Accident minier de Copiapó

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Accident minier de Copiapó
La mine de San José pendant les opérations de sauvetage.
La mine de San José pendant les opérations de sauvetage.

Type Accident minier
Pays Drapeau du Chili Chili
Localisation Mine de San José, désert d'Atacama, près de Copiapó (région d'Atacama)
Coordonnées 27° 09′ 37″ sud, 70° 29′ 48″ ouest
Date -
(2 mois et 8 jours)
Participant(s) 33 mineurs
Bilan
Morts 0

Géolocalisation sur la carte : Chili
(Voir situation sur carte : Chili)
Accident minier de Copiapó
Géolocalisation sur la carte : Amérique du Sud
(Voir situation sur carte : Amérique du Sud)
Accident minier de Copiapó

L’accident minier de Copiapó est un effondrement survenu le dans la mine de San José extrayant du cuivre et de l'or au nord de Copiapó au Chili, qui laisse 33 mineurs bloqués sous terre. Initialement considérés comme morts, ces derniers surnommés Los 33[1],[2] ont pu se mettre à l'abri dans un refuge de la mine et donner un signe de vie. Les opérations de sauvetage qui ont duré deux mois et 10 jours ont un très fort retentissement national et international. Leur remontée à la surface, un à un, le , après 69 jours sous terre, en présence du Président du Chili Sebastián Piñera, est diffusée en direct par plusieurs télévisions à travers le monde.

Histoire modifier

 
Schéma explicatif

Les mineurs, pris au piège à 688 mètres de profondeur et à environ 5 km de l'entrée de la mine, se sont installés dans un refuge de sécurité. La mine a des précédents d'instabilité qui a conduit à des accidents, dont un décès.

Bien que les autorités aient peu d'espoir de les retrouver vivants, elles poursuivent néanmoins les recherches en envoyant plusieurs sondes par les puits d'aération. Plusieurs jours après l'accident, une sonde équipée d'une micro-caméra vidéo a pu localiser les mineurs vivants. Un projet de creusement d'un forage de 66 cm de diamètre et de plus de 688 m de profondeur a mis plus de deux mois pour les sortir. Des vivres, des messages de leurs familles — rassemblées à proximité, dans un campement vite baptisé « Esperanza » (« Espoir ») — et des divertissements (en raison des signes de dépression) leur sont transmis en attendant leur délivrance tandis que la NASA sert de conseiller[3].

Les mineurs ont contribué eux-mêmes à leur sauvetage en évacuant la masse énorme de débris de forage qui s'est écoulée par le bas du forage pilote. Une masse de débris de l'ordre de 750 à 1 500 tonnes en fonction du diamètre du forage réalisé (de 70 cm à 1 m de diamètre) a été déblayée en continu par les mineurs organisés en plusieurs équipes. Ils ont pu survivre en buvant l'eau, pourtant très sale et donc non potable, qui leur sert à travailler.

Le plan de sauvetage est conçu par des ingénieurs de l'entreprise de l'État chilien Codelco[4],[5],[6] dirigés par l'ingénieur André Sougarret[7],[8], avec l'aide de l'entreprise texane Drillers Supply International et le forage du puits de secours effectué par Center Rock, une entreprise du comté de Somerset (Pennsylvanie)[9], est terminé le [10]. Il a fallu 33 jours de forage pour atteindre les 33 mineurs[11]. Le premier mineur, Florencio Avalos, est remonté à la surface grâce à une étroite capsule, semblable à une Dahlbusch Bomb (en), baptisée Fenix 2 (Phénix en français, par allusion à la « renaissance » des mineurs extraits de la mine) le mercredi , vers h 12[12], heure locale, après 69 jours passés coupés du monde à près de 700 mètres sous terre. Le 33e et dernier mineur, Luis Urzúa, rejoint finalement la surface à 21 h 55, heure locale. La capsule Fenix 2 fut principalement réalisée en métal déployé[13].

L’opération nommée San Lorenzo (saint patron des mineurs) a coûté approximativement 14 millions d’euros.

D'après l’historien Franck Gaudichaud, le drame a été instrumentalisé par les médias chiliens à des fins de propagande politique : « tout fut fait pour transformer l’élan de solidarité en un consensus politique : "tous unis" derrière le président Piñera. » La popularité du président a progressé de 10 points pendant ces événements[14].

À la suite de ce drame, le Président chilien annonce une réforme de la législation du travail qui sera effective en [15].

