1, 2020, p. 190 et suiv.
  22. a et b Asma Hilali, « Le palimpseste de Sanaa : Deux Corans superposés », Le Monde de la Bible, no 201,‎ (lire en ligne).
  23. Sadeghi et Goudarzi 2012, p. 44. . The hypothetical interpolation of texts for the missing parts in this and the next row are based on Sadeghi & Goudarzi's fn. 216 and 218.
  24. Sadeghi et Goudarzi 2012, p. 47. . According to Sadeghi & Goudarzi's fn. 118, "The traces [after ʿan] match sabīlihi." According to next footnote, "The phrase wa-kufrun bihi is not present immediately [after sabīlihi]. Either it is missing or it (or a smaller phrase such as wa-kufrun) is written at the beginning of the Ligne, before wa-ṣaddun."
  25. Sadeghi et Goudarzi 2012, p. 63. . The hypothetical interpolation of texts for the missing parts in this and the next row are based on Sadeghi & Goudarzi's fn. 216 and 218.
  26. Sadeghi et Goudarzi 2012, p. 65. . The hypothetical interpolation of text for the illegible part is based on Sadeghi & Goudarzi's fn. 229.
  27. Sadeghi et Goudarzi 2012, p. 72. . The reconstructed text here is based on suggestions in Sadeghi & Goudarzi's fn. 279 and 281.
  28. Éléonore Cellard, "Hilali Asma: The Sanaa Palimpsest. The transmission of the Qur’an in the first centuries AH", recension, BCAI 32, p. 106-107.
  29. François Déroche, Le Coran, une histoire plurielle, p. 201-218.
  30. François Déroche, Le Coran, une histoire plurielle, Paris, 2019, 4e de couv.
  31. a et b François Déroche, « La voix et le calame. Les chemins de la canonisation du Coran : Leçon inaugurale prononcée le jeudi 2 avril 2015 », dans La voix et le calame. Les chemins de la canonisation du Coran : Leçon inaugurale prononcée le jeudi 2 avril 2015, Collège de France, coll. « Leçons inaugurales », (ISBN 978-2-7226-0444-5, lire en ligne)
  32. Interview de Michel Orcel le 21 avril 2013 sur RFI à l'occasion de la sortie de son livre L'invention de l'islam à écouter à partir de la 14e minute
  33. a et b Sadeghi, B., Goudarzi, M., "Ṣan“ā” 1 and the Origins of the Qur’ān", Der Islam, 87, 2012, p. 1–129.
  34. M.A Amir Moezzi, Le Coran silencieux et le Coran parlant, p. 69
  35. Mustafa Shah, "The Corpus of Qur’anic Readings (qirāʾāt): History, Synthesis, and Authentication", The Oxford Handbook of Quranic studies, 2020, p. 207.
  36. G.S. Reynolds, "Variant readings: The Birmingham Qur’an in the Context of Debate on Islamic Origins", Times Literary Supplement, 7 Aug, 2015, p. 14-15
  37. Coran et sciences de l'Homme
  38. a b c et d (en) Abul Taher, « Querying the Koran », The Guardian,‎ (lire en ligne).

Voir aussi modifier

Article connexe modifier

Liens externes modifier

Bibliographie modifier