Lucrèce Borgia (Hugo)

pièce de théâtre de Victor Hugo

Lucrèce Borgia
Scène de l'affront (Lucrèce Borgia, acte I, scène V), toile de Louis Boulanger, Paris, Maison de Victor Hugo, XIXe siècle.
Scène de l'affront
(Lucrèce Borgia, acte I, scène V),
toile de Louis Boulanger,
Paris, Maison de Victor Hugo, XIXe siècle.

Auteur Victor Hugo
Genre Drame romantique
Nb. d'actes 3
Date d'écriture juillet 1832
Musique de scène Alexandre Piccinni
Date de parution 1833
Date de création en français 2 février 1833
Lieu de création en français théâtre de la Porte-Saint-Martin
Rôle principal Mlle George
Adaptations
Lucrezia Borgia, Donizetti

Lucrèce Borgia est un drame en prose de Victor Hugo, représenté pour la première fois au théâtre de la Porte-Saint-Martin le , avec Mademoiselle George et Frédérick Lemaître dans les premiers rôles. Il est inspiré de l'histoire de Lucrèce Borgia, fille du pape Alexandre VI et sœur du prélat César Borgia, dont le patronyme est associé aux mœurs dissolues de la cour vaticane des XVe – XVIe siècles.

Lucrèce Borgia est conçue comme formant un ensemble avec Le roi s'amuse. Hugo cherche en effet à surprendre le public en donnant à la Comédie-Française et au théâtre de la Porte-Saint-Martin une pièce reprenant le genre auquel ce public est habitué dans chacun de ces théâtres, la tragédie pour la Comédie-Française, le mélodrame pour le théâtre de la Porte-Saint-Martin, pour le subvertir en y introduisant des éléments de l'autre genre. Ainsi Le roi s'amuse est une « tragédie grotesque », tandis que Lucrèce Borgia, aux apparences de mélodrame, est une « tragédie des Atrides » où le grotesque est atténué par rapport aux pièces précédentes[1].

La pièce est composée de 15 scènes sur 3 actes. Intitulée initialement Le Festin à Ferrare[2], elle a été écrite en , avec peut-être des retouches avant la représentation[3]. L’œuvre remporte un grand succès, au point que Donizetti en tire un opéra cette même année, Lucrezia Borgia, Felice Romani s'inspirant de la pièce pour le livret. Lors d'une lecture privée à ses connaissances[réf. nécessaire], le dramaturge rencontre pour la première fois Juliette Drouet.

Création modifier

 
Costume de Mlle George dans le rôle de Lucrèce Borgia.

La pièce est représentée au théâtre de la Porte-Saint-Martin le . Les rôles principaux sont tenus par Mademoiselle George (Lucrèce), Isidore Delafosse (Alphonse d'Este), Frédérick Lemaître (Gennaro), et Jean-Baptiste Provost (Gubetta), les rôles secondaires par Chéri (d'Orsini), Charles de Chilly (Liveretto), Monval (Gazella), Tournay (Petrucci), Auguste (Vitellozzo), Serres (Rustighello), Vissot (Astolfo) et Mlle Juliette (princesse Negroni). Le peintre Louis Boulanger est chargé des décors[4]. Hugo lui-même et Frédérick Lemaître s'occupent sans doute de la mise en scène. La musique de scène est due à Alexandre Piccinni[1].

Sources de Hugo modifier

Victor Hugo a utilisé comme sources de son drame l'Essai sur les mœurs de Voltaire, peut-être le Specimen historiae arcanae sive anecdotae de vita Alexandri VI, Papae seu excerpta ex diario Johannis Burchardi (l'abrégé des chroniques du Vatican, tenues entre 1488 et 1593 par Johann Burchard, secrétaire du pape Alexandre VI), les Mémoires pour servir à l'histoire de la vie de César Borgia, duc de Valentinois de Tommaso Tommasi (1608-1658), la Biographie universelle (1811) de Louis-Gabriel Michaud, l'Histoire des guerres d'Italie (1561) de François Guichardin et l'Histoire des républiques italiennes du Moyen Âge (1808) de Jean de Sismondi [5].

Personnages modifier

Lucrèce Borgia modifier

Personnage principal de la pièce, elle est montrée comme une femme cruelle et capable des crimes les plus épouvantables. Femme de Don Alphonse d'Este, ce qui fait d'elle la Duchesse de Ferrare. Elle est aussi la mère de Gennaro, enfant qu'elle a eu avec son frère Jean et qui ignore qui sont ses parents.

