Les médias en Russie comptent presque 37 000 médias, dont plus de 22 000 journaux et 12 000 magazines. Dans les médias audiovisuels, il y a plus de trois mille chaînes de télévision et deux mille chaines radios enregistrées[1]. Selon Freedom House, le gouvernement russe est propriétaire de deux des 14 journaux nationaux, de 60 % des journaux, et, en tout ou partie, les six chaînes de télévision nationales[2]. Selon Reporters sans frontières, les médias russes sont globalement sous contrôle de l'État et subissent l'auto-censure[3], même si le développement d'internet a permis l'apparition de sites d'information indépendants. Avec le début de l'invasion de l'Ukraine par la Russie, le 24 février 2022, dans le cadre de la guerre russo-ukrainienne débutée en 2014, la censure pesant sur les médias se renforce brutalement.

Histoire modifier

L'histoire des médias en Russie est caractérisée par sa diversification depuis la création de l'imprimerie.

Après la révolution bolchevique d'octobre 1917, les principaux titres de presse sont nationalisés et des organes de censure liés au Parti communiste d'Union soviétique contrôlent les contenus médiatiques avant publication.

Tout au long du vingtième siècle, la modernisation technique de l'URSS est accompagnée d'un développement de la radio puis de la télévision sur l'ensemble du territoire soviétique. Les contenus audiovisuels sont placés sous le contrôle des organes de censure.

Avec la chute de l'Union soviétique et l'avènement d'une économie de marché, la censure est abolie[4]. Les médias (télévision, radio et presse écrite) sont privatisés et doivent sécuriser leurs abonnements et leurs revenus publicitaires, ainsi que gagner la confiance des lecteurs[5].

En 2000, l'élection de Vladimir Poutine à la présidence de la fédération de Russie s'accompagne d'une reprise en main des médias[6],[7], notamment des principales chaînes de télévision.

Dans les années 2000, le développement progressif d'internet permet l'apparition de médias en ligne comme lenta.ru ou gazeta.ru.

À partir de 2016, un actionnaire étranger ou ayant la double nationalité ne peut plus détenir plus de 20 % d'un média russe[8].

La presse modifier

La Russie a un très large éventail de journaux, plus de 400 publications par jour, pour chaque champ. Toutefois, la consommation de journaux est en déclin. Seulement 7 % des Russes lisent les journaux[3]. Avec le développement d'internet en Russie, les principaux titres de la presse écrite publient leurs contenus en ligne. La ligne éditoriale des différents médias est difficile à caractériser dans un contexte où la structuration politique "gauche/droite" n'est pas adaptée. Les experts des médias russes opposent généralement les médias loyaux et les médias critiques[9].

Télévision modifier

Après l'élection de V. Poutine à la présidence de la fédération de Russie en 2000, les principales chaînes de télévision sont reprises en main. La chaîne NTV, qui portait une ligne éditoriale indépendante, est placée sous le contrôle de proches du chef de l'Etat[11]. La télévision constitue la principale source d'information à l'échelle du pays, notamment pour les citoyens les plus âgés[12]. Ses contenus politiques sont fortement encadrés, voire ouvertement propagandistes. Les programmes culturels ou de divertissement contribuent à la popularité de ces chaînes.

Chaînes d'État modifier

Chaînes privées modifier

Chaînes satellitaires modifier

Chaînes ayant cessé d'émettre modifier

Radio modifier

Internet modifier

À partir des années 2000, le développement d'internet en Russie permet la diversification de l'espace médiatique et l'apparition de très nombreux médias en ligne. Ces médias disposent initialement d'une forte indépendance éditoriale, travaillant hors du contrôle des institutions publiques. Lors des manifestations contre la fraude électorale en Russie, en 2011/2012, ces médias s'illustrent par leur couverture des protestations. À partir de cette période, les contraintes institutionnelles sur les médias se renforcent, par l'intermédiaire de Roskomnadzor[13], l'agence de surveillance des communications en Russie. En 2014, dans le contexte de l'annexion de la Crimée, plusieurs médias sont bloqués en Russie : grani.ru, ej.ru et kasparov.ru[14]. Des licenciements de journalistes dans les rédactions conduisent à l'infléchissement de leur ligne éditoriale en faveur des positions gouvernementales[15]. Par exemple, la rédactrice en chef du site lenta.ru est licenciée et remplacée par un confrère favorable au pouvoir en 2014[16]. Les contraintes sur les médias en ligne se renforcent tout au long de la décennie. De nombreux médias en ligne indépendants sont inscrits sur le registre des médias "agents de l'étranger" en 2020-2021, à l'exemple de la télévision en ligne Dozhd'[17].

