Logarithme népérien

fonction mathématique

Le logarithme népérien, ou logarithme naturel, ou encore jusqu'au XXe siècle logarithme hyperbolique, transforme, comme les autres fonctions logarithmes, les produits en sommes. L'utilisation de telles fonctions permet de faciliter les calculs comprenant de nombreuses multiplications, divisions et élévations à des puissances rationnelles. Il est souvent noté ln().

Fonction logarithme népérien ou naturel
Courbe représentative de la fonction .
Notation
Réciproque
Dérivée
Primitives
Principales caractéristiques
Ensemble de définition
Ensemble image
Valeurs particulières
Limite en +∞
+∞
Particularités
Asymptotes
Zéros
1

Le logarithme naturel ou népérien est dit de base e car ln(e) = 1.

Le logarithme népérien d'un nombre x peut également être défini comme la puissance à laquelle il faut élever e pour obtenir x. La fonction logarithme népérien est donc la bijection réciproque de la fonction exponentielle. C'est également la primitive définie sur les réels strictement positifs et qui s'annule en 1 de la fonction inverse x1/x.

Cette fonction fut notée l. ou l, dès le début du XVIIIe siècle[1], et jusque dans la première moitié du XIXe siècle[2], puis log.[3] ou log[4] dès la fin du XVIIIe siècle, puis Log pour la différencier de la fonction log (logarithme de base quelconque, ou plus particulièrement logarithme décimal)[5], ou encore logh (« logarithme hyperbolique »)[6], avant que ne tente de s'imposer la notation préconisée par les normes AFNOR de 1961[7] et ISO 80000-2[8] : la notation ln. Avec un succès cependant très relatif : la notation log est encore aujourd'hui utilisée dans plusieurs branches des mathématiques, et tout particulièrement en théorie des nombres[9], ainsi que dans plusieurs langages de programmation, comme C, C++, SAS, R, MATLAB, Mathematica, Fortran, et BASIC.

Historique

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Table des logarithmes naturels de 0,01 à 100 avec cinq chiffres après la virgule.

Ce logarithme est appelé népérien, en hommage au mathématicien écossais John Napier qui établit les premières tables logarithmiques (lesquelles ne sont en fait pas des tables de logarithmes népériens[10]). On date en général l'origine des logarithmes népériens en 1647, lorsque Grégoire de Saint-Vincent travaille sur la quadrature de l'hyperbole et démontre que la fonction obtenue vérifie la propriété d'additivité des fonctions logarithmes. Saint-Vincent ne voit cependant pas de lien avec les logarithmes de Napier, et c'est son disciple Alphonse Antoine de Sarasa qui l'expliquera en 1649[11]. Le logarithme népérien s'est tout d'abord appelé « logarithme hyperbolique », en référence à l'aire sous l'hyperbole qu'il représente[12]. L'appelation « logarithme naturel », due à Pietro Mengoli en 1659[13], est reprise en 1668 dans une note de Nicolaus Mercator sur la série qui porte son nom[14]. Cette série, exploitée par Newton en 1671[15], permet de calculer assez simplement les valeurs du logarithme de Grégoire de Saint-Vincent[16]. Le calcul des autres logarithmes apparaît alors bien compliqué et, naturellement, celui de Grégoire de Saint-Vincent devient alors le logarithme le plus naturel.

 
Pour tout réel a > 0, ln(a) peut être défini comme l'aire du domaine délimité par la courbe représentative de la fonction x↦1/x, l'axe des abscisses et les droites d'abscisses 1 et a.

La fonction logarithme naturel comme primitive de la fonction inverse

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La fonction x1/x est continue sur ]0, +∞[. Elle admet donc des primitives dont une seule s'annule en 1. Cette primitive est appelée logarithme naturel et est donc définie par :

 
  • La fonction logarithme naturel est définie et dérivable (donc continue) sur ]0, +∞[ et pour tout réel x strictement positif,
     
  • Puisque cette dérivée est strictement positive, le logarithme naturel est strictement croissant.
  • Puisque cette dérivée est strictement décroissante, le logarithme naturel est strictement concave.
  • Les limites de la fonction aux bornes de son intervalle de définition sont :
     
    C'est donc une bijection de ]0, +∞[ sur ℝ.
  • Son nombre dérivé au point 1 (qui donne la pente de la tangente au graphe au point de coordonnées (1, 0)) est :
     

Propriétés algébriques

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Le logarithme naturel vérifie la même équation fonctionnelle que toute fonction logarithme. C'est une fonction continue vérifiant, pour tous réels x et y strictement positifs,

 

En effet, pour y > 0 fixé, la fonction x ↦ ln(xy) (définie sur ]0, +∞[) a la même dérivée que le logarithme naturel, donc en diffère d'une constante réelle k : ln(xy) = ln(x) + k, avec k = ln(y) puisque ln(1y) = ln(1) + k = k.

