Matières premières stratégiques

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Les matières premières stratégiques sont définies comme étant des ressources naturelles rares inéquitablement localisées dans le monde ou partagées, ou coûteusement ou difficilement accessibles, mais indispensables pour l'activité industrielle, les technologies de l'information et de la communication et la sécurité intérieure d'un pays.

Concept modifier

Les matières premières stratégiques sont souvent disponibles en faible quantité (rareté) et posent des enjeux d'ordre scientifique, économique, environnementaux, géostratégiques, et donc politiques. Elles font l'objet de travaux de recherche pour une utilisation plus durable et soutenable[1]. Elles sont traitées par des études prospectives[2],[3],[4] et des études de vulnérabilité[5].

Les matières premières stratégiques sont diverses et se trouvent à différents endroits du globe. On compte parmi elles, notamment, les terres rares, métalloïdes et métaux stratégiques dont l'approvisionnement est compliqué et coûteux. Ces métaux sont de plus en plus utilisé ; comme le fait remarquer Eric Besson en 2011, « le nombre de « petits métaux » couramment utilisés par notre industrie est passé d’une dizaine environ dans les années 1980, puis une quinzaine dans les années 1990, à plus de 60 au début des années 2000 »[6]. Les industries des technologies de l'information et de la communication ont aussi très tôt alerté au sujet des risques stratégiques[7].

Ces ressources sont stratégiques parce qu'inégalement réparties dans le monde. La croissance forte de certains pays, comme celle de la Chine, provoque une hausse de la demande et donc une augmentation brutale des prix[8]. D'un point de vue géopolitique, certains pays qui disposent d'un monopole ou d'un quasi-monopole peuvent utiliser leur propriété de ressources stratégiques comme moyen de pression[9]. La Chine, qui contrôle 97% de la production mondiale de terres rares et 60% des réserves exploitables connues, a par exemple ordonné fin 2010 une diminution de 72% des exportations de terre rare, et interdit leur vente au Japon en rétorsion du conflit territorial des îles Senkaku[10]. De plus, la Chine représente seulement 1 % des réserves mondiales de cobalt, mais en raffine plus de 50 %. En 2018, 8 des 14 plus importantes mines de cobalt en RDC étaient aux mains des Chinois. Selon la direction générale du Trésor à Kinshasa, 90 % du cuivre et du cobalt produit en RDC est exporté vers la Chine[11].

Les industries de la défense ont été parmi les premiers acteurs à définir des ressources comme stratégiques. Le plomb, parce qu'il était vital pour les munitions et parce qu'il est utilisé dans les batteries et pour les blindages contre les rayonnements X ou radioactifs, est ainsi depuis longtemps classifié comme stratégique.

De nombreux pays cherchent à mieux sécuriser leur accès à ces ressources. La sécurisation des approvisionnements énergétiques est un volet majeur des politiques publiques liées aux matières premières stratégiques[12].

Impact de la transition énergétique modifier

L'IFP Énergies nouvelles (IFPEN) a modélisé en 2021 les besoins futurs en matériaux nécessaires pour limiter le réchauffement climatique à 2 degrés : les métaux non ferreux traditionnels, comme le cuivre ou le nickel, seront autant contraints, voire plus, que les métaux dits technologiques, comme le lithium ou les terres rares. Le monde pourrait consommer entre 60 % et 90 % des ressources en cuivre connues aujourd'hui d'ici à 2050. Pour la bauxite, ces chiffres se situent entre 50 % et 85 %, pour le cobalt autour de 80 %, 60 % pour le nickel , 30 % pour le lithium et 4 % pour les terres rares. Or les investissements nécessaires pour 2035-2040 ne semblent pas être engagés, alors qu'il faut en moyenne compter plus de 10 ans pour l'ouverture d'une mine[11].

En France modifier

Les métaux stratégiques font l'objet de préoccupation de la part du SDECE, puis de la DGSE. Le dernier directeur du SDECE, Alexandre de Marenches, ordonne la création d'une liste de métaux stratégiques en temps de guerre comme de paix. Cette liste, révélée en 1986, comporte le germanium (nécessaire à l'électronique avancée), le titane (pour les sous-marins de chasse), le magnésium (pour les explosifs), le platine (qui sert de conducteur pour l'aviation, notamment), le mercure (pour la chimie nucléaire et en tant qu'instruments de mesure), le molybdène (pour l'acier), le cobalt (pour la chimie nucléaire), et le niobium[13].

En , le Comité pour les métaux stratégiques (COMES) est créé afin de renforcer la vigilance française sur le sujet[14]. Au Sénat, l'OPECST recommande la mise en place d'une politique de collecte et recyclage de ces matières stratégiques, ce qui permettrait d'économiser les ressources primaires, de réduire la dette extérieure, mais aussi d'économiser de l'énergie et d'émettre moins de gaz à effet de serre. Ce recyclage pourrait être facilité par une généralisation de l'écoconception. La lutte contre l'obsolescence programmée pourrait aussi freiner les importations de ces ressources.