Isolement modifier

Durant leur blocage au sein de la mine, les mineurs chiliens et boliviens ont pu bénéficier de la télévision avec laquelle ils ont pu suivre les matchs de l'équipe nationale de football du Chili. Les mineurs ont aussi pu communiquer avec leur famille à l'aide d'un câble téléphonique. Des images vidéo des mineurs ont été tournées durant tout leur blocage. Les mineurs ont dû rationner leurs maigres denrées alimentaires et ont souffert d’une chaleur étouffante[14]. Les spécialistes en santé mentale ont constaté que la mise en place d'une hiérarchie et d'une routine quotidienne avait été un facteur important de la survie des 33 mineurs chiliens, compte tenu de l'incertitude, de l'isolement, et de l'obscurité auxquels ils étaient soumis[16]. L'un des survivants, Alex Vega, dit au contraire que la hiérarchie a été immédiatement abandonnée et que les 33 ont adopté un fonctionnement démocratique[17].

Ordre du sauvetage modifier

 
Fénix 2.

L'ordre de sauvetage a été déterminé en fonction des caractéristiques individuelles : en premier les plus habiles (en cas de problème lors de la remontée), puis les plus faibles, et enfin les plus robustes.

Mineur Âge[18] Heure du sauvetage (heure locale) Durée du sauvetage
1. Florencio Ávalos 31 00:11 0:51
2. Mario Sepúlveda 40 01:10 1:00
3. Juan Illanes 52 02:07 0:57
4. Carlos Mamani 23 03:11 1:04
5. Jimmy Sánchez 19 04:11 1:00
6. Osmán Araya 30 05:35 1:24
7. José Ojeda 46 06:22 0:47
8. Claudio Yáñez 34 07:04 0:42
9. Mario Gómez 64 08:00 0:56
10. Alex Vega 31 08:53 0:53
11. Jorge Galleguillos 56 09:31 0:38
12. Edison Peña 34 10:13 0:42
13. Carlos Barrios 27 10:55 0:42
14. Víctor Zamora 33 11:32 0:37
15. Víctor Segovia 48 12:08 0:36
16. Daniel Herrera 27 12:50 0:42
17. Omar Reygadas 56 13:39 0:49
18. Esteban Rojas 44 14:49 1:10
19. Pablo Rojas 45 15:28 0:39
20. Darío Segovia 48 15:59 0:31
21. Yonni Barrios 50 16:31 0:32
22. Samuel Ávalos 43 17:04 0:33
23. Carlos Bugueño 27 17:33 0:29
24. José Henríquez 54 17:59 0:26
25. Renán Ávalos 29 18:24 0:25
26. Claudio Acuña 44 18:51 0:27
27. Franklin Lobos 53 19:18 0:27
28. Richard Villarroel 27 19:45 0:27
29. Juan Carlos Aguilar 49 20:13 0:28
30. Raúl Bustos 40 20:37 0:24
31. Pedro Cortez 26 21:02 0:25
32. Ariel Ticona Yáñes 29 21:30 0:28
33. Luis Urzúa 54 21:55 0:25
Sauveteurs Heure de descente (CLDT) Heure d'extraction (CLDT) Temps passé dans la mine Durée de la remontée
1. Manuel González[19] 23:18 00:32 25:14 0:27
2. Roberto Ríos[20] 00:16 00:05 23:49 0:23
3. Patricio Robledo[20] 01:18 23:42 22:24 0:25
4. Jorge Bustamante[20] 10:22 23:17 12:55 0:24
5. Patricio Sepúlveda[20] 12:14 22:53 10:39 0:23
6. Pedro Rivero[20] , après 14:05 22:30 Jusqu'à 8:25 0:35

Enquête sur l'origine de l'éboulement modifier

En marge des enquêtes sur l'éboulement du , le député Carlos Vilches de l'Union démocrate indépendante a rapporté des détails accablants, confirmés par des mineurs, sur des problèmes de sécurité à l'intérieur de la mine San José que la direction aurait ignorés. En outre, trois heures avant l'éboulement, les mineurs ont signalé des bruits importants résonnant dans la mine et ont demandé à sortir, mais la direction de la mine le leur a interdit[21],[22].

Les mineurs en garderont une colère envers l'État chilien qui avait autorisé l'exploitation de la mine, malgré les risques qu'elle présentait[23].