Censure militaire modifier

À la suite de l'invasion militaire russe en Ukraine le 24 février 2022, la censure pesant sur les médias russes se renforce brutalement. Plusieurs mesures s'appliquant aux médias ainsi qu'aux réseaux sociaux sont prises :

  • Le 3 mars 2022, sur décision de Roskomnadzor, l'organe russe de surveillance des communications, les sites de la télévision Dozhd' et de la radio Ekho de Moscou sont bloqués[19]. La radio Ekho de Moscou met fin à ses activités sur les ondes et en ligne[20].
  • Le 4 mars 2022, la Douma d'Etat adopte une loi sur les « fausses nouvelles militaires » qui punit d'amendes ou de peines allant jusqu'à 15 ans d'emprisonnement toute publication d'information non officielle portant sur les forces armées russes ou sur l'« opération militaire spéciale » en Ukraine (la terminologie officielle pour désigner le conflit). Il est également interdit d'employer les mots « guerre » et « invasion » pour qualifier ce conflit [21],[22].
  • Le 4 mars 2022, un amendement est adopté afin d'interdire les « appels à imposer des sanctions à la Russie »[23].
  • Le 4 mars 2022, l'édition locale de la BBC, de la Deutsche Welle ainsi que le site indépendant Meduza et Radio Svoboda (filiale de Radio Free Europe) se sont vus restreindre leur possibilité de toucher le public russe[24].
  • Le 21 mars 2022, les réseaux sociaux Facebook et Instagram sont officiellement interdits par une décision de justice estimant qu'ils mènent des activités « extrémistes ». Ces deux réseaux, ainsi que Twitter étaient à ce moment déjà inaccessibles[25]. Cette décision intervient après la décision du groupe Meta de faire preuve d'indulgence dans la modération des messages de haine envers les Russes[26].
  • De nombreux journalistes et médias sont enregistrés par le ministère russe de la Justice sur le registre des médias « agents de l'étranger » (en vigueur depuis 2017)[27].
  • Le régulateur des médias Roskomnadzor a par ailleurs bloqué Facebook et restreint l'accès à Twitter.
  • L'édition locale de la BBC, de la Deutsche Welle ainsi que le site indépendant Meduza et Radio Svoboda (filiale de Radio Free Europe) se sont vus restreindre leur possibilité de toucher le public russe.
  • À partir du , Google News n'est plus accessible en Russie après une décision de Roskomnadzor, devenant le premier service de Google à ne plus être disponible en Russie[28].

À la suite de l'adoption de la loi sur les « fausses nouvelles militaires », le journal Novaya Gazeta supprime des contenus pour se mettre en conformité avec la loi mais veut continuer à travailler. Cependant, le 22 mars, le journal met fin à ses activités, après avoir reçu un deuxième avertissement de Roskomnadzor[29]. Les journaux indépendants Novaïa Gazeta et The Bell (ru) ont décidé de ne pas couvrir le conflit ukrainien. Jugeant la pression extérieure devenue trop importante, le dernier média indépendant russe Novaya Gazeta a décidé lundi 28 mars 2022 de suspendre sa publication en ligne jusqu'à la fin de l'opération militaire en Ukraine[30]. Les mesures de censure s'appliquant aussi aux médias étrangers, de nombreuses rédactions occidentales qui emploient sur place des équipes ont suspendu leur couverture locale le temps d'évaluer le risque inhérent à la nouvelle réglementation.

L'irruption sur le plateau de Channel One de Marina Ovsiannikova le 15 mars 2022 avec une pancarte "No War" a entrainé dès le lendemain une nouvelle vague de blocages d'au moins 15 médias par le régulateur des médias et télécoms Roskomnadzor. Parmi les médias bloqués on peut citer la BBC, le site d'investigation Bellingcat, des médias russes locaux (Kavkazkï Ouzel, Perm Daily), des médias russophones présents en Ukraine, en Estonie (Postimees) ou en Israël (9 TV Channel Israel et Vesty Israel)[31].

Liens externes modifier

  • Russian Media Index SMI20, une revue quantitative mensuelle de la couverture par la presse russophone des personnalités publiques russes et internationales.