Alain Geldron[15] plaide pour une exploitation par le recyclage de ce qu'il appelle la « mine urbaine » notamment constituée des piles, accumulateurs, LEDs[16], lampes basse-consommation, aimants et équipements électriques et électroniques usagés[17].

Le programme investissements d'avenir contient un budget de plusieurs centaines de millions d'euros consacré aux « projets de développement des technologies de collecte, de tri, de recyclage et de valorisation des déchets ainsi qu’à l’éco-conception »[17].

Dans l’Union européenne modifier

Depuis 2011, la Commission européenne publie une liste de matières premières critiques pour l'économie européenne. La criticité est évaluée sur la base de l'importance économique et du risque d'approvisionnement de la matière première. Depuis sa première version, la liste a beaucoup évolué, puisqu'elle recense trente matières premières critiques en 2020 contre seulement quatorze en 2011. On retrouve notamment dans cette liste le germanium, les terres rares, le tungstène, ainsi que le lithium qui a fait sont apparition dans la liste de 2020 en raison de l'essor des batteries électriques.

Références modifier

  1. Goffé B, Christmann P & Vidal O (2012) La recherche pour l'utilisation durable des ressources minérales. Geosciences, (15), 80-89.
  2. Bihouix, P., & de Guillebon, B. (2010). Quel futur pour les métaux. EDP Sciences, Paris, 299.
  3. Bihouix, P., & De Guillebon, B. (2013). Quel futur pour les métaux?: raréfaction des métaux: un nouveau défi pour la société. EDP sciences.
  4. Andriamasinoro, F., & Levorato, V. (2014, October). Appréciation de l'intérêt du secteur minier pour les SMA pour l'analyse prospective du marché des métaux stratégiques. In JFSMA'14: 22èmes Journées Francophones sur les Systèmes Multi-Agents (pp. N-A). Cépaduès.
  5. Stalker, K. W., Clark, C. C., Ford, J. A., Richmond, F. M., & Stephens, J. R. (1984). An index to identify strategic metal vulnerability. Metal progress, 126(5), 55-65 (résumé).
  6. Claude, B., & Christian, K. (2011). Les enjeux des métaux stratégiques: le cas des terres rares. Rapport du Sénat, (782).
  7. Drezet E (2014) Les matériaux impliqués dans les TIC.
  8. Zajec O (2010) Comment la Chine a gagné la bataille des métaux stratégiques. Le Monde Diplomatique, (11), 14-14.
  9. Bondaz A (2012) Les terres rares en Chine: une politique de plus en plus contestée. Note d’actualité de l’Asia Centre, 1.
  10. Christophe-Alexandre Paillard et Impr. EMD), Les nouvelles guerres économiques : 110 fiches réponses aux questions clefs, Éd. Ophrys, dl 2011 (ISBN 978-2-7080-1322-3 et 2-7080-1322-X, OCLC 780288685, lire en ligne)
  11. a et b En trois décennies, nous allons consommer 60 % des ressources de cuivre connues, Les Échos, 6 janvier 2022.
  12. Jégourel, Y. (2011). La sécurisation des approvisionnements en métaux stratégiques : entre économie et géopolitique. Revue internationale et stratégique, (4), 61-67 (résumé).
  13. Christine Ockrent, comte de Marenches, Dans le secret des princes, Stock, 1986, p. 193.
  14. Liger, A. (2016, April). Le Comité pour les métaux stratégiques (COMES), un lieu de dialogue consacré à l’industrie. In Annales des Mines-Responsabilité et environnement (No. 2, pp. 29-33). FFE.
  15. Ingénieur de l’École supérieure de l’énergie et des matériaux (Polytech Orléans) et Docteur en Ressources naturelles minérales de l’Université d’Orléans, expert national Matières premières à l’ADEME.
  16. Aatach M (2014) Récupération de métaux stratégiques issus de diodes électroluminescentes (DELs) (Doctoral dissertation, Université de Liège, Liège, Belgique).
  17. a et b Besson É (2012) La politique de gestion des métaux stratégiques. Géoéconomie, (4), 9-13

Sources modifier

Voir aussi modifier

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Article connexe modifier

Liens externes modifier

Vidéographie modifier

Bibliographie modifier

  • Besson É (2012) La politique de gestion des métaux stratégiques. Géoéconomie, (4), 9-13.
  • Guillaneau, J. C. (2016, April). Les modes d’action de la stratégie d’approvisionnement japonaise en métaux non ferreux stratégiques. In Annales des Mines-Responsabilité et environnement (No. 2, p. 34-38). FFE.