Mandibule de Xiahe
Image illustrative de l’article Mandibule de Xiahe
Coordonnées 35° 26′ 53″ nord, 102° 34′ 17″ est
Pays Drapeau de la République populaire de Chine Chine
Province Gansu
Xian Xian de Xiahe
Massif Plateau tibétain
Vallée Daxia
Localité voisine Xiahe
Daté de 160 000 ans AP
Période géologique Pléistocène moyen
Époque géologique Paléolithique moyen
Découvert le 1980
Découvreur(s) un moine bouddhiste
Âge adolescent
Identifié à Homme de Denisova
Géolocalisation sur la carte : Chine
(Voir situation sur carte : Chine)
Mandibule de Xiahe
Géolocalisation sur la carte : Gansu
(Voir situation sur carte : Gansu)
Mandibule de Xiahe

La mandibule de Xiahe est une demi-mandibule humaine fossile découverte en 1980 dans la grotte de Baishiya, située à l'extrémité nord-est du plateau tibétain, dans le xian de Xiahe, dans la province du Gansu, en Chine. Étudiée seulement 38 ans plus tard, elle s'est révélée appartenir à un homme de Denisova[1],[2]. Il s'agit de la première découverte confirmée d'un fossile de Dénisovien en dehors de la grotte de Denisova, et du plus gros fossile dénisovien identifié à ce jour. Cette découverte montre que des humains archaïques étaient déjà présents dans un environnement de haute altitude et pauvre en oxygène il y a au moins 160 000 ans.

Historique modifier

La mandibule de Xiahe a été découverte en 1980, dans la grotte de Baishiya, par un moine bouddhiste. Celui-ci l'a donnée au sixième « Bouddha vivant ». Ce dernier l'a transmise à l’université de Lanzhou. La demi-mandibule est restée pendant trente ans dans les tiroirs sans être analysée. Des chercheurs chinois l'ont ressortie en 2010 et ont sollicité la collaboration de chercheurs étrangers à partir de 2016[3].

Entretemps, en 2010, des chercheurs de l’Institut Max-Planck d'anthropologie évolutionniste, à Leipzig en Allemagne, ont conclu, à partir de l'ADN mitochondrial extrait d'une phalange de doigt découverte dans la grotte de Denisova, dans l'Altaï, au sud de la Sibérie, que cet ADN appartenait à un groupe humain distinct d’Homo sapiens et de l'Homme de Néandertal, qu'ils ont appelé l'Homme de Denisova. Ces trois espèces ont vécu à la même période. Jusqu’en , les seuls restes reconnus de l’Homme de Denisova étaient quelques fragments d'os et des dents provenant de la grotte de Denisova[4],[5]. La grotte où a été trouvée la mandibule de Xiahe est située à près de 3 000 km au sud-est de celle de Denisova, et à une altitude de 3 280 m (contre 700 m pour Denisova)[6].

Description modifier

La mandibule est « extrêmement robuste, avec des dents de très grande taille ». Elle a conservé deux molaires[7]. Elle appartenait à un adolescent[8].

Datation modifier

Un laboratoire de Taïwan a déterminé que cette mandibule, recouverte d'une croûte de carbonate, avait au minimum 160 000 ans[7] (contre environ 40 000 ans pour la phalange de Denisova).

Attribution modifier

L’équipe de Jean-Jacques Hublin, de l’Institut Max-Planck d'anthropologie évolutionniste, a pu en 2019, pour la première fois, analyser des protéines extraites d’une molaire de la mandibule, ce qui a permis de l'attribuer à l'Homme de Denisova[9].

En 2020, des sédiments récoltés dans la même grotte en 2018 ont livré de l'ADN mitochondrial typiquement dénisovien. La datation de ces sédiments montre que les Dénisoviens se sont abrités dans cette grotte il y a 100 000, 60 000 et peut-être 45 000 ans[10],[11].

Hybridation avec Homo sapiens modifier

Les Tibétains contemporains ont en commun avec l’Homme de Denisova une version particulière du gène EPAS1, caractérisé par une grande concentration d’oxygène dans le sang quand celui-ci se raréfie dans l’air, ce qui permet une meilleure adaptation à la vie en altitude[12]. Les chercheurs pensent que ce gène a été transmis aux Homo sapiens d'Asie orientale à la suite d'un épisode d'hybridation avec l'Homme de Denisova qui possédait déjà ce gène, et que son caractère adaptatif lui a permis d'être sélectionné dans les populations asiatiques modernes vivant en haute altitude, dont notamment la population tibétaine.

Perspectives modifier

Jean-Jacques Hublin explique qu’il va « pouvoir comparer ce fossile à d'autres spécimens non identifiés des collections chinoises » en utilisant l’analyse de protéines anciennes (paléoprotéomique). Son hypothèse, « c'est qu'une bonne partie des fossiles chinois ou d'Asie de l'Est plus vieux que 50 000 ans et plus récents que 350 000 ans sont probablement des Denisoviens »[13].

Références modifier

  1. (en) Ann Gibbons, « Ancient jaw gives elusive Denisovans a face », Science, vol. 364, no 6439,‎ , p. 418-419 (DOI 10.1126/science.364.6439.418).
  2. (en) Fahu Chen, Frido Welker, Chuan-Chou Shen, Shara E. Bailey, Inga Bergmann et al., « A late Middle Pleistocene Denisovan mandible from the Tibetan Plateau », Nature, vol. 569, no 7754,‎ (DOI 10.1038/s41586-019-1139-x).
  3. L'homme de Denisova a réussi à vivre sur le plateau tibétain il y a 160.000 ans Libération, 10 mai 2019
  4. L'Homme de Denisova : le premier Tibétain ? France Culture
  5. (en) Denisovans, A Mysterious Kind Of Ancient Humans, Are Traced To Tibet
  6. (en) Matthew Warren, « Biggest Denisovan fossil yet spills ancient human’s secrets », Nature, vol. 569, no 7754,‎ , p. 16-17 (DOI 10.1038/d41586-019-01395-0).
  7. a et b L'Homme de Denisova vivait au Tibet il y a 160.000 ans, une surprise ! Futura Planète, 2 mai 2019
  8. Au Tibet, un ado dénisovien vieux d’au moins 160 000 ans Le Monde, 1 mai 2019
  9. AFP L'homme de Denisova a vécu sur le plateau tibétain il y a 160.000 ans L’Express, 1 mai 2019
  10. (en) Ann Gibbons, « Denisovan DNA found in cave on Tibetan Plateau », Science, vol. 370, no 6516,‎ , p. 512-513 (DOI 10.1126/science.370.6516.512).
  11. (en) Dongju Zhang, Huan Xia, Fahu Chen, Bo Li, Viviane Slon et al., « Denisovan DNA in Late Pleistocene sediments from Baishiya Karst Cave on the Tibetan Plateau », Science, vol. 370, no 6516,‎ , p. 584-587 (DOI 10.1126/science.abb6320).
  12. L’homme de Denisova découvert au Tibet Le Temps, 1 mai 2019
  13. Un fragment de mâchoire prouve que nos ancêtres ont vécu en altitude au Tibet il y a 160 000 ans. France Info, 2 mai 2019

Articles connexes modifier