Manade Aubanel Baroncelli Santenco

Élevage de taureaux et de chevaux camarguais

La manade Aubanel Baroncelli Santenco est un élevage de taureaux de Camargue, fondée en 1894, par le marquis Folco de Baroncelli. Elle a été dirigée successivement par Folco de Baroncelli, son gendre Henri Aubanel (petit-neveu du poète Théodore Aubanel) et son petit-fils Pierre Aubanel. Depuis 2018, elle est entre les mains de Réginald et Bérenger Aubanel.

Historique modifier

La manade Santenco modifier

 
Les armes de la famille Baroncelli.

Folco de Baroncelli décide, en 1894, de fonder[1] un élevage de taureaux de Camargue. Il prend pour fer les armoiries de sa famille et donne les mêmes couleurs à sa devise. Son bétail se compose de taureaux et de vaches achetées chez Théophile Papinaud, Mathieu Raynaud, Louis Dijol, Laborde-Caumont[2], Dumas, Félix Gras, Trouche et Blanc[3]. Au total, trois cent vingt-six bêtes dont le Marquis ne va en retenir que cent quatre-vingt-dix, afin d'atteindre son idéal : cornes en demi-lune pour les taureaux, cornes en forme de lyre pour les vaches, tous de robe noire[3].

Il s'installe sur la commune de Saintes-Maries-de-la-Mer et donne à sa manade le nom provençal de Manado Santenco, en français manade saintine[4]. Il fait paître son troupeau à la sortie de la ville, sur les terres de Cacharel, puis au mas de l'Amarée[5]. Le Cailar, que le Marquis appelle la Séville méridionale[6], est son quartier d'été. Il souhaite éviter les croisements entre taureaux de Camargue et ceux d'Espagne, courant à cette époque[5], pour retrouver la pureté de la race camarguaise. Ses efforts sont récompensés avec le cocardier Lou Prouvenço, qui commence sa carrière en 1898[7], âgé de seulement deux ans. Le Marquis le qualifie de « doublen, gros comme un pois et noir comme le jais »[7]. Il réalise des courses de qualité, acquiert une réputation flatteuse auprès du public[8], lequel le surnomme « le roi des cocardiers »[8]. Sa meilleure prestation a lieu le [9], dans les arènes de Vauvert, mais douze jours plus tard[9], un combat entre étalons lui coûte la vie[10].

Le , la troupe de Buffalo Bill se produit à Nîmes, et Folco de Baroncelli propose à Queue-de-fer et Ours-solitaire, deux chefs indiens, ainsi qu'à deux cow-boys, de le rejoindre le lendemain au Cailar, pour participer au tri des taureaux et à l'abrivado qu'il assure à Gallargues-le-Montueux[11]. Le , le Marquis perd une partie de son troupeau, à la suite des crues du Rhône[12]. Il est obligé de renoncer à de nombreuses prestations, faute de bétail suffisant, et ses finances s'en ressentent[13]. Le , l'Hôtel de Baroncelli est vendu afin de renflouer les caisses de la manade[14].

Le , Folco de Baroncelli reçoit son ordre d'appel[15]. Il sollicite quelques amis pour qu'ils s'occupent de la manade Santenco durant son absence[16]. Le Marquis est « libéré de responsabilités militaires » le [17]. La même année, la devise rouge et blanche voit la naissance du cocardier Lou Bandot[18], dont la carrière prend son envol à partir d'. Il est surnommé « le taureau le plus dangereux qui soit »[19], et draine un public nombreux à chacune de ses sorties. Il est désigné « meilleur taureau » de la Cocarde d'or en 1928, ex-aequo avec Cetorri[20], autre cocardier de la manade, et en 1932[21]. Sa popularité est telle qu'en , Saint-Laurent-d'Aigouze voit la création du club taurin Lou Bandot[19].

Le , la ville de Marseille[22] organise une fête provençale avec les gardians de la manade Santenco. Le , la devise rouge et blanche participe à une fête hippique à Montpellier[23]. La même année, la manade est à Castries pour une course donnée en l'honneur de la reine Amélie de Portugal, surnommée la « course royale » ; l'expression, désignant une course assurée par une seule manade, est rapidement adoptée par le monde de la bouvine[24].

 
Les taureaux de la manade Aubanel-Baroncelli, dans les prés des Demoiselles, au Cailar.

