Lola Prusac

costumière, styliste et joaillière, d'origine polonaise
Lola Prusac
Fonction
Styliste de mode
à partir de
Biographie
Naissance
Décès
Nom dans la langue maternelle
Leontyna PrussakVoir et modifier les données sur Wikidata
Nationalité
Activités
Fratrie
Sala Prusak (d)Voir et modifier les données sur Wikidata
Parentèle
Jean Paulhan (beau-frère)
Paul Boyer (oncle)
Léon Brillouin (beau-frère)Voir et modifier les données sur Wikidata
Autres informations
A travaillé pour
Hermès (-)Voir et modifier les données sur Wikidata
Membre de
Chambre syndicale de la haute couture (d) ()Voir et modifier les données sur Wikidata
Distinctions
Marque ou logotype

Lola Prusac, née Leontyna Prussak à Łódź (Royaume du Congrès, Empire russe) le et morte à Paris 8e le , est une créatrice de mode française qui, après avoir travaillé pour Hermès de 1926 à 1935, fonde à Paris en 1935 une maison de couture qui porte son nom, qu'elle dirige jusqu'en 1980[1].

Origines et famille modifier

Le père de Leontyna Prussak, Maurice Prussak, appartient à la troisième génération de grands industriels tisserands installés à Łódź, dans la partie de la Pologne occupée par la Russie. Łódź était surnommé le « Manchester de l'Europe centrale »[2] ; laine et coton y étaient filés, tissés et teints pour tout l'Empire russe. Une dizaine de grandes familles s'y partageaient cette activité. Les usines Prussak employaient jusque 10 000 ouvriers.

Lola Prusac est la cadette de trois sœurs. Ses sœurs Saloméa (°1884) et Stéphanie (°1886)[2] viennent vivre à Paris avant la Première Guerre mondiale. Elle les y rejoint et habite une pension du quartier du Montparnasse avec sa sœur aînée, libraire. Elle s'inscrit à la Sorbonne et à l'École du Louvre[3]. Elle épouse le le professeur de physiologie comparée à la faculté des Sciences Robert Lévy[4], dont elle divorce en [5], sans enfant. En 1926, elle est embauchée par Hermès pour créer la première collection féminine. Elle y travaille une dizaine d'années avant d'ouvrir sa propre marque en 1936. Sa maison de couture se trouve au 93 rue du Faubourg Saint-Honoré à Paris[1]. Elle organise ses premiers défilés à partir de la fin des années 1940. Elle sort son premier parfum en 1958[1].

Elle reçoit en 1978 l'aiguille d'or, une récompense pour les créateurs et créatrices de modes talentueux[1]. Elle se retire après 1980, année au cours de laquelle Madame Grès lui remet ses insignes de chevalier de la Légion d'honneur.

Elle décède le à son domicile 35, avenue Matignon[6].

Ses débuts chez Hermès modifier

Par relations, elle se fait présenter à Émile Hermès, qui va l'engager. Lola Prusac est alors modéliste. Ses premières créations sont des pull-overs. « Lola Prusac, polonaise d'origine, très influencée par l'art folklorique de son pays, avait un sens de l'harmonie des couleurs absolument extraordinaire. Ses pull-overs eurent un succès aussi grand qu'immédiat »[7].

Elle va ensuite créer des collections de tenues de plage et maillots de bain ; puis des tenues de sport d'hiver et de campagne. Elle fut « une des premières à avoir proposé du sportswear aux élégantes sportives »[8]. Selon le témoignage de Jean René Guerrand, son responsable et le gendre d'Émile Hermès : « Lola Prusac, notre modéliste, dessinait des maillots de bain imprimés et eut l'idée de créer des écharpes assorties. En cherchant des motifs, elle découvrit deux planches représentant les hémisphères qu'elle fit imprimer et nomma Zodiac[9]. Ce n'étaient pas des carrés proprement dit mais l'esprit y était et l'« Omnibus des dames blanches », le premier carré d'Hermès, ne tarda pas à voir le jour »[10].

Au début des années 1930, elle voit à Montparnasse les plus récentes œuvres de Mondrian et convainc Émile Hermès de faire fabriquer une ligne de sacs et bagages directement inspirés des œuvres de ce peintre avec des incrustations de cuir rouge, bleu et jaune. « C'est ainsi qu'apparurent dans nos vitrines des valises et des sacs à incrustations géométriques qui étaient du pur Mondrian »[11].

La directrice artistique chez Hermès Nadège Vanhee-Cybulski lui rend hommage en 2014[12] au même titre que Catherine de Károlyi.

Ses amis artistes modifier

Dès son arrivée à Paris, Lola Prusac se plaît dans le milieu des artistes de Montparnasse, là où elle vit. Sa sœur aînée tient une librairie artistique sur le boulevard du Montparnasse, face à la rue Boissonade. Elle va y rencontrer Robert Delaunay et sa jeune femme Sonia, venue d'Ukraine. Mais elle demeure éclectique dans ses relations : Modigliani, Dunoyer de Segonzac, la galériste Katia Granoff, et même l'écrivain Colette[3].