La Confédération minière du Chili a rappelé que le Chili n'était pas signataire de la convention 176 de l’organisation internationale du travail (OIT) sur la sécurité et la santé dans les mines. Elle dénonce surtout une législation du travail en partie héritée de la dictature de Pinochet, restreignant par exemple le droit de grève.

La mine est détenue par la compagnie minière San Estaban, laquelle appartient à Alejandro Bohn (60 % du capital) et Marcelo Kemeny (40 %). D'après les témoignages de mineurs, l'entreprise cherchait constamment à augmenter la productivité de ses employés, notamment à travers le recours quasi-systématique aux heures supplémentaires (jusqu’à douze heures par jour), et se préoccupait peu de leur sécurité. Ainsi, lors de l'accident, les trente-trois mineurs ont découvert qu’aucune échelle n’avait été installée dans la cheminée de secours[14].

Postérité modifier

La cinéaste mexicaine Patricia Riggen a réalisé le long métrage américano-chilien Les 33 (2015), avec notamment Antonio Banderas, Cote de Pablo, Gabriel Byrne et Juliette Binoche. Le film revient sur le sauvetage des 33 mineurs.

Notes et références modifier

  1. « Les 33 » est un raccourci journalistique hispanophone pour désigner les 33 mineurs (32 Chiliens et un Bolivien) piégés sous terre.
  2. Les 33 mineurs sont également rapidement appelés « terranautes », allusion faite aux similitudes entre leur situation sous terre et le confinement que connaissent les astronautes dans les navettes et stations spatiales.
  3. (fr) La NASA prodigue ses conseils aux mineurs chiliens, Le Monde, 4 septembre 2010.
  4. (en) « Reviving Codelco », sur economist.com, The Economist, (consulté le ).
  5. (en) « Plucked from the bowels of the earth », sur economist.com, The Economist, (consulté le ).
  6. http://www.estrategia.cl/detalle_noticia.php?cod=33961.
  7. http://www.cbc.ca/world/story/2010/10/05/chile-mine-rescue.html.
  8. « diario.elmercurio.cl/2010/10/1… »(Archive.orgWikiwixArchive.isGoogleQue faire ?).
  9. (en) Pa. drill firm basking in glow of Chilean rescue, MSNBC, 13 octobre 2010.
  10. « La longue attente des mineurs chiliens touche à sa fin », L'Express,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  11. Le Parisien, « Sauvetage des mineurs chiliens : scènes de joie au moment de la jonction », Le Parisien,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  12. « Mission accomplie », sur canada.ca, Radio-Canada, (consulté le ).
  13. « Métal déployé », sur metaletire.fr.
  14. a b et c Franck Gaudichaud, « Au Chili, derrière l’euphorie médiatique, les hommes », sur Le Monde diplomatique, .
  15. (fr) Chili : Les mineurs retrouvent enfin le goût de la liberté, Aline Timbert, Actu Latino, 15 octobre 2010.
  16. http://m.letemps.ch/Page/Uuid/429e9bfa-aef3-11df-b4f4-1fce190f4cf1/Il_est_primordial_que_les_mineurs_gardent_un_espoir_de_sortie Interview avec Daniel Schechter, psychiatre et spécialiste en traumatisme à l'Université de Genève.
  17. (en) Terri A. Scandura, « Team leadership: The Chilean Mine Case », Management Faculty Articles and Papers.,‎ (lire en ligne).
  18. (en) Profiles of Chile's trapped miners BBC News, 7 octobre 2010.
  19. (en) Rescuer reaches trapped men in Chile mine Yahoo! News, 12 octobre 2010.
  20. a b c d et e (es) Minuto a minuto: Mineros arriban al hospital de Copiapó y "Fénix II" reinicia labores Emol Chile, 13 octobre 2010.
  21. « Chili: le culte des "33" grandit, la sécurité de la mine mise en cause », sur www.leparisien.fr, .
  22. « Les mineurs chiliens auraient demandé à sortir avant d'être pris au piège », sur www.lemonde.fr, .
  23. Fabrice Drouelle, « "Prisonniers de l'Atacama" : le sauvetage des mineurs chiliens », sur www.franceinter.fr, .

Voir aussi modifier

Sur les autres projets Wikimedia :

Bibliographie modifier

  • Hector Tobar, Les 33. La fureur de survivre, Place des Éditeurs, , 339 p. (lire en ligne)
  • (es) Jonathan Franklin, Los 33. El rescate que unió al mundo, Penguin Random House Grupo Editorial España, , 264 p. (lire en ligne)

Articles connexes modifier

Liens externes modifier