Lors de la Cocarde d'Or 1930, la manade Santenco est récompensée avec Set-Mouraou[25], qui est désigné « meilleur taureau » de la course. En , le Marquis doit quitter l'Amarée dont il est locataire, faute d'argent. Les habitants des Saintes se cotisent pour lui offrir un terrain où il construit le mas du Simbeù, réplique exacte de l'Amarée[10]. Le [26], Henri Aubanel épouse Frédérique, la troisième fille du Marquis, et devient manadier de la devise rouge et blanche un an plus tard[27]. Le [28], la manade est à Fontvieille pour une course donnée dans le cadre des Fêtes du Moulin, en l'honneur d'Alphonse Daudet.

Le cocardier Clan-Clan est désigné « meilleur taureau » de la Cocarde d'Or 1937[21], et la manade obtient son quatrième sacre dans cette épreuve. En 1938, un cheval inflige une blessure à Folco de Baroncelli qui doit être hospitalisé[27], et doit cesser toute activité de manadier l'année suivante[10].

Le [10], les Allemands s'installent au mas du Simbeù. Le Marquis en est chassé le [27]. Le , Folco de Baroncelli décède à Avignon[26]. Les Allemands détruisent le mas du Simbeù en 1944[10]. Les cendres du Marquis sont transférées aux Saintes-Maries-de-la-Mer le , sur l'emplacement de son ancien mas[27], conformément à ses dernières volontés[29]. Lorsque le cortège funèbre longe les prés, les taureaux de la devise rouge et blanche se regroupent et suivent lentement le cortège, comme accompagnant leur maître une dernière fois[30].

De Baroncelli à Aubanel modifier

 
Statue de Vovo, aux Saintes-Maries, franchissant une barrière.

En 1944, Henri Aubanel vend vingt-cinq bêtes à Paul Laurent[31]. En décembre de la même année, la manade Aubanel voit la naissance de Vovo, un veau issu de l'union entre la vache Gyptis, qui fugue de sa manade, et l'étalon Provence de la manade Raynaud[32]. Henri Aubanel propose à son fils Pierre de baptiser le nouveau-né ; Pierre répète à voix haute «veau-veau», afin de trouver un nom qui rime. Son père, croyant qu'il s'agit du nom choisi par son fils, le baptise Vovo[33]. Taureau cocardier au tempérament fougueux, voire brutal, préférant traverser les barrières plutôt que les sauter, Vovo va remplir les arènes de Carmargue[1]. Le , il provoque une gigantesque panique aux arènes de Lunel: quarante-huit poutres, plusieurs barrières de la contre-piste ainsi que la buvette sont démolies par le cocardier[34]. Vovo acquiert une réputation de fauve que la suite de sa carrière va confirmer. En 1958, l'accumulation de ses blessures oblige Henri Aubanel à le retirer de la course libre[35]. En 1959, le club taurin Lou Vovo est créé à Uchaud[36]. Une statue représentant le cocardier est installée, le [37], devant les arènes des Saintes-Maries-de-la-Mer.

Le titre de Biòu d'or est créé en 1954, et Petit Loulou, descendant de Vovo, est le premier cocardier de la devise rouge et blanche a remporté le prix, en 1964.

À l'instar de son beau-père, Henri Aubanel connait quelques difficultés financières. D'où l'avertissement qu'il lance à son fils Pierre, lorsque ce dernier veut devenir manadier : « Mon petit, il n'y a pas d'argent à gagner dans les taureaux. Ton grand-père s'est ruiné, moi, je ne gagne pas ma vie. Ne fais pas ce métier ; c'est un métier de fou ! »[38]. Ce qui n'empêche pas son fils de partir à Saint-Gilles pour fonder sa propre manade, en 1968[39]. Malgré de nombreuses réticences, Henri Aubanel finit par céder quelques bêtes à son fils[40]. Il propage la race « baroncellienne » en vendant plusieurs bêtes à des manadiers, mais aussi en formant de nombreux gardians qui, par la suite, montent leurs manades en achetant leurs premières bêtes chez leur ancien pélot[41].

Dans la nuit du 4 au , un événement inconnu entraîne la moitié de la manade dans le Vistre, un fleuve côtier proche du Cailar[42]. Soixante-cinq taureaux périssent noyés[43]. En 1977, la devise rouge et blanche assure une abrivado sur le Prado, à Marseille, dans le cadre d'une exposition sur la chasse et le cheval[44]. Le de la même année, deux gardians de la manade perdent la vie en tentant de sauver trois taureaux des inondations[45].

Henri Aubanel décède deux ans plus tard[1].