De cette propriété algébrique, on déduit les suivantes, pour tous réels a et b strictement positifs :

  •  
  •  

Puis par continuité

  •  

Le fait que toutes les fonctions logarithmes soient proportionnelles entre elles permet d'obtenir, pour tout réel a strictement positif, le logarithme de base a en fonction du logarithme népérien :

 

La fonction logarithme naturel comme réciproque de la fonction exponentielle

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L'étude de la fonction logarithme naturel a montré que c'est une bijection de ]0, +∞[ dans ℝ. Sa bijection réciproque, de ℝ dans ]0, +∞[, coïncide avec la fonction exponentielle, puisqu'elle est sa propre dérivée et prend la valeur 1 en 0. Ceci fournit une définition possible de la fonction exponentielle à partir du logarithme. Inversement, on aurait pu définir le logarithme comme la bijection réciproque de l'exponentielle et vérifier alors sa caractérisation ci-dessus.

Autrement dit :

 

ce qui se résume en :

 

et permet de résoudre des équations dans lesquelles l'inconnue apparaît en exposant.

Cette relation permet d'exprimer toutes les autres fonctions exponentielles de base un réel a strictement positif par (pour tout réel x) :

 

Cette définition coïncide évidemment avec celle de ar pour r rationnel.

Développement en série

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La fonction logarithme naturel et son approximation par les premiers termes de la série de Mercator.
 
La fonction logarithme naturel et son approximation par les premiers termes de la série
 

La fonction   n'admet pas de développement en série de Taylor, ni même de Laurent autour de  .

C'est Nicolaus Mercator qui a été le premier à proposer le développement en série entière de  ; le rayon de convergence de ce développement est 1. On a donc la série de Taylor :

 

(Voir aussi Fonction hypergéométrique#Cas particuliers.)

D'après la formule de Taylor-Lagrange[17] ou le théorème de convergence radiale d'Abel, ce développement est encore valide pour x = 1. On obtient ainsi la somme de la série harmonique alternée.

D'autre part, notons que Leonhard Euler a hardiment appliqué ce développement à x = –1[18]. Sans se soucier de la convergence, il montre que la série harmonique est le logarithme naturel de 1/1 – 1, c'est-à-dire de l'infini. Aujourd'hui on formalise cette remarque d'Euler par : « la série harmonique tronquée en N est proche du logarithme de N lorsque N est grand » ; plus précisément, les différences entre somme partielle de la série harmonique et logarithme naturel convergent vers la constante d'Euler-Mascheroni.

Pour obtenir une meilleure vitesse de convergence, on peut en déduire :

 

qui se réécrit :

 

Propriétés complémentaires

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Étude des limites

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Les limites suivantes permettent de déterminer les croissances comparées du logarithme naturel et d'une fonction puissance quelconque :

 

Dérivée logarithmique

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Pour toute fonction réelle dérivable u, la fonction composée ln∘|u| (définie en tout point où u ne s'annule pas) est dérivable, de dérivée

 

Cette dérivée s'appelle la dérivée logarithmique de la fonction u. Elle représente une variation instantanée relative. C'est donc une mesure utile tant en économie qu'en calcul d'erreur. Elle permet d'autre part un calcul plus simple de la dérivée de fonctions données sous forme de produits, quotients ou puissances.

Primitive

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En appliquant la formule d'intégration par parties au produit des fonctions   et  , on obtient :

 .

D'après le théorème fondamental de l'analyse, les primitives de   sont donc les fonctions de la forme

 ,

la plus simple étant la fonction  .

La fonction logarithme naturel comme fonction de la variable complexe

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La question de savoir s'il est possible de prolonger le logarithme naturel (c'est-à-dire de le définir sur un ensemble plus grand que ]0, +∞[) s'est posée dès la seconde moitié du XVIIe siècle avec les développements en série des fonctions. Le problème est qu'il n'existe aucune fonction univoque continue sur ℂ*, possédant la propriété algébrique des fonctions logarithmes et coïncidant sur ]0, +∞[ avec la fonction logarithme népérien réelle.