Ses créations pour Hermès se ressentent de toutes ses influences. « Monsieur Hermès nous encourageait beaucoup dans cette voie qui donnait une impulsion nouvelle à toute la maison »[11]. Toute sa vie, Lola Prusac est marquée par le surréalisme. Ses créations de bijoux vont s'en ressentir.

Indépendance modifier

Installation en 1935 modifier

En 1935, Lola Prusac quitte Hermès. Elle installe sa propre maison au 93, rue du Faubourg-Saint-Honoré. Les premières photos de ses collections font la part belle aux tricots et broderies. Elle va trouver une clientèle de femmes qui cherchent des vêtements commodes pour les voyages.

Après-guerre, la reconnaissance modifier

Dès 1948, elle présente ses collections deux fois par an[13]. Elle se spécialise dans les vêtements de type « sport-tricot »[14]. Pour cette raison, bien qu'elle en ait été membre depuis 1942, la chambre syndicale de la haute couture lui refuse en 1952 le statut « Couture-Création »[14]. Elle présentera néanmoins ses collections pendant les semaines de la couture parisienne[15],[16].

Clientes célèbres modifier

On compte parmi ses clientes célèbres[17] Ingrid Bergman et Lauren Bacall[18], la duchesse de Windsor pour ses tenues de week-end [19], Brigitte Bardot[20], Catherine Deneuve[21].

La comédienne Silvia Monfort est habillée par Lola Prusac, spécialement dans une pièce de Jean-Christian Grinevald en octobre 1976[22].

Parfums modifier

Un premier parfum a été créé et distribué en 1958. Dénommé « Sega », d'après le nom de l'oiseau de Noé dans la Bible, le flacon est en aluminium doré bouché de noir. Son second parfum est lancé en 1967 et dénommé « Gant de crin ». Il est présenté par la créatrice comme une « eau fraîche d'usage mixte »[23],[24].

Collections publiques modifier

En 2015, le musée de l'Histoire de l'immigration conçoit une exposition Fashion Mix, hommage aux créateurs immigrés qui ont marqué la mode : Lola Prusac y est présentée[25] aux côtés de la princesse Irène Youssoupoff au titre de la maison de mode Irfé active entre 1924 et 1931.

En avril 2022, le musée des arts décoratifs reçoit un don de la famille Paulhan de vêtements réalisés par la créatrice[26].

Notes et références modifier

  1. a b c et d « Lola Prusac », sur Lola Prusac (consulté le )
  2. a et b Saloméa, dite Sala, Prusak, première épouse de Jean Paulhan et libraire.
  3. a et b Magazine mensuel Jardin des modes, Paris, no 172, septembre 1993.
  4. Base Léonore, dossier LH de Robert Levy.
  5. Christophe Charle et Eva Telkès, Lévy (Robert) : Charle Christophe, Telkès Eva. Les Professeurs de la faculté des sciences de Paris, 1901-1939. Dictionnaire biographique (1901-1939), Paris, Institut national de recherche pédagogique, coll. « Histoire biographique de l'enseignement », (lire en ligne), p. 184-186.
  6. État civil de Paris, 1985.
  7. Jean René Guerrand Souvenirs cousus sellier : un demi-siècle chez Hermès, Paris, Éditions Olivier Orban, 1987, p. 58.
  8. Marie-Dominique Lelièvre, « En mode minimaliste », Libération,‎ (lire en ligne)
  9. Foulards Hermès chez Cornette de Saint-Cyr, pointdevue, 8 novembre 2021.
  10. Jean René Guerrand Souvenirs …, op. cit., p. 131.
  11. a et b Jean René Guerrand, Souvenirs cousus sellier : un demi-siècle chez Hermès, éditions Olivier Orban, Paris, 1987.
  12. Nadège Vanhee-Cybulski la discrète, issuu.com.
  13. Jardin des modes, Paris, no 343 et 347.
  14. a et b (en) Alexandra Palmer, Couture & commerce: the transatlantic fashion trade in the 1950s, UBC Press, (ISBN 978-0-7748-0826-2, lire en ligne), p. 316
  15. Les calendriers des collections de la Chambre syndicale de la couture parisienne de 1958 à 1980.[source insuffisante]
  16. (en) François Boucher, 20,000 years of fashion: the history of costume and personal adornment, H. N. Abrams, (ISBN 9780810916937, présentation en ligne), p. 438
  17. Polish Pioneer at Hermès, designer to the Stars, sur polishfashionstories.com, 17 décembre 2016.
  18. Marie-Claire, janvier 1959.[source insuffisante]
  19. Point de vue, février 1961.[source insuffisante]
  20. Elle, no 1146 du 7 décembre 1967.
  21. Elle, no 1157 du 27 février 1968.
  22. Spectacle: Irène ou La résurrection, sur data.bnf.fr.
  23. Lola Prusac (Perfumes) 1967 "Gant de Crin", sur HPrints.
  24. L'Officiel de la couture, Paris, juin 1967.[source insuffisante]
  25. Fashion Mix : l'immigration racontée par les créateurs de mode, franceinfo, juin 2015.
  26. Arrêté no 2 du 14 avril 2022 relatif à des dons pour le musée des Arts décoratifs, p. 105.

Voir aussi modifier

Bibliographie modifier

Liens externes modifier