Gennaro modifier

Soldat et orphelin, brave et loyal, c’est un jeune homme qui, abandonné à sa naissance, ne connaît ni sa mère ni son père. (Fils de Lucrèce et Jean Borgia)

Les amis de Gennaro modifier

Gennaro a pour compagnons Jeppo Liveretto, Don Apostolo Gazella, Ascanio Petrucci, Oloferno Vitellozzo et Maffio Orsini. Il a sauvé la vie de ce dernier et tous deux se considèrent comme frères plutôt qu'amis. Ils travaillent comme soldats pour le Duché de Venise.

Don Alphonse d’Este modifier

Quatrième et dernier époux de Lucrèce Borgia dans la pièce, il est également le duc de Ferrare. Il semble d'abord soumis à Lucrèce mais veut se venger d'elle quand il s’imagine qu’elle le trompe avec Gennaro.

Rustighello modifier

Il est le bras droit, l’homme à tout faire et le garde du corps de Don Alphonse. Il est également le messager de ce dernier qui lui demande souvent de nombreux services.

Gubetta modifier

Il conseille et aide Lucrèce dans la conception et l'exécution de ses plans. Il est au service de Lucrèce Borgia depuis 15 ans. Il se fait passer pour un certain monsieur de Belverana (un riche espagnol) auprès de Gennaro et ses amis.

La Princesse Negroni modifier

Une princesse très charmante à laquelle est attaché Jeppo.

Astolfo modifier

Messager de Lucrèce Borgia.

Un huissier, des moines, seigneurs, pages, gardes. modifier

Résumé modifier

Acte I. Affront sur affront. modifier

Première partie modifier

L'action se déroule sur une terrasse du palais Barbarigo, à Venise, au clair de lune. Un groupe de jeunes nobles évoque les affaires de la famille Borgia, parmi lesquelles l'assassinat de Jean Borgia par son frère César, par amour pour leur sœur, Lucrèce. Gennaro, un des jeunes gens, qui ne sait pas qui était sa famille, ne s'intéresse pas à la conversation et s'endort. Entre Lucrèce, qui contemple le jeune homme endormi, avant de converser avec son lieutenant, Gubetta. On apprend qu'elle a suivi à Venise Gennaro, qu'elle aime, et qu'elle veut se transformer pour lui et devenir bonne. Elle ordonne la libération des hommes qu'elle a condamnés à mort. Mais deux hommes masqués ont surpris la conversation : convaincu de l'infidélité de Lucrèce, le premier décide de faire venir Gennaro à Ferrare pour se venger de lui. Gennaro s'éveille ; il converse avec Lucrèce et lui parle de sa mère, une femme dont il ne sait rien, mais qui le protège de loin et l'aime. Lucrèce lit la lettre de la mère de Gennaro (qu'elle connaît pour l'avoir écrite) : le spectateur comprend que Gennaro est son fils qu'elle suit de loin en loin. Reviennent alors les jeunes nobles du début de l'acte : ils dévoilent à Gennaro l'identité de Lucrèce et font la liste des hommes qu'elle a fait assassiner. Lucrèce tombe évanouie.

Deuxième partie modifier

L'action se déroule sur une place de Ferrare. Lucrèce Borgia fomente avec Gubetta un complot pour se venger des jeunes nobles qui l'ont humiliée devant Gennaro à l'acte I. Ceux-ci entrent en scène, un peu inquiets de se trouver à Ferrare après avoir ainsi insulté la duchesse (Lucrèce), mais décidés à aller dîner le soir même chez la princesse Negroni. Gennaro dit à tous la haine profonde que lui inspire Lucrèce ; pour le prouver, il mutile un panneau qui porte son nom, transformant "Borgia" en "orgia". Tout le monde sort ; les hommes du duc Don Alphonse d’Este (le mari de Lucrèce) viennent se saisir de Gennaro.

Acte II. Le couple. modifier

Première partie modifier

L'action se déroule dans une salle du palais ducal de Ferrare. Alphonse, le duc et époux de Lucrèce, envoie un de ses serviteurs (Rustighello) chercher du poison. Entre Lucrèce, outrée par l'affront commis contre son nom, et réclamant vengeance. Elle fait jurer à son mari que le coupable ne sortira pas vivant de la pièce ; il le promet et envoie chercher le prisonnier : c'est Gennaro, qui confesse son crime sans hésiter, au désespoir de Lucrèce. Restée seule avec le duc, elle tente de le fléchir ; mais celui-ci explique qu'il sait que Gennaro est son amant, et qu'il a décidé de le faire mourir. Lorsque le jeune homme revient, il lui fait verser du poison ; mais Lucrèce convainc Gennaro de boire le contre-poison et le sauve. Elle lui ordonne de fuir Ferrare au plus vite.