On peut cependant définir le logarithme d'un nombre négatif en posant, pour tout réel a strictement positif, ln(–a) = ln(a) + , mais la fonction ainsi définie n'a pas les propriétés algébriques de la fonction logarithme népérien réelle. On peut la rencontrer lorsqu'on travaille avec une calculatrice traitant les nombres complexes : si l'on étudie la fonction x ↦ |ln(x)|, la calculatrice peut être amenée à définir cette fonction sur ℝ* en interprétant la valeur absolue comme un module :

  pour a réel strictement positif.

Notes et références

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  1. Voir par exemple (la) Leonhard Euler, « Variae observationes circa series infinitas », Commentarii academiae scientarum Petropolitanae, vol. 9,‎ , p. 160-188 ; aussi dans Opera Omnia, Series Prima, Opera Mathematica, Volumen Quartum Decimum, Teubner, 1925.
  2. Voir par exemple Augustin Cauchy, Exercices d'analyse et de physique mathématique, vol. 3, p. 379, lire en ligne sur Google Livres.
  3. Voir par exemple Adrien-Marie Legendre, Essai sur la théorie des nombres, Paris, Duprat, an VI (1797 ou 1798).
  4. Voir par exemple (de) Edmund Landau, Handbuch der Lehre von der Verteilung der Primzahlen, Berlin, 1909 (2e éd. par Chelsea, New York, 1953).
  5. Voir les manuels scolaires en France jusqu'en 1972. Ou par exemple : Nikolaï Piskounov, Calcul différentiel et intégral, 5e éd., 1972, Éditions Mir, Moscou III.10 p. 91.
  6. Voir par exemple (en) L. B. W. Jolley, Summation of Series, 2e édition (révisée), Dover Publications, New York, 1961, lire en ligne.
  7. NF X 02-1 01 selon les tables numériques de J. Laborde, p. VI, 1976.
  8. ISO 80000-2:2009, Organisation internationale de normalisation.
  9. Voir par exemple cette note de (en) G. H. Hardy et E. M. Wright, An Introduction to the Theory of Numbers (1re éd. 1938) [détail des éditions] (6e éd., Oxford, 2008, 1.7) « log x is, of course the 'Napierian' logarithm of x, to base e. 'Common' logarithms have no mathematical interest. »
  10. A. Dahan-Dalmedico et J. Peiffer, Une histoire des mathématiques : Routes et dédales, [détail des éditions], p. 214.
  11. Jean-Pierre Le Goff, « De la méthode dite d'exhaustion - Grégoire de Saint Vincent », dans La démonstration mathématique dans l'histoire, IREM de Besançon.
  12. Simone Trompler, « L'histoire des logarithmes », ULB, , p. 11.
  13. (la) Mengoli, Geometriae speciosae Elementa. Références et liens collectés par (en) Jeff Miller, « Earliest Known Uses of Some of the Words of Mathematics — Natural logarithm ».
  14. (en) Mercator, « Some Illustration of the Logarithmotechnia », Philosophical Transactions, vol. 3, no 38,‎ , p. 759-764 (lire en ligne).
  15. Méthode de Newton pour le calcul des logarithmes naturels, La méthode des fluxions et des suites infinies sur Gallica, p. 102-105.
  16. Trompler 2002, p. 12.
  17. S. Balac et L. Chupin, Analyse et algèbre : cours de mathématiques de deuxième année avec exercices corrigés et illustrations avec Maple, PPUR, (lire en ligne), p. 56.
  18. (la) Leonhard Euler, Introductio in analysin infinitorum, tome 1, Bousquet, Lausanne, 1748, exemple 1, p. 228 ; aussi dans Opera Omnia, Series Prima, Opera Mathematica, vol. 8, Teubner, 1922.

Voir aussi

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Articles connexes

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Liens externes

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  • Notice dans un dictionnaire ou une encyclopédie généraliste  :

« Poser la modélisation comme question épistémologique pour l’introduction des propriétés des exponentielles dans les classes », conférence de Jean Dhombres : parties 1, 2 et 3

Une excellente vidéo en anglais expliquant l'origine des logarithmes naturels