Notes et références modifier

  1. European Journalism Centre: Media Landscape - Russia
  2. Freedom House: Freedom of Press 2009
  3. a et b Deutsche Welle: Critical reporting? No thanks - Russian media under state and self-censorship (3 May 2010)
  4. Nora Buhks, « LA GLASNOST ET LES MOYENS D'INFORMATION DE MASSE SOVIÉTIQUES », Revue des études slaves, vol. 62, no 3,‎ , p. 551–553 (ISSN 0080-2557, lire en ligne, consulté le )
  5. Ginger Rosenkrans, "Since the end of the state-run press: Evolution of Russian newspapers from Perestroika to 1998." Journal of Government Information 28.5 (2001): 549-560.
  6. Scott Gehlbach, "Reflections on Putin and the Media." Post-Soviet Affairs 26#1 (2010): 77-87
  7. Orttung and Walker, "Putin and Russia’s crippled media." p 2
  8. Etienne Bouche, « Sputnik : Poutine en orbite », sur Libération (consulté le )
  9. « Russie : la parole officielle s’adapte aux nouveaux formats », sur La Revue des Médias (consulté le )
  10. « Kommersant : un quotidien à l'occidentale dans la Russie postsoviétique », sur La Revue des Médias (consulté le )
  11. « Affaire NTV : l’opposition à Poutine privée - de sa principale tribune », sur L'Orient-Le Jour, (consulté le )
  12. « En Russie, la consommation des médias symbole des contradictions », sur La Revue des Médias (consulté le )
  13. Lucien Jacques, « «Роскомнадзор», le gendarme russe d’Internet », sur Libération (consulté le )
  14. « Tour de vis sur le net russe en pleine crise ukrainienne », Le Matin,‎ (ISSN 1018-3736, lire en ligne, consulté le )
  15. Ivan Chupin et Franoise Daucé, « Termination of Journalists’ Employment in Russia: Political Conflicts and Ordinary Negotiation Procedures in Newsrooms », Laboratorium. Russian Review of Social Research, vol. 9, no 2,‎ , p. 39–58 (ISSN 2076-8214 et 2078-1938, DOI 10.25285/2078-1938-2017-9-2-39-58, lire en ligne, consulté le )
  16. « Lenta.ru - Moscou », sur Courrier international (consulté le )
  17. « Russie. Le Kremlin désigne Dojd TV comme « agent de l’étranger » dans une nouvelle attaque contre la liberté de la presse », sur Amnesty International, (consulté le )
  18. (en) « Europe balkanique, centrale et orientale », sur bulac.fr via Wikiwix (consulté le ).
  19. « Guerre en Ukraine : les médias d'opposition russes Dojd et Echo de Moscou cessent leur activité après leur blocage par le Kremlin », sur Franceinfo, (consulté le )
  20. « Médias indépendants en Russie : "On essaie de nous débrancher" », sur France Culture, (consulté le )
  21. « Федеральный закон от 04.03.2022 № 32-ФЗ ∙ Официальное опубликование правовых актов ∙ Официальный интернет-портал правовой информации », sur publication.pravo.gov.ru (consulté le )
  22. « Le Parlement russe resserre l'étau de son contrôle de l'information », sur Les Echos, (consulté le )
  23. « Guerre en Ukraine. La Russie renforce son arsenal législatif contre les “fake news” », sur Courrier international, (consulté le )
  24. « Russie : accès restreint aux médias BBC, Deutsche Welle, Meduza et Svoboda », sur Europe 1 (consulté le )
  25. « La Russie interdit Facebook et Instagram pour "extrémisme" », sur BFMTV (consulté le )
  26. « La Russie interdit Facebook et Instagram pour « extrémisme » »  , Le Monde, (consulté le )
  27. « Russie : des critiques influents classés "agents de l'étranger" par le pouvoir de Vladimir Poutine », sur www.rtl.fr (consulté le )
  28. « La Russie restreint l’accès à Google News »  , sur Le Monde,
  29. « « Novaya Gazeta », dernier bastion de la presse libre à Moscou, contraint à suspendre sa publication », sur Les Echos, (consulté le )
  30. Benjamin Quénelle, « « Novaya Gazeta », dernier bastion de la résistance anti- Poutine »  , Les Échos, (consulté le )
  31. « Blocage des médias en Russie : « le vocabulaire utilisé par les journalistes ne doit pas violer les recommandations officielles » »  , La Tribune, (consulté le )