Son fils Pierre prend les rênes de la devise rouge et blanche, et la renomme manade Aubanel Baroncelli Santenco[1]. Pierre Aubanel est décédé le , il était né à Avignon en 1938. Il est inhumé au cimetière des Saintes-Marie-de-la Mer[46]. Ses fils Réginald et Bérenger lui succèdent.

Galerie modifier

Bibliographie modifier

  • Henriette Dibon, Folco de Baroncelli, Éditions Farfantello, .
  • Gilles Arnaud, 75 années de Cocarde d'Or : de 1928 à 2006, Éditions Gilles Arnaud, .
  • Gilles Arnaud, Le répertoire des manades de Camargue, Éditions Gilles Arnaud, .
  • Noël Daniele, Taureaux de légende: de Lou Paré au Vovo, Éditions Gilles Arnaud, .
  • Folco de Baroncelli, Car mon cœur est rouge, Gaussen, . Recueil de lettres que Folco de Baroncelli a échangées avec les indiens Oglalas.
  • Martine Aliaga, Hors-série: Camargue, une terre et une passion., Groupe Midi Libre, .

Articles connexes modifier

Liens externes modifier

Notes et références modifier

  1. a b c et d Arnaud 2008, p. 25.
  2. Arnaud 2008, p. 25
  3. a et b « Lou Carmen », sur loucarmen.com (consulté le )
  4. Dibon 1982, p. 85.
  5. a et b Hors série : Camargue, une terre et une passion. juillet 2013, p. 8.
  6. Dibon 1982, p. 89.
  7. a et b Daniele 2010, p. 40
  8. a et b Daniele 2010, p. 44
  9. a et b Daniele 2010, p. 46
  10. a b c d et e Hors série : Camargue, une terre et une passion. juillet 2013, p. 10.
  11. Dibon 1982, p. 105.
  12. « Lou Carmen », sur loucarmen.com (consulté le ).
  13. Baroncelli 2010, p. 73.
  14. Dibon 1982, p. 139.
  15. Dibon 1982, p. 175
  16. Dibon 1982, p. 173
  17. Dibon 1982, p. 196
  18. Daniele 2010, p. 52
  19. a et b Daniele 2010, p. 55
  20. Arnaud 2007, p. 15
  21. a et b Arnaud 2007, p. 22
  22. Dibon 1982, p. 221
  23. Dibon 1982, p. 225
  24. André Tiano, Castries depuis la Révolution, Office du Tourisme de Castries, 2001, page 256.
  25. Arnaud 2007, p. 18
  26. a et b Hors série : Camargue, une terre et une passion. juillet 2013, p. 9.
  27. a b c et d « Lou Carmen », sur loucarmen.com (consulté le )
  28. Arnaud 2007, p. 26.
  29. Folco de Baroncelli : « Lorsque je serai mort, quand le temps sera venu, amener mon corps dans la terre du Simbèu, ma tête posée au foyer de ma vie, mon corps tourné vers l'église des Saintes. C'est ici que je veux dormir ».
  30. « Camargue », sur camargue.fr (consulté le ).
  31. Arnaud 2008, p. 119.
  32. « Lou Carmen », sur loucarmen.com (consulté le )
  33. Fait évoqué par Pierre Aubanel dans le DVD Vovo, taureau de légende, de Gilles Arnaud, Éditions Gilles Arnaud, 2011.
  34. « Lou Carmen », sur loucarmen.com (consulté le )
  35. « Lou Carmen », sur loucarmen.com (consulté le )
  36. « Club Taurin Lou Vovo », sur clubtaurin-louvovo.com (consulté le )
  37. Daniele 2010, p. 86
  38. Fait évoqué par Pierre Aubanel dans l'émission Noir et blanc à la manade Aubanel, 2009, consultable sur YouTube.
  39. Arnaud 2008, p. 27
  40. « Lou Carmen », sur loucarmen.com (consulté le )
  41. Arnaud 2008.
  42. « Passion de Camargue », sur passion-camargue.com (consulté le )
  43. Images d'archives reproduites dans l'émission Noir et blanc à la manade Aubanel, 2009, consultable sur YouTube.
  44. Images d'archives reproduites dans le DVD Abrivado d'antan, de Gilles Arnaud, Éditions Gilles Arnaud, 2010.
  45. « CTPR Lou Sanglié », sur lousanglie.fr/ (consulté le )
  46. « La Camargue en deuil après le décès de Pierre Aubanel », France Bleu,‎ (lire en ligne, consulté le )