Deuxième partie modifier

L'action se déroule sur la place de Ferrare. Le duc Alphonse et Rustighello se tiennent en embuscade, prêts à assassiner Gennaro. Mais avant qu'ils aient pu mettre leur projet à exécution, entre Maffio, le frère d'armes de Gennaro. Il fait douter Gennaro de la nécessité de partir et le convainc de venir plutôt au souper de la princesse Negroni (auquel il n'a pas été convié). Entendant cela, le duc se réjouit.

Acte III. Ivres-morts modifier

L'action se déroule dans une salle du palais Negroni. Le groupe de jeunes nobles, y compris Maffio et Gennaro, est au dîner de la princesse. Ils ont bien mangé et bien bu. Maffio s'inquiète un peu de voir que Gubetta (qui se fait passer pour un seigneur espagnol et a réussi à devenir leur ami) ne touche pas au vin. Les femmes étant sorties, ils constatent que les portes du palais sont fermées. Soudain, elles s'ouvrent pour laisser passer une file de pénitents, qui précède l'entrée en scène de Lucrèce. Elle leur annonce qu'ils ont été empoisonnés, et n'ont pas une heure à vivre ; elle apporte avec elle cinq cercueils et des prêtres pour la confession. S'apercevant que Gennaro fait partie du groupe, elle fait sortir tout le monde. Elle l'implore pour qu'il boive le contre-poison ; il refuse. Il lui annonce qu'il va la tuer pour venger ses amis empoisonnés ; elle le supplie de ne pas le faire, et lui révèle qu'il est le fils de Jean Borgia (Gennaro en déduit donc qu'elle est sa tante). Il refuse de se laisser fléchir, et la frappe ; avec son dernier souffle, Lucrèce lui révèle la vérité :

Ah !.,. tu m'as tuée ! —Gennaro ! je suis ta mère!

Éditions modifier

Du vivant de Hugo :

Autres éditions :

  • Paul et Victor Glachant, Essai critique sur le théâtre de Victor Hugo, vol. 2, Les drames en prose, Hachette, 1903 [lire en ligne]Lucrèce Borgia, p. 63-94.
  • Victor Hugo, Ruy Blas. Lucrèce Borgia. Marie Tudor. Angelo, tyran de Padoue, Flammarion, coll. « GF », (ISBN 2-08-070324-2), édition de Raymond Pouilliart.
  • Victor Hugo, Lucrèce Borgia, Paris, Magnard, coll. « Classiques & Patrimoine », , 160 p. (ISBN 978-2-210-75103-3)

Mises en scène notables modifier

Références modifier

  1. a et b Ubersfeld 1993, p. 119 sq., 122 sqq.
  2. Ubersfeld 1973, p. 74.
  3. Raymond Pouilliart, dans Hugo 1979, p. 39.
  4. Raymond Pouilliart, dans Hugo 1979, p. 39-40.
  5. Raymond Pouilliart, dans Hugo 1979, p. 38-39.
  6. Antoine Vitez, « Victor Hugo et son théâtre, Antoine Vitez à la Sorbonne », Romantisme, no 69 « Procès d'écritures Hugo-Vittez »,‎ , p. 116-122 (lire en ligne).
  7. Florence Naugrette, « Vitez metteur en scène de Hugo », Romantisme, no 102 « Sur les scènes du XXe siècle »,‎ , p. 27-39 (lire en ligne).

Bibliographie modifier

  • Charles Mazouer, « Le tragique dans Le roi s'amuse et Lucrèce Borgia », Revue française d'histoire du livre, nos 58-59,‎ , p. 237-256.
  • Annie Ubersfeld, « D'un Commandeur à l'autre ou la Chanson de Gubetta », Littérature, no 9,‎ , p. 74-85 (lire en ligne).
  • Anne Ubersfeld, Le Roi et le bouffon : étude sur le théâtre de Hugo de 1830 à 1839, Paris, José Corti, , 686 p. (présentation en ligne)
    Réédition revue : Anne Ubersfeld, Le Roi et le bouffon : étude sur le théâtre de Hugo de 1830 à 1839, Paris, José Corti, coll. « Les essais », , 851 p. (ISBN 2-7143-0761-2).
  • Anne Ubersfeld, Le drame romantique, Paris, Belin, coll. « Belin sup : lettres », , 191 p. (ISBN 2-7011-1435-7).

Voir aussi modifier

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